- Homosexualité dans la chanson français
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Homosexualité dans la chanson française
Mode populaire par excellence, la chanson permet à la fois le divertissement et le débat. Il n'est donc pas étonnant que la culture gay et lesbienne en ait fait un médium privilégié d'expression. Mais elle peut-être également une arme employée par ses opposants. Le présent article a pour objet de retracer, sans volonté exhaustive, un tableau historique et géographique de cette expression.
Sommaire
La chanson francophone
Déjà présente à une époque où le terme « homosexuel » n'existait pas encore, le thème de l'homosexualité a véritablement éclos dans la chanson française à l'avènement de la Troisième République grâce à l'explosion des cafés-concerts[1], lieux de toutes les licences (qu'elles soient alcooliques ou morales) malgré une censure toujours attentive.
Du sous-entendu grivois distillé par Yvette Guilbert, Suzanne Lagier ou Charlotte Gaudet à l'apparition du style tapette popularisé par Mayol (et rapidement parodié de façon subtile... ou pas !), le XXe siècle franchit allègrement le pas. À l'image des milieux littéraires qui voient s'épanouir Marcel Proust, André Gide, Colette ou Jean Cocteau, les music-halls deviennent des pépinières d'artistes "invertis", ainsi que des lieux de drague très courus. C'est le règne de la "chanson interlope". Bien sûr, le voile de l'ambiguïté plane toujours la plupart du temps sur les textes mais la vie privée des vedettes des "années folles" est de notoriété publique : les producteurs Henri Varna et Oscar Dufrenne, le compositeur Gaston Gabaroche, les auteurs Jean Lorrain, Maurice Aubret et Louis Amade ne cachent pas leurs préférences. Le bal du Magic-City, inauguré en 1922 rue de Lappe, organise chaque année à Mardi-Gras un grand concours de travestis. Charpini ou O'dett triomphent en précurseurs des drag queen dans des parodies d'opérette ou des imitations de comédiennes célèbres. Les chanteurs Réda Caire, Max Trébor, Jean Lumière, André Claveau, Jean Tranchant ou Jean Sablon font rêver les femmes sans qu'elles ne soient dupes. Côté femmes, Fréhel, Damia, Suzy Solidor ou Yvonne George profitent de la brèche ouverte par le roman à scandale La Garçonne de Victor Margueritte pour s'approprier des textes "masculins"[2].
La Seconde Guerre Mondiale incite à plus de discrétion, qui plus est à partir de la loi du 6 août 1942 sur l'incitation à la débauche[3], même si le style zazou de Charles Trénet véhicule toujours quelques sous-entendus. La Libération en revanche est une période de "remise aux normes" assez brutale que l'arrivée du "rock", symbole de virilité, ne contredira pas. Luis Mariano, Jean-Claude Pascal, Mick Micheyl ou Colette Mars se retranchent prudemment derrière les convenances face à l'expansion d'un discours homophobe sous le masque de la caricature. D'autres comme Gribouille choisiront le suicide.
C'est paradoxalement grâce à des chanteurs "hétéros" que la parole va à nouveau se libérer à partir de 1968. Juliette Gréco et Mouloudji interprètent des auteurs ouvertement "gays" comme Frédéric Botton ou Jean Genet. Charles Aznavour brise définitivement le tabou en 1972 avec Comme ils disent. Les années disco imposent la mode androgyne personnifiée par les Bee Gees ou David Bowie, et les icônes crypto-gays fleurissent, de Patrick Juvet ou Dave aux Village People[4], remplacées dans les années 1990 par les "boys band". Parallèlement, des artistes plus discrets comme Dick Annegarn ou Yann-Fanch Kemener trouvent également leur terrain d'expression[5].
L'épidémie de SIDA qui se répand à partir du milieu des années 1980 chasse les paillettes et le discours devient plus politique. Alors que Mylène Farmer construit sa notoriété sur (entre autres) le thème de la bisexualité, Jean Guidoni choque en développant un univers d'une noirceur et d'une crudité rarement évoquées jusque-là. Ce n'est qu'avec les années 2000 (et la relative normalisation de l'homosexualité grâce à des lois comme le PACS) que, sans renoncer à un certain militantisme, la chanson homosexuelle retrouvera un peu de légèreté un peu de grâce à des artistes comme Juliette, Mouron ou Laurent Viel et qu'on verra même apparaître des artistes ouvertement gays dans des milieux jusqu'alors plutôt fermés comme le rock ou le rap, genre qui cristallise également depuis quelques années les attaques les plus homophobes.
