Ligature (typographie)

Ligature (typographie)
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Exemples de ligatures

Une ligature est la fusion de deux graphèmes dune écriture pour nen former quun seul nouveau, considéré ou non comme un caractère per se (à part entière). La ligature peut donner naissance à un digramme. Dans une écriture bicamérale, un digramme lié se distinguera dun digramme simple par la majusculisation : si les deux caractères doivent être en majuscule capitale et le reste en bas-de-casse, cest bien une ligature. Sinon, cest un digramme simple (par exemple : IJsselmeer en néerlandais mais Château en français).

La ligature est donc un des procédés possibles denrichissement du stock de graphèmes dune langue.

Il existe deux types principaux de ligatures :

  • les ligatures esthétiques, qui sont optionnelles et ne sutilisent que pour améliorer la lisibilité dun document typographié ;
  • les ligatures linguistiques, qui sont obligatoires.

Les ligatures sont parfois anciennes et peuvent tenir à la nécessité du gain de place sur un matériau (pierre, marbre, papyrus, parchemin, etc.) qui coûte cher. En Europe, les manuscrits médiévaux sont riches dabréviations de natures diverses, parmi lesquelles de nombreuses ligatures. Il serait cependant faux de ne voir dans la ligature quune question déconomie : certaines sont purement esthétiques et ne font gagner aucune place.

Il existe dautre part des caractères qui sont danciennes ligatures, esthétiques ou non, mais ne sont plus sentis comme tel :

  • Dans les anciens manuscrits, deux i consécutifs étaient, pour des raisons desthétique et de lisibilité, écrits ij. Le i ne nécessitant pas à lépoque de point suscrit, la ligature y pour ij simposa plus tard en typographie.
  • la ligature linguistique dite eszett, soit ß, provient dune ligature esthétique entre ſ et s, donc un s long suivi dun s rond (le s long étant une ancienne variante contextuelle de s) ou dun z. Utilisée dans plusieurs langues dEurope, elle ne se rencontre maintenant plus quen allemand ;
  • lesperluette, &, est à lorigine une ligature esthétique de et servant dabréviation. Elle est devenue un véritable logogramme, au même titre que les chiffres dits « arabes » : selon sa langue, on la lira et, y, and ou encore und ;
  • larobase, @, remonte à la graphie onciale de la préposition latine ad liée pour servir dabréviation[réfnécessaire].

Enfin, on nomme, improprement, ligatures le fait que les caractères dune écriture sadaptent selon leur place dans le mot. On préférera à ce terme celui de variante contextuelle, qui constitue un article séparé. De même, surtout dans les semi-syllabaires indiens, les consonnes se modifient selon quelles portent ou non une voyelle. Il semble plus pertinent de traiter ce sujet séparément, dans larticle lettre conjointe.

Sommaire

Ligatures esthétiques

Alphabet latin

Ligatures esthétiques latines

Nétant pas obligatoires, elles sont surtout utilisées dans la production de documents dabord manuscrits (elles sont fréquentes dans les manuscrits médiévaux, soit comme abréviations soit pour des raisons purement décoratives) puis imprimés, pour améliorer la lisibilité dun texte ou simplement lagrémenter.

Dans le premier cas, surtout en imprimerie, il sagit de réduire nombre de collisions inesthétiques entre certains caractères. Les plus courantes portent sur les lettres f et s long (variante contextuelle de s) suivis de i et l. Le point du i ou la hampe du l entrent en collision après le f ou le s long, à moins quon ne les espace. Du temps de limprimerie au plomb, les collisions entre ces caractères pouvaient dailleurs entraîner leur rupture (cest pourquoi on les appelle aussi ligatures techniques). En allemand, lutilisation des ligatures esthétiques se doit de respecter des contraintes morphologiques : en effet, les germanophones nutilisent les ligatures en f que si les deux lettres appartiennent au même radical du mot.

Des ligatures du type de ct ne sont pas liées à des problèmes de collision entre caractères : elles sont purement esthétiques et, sûrement, imitent la graphie manuscrite cursive.

De toutes ces ligatures, seule celle du s long suivi dun s rond a acquis le statut de graphème : cest le eszett (ß) allemand.

Enfin, dans les textes latins imprimés, on emploie volontiers, ce que ne faisaient pas les Romains de lAntiquité, les ligatures œ et æ. Leur utilisation ressortit surtout à la composition soignée.

