Croix sanglante

Croix sanglante

Vraie Croix

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La Vraie Croix, dite également Sainte Croix, est la croix sur laquelle Jésus-Christ aurait été crucifié. Elle est devenue à partir du IVe siècle une des principales reliques de la chrétienté, faisant l'objet d'un culte particulier. Des reliquaires portant le nom de staurothèques sont spécialement fabriqués pour abriter les fragments.

Staurothèque byzantine du début du IXe siècle

Dans le christianisme, la Croix est en effet considérée comme l'instrument du salut de l'humanité puisque c'est sur elle que le Christ, en mourant, aurait racheté les hommes de leurs péchés, et particulièrement du péché originel. Deux fêtes marquent, dans le calendrier liturgique catholique romain, l'importance de cet objet : l'Invention de la Croix (3 mai) et l'Exaltation de la Croix (14 septembre).

Sommaire

Les données historiques

Peinture d'Hans Pleydenwurff, 1470, une représentation de la croix en forme de T avec le titulus lui donnant l'aspect d'une croix latine

Les Évangiles sont les seuls documents canoniques pour connaître les circonstances de la mort de Jésus de Nazareth. Selon l'Évangile de Marc (le plus ancien en date), rédigé en grec, Jésus serait mort juste en dehors des murailles de Jérusalem, en un lieu appelé calvaire ou Golgotha (c'est-à-dire « lieu du crâne »). Là, il aurait été cloué sur un stauros (« croix » en grec) et pendu à un xylon (« bois » en grec) entre deux malfaiteurs que la tradition chrétienne désigne sous le nom de bon et mauvais larrons. Une inscription portant le motif de sa condamnation aurait accompagné son supplice. Il serait mort au bout de quelques heures.

On sait grâce à l'archéologie[réf. nécessaire] et aux textes antiques[1] comment se déroulait ce supplice que nous appelons crucifiement. Le condamné était d'abord attaché ou cloué (par les poignets et non par la paume des mains) à une traverse de bois (stauros en grec, patibulum en latin). Puis cette traverse était fichée dans un pieu vertical (en grec xylon, c'est-à-dire bois, et en latin crux ou furca) moins élevé qu'on ne l'imagine en général, les pieds du supplicié touchant presque le sol. Le tout formait ce que les Romains appelaient une crux (d'où l'origine du français « croix »). On pense qu'elle avait la forme d'un T. Le condamné mourait par asphyxie, après plusieurs heures de souffrances. Particulièrement douloureux et humiliant, ce genre de mort était, dans l'Empire romain, réservé aux esclaves et aux non-citoyens.

À partir du IVe siècle, l'Empire romain étant devenu chrétien, ce supplice fut abandonné car il ne convenait plus à un Empire se réclamant officiellement d'un Dieu ayant été exécuté de cette manière. On oublia donc les circonstances réelles de la mort du Christ, et l'image de la « croix » se modifia pour devenir cet objet à quatre directions couramment représenté dans les « croix » et les « crucifix » des églises chrétiennes. En outre, la traduction latine de la Bible (la Vulgate) ayant été faite après la disparition de ce supplice, cette traduction ne comprend plus les termes employés par le texte grec et traduit stauros par crux, et xylon par lignum (qui signifie « bois »). D'où l'image courante représentant Jésus en train de porter sa croix : en réalité, le condamné ne portait la plupart du temps que le patibulum.

Il existe une interprétation[réf. nécessaire] selon laquelle le titulus serait à l'origine de l'erreur de représentation de la Croix du Christ. Ce support cloué au dessus de la croix, sur le patibulum, lui aurait donné un peu la forme caractéristique de la croix latine. Ponce Pilate aurait fait mettre sur le titulus de la Vraie Croix un texte en latin (Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum), hébreu et grec :

« Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs ».

Les grands prêtres demandèrent au Procurateur romain de rajouter « Cet homme a dit... je suis le roi des Juifs ». Pilate répondit : « ce que j'ai écrit est écrit ». Par la suite, les représentations chrétiennes ont transformé le texte en se limitant aux initiales I.N.R.I, (en latin I et J sont la même lettre).

