- Funiculaire de Belleville
-
Tramway funiculaire de Belleville
Le tramway funiculaire de Belleville est une ligne de tramway à traction par câble aujourd'hui disparue qui reliait de 1891 à 1924 la place de la République à l'église Saint-Jean-Baptiste de Belleville, sur la colline de Belleville dans l'est parisien.
Système hybride entre le tramway et le funiculaire, similaire au célèbre cable-car de San Francisco mis en service en août 1873, il est depuis 1935 remplacé sur son parcours par la ligne 11 du métro de Paris.
Sommaire
Histoire
La nécessité de desservir le quartier populaire de Belleville conduit à la fin des années 1880 à envisager l'établissement d'une ligne de tramway à traction par câble, seule capable d'affronter les pentes de la colline. Mais contrairement à San Francisco ou aux autres villes américaines aux larges avenues rectilignes où ce nouveau système est mis en place, la largeur des rues parisiennes ne permet que de poser une voie unique, dotée de plusieurs évitements, le long d'un tracé de plus assez tortueux.
En 1886, un certain monsieur Fournier dépose une demande de concession. Après de nombreuses délibérations de la Ville de Paris, du ministère des Travaux Publics, du ministère de l'Intérieur et des ponts et chaussées et les protestations virulentes de la compagnie générale des omnibus, qui y voyait une atteinte à son monopole, la ligne est déclarée d'utilité publique par décret du 24 janvier 1889 sous le régime juridique d'une Voie ferrée d'intérêt local autorisée par le Conseil général de la Seine[1]. Une convention est signée le 7 août 1890 entre le département et M. Fournier, qui prévoit la construction de la ligne par la Ville et son exploitation par M. Fournier. Ce dernier sera remplacé par la Compagnie du funiculaire de Belleville[2].
Le tramway funiculaire est mis en service le 25 août 1891. La ligne débute place de la République, emprunte successivement la rue du Faubourg-du-Temple, la rue de Belleville et aboutit à son terminus devant l'Église Saint-Jean-Baptiste de Belleville. Son parcours total de 2 044 mètres[3] à voie unique comporte cinq points de croisement : au-dessus du canal Saint-Martin, au croisement de l'avenue Parmentier, du boulevard de Belleville, de la rue Julien-Lacroix et de la rue des Pyrénées. Son profil est assez difficile, démarrant avec un profil facile mais s'élevant sur la colline de Belleville avec des rampes de 34 mm/m en moyenne, mais atteignant 70 mm/m et avec de nombreuses courbes de faible rayon.
La ligne est rapidement un succès : dès 1895, elle transporte 4 411 000 voyageurs. La capacité de la ligne devient rapidement insuffisante ; comme il est impossible de multiplier les évitements, la ligne est exploitée en « rafale », avec une suite de véhicules se suivant de très près. Mais cette exploitation est particulièrement dangereuse pour les piétons ou les véhicules routiers. Il est alors décidé de faire circuler deux véhicules accrochés ensemble et la plate-forme d'extrémité est allongée du côté de l'attelage, augmentant la capacité par voiture à cinquante-sept passagers. L'année 1902 est celle du record de trafic de la ligne avec 5 241 000 voyageurs[4]
Le 31 mai 1910, la concession prend fin et la Ville de Paris reprend l'exploitation en régie. Sous-entretenue durant la Première Guerre mondiale, la ligne nécessite de lourds travaux de remise à niveau à la sortie du conflit[5]. Mais l'exploitation est finalement interrompue le 18 juillet 1924 et le tramway est remplacé par une ligne de bus, dite BF, exploitée avec des autobus Schneider H dont on retire les banquettes de la partie avant afin d'augmenter la capacité. Cette ligne est alors incorporée au réseau de la Société des transports en commun de la région parisienne (STCRP). L'infrastructure du tramway funiculaire est détruite, les voitures sont rachetées par un ferrailleur et subsistent de longs mois dans un terrain vague d'Issy-les-Moulineaux[6]. En 1935, la ligne 11 du métro est ouverte sur le même parcours, prolongé de part et d'autre.
Caractéristiques techniques
La voie du tramway funiculaire est établie avec un écartement d'un mètre et possède en son centre un caniveau axial qui ne laisse apparaître qu'une rainure de vingt-neuf millimètres au niveau de la chaussée. Les rails du système Broca reposent sur un « U » évasé sous la chaussée, qui reçoit tous les neuf à douze mètres des poulies supportant le câble de traction. Celui-ci, d'un diamètre de vingt-neuf millimètres et d'un poids de 3 kg/m, est constitué d'une âme en chanvre renforcé de six torons d'acier. La résistance du câble avant rupture est de dix tonnes.
Chaque terminus de la ligne est équipé d'une roue de 2,50 mètres de diamètre disposée horizontalement sous la chaussée, et qui assure le retour du câble de traction. Ce dernier passe ensuite par une autre poulie qui a pour but d'assurer la tension du câble pour compenser son allongement[7],[8]
Ce câble sans fin était tracté par deux machines à vapeur système Corliss de cinquante chevaux, installées au dépôt, situé 97 rue de Belleville.
Les vingt-et-un véhicules d'une longueur de cinq mètres et d'une largeur d'1,60 mètre seulement accueillent vingt-deux voyageurs dont quatorze sur les banquettes longitudinales. Le matériel roulant ne voit aucune évolution ; les voitures restent éclairées à l'acétylène et ne sont pas chauffées en hiver vu la courte durée des trajets.
