Galette des Rois

Galette des Rois
Le Gâteau des Rois, par Jean-Baptiste Greuze, 1774 (Musée Fabre)

La galette des Rois est un gâteau célébrant lÉpiphanie et traditionnellement vendu et consommé quelques jours avant et après cette date.

La galette des Rois, dans sa version la plus commune en France, est une galette de pâte feuilletée, simplement dorée au four, qu'on mange accompagnée de confitures; elle peut également être fourrée avec diverses préparations : frangipane, fruits, crèmes, chocolat... Mais on trouve aussi des galettes à base de pâte sablée dans l'ouest. Le gâteau des Rois est une brioche aux fruits confits.

Sommaire

Coutume

Galette des Rois artisanale.

La tradition veut quelle soit loccasion de « tirer les rois » à lÉpiphanie : une fève est cachée dans la galette et la personne qui obtient cette fève devient le roi de la journée et a le droit de porter une couronne de fantaisie. Dans le circuit commercial, dans la seconde moitié du XXème siècle, les boulangers fournissent avec la galette une couronne en papier doré à usage unique. Plus traditionnellement chaque famille réalise et conserve une ou plusieurs couronnes artisanales. Le bénéficiaire de la fève doit offrir la prochaine galette. C'est le plus jeune des convives, caché sous la table, qui décide de la distribution des parts.

Les gâteaux à fève nétaient pas réservés exclusivement au jour des Rois. On en faisait lorsquon voulait donner aux repas une gaieté bruyante. Un poète du XIIIe siècle, racontant une partie de plaisir quil avait faite chez un seigneur qui leur donnait une généreuse hospitalité, parle dun gâteau à fève pétri par la châtelaine : « Si nous fit un gastel à fève ». Les femmes récemment accouchées offraient, à leurs relevailles[1], un gâteau[2] de cette espèce.

Dans sa Vie privée des Français, Legrand dAussy écrit, que, dès 1311, il est question de gâteaux feuilletés dans une charte de Robert II de Fouilloy, évêque dAmiens. Souvent même, on payait les redevances seigneuriales avec un gâteau de ce genre. Ainsi, tous les ans, à Fontainebleau, le 1er mai, les officiers de la forêt sassemblaient à un endroit appelé « la table du roi », et , tous les officiers ou vassaux qui pouvaient prendre du bois dans la forêt et y faire paître leurs troupeaux, venaient rendre hommage et payer leurs redevances. Les nouveaux mariés de lannée, les habitants de certains quartiers de la ville et ceux dune paroisse entière ne devaient tous quun gâteau. De même, lorsque le roi faisait son entrée dans leur ville, les bourgeois dAmiens étaient tenus de lui présenter un gâteau.

Origine

Un gâteau des Rois aux fruits confits.

Lors des Saturnales (fêtes romaines sur la fin du mois de décembre et au commencement de janvier), les Romains désignaient un esclave comme « roi d'un jour ». Les Saturnales étaient en effet une fête d'inversion des rôles afin de déjouer les jours néfastes de Saturne, divinité chtonienne. Au cours du banquet (au début ou à la fin des Saturnales, selon les différentes époques de la Rome antique) au sein de chaque grande familia, les Romains utilisaient la fève d'un gâteau comme « bulletin de vote » pour élire le « Saturnalicius princeps » (Maître des Saturnales ou Roi du désordre). Cela permettait de resserrer les affections domestiques et donnait au « roi d'un jour » le pouvoir d'exaucer tous ses désirs pendant la journée (comme donner des ordres à son maître) avant dêtre mis à mort, ou plus probablement de retourner à sa vie servile à lissue de celle-ci. Pour assurer une distribution aléatoire des parts de galette, il était de coutume que le plus jeune se place sous la table et nomme le bénéficiaire de la part qui était désignée par la personne chargée du service (d' l'usage toujours vivant de « tirer les rois »). Tacite écrit que, dans les fêtes consacrées à Saturne, il était dusage de tirer au sort la royauté[3]. Étienne Pasquier a décrit dans ses Recherches de la France[4] les cérémonies qui sobservaient en cette occasion : « Le gâteau, coupé en autant de parts quil y a de conviés, on met un petit enfant sous la table, lequel le maitre interroge sous le nom de Phébé (Phœbus ou Apollon), comme si ce fût un qui, en linnocence de son âge, représentât un oracle dApollon. À cet interrogatoire, lenfant répond dun mot latin domine (seigneur, maître). Sur cela, le maître ladjure de dire à qui il distribuera la portion du gâteau quil tient en sa main, lenfant le nomme ainsi quil lui tombe en la pensée, sans acception de la dignité des personnes, jusquà ce que la part soit donnée est la fève ; celui qui la est réputé roi de la compagnie encore quil soit moindre en autorité. Et, ce fait, chacun se déborde à boire, manger et danser. »