Légendes sur l'origine de la Croix

La reine de Saba vénère le bois de la Vraie Croix. Légende de la Vraie Croix (Piero della Francesca), église San Francesco, Arezzo

De nombreuses légendes ont été diffusées sur l'origine du bois de la Croix. En effet, il semblait inconcevable aux chrétiens de ce temps que le bois ayant servi au salut de toute l'humanité soit un bois ordinaire. Il fallait donc que ce bois ait « une histoire ».

Selon une première tradition, elle aurait été faite de quatre bois différents[2] (car il faut compter le montant transversal - le patibulum, le vertical - le stipes, la tablette portant l'inscription - le titulus, et la traverse pour les pieds du Christ - le suppedaneum) : bois d'olivier (symbole de la réconciliation), de cèdre (symbole de l'immortalité et l'incorruptibilité), de cyprès et de palmier.

Une autre tradition médiévale, remontant à l'Évangile apocryphe de Nicodème, est reprise au XIIIe siècle dans la Légende Dorée du dominicain Jacques de Voragine. La Croix du rédempteur fut taillée dans le bois de l'arbre ayant poussé sur la tombe d'Adam, traditionnellement localisée à Jérusalem, sur l'emplacement même de la crucifixion. Or, cet arbre n'est autre que celui qui a poussé à partir d'une graine de l'Arbre de la Vie, semée dans la bouche d'Adam après sa mort par son fils Seth. C'est l'archange Michel qui l'a apportée à Seth depuis le paradis terrestre afin de permettre à terme le rachat du péché originel. En effet, le Christ est en général désigné comme le « nouvel Adam », qui rachète le péché introduit dans le monde par le premier homme.

L'arbre ayant poussé sur le tombeau d'Adam est alors abattu sur ordre du roi Salomon pour servir de bois d'œuvre. Destiné d'abord à la construction du Temple, il est finalement affecté à celle d'un pont, celui de Siloé. La reine de Saba, rendant visite à Salomon, s'agenouille devant cette poutre de bois, avec la prémonition qu'il servira à fabriquer la croix de la passion de Jésus. Selon une autre version, elle aurait écrit à Salomon pour lui dire qu'à ce bois serait un jour attaché l'homme dont la mort mettrait fin au royaume des Juifs. Touché par cette prémonition, Salomon ordonne alors aux ouvriers de retirer le bois sacré du pont sur le Siloé et de l'enfouir profondément sous terre. Et, à l'endroit où l'arbre était enfoui, se forma plus tard la piscine probatique : si bien que l'eau guérissait les malades. Cette version est illustrée par exemple par les fresques de Piero della Francesca à Arezzo. Il fallait encore rendre compte de la disparition du bois de la croix après la mort du Christ. Selon les versions les plus courantes, les trois croix (celle du Christ et celles des larrons) auraient été jetées dans un fossé, près des remparts de Jérusalem à quelques mètres du Golgotha. La Légende dorée de Voragine et sa représentation picturale de la Légende la Vraie Croix de Piero della Francesca en relate les pérégrinations et sa redécouverte par Hélène (mère de Constantin), les preuves de sa véracité...

Histoire des reliques de la Vraie Croix

Le nom de « Vraie Croix » a plus particulièrement été donné à un ensemble de reliques remontant à la croix découverte par sainte Hélène au début du IVe siècle. Découpé en plusieurs fragments et dispersé entre plusieurs sanctuaires chrétiens, en particulier Jérusalem et Constantinople, le bois de la Vraie Croix représente au Moyen Âge une relique très répandue. À partir du XIIIe siècle, nombreux sont les sanctuaires qui prétendent en posséder des fragments.

Au IVe siècle : sainte Hélène et l'Invention de la Croix

Hélène et Constantin autour de la Vraie Croix, Sazonov.

Au IVe siècle, l'Empire romain devient peu à peu chrétien sous le règne de l'empereur Constantin Ier le Grand. Ce dernier, converti au christianisme en 337, sur son lit de mort, fait construire de nombreuses basiliques dans l'ensemble de l'Empire, en particulier sur les lieux ayant abrité la vie du Christ. L'une de ces basiliques, le Saint-Sépulcre à Jérusalem, est érigée sur l'emplacement présumé du tombeau du Christ et du Golgotha. Rapidement, cette basilique prétend posséder une relique particulièrement prestigieuse : la Vraie Croix.