Les véhicules sont équipés d'un système de « grip » ou pince débrayable qui plonge agripper le câble dans le caniveau. Le conducteur effectue un serrage progressif du câble qui met en mouvement le véhicule. Ce serrage plusieurs milliers de fois par an limite la durée de vie du câble à moins de six mois. Le câble défile dans le caniveau à la vitesse de 3 mètres par seconde soit 10,8 km/h la journée, et à 3,5 mètres par seconde soit 12,6 km/h en soirée, avec la moindre circulation.
Pour l'arrêt de la voiture, l'agent de conduite dispose d'un frein à main qui agit sur les roues, ainsi que d'un frein à patins sur rails[9].
L'infrastructure est réalisée par la Ville de Paris, sous la direction de Fulgence Bienvenüe, ingénieur de la Ville, qui se rendra célèbre en étant le maître d'œuvre du métro de Paris.
Exploitation
Le tramway funiculaire dessert un quartier populaire de Paris ; pour cette raison, le tarif est unique et modeste : 0,10 francs. Ce tarif est réduit de moitié pour les circulations correspondant à l'entrée ou à la sortie des ateliers, en début et en fin de service. Malgré les tarifs très bas, la compagnie du tramway funiculaire est celle qui, à Paris, réalise les plus gros bénéfices au kilomètre grâce à la densité du trafic.
L'exploitation du tramway n'a pas changé durant toute son existence : un départ toutes les onze minutes de cinq à six heures du matin, puis toutes les six minutes de six heures à minuit et demi. Le nombre total de départs quotidiens s'élève à trois cent soixante-quatre l'hiver, et trois cent quatre-vingt-deux l'été, dont respectivement trente-sept et trente en matinée à demi-tarif.
Les incidents d'exploitation sont relativement rares et sont surtout liés à l'usure du câble de traction. La rupture de fils provoque son enroulement autour du grip, empêchant le véhicule de s'arrêter : c'est ainsi que le tramway renverse des charrettes qui n'ont pu se dégager à temps et provoque une grande pagaille dans la rue.
Mais la forte déclivité de la rue de Belleville a provoqué quelques accidents bien plus spectaculaires. Le plus important est survenu le 6 janvier 1906, quand la rupture du grip entraîne l'emballement du véhicule. Celui-ci dévale alors à toute allure la rue de Belleville, traverse la rue des Pyrénées à une vitesse avoisinant les 120 km/h selon la presse, avant de dérailler et de se mettre en travers dans la rue du Faubourg-du-Temple. Les voyageurs sont pris de panique et sautent en marche, ce qui provoque dix-sept blessés. En 1907 et 1909, le tramway ne pouvant freiner à temps, deux collisions surviennent entre les voitures et des automotrices Mékarski au carrefour de la rue des Pyrénées[6].
Le tramway funiculaire et la littérature populaire
Dans La Livrée du crime, Pierre Souvestre et Marcel Allain décrivent Fantômas de retour d’un rendez-vous avec les apaches, empruntant le funiculaire en haut de la rue de Belleville pour se rendre boulevard de Ménilmontant où l’attend la belle Adèle...
Annexes
Articles connexes
- Tramway • Funiculaire
- Ligne 11 du métro de Paris
- Le quartier de Belleville et l'ancienne commune de Belleville (avant son annexion par la Ville de Paris)
Bibliographie
- Jean Gennesseaux, Funiculaires et crémaillères de France, éd. La Vie du Rail, 1992, 232 pages (ISBN 9-782902-808427)
- Jean Robert, Les tramways parisiens, 1992, 573 p.
- (fr+en) G. De Burgraff (trad. Joe Thompson), « Le Tramway funiculaire de Belleville », dans Le Magasin Pittoresque, vol. Sér. 2. T. 8, 1890 [texte intégral]
- Maxime Hélène, « Le funiculaire de Belleville à Paris », dans La Nature, Revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, Masson, vol. 18 (2e sem. 1890), no 905, 4 octobre 1890, p. 283-299 (ISSN 0369-3392) [lire en ligne sur Wikisource]
- Sheila Hallsted-Beaumert, « Le funiculaire de Belleville : politique municipale et transports publics à Paris », dans le XIXe arrondissement, une cité nouvelle, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, 1996, p. 202-204
Ouvrage coordonné par Béatrice de Andia
Liens externes
- La complainte du funiculaire, texte d'une chanson du début du XXe siècle
- Documentaire Ménilmontant-Belleville : Mémoires d'un vieux quartier, diffusé par l'ORTF le 07/06/1965 - 00h44m10s sur le site de l'INA
- Tramway funiculaire de Belleville, Le Magasin Pittoresque, 1890
Notes et références
- ↑ Nicholas Papayanis, « Les transports à Paris avant le métropolitain », dans Métro-cité : Le chemin de fer métropolitain à la conquête de Paris (1871-1945), Paris musées, 1997, p. 25 (ISBN 2-87900-374-1)
- ↑ Jean Robert, Les tramways parisiens, p 426
- ↑ De Burgraff mentionne toutefois une longueur de 2325 mètres.
- ↑ Jean Gennesseaux, Funiculaires et crémaillères de France, p 31.
- ↑ Jean Gennesseaux, op. cit., p 32.
- ↑ a et b Jean Robert, op. cit., p 430
- ↑ Jean Robert, op. cit., p 426 à 428
- ↑ Burgraff, art. cité
- ↑ Jean Robert, op. cit., p 429
- Portail des transports en Île-de-France
- Portail du chemin de fer
- Portail de Paris
Catégories : Transport en commun parisien | Funiculaire | Belleville | Tramway en Île-de-France | Ancien tramway de France
Wikimedia Foundation. 2010.