Ferdinand Brunot

Ferdinand Brunot

Ferdinand Brunot, né le 6 novembre 1860 à Saint-Dié-des-Vosges et mort le 30 janvier 1938 à Paris, est un linguiste et philologue français. Auteur d'une monumentale Histoire de la langue française des origines à 1900 dont neuf volumes entre 1905 et 1937 sont parus de son vivant, ce professeur universitaire, premier titulaire d'une chaire d'histoire de la langue française créée en 1899 à la Sorbonne à son attention, est un véritable chercheur, précurseur de la recherche linguistique française.

La démarche d'enquête phonétique semble triviale aujourd'hui, mais les travaux pionniers auxquels son laboratoire contribue sont l'objet d'une vive et durable contestation de la vieille école grammairienne française[1].

Républicain engagé, dans le courant des radicaux réformistes et pacifistes, il fait partie des premiers membres de la ligue des droits de l'homme avec Lucien Herr et prend des responsabilités politiques, comme maire d'arrondissement à Paris de 1910 à 1919 ou universitaires, en tant que doyen de la faculté de Lettres de Paris de 1919 à 1928.

Sommaire

Enfance et éducation

Ferdinand-Eugène-Jean-Baptiste Brunot, second fils de Jean-Baptiste Brunot et Maris-Louise Leclerc, est né le 6 novembre 1860 à Saint-Dié. Le grand-père également nommé Jean-Baptiste est tourneur de chaises et a formé son fils Jean-Baptiste à l'atelier familial. Mais Jean-Baptiste montre des convictions républicaines trop ardentes s'opposant à la dictature du prince-président Louis Bonaparte en 1851, ce qui lui vaut d'être emprisonné à Strasbourg. Grâce à l'intervention réitérée de l'évêque de Saint-Dié, monseigneur Caverot, il est gracié en 1854. Après son mariage à Saint-Dié, Jean-Baptiste devient marchand de drap forain. Petit à petit, le vendeur itinérant entre deux marchés s'initie aux nouvelles techniques de couture et devient vendeur et réparateur de machines à coudre. Il retrouve la vie d'atelier, s'installe en échoppe et finit sa vie patron d'une petite entreprise de confection.

Ferdinand enfant n'accompagne pas l'errance professionnelle de son père et demeure souvent dans l'atelier du grand-père. Il joue avec les bandes de petits chenapans dans les ruelles du vieux Saint-Dié qui entremêlent avec saveur les nombreux dialectes d'anciens français de la montagne vosgienne environnante. Il fréquente l'institution sainte Marie et le collège de Saint-Dié. Il y passe son baccalauréat en 1876 et décide d'aller étudier à Dresde en Allemagne. Peut-être la longue occupation prussienne de Saint-Dié jusqu'en août 1873, l'arrivée de divers petits groupes de population optante, dialectophones germaniques, ou les incitations de son père à voir du pays ont-elles été un premier aiguillon ?

En deux années, surmontant un initial et complet dépaysement linguistique pour n'en garder plus tard que d'inoubliables souvenirs, le jeune homme y apprend les humanités modernes à l'université. Il observe l'éducation allemande, lit le Hochdeutsch des journaux, écoute avec intérêt les idiomes locaux. Il revient en France et s'inscrit en classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand. Il intègre l'école normale supérieure de la rue d'Ulm en 1879, condisciple d'Émile Durkheim, Jean Jaurès, Henri Bergson ou Desjardin.

Le directeur de l'école d'Ulm, Fustel de Coulanges, méticuleux historien des institutions, apprécie cet élève « très instruit, intelligent » et surtout « laborieux et modeste ». Il le tient pour le plus prometteur de la promotion. L'appréciation est réciproque. Ce qui n'est pas le cas de Louis Pasteur, directeur des études, souvent maussade et bougon, qui élève, dans les enclos et sur les pâtures proches de l'école, des moutons et autres animaux destinés à ses expériences scientifiques et ses tests. Il n'est nullement apprécié des élèves, comme Ferdinand Brunot, qui cherchent à caresser - à importuner et effrayer, enrage Pasteur - les animaux réservés à son laboratoire.