Personnalités de la chanson
Quelques chansons traitant de l'homosexualité
Attention :Ne sont référencées que les chansons traitant clairement de l'homosexualité à partir des années 1950. Pour ce qui est des décennies précédentes, les critères sont plus souples (y compris sur la question de l'homophobie), l'ambiguïté étant l'essence même de ces chansons.- 1909 : Le P'tit Jeune Homme ((Ramis/E. Météhan) par Charlotte Gaudet
- 1920 : C'était une fille (C. Abadie-F. Pearly/G. Gabaroche-F.Pearly) par Maurice Chevalier, le mariage d'une garçonne avec un travesti
- 1922 : Le Petit Rouquin du faubourg Saint-Martin (A. Montagard/F. Mêlé) par Fortugé
- 1923 : La Garçonne (J. Rodor-J. Bertet/V. Scotto) par Georgel[6]
- 1923 : Si j'étais une fille (Lyjo/L. Izoird-L. Raiter) par Lyjo
- 1933 : Imprudentes ! (Georgius-M. Bertal-L. Maubon/J.Eblinger) par Georgius
- 1933 : Ouvre par Suzy Solidor[7]
- 1936 : La Garçonne (L. Poterat/J. Wiener) par Édith Piaf
- 1949 : Ils en sont tous (R. Rocca/G. Planet) par Robert Rocca
- 1970 : Les Pingouins (F. Botton) par Juliette Gréco
- 1970 : Comprend qui peut par Boby Lapointe
- 1972 : Comme ils disent (C. Aznavour) par Charles Aznavour
- 1975 : Chanson pour les non mâles de et par Serge Utgé-Royo
- 1978 : Un garçon pas comme les autres (Ziggy) de la comédie musicale Starmania (Luc Plamondon/Michel Berger) par Fabienne Thibeault
- 1979 : Depuis qu'il vient chez nous (C.Carmone, V.Buggy, J.Barnel) par Dalida
- 1980 : Sirocco, Viril et Midi Minuit (J.Guidoni & P.Philippe) par Jean Guidoni
- 1980 : La Plus Belle Fois qu'on m'a dit « je t'aime » par Francis Lalanne
- 1981 : Un mec pour l'été (Gérard Berliner) par Toto de Miramar
- 1982 : De la main gauche par Danielle Messia (musique co-écrite avec Jean Fredenucci)
- 1983 : Tu me divises par deux (M. Lavoine/F. Aboulker) par Marc Lavoine[8]
- 1983 : Le Lac des brumes (H. Vilard/D. Barbelivien) par Hervé Vilard
- 1983 : Allée des coquelicots (P.Philippe) par Jean Guidoni
- 1983 : Autonome (C. Lara/Luc Plamondon) par Catherine Lara[8]
- 1984 : Maman a tort (L. Boutonnat) par Mylène Farmer
- 1984 : Kiss Me Hardy (S. Gainsbourg) par Serge Gainsbourg
- 1985 : Canary Bay et 3e Sexe par le groupe Indochine
- 1985 : Il aimait les garçons (M. Kricorian, P. Honeyman, G. Di Nino) par Kelly
- 1986 : Homosexuel par le groupe Pigalle
- 1986 : Pas un garçon (E. Mottaz) par Emmanuelle
- 1988 : A Maurice Pilorge par le groupe Casse pipe
- 1988 : Une femme avec une femme (P. Grosz/J. M. Cano) par le groupe Mecano[9]
- 1988 : Parce que (Daniel Darc/Bill Pritchard)
- 1990 : Alexis m'attend (P. Lafontaine) par Philippe Lafontaine
- 1991 : Le Privilège (D. Barbelivien) par Michel Sardou
- 1992 : Ah ! L'amour, l'amour par Pierre Perret
- 1992 : L'oubli de et par Michel Rivard
- 1992 : Entre elle et moi (C. Lara) par Catherine Lara et Véronique Sanson
- 1993 : L'étoile rose par le groupe Casse pipe
- 1993 : Monocle et Col dur (P. Philippe/J. Noureddine) par Juliette
- 1993 : Monsieur Vénus (P. Philippe/J. Noureddine) par Juliette
- 1993 : Un homme ou une femme (A. Red/W. Van Lierde) par Axelle Red
- 1993 : Stilitano par le groupe Casse pipe
- 1993 : Les Amants par les Rita Mitsouko
- 1994 : Entre Nicole et Nicolas (Allain Leprest, Romain Didier) par Allain Leprest
- 1995 : Une graine (Néry) par Les Nonnes Troppo