Selon des récits en partie légendaires[réf. nécessaire], qui apparaissent à partir des années 370, soit une trentaine d'années après la mort de Constantin, c'est sainte Hélène, la mère de l'empereur, qui aurait découvert la Croix de Jésus lors d’un pèlerinage en Palestine entrepris en 326. Le bois de la croix fut découvert sur le lieu du calvaire, après que l'on fit détruire le temple de Vénus bâti par Hadrien, afin d'y ériger la basilique du Saint-Sépulcre. C'est au cours du chantier que trois croix auraient été trouvées. Un miracle (ou une inscription, selon les versions), aurait permis de distinguer la croix du Christ de celles des deux larrons.

Il existe trois récits primitifs de cette inventio reliquarum.

L'Invention de la Croix, Agnolo Gaddi, Florence, 1380.

En 395, l'évêque de Milan saint Ambroise précise qu'Hélène aurait retrouvé les croix dans une ancienne citerne, et qu'elle aurait reconnu celle du Christ grâce à son inscription : "Jésus de Nazareth, roi des Juifs". Une version identique est rapportée par saint Jean Chrysostome à la même époque.

La légende prend alors de l'ampleur. L'historien Sozomène (début du Ve siècle) et d’autres auteurs comme Théodoret de Cyr (même époque) précisent que les reliques furent partagées entre plusieurs églises du monde chrétien, tout particulièrement Rome et Constantinople. En effet, d'autres églises que celle du Saint-Sépulcre commencent à revendiquer la possession de fragments de la relique. On explique ainsi que la sainte impératrice aurait installé un fragment du bois de la Croix dans le palais construit par son fils Constantin dans sa nouvelle capitale, Constantinople ; elle aurait par la même occasion retrouvé les clous par lesquels le Christ avait été crucifié, autre relique revendiquée par la capitale impériale. De même, en partance pour Rome, la mère de Constantin aurait emporté avec elle d’importants morceaux du bois sacré et d'autres reliques ayant trait à la Passion du Christ. Elle aurait placé les reliques dans son palais, appelé « palais Sessorien », et serait morte peu de temps après.

La découverte des trois croix. Un jeune homme blessé est guéri par la Vraie Croix. Fresque de la basilique San Francesco, Arezzo, Piero della Francesca XVe siècle.

Au cours du VIe siècle, Rufin d'Aquilée rapporte les circonstances de la découverte dans un récit considéré comme classique, et qui représente en quelque sorte l'aboutissement de l'élaboration de la légende :

« Hélène vint à Jérusalem, inspirée par Dieu. Un signe céleste lui indiqua le lieu qu’elle devait creuser. Elle en retira trois croix, celle du Christ et celles des deux larrons. Hélène demeura perplexe car comment reconnaître parmi elles le bois sur lequel Jésus avait subi sa douloureuse agonie ? Macaire, l’évêque de Jérusalem, qui assistait l’impératrice dans ses recherches, demanda qu’on amenât sur une civière une femme mourante. Au contact de la première croix, la moribonde demeura insensible : la seconde croix elle aussi, ne produisit aucun effet, mais à peine la femme eut-elle touché la troisième qu’aussitôt elle se leva et se mit à marcher avec entrain et à louer Dieu. Ce miracle permit ainsi de distinguer la vraie croix. Hélène fit trois parts de cette croix, l’une destinée à Jérusalem, la seconde à Constantinople, la troisième à Rome. »

— Rufin d'Aquilée

Rapportant un développement ultérieur de la légende, la Légende dorée de Jacques de Voragine, fait allusion à la révélation de l'emplacement de la croix par un juif nommé Judas. Suite à cette découverte, il se serait converti au christianisme, aurait pris comme nom de baptême Quiriace (ou Cyriaque), serait devenu évêque de Jérusalem et serait mort martyr sous l'empereur Julien l'Apostat.

L'importance de la découverte de la relique, dont la date supposée serait le 3 mai 326, donna naissance à la fête de l’Invention de la Sainte-Croix (le mot « invention », du latin inventio, est ici à interpréter dans le sens de découverte, comme pour les mises au jour de vestiges divers).

Dans le calendrier du rite de l'Église de Jérusalem, attesté dès le début du Ve siècle, la fête de l'invention de la Croix est datée du 7 mai. L'Exaltation de la Croix le 14 septembre, en partie empruntée à la liturgie du Vendredi saint, est aussi attestée dès cette époque.