Un chercheur universitaire

Après des études à l'école normale supérieure de la rue d'Ulm, de 1879 à 1882, le jeune premier agrégé de grammaire de sa promotion découvre l'enseignement professoral au lycée de Bar-le-Duc pendant l'année scolaire suivante. En 1883, chaudement recommandé par son ancien directeur et ami Fustel de Coulanges, il est nommé directement maître de conférence à la faculté de Lyon à vingt-trois ans.

En 1891, il soutient une thèse pour l'obtention du doctorat es lettres sur la doctrine de Malherbe d'après son commentaire sur Desportes, ainsi qu'une thèse complémentaire écrite en latin, comme il était d'usage[2]

Ferdinand Brunot aime la ville de Lyon, sa population bigarrée et joyeuse. Il y rédige un premier manuel, son Précis de grammaire historique de la langue française qui sera publié chez Masson à Paris, en 1899. Plus tard, le chercheur exigeant estime ce manuel raté et le refonde avec son fidèle élève Charles Bruneau.

En 1899, sa petite famille quitte Lyon. Il est nommé chargé de cours à la faculté des lettres de Paris et à l'école normale supérieure rue de Sèvres. En réalité, la Sorbonne a décidé de créer à son intention une chaire d'histoire de la langue française. Il y sera professeur de 1900 à 1934. Sa leçon inaugurale est publiée dans le premier tome de l'Histoire de la langue française. Ferdinand Brunot est maintenant libre de développer un laboratoire de langue française, articulant les deux facettes complémentaires de pédagogie et de recherche. En effet, enseignant à l'université, il continue avec un intérêt vibrant à professer en petites classes à l'école normale supérieure de Sèvres.

Depuis 1896, Ferdinand Brunot collabore avec Louis Petit de Julleville, qui rédige l'Histoire de la langue et de la littérature française, en apportant au premier, puis aux deuxième et troisième tomes, un chapitre sur la langue.

Une œuvre à amplifier : l'Histoire de la langue française

Ferdinand Brunot signe un contrat avec l'éditeur Armand Colin le 1er mai 1903. Ce contrat prévoit la rédaction d'une histoire de la langue française en trois tomes, il est étendu à douze tomes du vivant du principal responsable, puis à vingt tomes.

L’Histoire de la langue française, des origines à 1900 parue entre 1905 et 1938 chez Armand Colin, à Paris, comporte onze tomes.

  • Tome 1 : De l'époque latine à la Renaissance
  • Tome 2 : Le seizième siècle
  • Tome 3 : La formation de la langue classique (2 volumes)
  • Tome 4 : La langue classique
  • Tome 5 : Le français en France et hors de France au 17e siècle
  • Tome 6 : Le 18e siècle

(i) Le mouvement des idées et les vocabulaires techniques (ii) La langue post-classique (avec A. François)

  • Tome 7 : La propagation du français en France jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.
  • Tome 8 : Le français hors de France.
  • Tome 9 : La Révolution et l'Empire

(i) Le français, langue nationale (ii) Les événements, les institutions et la langue.

  • Tome 10 : La langue classique dans la tourmente.
  • Tome 11 : Vie du français hors de France sous la Révolution, le Consulat et l'Empire (deux manuscrits retrouvés qui constituent l'essentiel des deux volumes)

Les tomes X et XI ont été publiés à titre posthume entre 1939 et 1979. Prenant la suite, l'héritier Charles Bruneau a poursuivi, dans un esprit assez infidèle, l’entreprise réalisant le tome XII et commençant le tome XIII , publiés de 1948 à 1972[3].

  • Tome 12 publié en 1952-53 : Epoque romantique (1815-1852) Epoque réaliste (1856-1886)
  • Le tome 13 (deuxième partie) est achevé par M. Piron.

En effet, Bruneau est essentiellement un historien de la langue littéraire. Il a également repris le Précis de grammaire historique de la langue française, déjà publié sous le nom de Brunot et Bruneau.

L'ensemble du labeur de HLF a été repris entre 1966 et 1969, par Georges Gougenheim assisté de Gérald Antoine et Robert-Léon Wagner. Elle permet une nouvelle édition des volumes précédents, accompagnée d'un index et d'une bibliographie.

Depuis 1975, les acquis de la linguistique nécessitent toutefois de refonder cette Histoire de la langue française, respectant ainsi l'esprit de la recherche qui animait tant le bon maître Brunot.