- 1996 : La Différence (L. Fabian/R. Allison) par Lara Fabian
- 1996 : Avec Luc de Clarika
- 1998 : L'Autre Amour (Richard Cocciante) par Sylvie Vartan
- 1998 : La boum à Cindy par le groupe Marcel et son orchestre
- 1998 : La vie réserve des surprises du film Jeanne et le Garçon formidable (Jacques Fortineau/Philippe Miller) par Jacques Bonnaffé
- 1999 : Ces chanteurs qui n'aiment pas les femmes et Les Boîtes (P.Philippe) par Jean Guidoni
- 1999 : N'importn'awak par les Wriggles
- 1999 : Coupes d'immondes de et par Nicolas Bacchus
- 1999 : À quoi ça tient (R. Didier) par Romain Didier
- 1999 : Barcelonne un soir par Néry
- 1999 : Sale Pédé (N. Bacchus) par Nicolas Bacchus
- 2000 : Deux Anglaises de Clarika
- 2000 : Gai le Gaëtan par Éric Maheu
- 2000 : Ca n'se voit pas du tout de et par Anne Sylvestre
- 2001 : Entre elle et moi par Les Valentins
- 2001 : Adam et Yves par (Joëlle Kopf/Zazie) par Zazie
- 2001 : Quoi qu'ils pensent de et par Larusso
- 2001 : N'être une femme (Pascal Revial) par Salammbô
- 2002 : Madame Suzie par Jeanne Cherhal[10]
- 2002 : Le Plus Beau du quartier (C. Bruni) par Carla Bruni
- 2002 : Les Deux Hommes (L. Lemay) par Lynda Lemay[11]
- 2002 : Petit Pédé (R. Séchan) par Renaud
- 2002 : Ton fils (...dort avec moi) de et par Nicolas Bacchus
- 2002 : Tolérance de et par Princess Aniès
- 2002 : Du bon bord de et par Marc Dery
- 2004 : L'attraction des coeurs (P. Loiseau, T. Valona, S. Ramin) par Dave
- 2004 : Mon petit mec et moi par les Wriggles[11]
- 2004 : Brasillach 1945 par Jann Halexander
- 2004 : Cominig out de et par Alexis HK
- 2005 : J'M les filles (L. Viel) par Laurent Viel
- 2005 : Je t’aime comme je t’ai fait par Frédéric François
- 2005 : Homomachine de et par les Femmouzes T.
- 2005 : Georges et Louis (M-H. Picard, T. Defever, T. Defever) par le groupe Presque Oui
- 2005 : Chanson pour Sam par le groupe La Ruda
- 2006 : Lucien et Jean-Pierre par le groupe 90C
- 2007 : Lola (J. Ayache) par Superbus
- 2007 : Gay marions nous de et par Anne Sylvestre
- 2007 : J'aime trop ton boule par Fatal Bazooka
- 2007 : Comme un autre (J. Cherhal) par Jean Guidoni
- 2008 : To bi or not to bi par Ysa Ferrer
- 2008 : Petit Pédé & Sex Appeal par Sexi Sushi
- 2009 : "1 Garçon" par Lorie
Parodies
Cette section regroupe les chansons abordant l'homosexualité de façon parodique ou stéréotypée.
- 1923 : Titi, Toto et Patata (G. Ouvrard) par Ouvrard
- 1933 : La Tapette en bois (Charlys) par Jacki
- 1968 : On dit qu'il en est par Fernandel[12]
- 1971 : Le Rire du sergent (M. Sardou-Y. Dessca/J. Revaux) par Michel Sardou[13]
- 1982 : Homosexualis Discothecus (Jean Yanne) du film Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ
Chansons ouvertement homophobes
- 1907 : Chanson de l'armée allemande (P.L. Flers/A. Patusset) par Maurel et Vilbert[14]
- 1908 : Scandale teuton (J. Péheu/T. Poret) par Jean Péheu[14]
- 2001 : Makoumé, Brilé Yo et Batty Boy Dead Now par Admiral T[15]
- 2004 : McDoom Dead par Krys
La chanson anglo-saxonne
- 1994 : Girls & Boys par Blur
- 1994 : Mama's Got a Girlfriend Now par Ben Harper
- 1995 : Bill & Ted's Homosexual Adventure par Pansy Division
- 1997 : She's My Heroine par Skunk Anansie
- 1998 : My Sweet Prince par Placebo
- 2002 : Lesbian par Peppermint Creeps
- 2003 : Malchik Gay par t.A.T.u.