Cest cet usage qui est passé jusquà nous. On en retrouve la trace non seulement dans le rituel de la galette des Rois, mais aussi dans la fête des Fous médiévale et des « rois et reines » des carnavals actuels.

Histoire

La Fête des Rois, de Jacob Jordaens, v. 1640-45 (Kunsthistorisches Museum, Vienne).

Jadis, lusage voulait que lon partage la galette en autant de parts que de convives, plus une. Cette dernière, appelée « part du Bon Dieu », « part de la Vierge » ou « part du pauvre » était destinée au premier pauvre qui se présenterait au logis. Au Moyen Âge, les grands nommaient quelquefois le roi du festin, dont on samusait pendant le repas. Lauteur de la vie du duc Louis II de Bourbon, voulant montrer quelle était la piété de ce prince, remarque que, le jour des Rois, il faisait roi un enfant de huit ans, le plus pauvre que lon trouvât en toute la ville. Il le revêtait dhabits royaux, et lui donnait ses propres officiers pour le servir. Le lendemain, lenfant mangeait encore à la table du duc, puis venait son maitre dhôtel qui faisait la quête pour le pauvre roi. Le duc de Bourbon lui donnait communément quarante livres et tous les chevaliers de la cour chacun un franc, et les écuyers chacun un demi-franc. La somme montait à près de cent francs que lon donnait au père et à la mère pour que leur enfant fût élevé à lécole. Le royaume de France se partageait alors en langue d'oc l'on fabriquait toujours un gâteau des rois (la recette de la pâte variant suivant les régions : flamusse de Bresse, patissous du Périgord, coque des rois ariégeoise, Royaume des cévennes, garfou du Béarn, goumeau de Franche Comté, etc.) et langue d'oïl l'on préparait dès le XVe siècle un dessert de pâte sablée fourré de crème d'amandes qui devient plus tard une pâte levée à la levure de bière nommée gorenflot.

On tirait le gâteau des Rois même à la table de Louis XIV. Dans ses Mémoires, Françoise de Motteville écrit, à lannée 1648, que : « Ce soir, la reine nous fit lhonneur de nous faire apporter un gâteau à Mme de Brégy, à ma sœur et à moi ; nous le séparâmes avec elle. Nous bûmes à sa santé avec de lhippocras quelle nous fit apporter. » Un autre passage des mêmes Mémoires atteste que, suivant un usage qui sobserve encore dans quelques provinces, on réservait pour la Vierge une part quon distribuait ensuite aux pauvres. « Pour divertir le roi, écrit Françoise de Motteville à lannée 1649, la reine voulut séparer un gâteau et nous fit lhonneur de nous y faire prendre part avec le roi et elle. Nous la fîmes la reine de la fève, parce que la fève sétait trouvée dans la part de la Vierge. Elle commanda quon nous apportât une bouteille dhippocras, dont nous bûmes devant elle, et nous la forçâmes den boire un peu. Nous voulûmes satisfaire aux extravagantes folies de ce jour, et nous criâmes : La reine boit ! » Avant Louis XIV, les grandes dames qui tiraient la fève devenaient reines de France dun jour et pouvaient demander au roi un vœu dit « grâces et gentillesses » mais « le Roi Soleil » abolit cette coutume.