Une vie de laboratoire

En 1911, en s’appuyant à la fois sur les travaux de l’abbé Rousselot et sur les exemples étrangers d'archives phonographiques, Brunot crée en Sorbonne les Archives de la parole, première pierre de l’Institut de phonétique de l’Université de Paris et cellule-mère de la phonothèque nationale. L’aide d’Émile Pathé et le mécénat parisien permettent d'équiper un laboratoire d'enregistrement et d'employer du personnel. L'infatigable chercheur enregistre avec ses assistants et thésards les voix des prestigieux écrivains orateurs, enregistre les langues régionales, attentifs aux moindres nuances d'accent, part recueillir les dialectes, et indissociables, les traditions orales et les chants des plus humbles contrées paysannes ...

Le matériau collecté diffère profondément selon la personne ou le groupe source, le lieu, le moment…mais commence au laboratoire une étude minutieuse et un traitement spécialisé permettant de fournir une foule d’informations qu’il aurait été impossible de remarquer en direct, sur le champ, au moment de la prise phonographique… et le matériau sélectionné finit par un archivage à la Phonothèque. L’équipe de Ferdinand Brunot est reconnue et célèbre dans toute l’Europe pour la qualité de ses enquêtes folkloriques. Durant l’été 1914, Bela Bartók, qui a réalisé en 1905-06 ses premières enquêtes systématiques avec Zoltán Kodály sur le folklore hongrois vient à Paris pour parler de ses enregistrements au professeur Brunot, directeur du musée de la parole[4]. Une coopération jouant sur la complémentarité est décidée, mais la guerre annoncée est l’augure de son avortement[5].

La singularité de la langue est primordiale, pense Brunot. Chaque langue qui a une morphologie et une syntaxe spécifique a une logique propre. On comprend qu'il dénonce l'impérialisme du latin, une langue morte qui s'impose et à défaut se perpétue à devoir être, comme autrefois, un calque. Le grammairien dénie au latin la possibilité d'être une langue normative et logique pour le français.

Comment trouver alors la logique propre du français ? Il faut simplement étudier les moyens d'expression des locuteurs et des écrivains, c'est-à-dire observer à la fois la langue écrite et la langue parlée, en prenant en compte les niveaux sociaux et la situation du sujet parlant.

Ses investigations de philologie sociologique lui ont permis de nourrir une pédagogie, sous forme de grammaire d'usage. Le référent, c'est-à-dire les choses de la vie, engendre le langage. On comprend alors qu'un grand nombre de grammairiens de la langue française, fixés sur une démarche inverse, en partie héritée ou méconnue, soient devenus de féroces ennemis, plus que des rivaux. L'école adverse, aujourd'hui disparue, était représentée par Jacques Damourette et Édouard Pichon, dont la grammaire en six volumes arborait un sous-titre évocateur « Des mots à la pensée ».

Un pédagogue exemplaire

La pensée et la langue. Méthode, principes et plan d'une théorie nouvelle du langage appliquée au français publié en premier lieu chez Masson, à Paris en 1922 est le fruit de la réflexion doctrinale et pédagogique, qu'il partage à différents niveaux avec ses élèves de l'ENS, c'est-à-dire les jeunes femmes de l'école rue de Sèvres, et au sein de son laboratoire, milieux qu'il appelle "sa famille". Il a été régulièrement employé et cité par Maurice Grevisse dans son ouvrage le Bon Usage.

La démarche du chercheur scientifique Brunot ne pouvait éviter la question de l'orthographe et du pouvoir qui était associé à sa définition raisonnée ou sa fixation arbitraire. Et il pourfend autant l'impérialisme du latin ou de l'orthographe que toutes les formes d'académisme ou d'arrogance des clercs dominants et des lettrés engoncés dans leurs certitudes.

L'Académie française au sortir de la Grande Guerre ne compte pas d'authentiques chercheurs de la langue française dans ses rangs. Les académiciens n'ignore pas que le premier dictionnaire de l'Académie prévoyait à l'origine une grammaire et une poétique[6] Mais hélas, les essais n'ont jamais vu le jour. Représenté par de vieux littérateurs et hommes de lettres bourgeois qui ont souvent gagné galons et argent avec leurs œuvres, l'aréopage académique est conscient du fort appel culturel des peuples de l'Est, dont le nationalisme accorde un statut d'exception au français.