La Fraktur allemande comprenait de nombreuses ligatures, surtout dans sa variante manuscrite, tracées dun seul mouvement, parmi lesquelles : ch, ck, st, ss / sz (tracées toutes deux ß) et tz.

Gaélique irlandais

Le gaélique irlandais, qui sécrit avec lalphabet latin, utilise «  » au lieu de « & ».

Alphabet arabe

Ligatures esthétiques arabes

Lalphabet arabe connaît des ligatures esthétiques. Celles-ci sont optionnelles et se rencontrent surtout dans des compositions soignées. Ces ligatures ne doivent pas être confondues avec les variantes contextuelles ou la ligature linguistique lâmalif, (voir plus bas) lesquelles sont toutes deux obligatoires. Voici ci-contre quelques ligatures possibles. Rappelons que larabe sécrit de droite à gauche ; dans le tableau, les ligatures concernent, dans lordre, les lettres lâm, mîm et nûn formant ligature avec un jîm. Pour des raisons de lisibilité, on a ajouté un mîm final, qui ne fait pas partie de la ligature.

Alphabet cyrillique

Lalphabet cyrillique a fait grand usage des ligatures. Ainsi, plusieurs voyelles se sont liées une mouillure précédente (notée ici і) : ю (historiquement іоу), ainsi que les lettres désuètes ѥе), ѩѧ), ѭѫ). Par contre, я nest pas une ligature, bien que le cyrillique ancien ait disposé dune ligature іа, introduite dans la version 5.1 dUnicode (). De même, il existe une ligature іѣ (Unicode ), extrêmement rare. Enfin, le cyrillique ancien possédait encore deux ligatures : ѿ (ѡт, abréviation pour ot) et ѹ (оу). Cette dernière est un calque du grec, qui notaità linstar du françaisle son [u] par le digraphe ου. Le cyrillique nayant pas de son [y], le digraphe sest soudé en ѹ, puis у surmontant un о, et enfin y. Dautres lettres utilisées dans les langues slaves sont danciennes ligatures : ы (ъі, à lépoque ь et ъ étaient parfois confondus), щ (шт), њ (нь), љ (ль). Il est à noter que les ligatures serbes љ et њ pourraient posséder trois casses, à linstar de leurs équivalents en alphabet latin lj, Lj, LJ et nj, Nj, NJ. Néanmoins leur codage informatique ne possède que deux casses. Dautres ligatures ont été introduites pour noter les langues non-slaves de Russie : ҥ (нг), ҵ (тц).

Alphabet grec

Article détaillé : Ligatures de l'alphabet grec.

Lalphabet grec possède un certain nombre de ligatures, lesquelles ne sont maintenant plus utilisées ou rarement.

La première que lon peut citer est un caractère similaire à lesperluette mais bien moins fréquent en grec imprimé que celle- ne lest dans lalphabet latin. Cest une ligature ancienne (ce qui est contesté par certains grammatologues) et dusage fréquent dans les textes papyrologiques et médiévaux pour la conjonction de coordination καὶ kaì, « et », soit ϗ (en image, le caractère étant rarement inclus dans les polices : Ligature grecque kai.png). La ligature est devenue un signe dabréviation au même titre que le & latin. La forme actuelle de labréviation remonte à sa variante hellénistique : au cours de siècles, elle en était venue à prendre des tracés très différents. Cette ligature nest quasiment pas utilisée dans limpression : elle ressortit surtout aux usages informels et manuscrits. Contrairement au « & » latin, « ϗ » dispose dune majuscule : « Ϗ ».

Les autres ligatures, demploi fréquent dans les textes médiévaux, sont généralement sorties des usages au cours du XVIIIe siècle, période à laquelle cet alphabet a acquis sa forme quasi définitive.

Alphabet arménien

Ligatures linguistiques

Bien différentes des premières, elles sont obligatoires et normalisées. De telles ligatures sont de deux natures différentes :

  • soit elles donnent naissance à un nouveau graphème et leur apparition nest pas prévisible ;
  • soit elles sont considérées comme une variante obligatoire, sont prévisibles mais ne donnent pas naissance à un nouveau graphème.

Ligatures comme graphèmes

Œ

Article détaillé : Œ.