Louis XIV conserva toujours lusage du gâteau des Rois, même à une époque sa cour était soumise à une rigoureuse étiquette. Le Mercure galant de janvier 1684 décrit la salle comme ayant cinq tables : une pour les princes et seigneurs, et quatre pour les dames. La première table était tenue par le roi, la seconde par le dauphin. On tira la fève à toutes les cinq. Le grand écuyer fut roi à la table des hommes; aux quatre tables des femmes, la reine fut une femme. Alors le roi et la reine se choisirent des ministres, chacun dans leur petit royaume, et nommèrent des ambassadrices ou ambassadeurs pour aller féliciter les puissances voisines et leur proposer des alliances et des traités. Louis XIV accompagna lambassadrice députée par la reine. Il porta la parole pour elle, et, après un compliment gracieux au grand écuyer, il lui demanda sa protection que celui-ci lui promit, en ajoutant que, sil navait point une fortune faite, il méritait quon la lui fit. La députation se rendit ensuite aux autres tables, et successivement les députés de celles-ci vinrent de même à celle de Sa Majesté. Quelques-uns même dentre eux, hommes et femmes, mirent dans leurs discours et dans leurs propositions dalliance tant de finesse et desprit, des allusions si heureuses, des plaisanteries si adroites, que ce fut pour lassemblée un véritable divertissement. En un mot, le roi sen amusa tellement, quil voulut le recommencer encore la semaine suivante. Cette fois-ci, ce fut à lui quéchut la fève du gâteau de sa table, et par lui en conséquence que commencèrent les compliments de félicitation. Une princesse, une de ses filles naturelles, connue dans lhistoire de ce temps- par quelques étourderies, ayant envoyé lui demander sa protection pour tous les évènements fâcheux qui pourraient lui arriver pendant sa vie. « Je la lui promets, répondit-il, pourvu quelle ne se les attire pas. » Cette réponse fit dire à un courtisan que ce roi- ne parlait pas en roi de la fève. À la table des hommes, on fit un personnage de carnaval quon promena par la salle en chantant une chanson burlesque. La galette proprement dite (pâte feuilletée plus crème frangipane) apparut au XVIIe siècle, Anne d'Autriche et son jeune fils Louis XIV en partagèrent une la veille de l'épiphanie de 1650.

Galette des Rois 2.png

En 1711, le Parlement délibéra, à cause de la famine, de le proscrire afin que la farine, trop rare, soit uniquement employée à faire du pain. Au commencement du XVIIIe siècle, les boulangers envoyaient ordinairement un gâteau des Rois à leurs pratiques. Les pâtissiers réclamèrent contre cet usage et intentèrent même un procès aux boulangers comme usurpant leurs droits. Sur leur requête, le parlement rendit, en 1713 et 1717, des arrêts qui interdisaient aux boulangers de faire et de donner, à lavenir, aucune espèce de pâtisserie, demployer du beurre et des œufs dans leur pâte, et même de dorer leur pain avec des œufs. La défense neut deffet que pour Paris et lusage prohibé continua dexister dans la plupart des provinces. Quand vint la Révolution, le nom même de « gâteau des Rois » fut un danger et Manuel, du haut de la tribune de la Convention, tenta sans succès dobtenir linterdiction du gâteau des Rois (son nom fut même un temps remplacé par la galette de l'égalité), mais la galette triompha du tribun. Peu après, un arrêté de la Commune ayant changé le jour des Rois en « jour des sans-culottes », le gâteau neut plus sa raison dêtre, mais cette disparition ne fut que momentanée car il reparut bientôt sur toutes les tables familiales dès que la conjoncture le permit.

La fève

À la fin du XVIIIe siècle, des fèves en porcelaine apparurent, représentant lenfant Jésus en porcelaine. Sous la Révolution, on remplaça lenfant Jésus par un bonnet phrygien. Les graines de fève furent systématiquement remplacées en 1870 par des figurines en porcelaine ouplus récemmenten plastique. De nos jours, si on trouve toujours de vraies fèves, il existe une multitude de fèves fantaisie qui font le bonheur de collectionneurs : la collection de ces petits objets se nomme la favophilie.