Les académiciens présomptueux prévoient un renouveau du français dans le monde entier et se doivent de contribuer à cette nouvelle et euphorique expansion. Le projet oublié ressort ainsi en 1925. On embauche un jeune agrégé qui doit se dévouer, sous les augustes regards, à la tâche. Or il se trouve que l'agrégé de grammaire immature qui fournit les principales données n'est autre qu'un ancien élève de Ferdinand Brunot ! Le jeune homme stipendié par les quarante Immortels rédige après un long effort quinquennal la grammaire attendue. La grammaire de l'Académie française paraît en 1932 et provoque immédiatement une belle hilarité scientifique.

Conscient de son rôle dans l'élaboration de la grammaire française et soucieux d'éviter d'autres querelles ou des prises de risques inutiles à ses anciens élèves professeurs en cours de carrière, Ferdinand Brunot, doyen honoraire, se charge immédiatement de répondre à la catastrophique grammaire de l'Académie française. Il publie ses observations sur la grammaire de l'Académie française, chez Droz, à Paris en 1932. Il brocarde ainsi avec finesse la grammaire officielle du jeune agrégé grammairien. Ce remarquable historien de la langue française ne connaîtra pas les honneurs de l'Académie française.

Doyen efficace entre 1919 et 1928

En 1919, Ferdinand Brunot accepte la charge de doyen de l'Université de Paris. L'université a été conçue et construite pour accueillir cinq cents étudiants. Or en 1920, ils sont cinq mille et d'insolubles dilemmes cornéliens atteignent et assaillent l'administration chargée des embryons de services universitaires. Devant cette disproportion entre fréquentation et équipement, il est urgent de rechercher des lieux annexes.

L'ancien maire du 14e arrondissement ne répugne pas le soutien et l'initiative privés. Avec le concours de Deutsch de la Meurthe, le doyen se lance dans une course effrénée d'acquisition de terrain, tout en concevant l'ébauche sur le long terme de ce qui doit devenir la cité universitaire internationale de Paris. Le doyen bâtisseur qui se souvient de ses années à Dresde et de sa fascination pour la belle capitale Berlin inaugure l'institut de géographie, rue saint Jacques et l' institut d'Art et d'Archéologie, rue Michelet.

Tout en s'efforçant d'agrandir l'Université riquiqui qu'on lui a confiée, ils n'oublient pas de se soucier de la situation matérielle des étudiants et des jeunes enseignants. L'homme Ferdinand Brunot souhaite en premier une formation intellectuelle et morale. Si la technique prime sur l'esthétique, il ne conçoit pas une éducation sans éducation physique et artistique.

Enfin, le linguiste n'oublie pas sa discipline et fonde l'office des langues. Dès 1920, il s'implique et invente selon ses conceptions modernes l'école de préparation des professeurs de français à l'étranger, à nouveau demandés dans une pléthore de pays redéfinis depuis le Traité de Versailles. Il s'y montre farouche défenseur et adepte du contrôle continu de connaissances. Ce spécialiste intervient aussi dans l'organisation de la Mission laïque et de l'Alliance française.

Au terme d'un parcours de doyen combattant, affrontant hostilité sournoise et vindictes ouvertes, il est admis à l'honorariat en 1928 et Henri Delacroix lui succède. Membre du conseil supérieur de l'instruction publique, l'ancien chercheur participe aux travaux de la section permanente et du comité consultatif des lettres.

Reconnaissance des académies, universités et société savantes

C'est le milieu savant belge qui l'honore en premier, lui proposant un siège à l'Académie royale de Belgique. Il accepte d'être membre de l'académie royale de langue et littérature française de Belgique, dans sa section philologie. L'Europe du Nord apprécie très tôt ses travaux pionniers. Il entre à l'Académie royale de Danemark comme membre. Il devient docteur honoris causa des universités d'Amsterdam, de Bruxelles, de Cambridge, de Liège et de Prague.

En France, il entre finalement en 1925 à l'institut, section des inscriptions et belles-lettres. Il est aussi membre de l'académie Stanislas à Nancy ainsi que de l'académie de Châlons-sur-Marne. Il est membre d'honneur de la société philomatique vosgienne.

Il est lauréat de l'Académie française (prix Saintoin), de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (grand prix Gobert), officier de l'ordre de Léopold de Belgique, grand officier ou commandeur de nombreux ordres étrangers et Grand Croix de la légion d'honneur en 1933.