Le français (qui semble être la seule langue à le faire) connaît une telle ligature, la lettre Œ / œ, dite « e dans lo ». Il nest pas possible de la considérer comme la réunion esthétique des deux lettres oe car son utilisation dépend entièrement de létymologie du mot et ne peut être considérée ni optionnelle ni systématique.

Il faut considérer séparément, pour des raisons historiques, deux types de mots contenant un œ :

  • les mots demprunt savants à orthographe étymologisante ;
  • les mots hérités anciens.
Dans les mots empruntés au latin

Il existe un assez grand nombre de mots empruntés principalement au latin et prenant un œ, quon ne peut prononcer que comme une voyelle unique, en loccurrence /e/ (de blé ; cela entraîne donc la prononciation /s/ de c). Cest bien un digramme, que lon doit opposer à la rencontre de o et e dans un mot comme coexistence. Voici quelques exemples de ces mots savants ou empruntés :

  • cœlacanthe /selakɑ̃t/ ;
  • œnologie /enɔlɔʒi/ ;
  • Œdipe /edip/ (rappelons que la ligature, en capitale, se trace Œ et non OE, ou Oe, ce qui confirme son statut de graphème unique) ;
  • fœtus /fetys/ (dans ce mot, cest une erreur car le mot latin ancien est fētus ; la graphie avec œ est postérieure au IIe siècle et sexplique par hypercorrection : en effet, à cette époque, œ et ē se prononçaient à lidentique), etc.

Dans une prononciation courante, certains mots sont prononcés avec /ø/ (de feu: cest le cas pour œnologie et Œdipe. Considérée fautive par certains, cette prononciation est alternativement proposée dans de nombreux dictionnaires. Elle est du reste très fréquente (œsophage est plus souvent entendu avec /ø/ que /e/).

Étymologiquement, ces mots remontent le plus souvent à la diphtongue latine œ, qui se prononçait /oe/ ou, plus probablement, /oj/. À partir du IIe siècle de notre ère, elle sest monophtonguée en /e/, ce dont attestent des termes comme économie, fétide ou peine, qui proviennent du latin œconomia, fœtidus et pœna. Le maintien dune graphie en œ prouve que les mots contenant la ligature sont des emprunts relativement récents ; leur orthographe est donc étymologisante. Pour lanecdote, la diphtongue latine œ peut, cest le cas dans œconomia, représenter la diphtongue grecque οι / oi dans des emprunts au grec : οἰκονομία / oikonomía.

La notation au moyen du digramme lié œ est ancienne : les typographes français, citant des mots latins, ont respecté lorthographe de lépoque, qui prévoyait la ligature. Du reste, les mots nétaient pas forcément sentis comme français. Aux premiers temps, œ nétait donc pas une lettre française.

Dans les mots hérités

Les mots quon dit hérités sont ceux qui constituent le fonds lexical proprement français provenant d'un état antérieur de la langue.

Il existait en moyen français nombre de mots se prononçant avec un /ø/ (dans feu). La notation de ce phonème était flottante depuis lépoque médiévale : eu, oe, oeu ou ue (euvre, oevre, œuvre, uevre pour lactuel œuvre). Lune des graphies retenues, et normalisée plus tard par lAcadémie française, a consisté à se servir de oeu, écrit parfois avec la ligature à limitation de la diphtongue latine œ. On trouve ainsi pour le même mot œuvre, au XVIe siècle (la distinction entre u et v nétait pas encore faite, les lettres étant senties comme des variantes contextuelles:

  • oeuure chez Étienne Dolet dans La maniere de bien traduire dune langue en aultre : daduantage de la punctuation de la langue Francoyse, plus des accents dycelle de 1540 ;
  • œuvre chez Thomas Sébillet dans son Art pöétique François pour linstruction dés ieunes studieus, & et encor peu avancéz en la Pöésie Françoise de 1548 ;
  • maiseuuvres chez Louise Labé dans lédition de ses œuvres de 1556 (remarquons tout de même que la typographie de cette édition laisse à désirer par un certain manque de cohérence ; on en voit dautres exemples dans cédille).