Dans le reste du monde

Fèves de King cake.

Le gâteau des Rois est passé, avec les émigrants français, dans le Nouveau Monde, et il est de coutume de le consommer à la Nouvelle-Orléans lors du Mardi Gras : il consiste en une espèce de brioche au glaçage aux couleurs violette, verte et or, traditionnelles du carnaval quelquefois fourrée de fromage à la crème et de pralines.

On trouve des coutumes similaires selon les pays et les régions, qui utilisent dautres recettes de pâtisserie :

Expressions

  • « Trouver la fève au gâteau » : trouver le point décisif d'une affaire ou d'une question ou, par raillerie, s'être abusé en s'imaginant avoir fait quelque découverte extraordinaire.[réfnécessaire]

Références

  1. Action pour une femme de se lever pour la première fois après ses couches ou de se rétablir de ses couches (Wiktionnaire)
  2. placenta est un mot latin qui signifie gâteau , en néerlandais placenta se dit moederkoek littéralement le-gâteau-de-la-mère
  3. Annales, livre XIII.
  4. livre IV, chap. IX

Sources

Liens internes

Sur les autres projets Wikimedia :

  • Portail des fêtes et des traditions Portail des fêtes et des traditions
  • Portail de l’alimentation et de la gastronomie Portail de lalimentation et de la gastronomie

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Galette des Rois de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужна курсовая?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Galette Des Rois — Le gâteau des Rois, par Jean Baptiste Greuze, 1774 (Musée Fabre) La galette des Rois est un gâteau célébrant l’Épiphanie (6 janvier) et traditionnellement vendu et consommé quelques jours avant et après cette date. La galette des Rois peut être… …   Wikipédia en Français

  • Galette des rois — Le gâteau des Rois, par Jean Baptiste Greuze, 1774 (Musée Fabre) La galette des Rois est un gâteau célébrant l’Épiphanie (6 janvier) et traditionnellement vendu et consommé quelques jours avant et après cette date. La galette des Rois peut être… …   Wikipédia en Français

  • Galette des Rois — Selbstgebackene Galette des Rois Die …   Deutsch Wikipedia

  • Galette des Rois — Galette des Rois, su corte muestra el relleno de pasta de almendras La galette des Rois (en español: Tarta de los Reyes) es una tartaleta que celebra la Epifanía, tradicionalmente vendida y consumida durante los primeros días del año en el norte… …   Wikipedia Español

  • Galette des Rois — ● Galette des Rois gâteau garni d une fève ou d une figurine et dont on tire les parts au sort au moment de l Épiphanie …   Encyclopédie Universelle

  • Tirer les rois, la galette des Rois — ● Tirer les rois, la galette des Rois à l Épiphanie, partager une galette dont l une des parts contient la fève ou la figurine qui fait roi (ou reine) le convive qui l obtient …   Encyclopédie Universelle

  • Fête des rois — Épiphanie  Pour l’article homophone, voir Epiphany. Épiphanie L adoration des Mages peint par Matth …   Wikipédia en Français

  • Gâteau des Rois — Autre nom pogne, còca, tortell, roscón Lieu d origine Provence, Languedoc, Catal …   Wikipédia en Français

  • Gateau des Rois — Gâteau des Rois Un gâteau des Rois Le gâteau des Rois est une sorte de brioche de forme torique (en forme de bouée) parfumée à l essence de fleur d oranger recouverte de sucre et de fruits confits ; c est la version du Sud de la France… …   Wikipédia en Français

  • Gateau des rois — Gâteau des Rois Un gâteau des Rois Le gâteau des Rois est une sorte de brioche de forme torique (en forme de bouée) parfumée à l essence de fleur d oranger recouverte de sucre et de fruits confits ; c est la version du Sud de la France… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/678914 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”