Vie familiale et civile

Ferdinand Brunot est aussi une personnalité fascinante, car le chercheur et scientifique issu d'un milieu modeste d'artisan du bois et d'une contrée marginale, une petite ville industrielle de la montagne vosgienne, a respecté ce qui composait en lui le kaléidoscope ou les multiples facettes de son identité. Le respect et l'écoute du bourgeois brillant ou du plus humble des locuteurs d'une langue, leurs légitimes droits à la parole et à l'intérêt scientifique correspondent chez lui au libre déploiement des diverses manières d'être acquises au cours de son éducation et de ses études.

Une vie familiale discrète

Ferdinand Brunot a épousé en première noce Marie Liégeois, fille d'un professeur de droit à Nancy. Il a eu deux filles, Marguerite et Henriette. En seconde noce, il aura de Marie-Renée Emmanuel deux fils, André et Jean[7].

Un grammairien citoyen

Pendant son séjour lyonnais, il adhère à la ligue des patriotes. En 1887, il refuse l'obédience boulangiste et fonde la ligue patriote du Rhône. Désormais, ancré à la gauche républicaine, il anime le courant des radicaux réformistes et pacifiques. Il est, avec Lucien Herr, un des premiers membres de la ligue des droits de l'homme, instituée pour défendre l'innocence du capitaine Dreyfus. Ferdinand Brunot s'arqueboute, fidèle à ce combat politique jusqu'au terme de la réhabilitation.

Son engagement politique constant le mène à briguer la mairie de son lieu d'habitation en 1910. L'élu parisien n'abandonne pas sa vie de chercheur et consacre une après-midi par semaine à ses administrés, instaurant un régime de délégation.

Maire du 14e arrondissement de Paris de 1910 à 1919, il s'investit à plein temps dans sa charge pendant la Grande Guerre et au-delà. Il ne quitte la mairie que pour être revêtu de la charge, encore plus écrasante, de doyen de l'université de Paris en 1919.

Lorsque la guerre survient, les difficultés assaillent ses administrés et il se consacre à plein temps à sa tâche. Chargé d'assurer le ravitaillement en lait, il recense les vaches des quartiers de Plaisance et du Bois de Boulogne. Pour éviter fraudes et détournements, il décide d'installer une étable surveillée au rez de chaussée de son immeuble.

Il crée l'union des œuvres de guerre du 14e arrondissement et tente par tous les moyens de féderer les initiatives. Le maire participe aux ravitaillements de son arrondissement et n'oublie pas l'aide aux plus démunis dans cette sombre période. Pendant le froid hiver 1915-16, le premier magistrat prend des mesures pour réduire les difficultés de chauffage, instaure des repas à prix réduit à partir de 1917, fournit des aides aux mères et généralise les goûters des enfants des écoles...

Un homme du bois

Ce fils d'une vieille famille de tourneurs sur bois, installée auparavant à Sainte-Marguerite, puis à Saint-Dié a gardé un vif attachement à ses Vosges natales, mais aussi un attrait encore plus fort pour le métier de ses ancêtres. Il aime sculpter le bois. Sa demeure est aménagée avec les meubles en bois sortis de ses mains. Il en donne parfois et lègue à sa mort sa collection personnelle au musée de l'École de Nancy[8]. L'ébéniste, sculpteur et tourneur sur bois amateur a toujours soutenu l'essor des arts décoratifs, en particulier ses amis et innovateurs nancéens Émile Gallé et Louis Majorelle.

Sa carrière universitaire et la vie bourgeoise urbaine l'ont éloigné de son milieu social, mais le chercheur de terrain, en contrée rurale, sait retrouver ses repères et utilise les connaissances de ses humbles origines pour capter le meilleur du savoir linguistique d'interlocuteurs choisis.

Maire du 14e arrondissement de Paris de 1914 à 1919, il devait assurer le ravitaillement de lait aux jeunes mamans en période de pénurie dramatique, le maire énergique avait installé les vaches au rez de chaussée de son immeuble du XIVe arrondissement et veillait lui-même à assurer le contrôle des opérations de traite et de distribution. Il est probable qu'il confectionna le mobilier adapté aux nouvelles locatrices, rateliers et auges en bois, se souvenant des modèles durant son enfance montagnarde.