La graphie ne se fixe sur œu avec la ligature (et œi pour le mot œil) quau XVIIe siècle. Les mots concernés proviennent de mots latins qui contenaient un o (sororsœur, opusœuvre, oculusœil, bosbœuf, etc.). Pourtant, des mots comme peuple (latin populus) ou meuble (latin mobilis) nont pas été concernés et sont restés sur eu. On avance souvent comme argument justifiant le maintien de cette ligature dans lorthographe la volonté de garder la proximité entre mots issus dun même radical latin : ainsi, le œ de sœur rappelle le o de sororal, celui dœuvre le ou douvrier, ouvrage, ouvrable, tandis que bœuf reste lié à bouvier, cœur à cordial, mœurs à moral, vœu à vouer, œuf à ovaire, ove, oval, etc. Largument est spécieux en ce sens quon devrait dans ce cas écrire pœuple car populaire ou encore mœuble car mobilier, sœul car solitude, etc. On le voit : lutilisation de ce digramme est arbitraire et ne se justifie pas.

On avance aussi que la notation du phonème /œ/ au moyen de la ligature a permis déviter nombre dhomonymies fréquentes depuis le Moyen Âge jusquau XVIIe siècle : eu pouvait en effet se lire /y/ ou /œ/, comme dans seur, dont on distingue maintenant sœur de sûr  (pour le passage de eu à û, consulter Accent circonflexe en français). Cest encore une fois, du moins actuellement, un argument spécieux : les mots dans lesquels eu devait se lire /y/ ont tous, à l'exception des formes en eu du verbe avoir (participe passé eu(e)(s) et passé simple eus, eut, eûmes, eûtes, eurent), été réécrits en û ou u au XVIIIe siècle (ainsi veuvu, seursûr, etc.).

En conclusion, vu que œu et eu notent le même phonème et que la distinction entre les deux graphies est tout artificielle, il convient de reconnaître que tous deux sont des digrammes (ou des trigrammes si lon compte deux caractères pour œ), cest-à-dire des groupes de deux lettres servant à noter un unique phonème. On ne peut donc pas écrire oeu à la place d'œu dans les mots qui réclament la ligature car oe nest pas un digramme mais une suite de voyelles et lon ne peut jamais substituer œ à oe. Les deux graphies nont donc aucun rapport et doivent être différenciées.

Autres cas

Dans de rares mots demprunt à lallemand, œ français représente un ö (o umlaut). On prononce comme en allemand : lœss /løs/, rœsti /ʁøʃti/ ou /ʁøsti/ (rösti est aussi attesté). Lutilisation de la ligature ne se justifie pas : en effet, si le o umlaut allemand remonte bien à oe et sil est parfois encore écrit ainsi, il nest, dans les pays germanophones, jamais lié au e. Dailleurs, un mot comme foehn /føn/, emprunté à lallemand, nest pas proposé sous la graphie *fœhn par le Petit Robert (édition électronique de 2001), lequel écrit pourtant bien lœss et rœsti. Il y a un manque de cohérence patent.

Œ nest pas OE

Par opposition à ces mots en œ, il en existe dautres dans lesquels o et e se suivent naturellement et sont prononcés différemment : coexistence /koɛgzistɑ̃s/, moelleux /mwelø/, coercitif /koɛʁsitif/, etc.

En conclusion, il nest pas possible daffirmer que le digramme lié œ nest pas un graphème unique car son emploi nest pas prévisible. Pourtant, il na pas de place particulière dans le classement alphabétique : on le confond avec les mots en oe, à la manière des autres digrammes (ch, ge, gn, etc.).

  • À part dans de rares documents, les Romains nont pas utilisé la ligature œ pour noter leur diphtongue (on trouve quelques ligatures Œ en fin de ligne dans la quadrata). Lusage dune ligature sest développé, dabord sporadiquement, dans des textes médiévaux puis, plus souvent, dans des éditions postérieures de textes latins, sous linfluence de la prononciation monophtonguée ; en sorte, la ligature œ est déjà fréquente dans les éditions imprimées de textes latins ou pour les mots sentis comme latins avant quelle ne soit utilisée dans certains mots français pour noter /œ/ et non /e/ (cest dailleurs particulièrement visible au XVIe siècle) ;
  • en API, le symbole /œ/ note la voyelle mi-ouverte labialisée de peur. Il existe une petite capitale, /ɶ/, représentant une voyelle ouverte labialisée qui sentend en allemand dAutriche dans un mot comme Seil, « corde », prononcé /sɶː/ (daprès le Handbook of the IPA, Cambridge University Press).
  • la pseudo-ligature, parfois vue sur des enseignes, entre un O initial majuscule suivi dun e minuscule (comme dans Maître dŒuvre) est typographiquement fantaisiste et fautive[1].