Bibliographie
En français
- Martin Penet, L'Expression homosexuelle dans les chansons françaises de l'entre-deux-guerres : entre dérision et ambiguïté, Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2006, vol. 53, no 4 (215 p.), pp. 106-127
- Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, sous la direction de Didier Éribon, Larousse, 2003 (ISBN 2035051649)
En anglais
- Philip Brett, Queering the Pitch: The New Gay and Lesbian Musicology, Routledge, (ISBN 0415907535)
- James T. Sears, Walter L. Williams, Overcoming Heterosexism and Homophobia Strategies that Work
- Ivan Raykoff, Robert Deam Tobin, A Song for Europe Popular Music and Politics in the Eurovision Song Contest
- Raymond-Jean Frontain, Reclaiming the Sacred The Bible in Gay and Lesbian Culture
- George E. Haggerty, Gay Histories and Cultures An Encyclopedia
- Gerard Sullivan, Peter A. Jackson, Gay and Lesbian Asia Culture, Identity, Community
- De Corey K. Creekmur, Alexander Doty, Out in CultureGay, Lesbian and Queer Essays on Popular Culture
- David Ciminelli et Ken Knox, Homocore: the Loud and Raucous Rise of Queer Rock, Boston, Alyson, 2005.
- John Gill, Queer Noises: Male and Female Homosexuality in Twentieth Century Music, Londres, Cassell, 1995.
- Mark SImpson, Saint Morrissey, SAF Publishing, Rev Ed, 2004.
- Richard Smith, Seduced and Abandoned: Essays on Gay Men and Popular Music, Londres, Cassell, 1996.
- Wayne Studer, Rock on the Wild Side: Gay Male Images in Popular Music in the Rock Era, Leyland Publications, 1994.
- Sheila Whiteley (dir.), Sexing the Groove: Popular Music and Gender, Londres et New York, Routledge, 1997.
- Sheila Whiteley et Jennifer Rycenga (dir.), Queering the Popular Pitch, Londres et New York, Routledge, 2006.
Documentation audio-visuelle
Discographie
- Chansons interlopes, 1906-1966 Labelchanson, 2006 (2CD)
Télévision
- Émission L'oeil du cyclone (Canal +) du 13 juin 1998 : L'homosexualité dans la chanson
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Homozikal.com Chansons (avec paroles) et chanteurs gays
- Popingays Pop et rock gay
- LGBTH Chansons gay, lesbiennes, bi et trans avec paroles
- Lesbian and Gay Music
Notes et références
- ↑ Suite aux décrets de 1867 et de 1880.
- ↑ Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, op. cité (p.103-104).
- ↑ Cette loi ne sera abrogée qu'en 1982.
- ↑ Bien que composé de chanteurs américains, le groupe est l'idée de deux français : Jacques Morali et Henri Belolo.
- ↑ Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, op. cité (p.105-106).
- ↑ Malgré la "mise en garde finale", la chanson ne peut être considérée comme homophobe.
- ↑ Bien qu'écrite initialement pour un homme, la chanson devint un hymne lesbien en raison de son interprète.
- ↑ a et b Chanson sur la bisexualité.
- ↑ Version française de l'original espagnol Mujer contra mujer.
- ↑ Chanson sur le coming-out.
- ↑ a et b Chanson sur l'homoparentalité.
- ↑ Selon les critères actuels, cette chanson pourrait être taxée d'homophobe mais elle est conforme à l'imagerie traditionnelle de la "tapette" de l'époque.
- ↑ Taxée un temps d'homophobe, le texte ne sort cependant pas de l'imagerie traditionnelle de la "tapette".
- ↑ a et b Cette chanson, avant tout anti-allemande, fait écho aux procès intentés outre-Rhin contre une série de responsables militaires soupçonnés de "mœurs contre nature", à la tête desquels on trouve le prince Philip von Eulenburg et le comte Kuno von Moltke
- ↑ Communiqué de l'association Tjenbé Rèd
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