Il n'était pas rare en soirée d'apercevoir ses mains tachées de brou, à la grande stupeur des invités bourgeois[9]. Comme il préservait ses ongles longs, l'aspect noirâtre de ces mains négligées pouvait déjà répugner à quelques élèves et étudiants. Dans l'immeuble de son appartement parisien, le professeur et plus tard l'ancien doyen, redevenu homme simple et actif, avait trouvé moyen d'installer un petit atelier de travail du bois au rez de son immeuble, là où il avait placé les vaches municipalisées en 1914, et se délassait en confectionnant quilles et petites pièces sculptées, se remémorant les jours d'enfance passés à l'atelier du grand-père.

Bibliographie

  • Georges Marande, « Table généalogique de la région de Saint-Dié, chapitre IV, Famille Brunot », Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne, 1964-65, p. 95-110. Liste des œuvres principales établies par son fils André p. 111.
  • Gérald Antoine, « Ferdinand Brunot, l'homme et l'œuvre », Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne, 112e année, Volume LXXXIX, 1986, p. 33-44.
  • Notice d'Albert Ronsin in Les Vosgiens célèbres. Dictionnaire biographique illustré, Vagney (88120), Éditions Gérard Louis, 1990, 394 p. (ISBN 2-907016-09-1)
  • Claude Choley, Un mandarin sous la troisième République : Ferdinand Brunot, professeur, militant, maître à penser, thèse, Université de Tours, 1995.
  • Henri Besse, « Ferdinand Brunot, méthodologue de l'enseignement de la grammaire du français », Histoire Épistémologie Langage 17/1, 41-74, 1995.
  • Jean-Claude Chevalier, F. Brunot (1860-1937) : la fabrication d'une mémoire de la langue, Langages, 1994, n° 114, pp. 54–68.
  • Anne Coste, La Cité Universitaire Internationale, Ferdinand Brunot et la linguistique, Congrès Mondial de Linguistique Française, Paris, France, 2008

Notes et références

  1. Cette sourde hostilité cherche à viser aussi les personnes et cherche à entraver la reconnaissance de l'oeuvre de Brunot, bien en vain car il glane plus tard les louanges de l'Europe du Nord savante.
  2. La doctrine de Malherbe d'après son commentaire sur Desportes, Masson, Paris, 1891 (Thèse de doctorat en français). "De Philiberti Bugnonii vita et eroticis versibus thesim Facultati Litterarum Parisiensis proponebat, F. brunot, Lugduni, Storck, 1891 (thèse latine) Il s'agit d'un commentaire de l'œuvre soi-disant érotique de Philibert Bugnyon, dont le style est conforme à Pierre de Ronsard. Erotasmes de Phidie et Gelasine, plus le chant panégyrique de l'Ile Pontine, avec la Gagete de Mai, Lyon, 1557.
  3. L'infidélité est souligné par l'académicien des sciences morales, Gérald Antoine, en accord avec ses collègues refondant la nouvelle édition de 1968-69
  4. De la grande plaine hongroise, des collines à la Puszta, les enquêtes initialement magyares ont abordé les contreforts montagneux de Slovaquie et de Transylvanie, voire au-delà en Roumanie. Bartok, perçoit la nécessité des études comparatives, et avant 1914 s'est intéressé aux folklores nordiques, méditerranéens et orientaux. La masse de matériau phonographique qu’il lui reste à traiter est colossale. Articles de Jean Gergely sur Bela Bartok et Zoltan Kodaly, in Encyclopedia Universalis.
  5. Le jeune professeur de piano de l’académie de Musique de Budapest regagne promptement l’Empire austro-hongrois avant le début des hostilités et la fermeture des frontières.
  6. La prestigieuse première édition date de 1694.
  7. André Brunot né à Chaville termina sa carrière ingénieur général des Ponts-et-Chaussée et directeur de l'école nationale des Ponts-et-Chaussées de 1959 à 1970. Jean Brunot (1906-1952) a été dirigeant commercial de sociétés productrices de moteurs d'automobiles et d'aviation.
  8. Ce musée avait ainsi prévu de créer une salle spéciale Ferdinand Brunot avec les meubles de son salon et sa salle à manger, quelques années après sa mort.
  9. Anecdote narrée par Gérald Antoine, académicien des sciences morales, spécialiste de littérature comparée, qui a dirigé une partie finale de l'oeuvre projetée par Ferdinand Brunot.

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