Æ

Autre ligature célèbre, Æ / æ se rencontre principalement en islandais, danois et norvégien. Cest un graphème unique, qui, en islandais, représente une diphtongue : /ai/ (bref ou long). En danois et norvégien, cest une voyelle simple, respectivement /ɛ/ ou /e/ (bref ou long) et /æ/ (bref ou long). Dans ces trois langues, elle est classée séparément, en tant que lettre individuelle dans lordre alphabétique, à la suite de þ en islandais, de y en danois et norvégien. Cest un emprunt à une ligature dabord apparue en vieil anglais au VIIIe siècle pour noter le son /æ/ de cat (entre /a/ et /ɛ/) : les scribes anglais, en effet, ne pouvaient pas, avec les seules lettres latines, écrire ce son absent du latin. Cette ligature, que lon a nommée ash daprès le nom de la rune servant au même phonème, a donc permis daccroître le stock de graphèmes.

En français, quelques rares mots savants ou expressions latines lexicalisées se servent de æ, prononcé /e/ (comme œ, du reste:

  • cæcum /sekɔm/ ;
  • (ad vitam) æternam /etɛʁnam/ ;
  • (curriculum) vitæ /vite/ ;
  • ex æquo /ɛgzeko/ ;
  • et cætera /ɛt setera/ (cest une graphie concurrente det cetera, issue, comme fœtus, dune hypercorrection), etc.
  • tænia;
  • Le prénom Lætitia, dorigine latine.

Dans ces mots, la ligature représente étymologiquement lancienne diphtongue latine æ, prononcée /ae/ ou /ai/, qui sest monophtonguée en /e/ au IIe siècle de notre ère. Le développement est le même que pour œ : de nombreux mots français utilisent é on trouvait æ en latin : sévir (sævire), cécité (cæcitatem), pénitence (pænitentiam). Seulement, les emprunts savants avec æ sont plus rares. Comme pour œ, toujours, æ latin peut provenir dune ancienne diphtongue αι / ai grecque dans des mots demprunt à cette langue : παιδαγωγία / paidagôgíapædagogiapédagogie.

Bien que relativement rare, la ligature æ ne doit pas être confondue avec la suite de lettres ae, présente dans des mots comme paella. Il convient donc, dans une composition typographique soignée, de bien différencier les deux. Elle na cependant pas de place particulière dans lordre alphabétique : on la classe en même temps que les mots en ae, à la manière des autres digrammes (ch, ge, gn, etc.). On voit donc bien que cette ligature nest donc pas réellement linguistique en français. Elle est presque purement esthétique et sutilise surtout dans les textes latins tels que présentés actuellement.

Elle devrait être évitée pour les pluriels du type supernova / supernovæ : en effet, ce terme est lexicalisé depuis assez longtemps pour que lon se passe dun pluriel latin. De fait, supernovas est bien plus cohérent.

Notes :

  • À part dans de rares documents, les Romains nont pas utilisé la ligature æ pour noter leur diphtongue (elle apparaît cependant un peu plus souvent que Œ dans la quadrata en fin de ligne). Cet usage sest surtout développé, dabord sporadiquement, dans des textes médiévaux puis, plus souvent, dans des éditions postérieures de textes latins, sous linfluence de la prononciation monophtonguée. Comme æ na servi, pour le français, que dans quelques rares mots empruntés au latin, son introduction dans lorthographe française est antérieure à celle du œ français de bœuf ;
  • en API, le symbole [æ] note la voyelle de langlais cat.

Consulter aussi Æ.

IJ

Cest en néerlandais que IJ / ij forme une ligature au statut de graphème, qui sert à noter la diphtongue /ɛi/ (ou /ə/ en position atone). À la différence du digramme ei de même valeur phonétique actuellement (ce qui na pas été toujours le cas), ij est bien une ligature, ce que lon peut constater par les règles de majusculisation : il convient en effet décrire IJsselmeer et non *Ijsselmeer, alors quon ne mettra en majuscule que la première lettre de ei, « œuf » : Ei. Le ij note à lorigine, en moyen néerlandais (dès avant le XIIIe siècle), un i long. La lettre j étant à lépoque une variante du i, on peut considérer le ij comme un double i.

