Incendie des Nouvelles Galeries

Incendie des Nouvelles Galeries

L'incendie des Nouvelles Galeries, un grand magasin situé sur la Canebière à Marseille, a causé la mort de 73 personnes le 28 octobre 1938. Le corps des sapeurs-pompiers municipaux est dissous et remplacé par un corps militaire de marins-pompiers. Le maire Henri Tasso est démis de ses fonctions et la ville placée sous la tutelle de l'État, elle le restera jusqu'en 1944. De nouvelles règles de prévention incendie entrent en vigueur deux semaines plus tard.

Sommaire

L'incendie des Nouvelles Galeries

Le mistral souffle fort sur Marseille ce vendredi 28 octobre 1938. Une épaisse fumée noire s'échappe du magasin des Nouvelles Galeries. Des passants aperçoivent des gens qui crient : « Au feu… Au feu… ». Il est 14 h 37.

Construit à l'aube du XXe siècle, le magasin inauguré en 1902, se trouve au milieu de l'actuelle Canebière pour sa façade et rue Thubaneau pour l'arrière. Il couvre un important quadrilatère de 3 500 m2. Face à lui, l'hôtel Noailles, le Grand Hôtel, l'hôtel Astoria où il est de bon ton de loger les personnalités politiques, les vedettes du spectacle, les riches armateurs, négociants et commerçants et tout le gotha de passage à Marseille.

Ce jour-là, le 35e congrès du Parti radical se déroule au parc Chanot mais la plupart des responsables politiques logent à l'hôtel Noailles. C'est ainsi qu'Édouard Daladier, président du Conseil, Édouard Herriot, président de l'Assemblée nationale et maire de Lyon, et Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur, entre autres personnalités, assistent au drame.

Le prestigieux magasin marseillais est en travaux en prévision des fêtes de fin d'année. Il continue néanmoins son activité commerciale, la conjoncture économique n'étant guère brillante. Malgré leur apparente opulence, les Nouvelles Galeries éprouvent de sérieuses difficultés financières.

Le magasin est constitué de parquets cirés, tentures, tapis épais, bois, tissus… L'armature de type Eiffel est métallique. Tout est donc réuni pour alimenter un foyer et sous l'effet de la chaleur, provoquer l'effondrement de l'immeuble.

Dans le magasin à l'intérieur duquel se trouvent surtout des clientes, le feu va prendre avec une incroyable rapidité. Les sapeurs-pompiers de Marseille interviennent rapidement mais par petits groupes successifs.

Les forces de police, mobilisées au parc Chanot, sont insuffisantes pour assurer l'ordre. Aussi de nombreux badauds bloquent la Canebière, gênant l'arrivée et la manœuvre des secours. Les voitures roulent sur les tuyaux qui éclatent. Le commandant Fredenucci, chef de corps, a été blessé quelques jours plus tôt lors de l'incendie d'une huilerie, c'est son adjoint, le capitaine Durbec qui dirige l'intervention. Il est blessé au début de l'intervention. Privés de chef, les « soldats du feu » marseillais sont alors dépassés par l'ampleur du sinistre. Pour comble de malchance, constatant une importante baisse de pression sur le réseau d'eau qui alimente les établissements, un employé d'une société des eaux suppose une fuite sur une canalisation. Aussi il coupe l'alimentation, privant d'eau les sapeurs-pompiers.

Si on peut leur reprocher des incohérences dans la conduite des opérations et des problèmes dans l'utilisation d'un matériel parfois vétuste (certaines autopompes datant de 1917), ils firent preuve d'un grand courage et luttèrent jusqu'à l'extrême limite de leurs forces. La soudaineté du sinistre, sa violence et des facteurs aggravants auraient pu dépasser d'autres corps de pompiers, mieux organisés et équipés d'un matériel plus moderne. Tout est en effet réuni pour que le feu des Nouvelles Galeries soit le plus terrible incendie qui jusqu'à présent endeuilla la cité phocéenne. Le bilan est lourd : 73 morts et disparus dont de nombreux corps calcinés non identifiables. La plupart des victimes sont des employés du magasin. Elles seront inhumées le 14 novembre dans un sépulture collective offerte par la ville. (source: cimetière Saint-Pierre)

À Marseille, le climat politique délétère de l'époque, la puissance du crime organisé et les difficultés économiques des Nouvelles Galeries mettent quelque peu en doute le rapport des experts qui privilégient finalement la thèse de l'accident par imprudence. Les hypothèses d'un crime politique, d'un racket, voire même d'une escroquerie à l'assurance ont pourtant été évoquées. L'enquête conclut qu'un mégot se consumant sur un paravent goudronné est à l'origine du sinistre. Cela semble arranger tout le monde...