Cest donc à lorigine un digramme qui prend plus tard le statut de ligature. Écrite à la main de manière cursive, celle-ci prend la forme dun ÿ. En afrikaans, lévolution graphique sest poursuivie et on écrit simplement y (mais dans aucun des cas on nutilisera la lettre ÿ en remplacement de ij dans un texte dactylographié ou imprimé). Dun digramme, on est donc passé par lintermédiaire de la ligature à une lettre simple se confondant avec la lettre y déjà présente. On peut comparer cette évolution avec celle du digramme uu (voir plus bas).

En lituanien moderne, le i long est noté par la lettre y, provenant également dune ligature ij.

Consulter aussi IJ.

W

Bien quaujourdhui ce graphème soit une lettre simple, cest bien, historiquement, une ancienne ligature, d son nom, « double v ». La réunion de deux v (ou de deux u puisquil faut attendre le XVIe siècle pour que lon commence à distinguer v et u, la première étant normalement une capitale, la seconde une minuscule) semble être une invention des scribes médiévaux anglais, lesquels navaient pas de graphème pour noter le /w/ de leur langue (le vieil anglais, en loccurrence). En effet, u servait déjà à la voyelle /u/ (on remarque que les Romains nont pas eu ces scrupules puisque /u/ et /w/ sécrivaient dans leur langue au moyen de la même lettre, V).

Pour pallier cette lacune, les scribes anglais se sont dabord servis, au VIIe siècle, dun digramme uu (voire de u seul). Cependant, au VIIIe siècle, cest la lettre ƿ (wynn, wyn ou wen ; elle est issue de la rune , de même valeur phonétique) qui sest imposée. Au XIe siècle, les scribes normands (après les victoires de Guillaume le Conquérant) ont réintroduit le digramme uu sous une forme ligaturée : la lettre w était née (w se dit, en anglais, double u). La ligature viendrait donc dEurope continentale. On la trouve en effet au Moyen Âge dans les manuscrits picards-wallons (en wallon aussi la lettre est nommée doubludouble u).

La lettre ƿ, plus fréquente en vieil anglais que w, na cependant cessé dêtre employée en moyen anglais quau XIVe siècle, définitivement remplacée par w. Actuellement, on utilise même w à la place de ƿ dans la transcription traditionnelle.

Ligatures non graphémiques

Lexemple le plus probant de ce type de ligature se rencontre dans lalphabet arabe. Outre ses nombreuses variantes contextuelles, il connaît en effet une ligature linguistique, donc obligatoire, qui ne conduit pas à la création dune nouvelle lettre. Il sagit de la ligature lâmalif : quand la lettre lâm est suivie dun alif, lensemble doit nécessairement sécrire avec la ligature et non les variantes contextuelles attendues. Pourtant, cette ligature ne constitue pas une lettre. Dans le tableau ci-dessous, la seconde ligne montre un exemple de tracé incorrect au moyen de la variante contextuelle. Seul le premier tracé est admis (rappelons que larabe se lit de droite à gauche, soit respectivement : lâm + alifrésultat:

Ligature arabe lam alif.png

Dautres ligatures existaient, ou existent encore dans des compositions typographiques soignées. Elles ne sont cependant pas obligatoires mais seulement esthétiques (voir plus haut).

Informatique

Les ordinateurs propres aux utilisateurs francophones ne possèdent que deux ligatures accessibles au clavier : lesperluette et l'arobase. Les ligatures linguistiques sont accessibles comme caractères spéciaux. Seuls les Mac proposent les ligatures en et dans le codage Mac Roman.

En HTML, les ligatures les plus courantes sobtiennent comme suit :

  • œ → œ ;
  • Œ → Œ ;
  • æ → æ ;
  • Æ → Æ ;
  • ß → ß ;
  • fi →  ;
  • & → &.

Unicode possède quelques ligatures supplémentaires : , , , , , , dans sa table des formes de présentation alphabétiques.

Notes et références

  1. Yannis Haralambous, « Unicode et typographie: un amour impossible », 2002 Page 132

Voir aussi

Liens internes

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Ligature (typographie) de Wikipédia en français (auteurs)

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