L'action des marins-pompiers de Toulon

Le contre-amiral Muselier, commandant la Marine nationale à Marseille et dont les locaux se situent à proximité des Nouvelles Galeries demande des renforts à l'amiral Mottet, major général de l'arsenal de Toulon. À 15 h 30, un détachement de 32 marins-pompiers de Toulon décale vers Marseille sous les ordres de l'officier principal des équipages Godart. Le matériel engagé consiste en un fourgon pompe, une échelle mécanique pivotante de 30 mètres, une voiture électro-ventilateur, une auto-chenilles tractant une moto-pompe lourde, une camionnette de transport de personnel et de tuyaux et un side-car de liaison. Il est sur place à 17 heures. Mais il est déjà trop tard, le grand magasin est condamné et il faut faire la « part du feu » car le vent pousse les flammes qui traversent la Canebière et attaquent les grands hôtels. Les marins-pompiers sauvent du désastre l'hôtel Noailles et l'hôtel Astoria dont les toitures et les combles sont embrasés. D'autre pompiers arrivent en renfort d'Arles, de Nîmes et d'autres communes proches. Édouard Herriot, maire de Lyon fait venir ses pompiers par train spécial. Ils n'arrivent que dans la nuit du drame et se contentent de participer au noyage et au déblaiement.

Édouard Daladier remarque le professionnalisme des marins pompiers toulonnais et la qualité de leur matériel. Le Président du Conseil décide alors de confier la sécurité de Marseille à une unité militaire. Le décret loi du 23 juillet 1939 constitue l'acte de naissance du Bataillon de marins-pompiers de Marseille.

Le 17 août 1939, un groupe de 15 marins-pompiers de Toulon arrive à Marseille, en gare Saint-Charles. C'est le premier élément de la nouvelle unité qui va se constituer sous les ordres du capitaine de vaisseau Orlandini. Son second n'est autre que l'officier principal des équipages Godart qui commandait le détachement du 28 octobre 1938. La mobilisation générale va rapidement permettre de compléter les effectifs du nouveau bataillon de marins pompiers mais la grande majorité du personnel doit être formé à ce métier qui ne s'improvise pas. Ce sera la tâche des marins pompiers de la marine affectés au Bataillon qui constituent son "noyau dur". Le 1er juin 1940, le « Bataillon » quitte la caserne provisoire de la rue de Lyon et prend possession de la caserne du boulevard de Strasbourg où il installe son état-major. Il connaît le jour même sa première épreuve du feu. Un bombardement allemand cause la mort de 32 Marseillais et en blesse une soixantaine.

Marseille sous tutelle

Témoin de la catastrophe, Édouard Daladier s'écrie : « N'y a-t-il donc personne pour faire régner l'ordre dans cette ville ! ... ». Cette phrase donne le signal d'un règlement de compte politique. L'impréparation des sapeurs-pompiers marseillais et leur manque de moyens servent de prétexte.

L'effroyable tragédie se produit pendant le congrès annuel du Parti républicain, radical et radical-socialiste qui vient de signer l'arrêt de mort du Parti communiste et du Front populaire. Le maire de Marseille, Henri Tasso, qui est un farouche défenseur des acquis sociaux du Front populaire doit donc être éliminé de la scène politique.

Plusieurs audits sont commandités par le gouvernement. Ils font apparaître d'importants dysfonctionnements administratifs et financiers, notamment dans le recrutement et l'utilisation des employés municipaux, la gestion des hôpitaux publics et celle des sociétés des eaux. Une campagne de presse est déclenchée pour redresser les finances de la ville, mais elle a surtout pour but de mettre en évidence la faillite de la gouvernance de la « Cité phocéenne » par ses élus. Le Conseil municipal est dessaisi de ses pouvoirs par le décret du 20 mars 1939. Pour la seconde fois depuis Louis XIV, Marseille est placée sous la tutelle de l'État. En août 1940, ce régime d'exception est encore aggravé par le gouvernement de Vichy. Il s'apparente alors à un véritable « régime colonial ». Tous les pouvoirs sont entre les mains de trois préfets qui se succèdent, d'abord, Frédéric Surleau, puis Henry Cado, de nouveau Frédéric Surleau et enfin Pierre Barreau.

Ce n'est qu'à sa libération que la seconde ville de France rentre enfin dans la normalité républicaine. Marseille retrouve alors un maire le 30 août 1944 en la personne de l'avocat socialiste Gaston Defferre qui démissionne le 27 novembre 1945. En deux ans, deux maires lui succèderont : Marcel Renault puis Jean Cristofol. Conseiller municipal, l'avocat Michel Carlini est élu par ses colistiers le 27 octobre 1947 sous l'étiquette gaulliste du Rassemblement du peuple français. Gaston Defferre lui succède et reprend son fauteuil de maire le 9 mai 1953, jusqu'à son décès accidentel, le 7 mai 1986.

La sécurité s'améliore

La réglementation définissant le sécurité dans les établissements recevant du public (ERP) date de 1913. Ses dispositions ne concernent que les employés et curieusement ne prévoient rien pour protéger les clients. Conséquence du drame des Nouvelles Galeries, les pouvoirs publics réagissent rapidement. Seulement deux semaines après le sinistre, le texte du 12 novembre 1938 crée l'inspection des services de secours. Il permet aux pouvoirs publics d'imposer des mesures de sécurité aux exploitants des ERP, sans toutefois les préciser.

Enfin, le texte du 7 février 1941 qui est de portée nationale, abroge les nombreux règlements locaux et particuliers. Il fixe avec précision les normes de sécurité des ERP. Il instaure des commissions de sécurité dont la mission est d'éclairer les autorités administratives, telles que les maires et parfois les préfets, chargés de vérifier que les règles de sécurité sont correctement appliquées. Ce texte est l'acte fondateur de la réglementation sur la prévention des incendies qui a permis d'éviter depuis en France, de telles catastrophes.

Voir aussi

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Bibliographie

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