Au VIIe siècle : Héraclius, l'Exaltation de la Croix et la semaine de la tyrophagie

Dans les siècles suivant la diffusion des récits concernant l'Invention de la Croix, le culte se développe dans plusieurs points du bassin méditerranéen, en particulier à Jérusalem et à Constantinople.

La Palestine reste relativement paisible jusqu'au VIIe siècle. Mais en 614, Jérusalem, centre de pèlerinage chrétien, tombe aux mains des Perses du roi Chosroès II, en guerre alors contre l'Empire romain d'Orient (ou Empire byzantin). Les Perses emportent avec eux, dans leur butin, la Vraie Croix ainsi que plusieurs autres reliques, et brûlent les églises de Jérusalem. Ils conservent néanmoins la relique car elle représente une véritable « monnaie d'échange » en cas de négociations avec Byzance.

Quelques années plus tard, l'empereur byzantin Héraclius Ier, vainqueur des Perses à Ninive en 627, force le successeur de Chosroès à signer un traité de paix, et obtient la restitution de la Croix. Il rapporte alors la relique à Jérusalem, la porte solennellement au Calvaire et restaure l'église du Saint-Sépulcre. Cette cérémonie est célébrée dans la liturgie catholique et orthodoxe le 14 septembre, sous le nom d'Exaltation de la Sainte Croix.

Le retour de la Croix à Jérusalem, en 630, a donné lieu à des pogroms anti-juifs, qui est la raison de l'institution d'un jeûne expiatoire, qui deviendra la semaine de la tyrophagie, la huitième semaine avant Pâques. Diverses sources font allusion à ce jeûne expiatoire, notamment le Triodion, ainsi que l'historien arabo-melkite Eutychès d'Alexandrie.[3]

La Croix à Constantinople et à Jérusalem

Quelques années seulement après la réinstallation triomphale de la Croix à Jérusalem commence la conquête arabe, qui fait passer Jérusalem sous domination musulmane. L'Empire romain d'orient perd la Palestine en 638. Le culte de la sainte Croix continue à Jérusalem, mais il s’intensifie surtout dans les territoires restés sous domination chrétienne, et tout particulièrement à Constantinople.

Cette même année, deux autres reliques de la Passion, la Sainte Éponge et la Sainte Lance sont récupérées par le patrice Nicétas, qui les envoie à Constantinople, la capitale de l’Empire, où elles sont solennellement montrées au peuple rassemblé dans la basilique Sainte-Sophie le jour de la fête de l’Exaltation de la Croix. C’est là un épisode de cette longue « migration des reliques de la vie de Jésus », de Jérusalem vers Constantinople et au-delà. La capitale byzantine, au même titre qu'elle était devenue la « nouvelle Rome » depuis Constantin, prenait désormais l’aspect d’une « nouvelle Jérusalem ». L'église de la « Vierge du Phare », située au cœur du palais impérial, abrite ainsi de nombreuses reliques de la Passion : la Sainte Lance ayant percé le flanc du Christ, les clous ayant servi à l’attacher à la Croix, la couronne d’épines ou encore l’éponge utilisée pour abreuver Jésus de posca.

À Jérusalem, le culte de la Sainte Croix continue d'abord sans grandes difficultés, même si les pèlerins sont nécessairement moins nombreux. Les musulmans accordent en effet aux chrétiens de la ville la possibilité de conserver leurs sanctuaires et de pratiquer leur culte. Ce n'est qu'à partir du Xe siècle que les difficultés surgissent. Face aux persécutions du calife fatimide al-Hâkim, les chrétiens de Jérusalem doivent, en 1009, cacher le fragment de la sainte Croix conservée jusque là au Saint-Sépulcre. Elle serait restée dissimulée pendant quatre-vingt dix ans.

La Vraie Croix à l'épreuve des Croisades

La redécouverte de la Croix d'après Gustave Doré

En 1099 les croisés de Godefroy de Bouillon prennent Jérusalem et établissent les royaumes croisés de Terre Sainte. Le fragment de la Vraie Croix caché en 1009 est miraculeusement redécouvert et réinstallé avec honneur dans la basilique du Saint-Sépulcre. Les pèlerins viennent en masse se prosterner devant elle. Elle devient alors le symbole du royaume croisé de Jérusalem : les Croisés l'emmènent en effet au devant de l’ennemi à chaque bataille.

En 1187, Saladin remporte sur les Croisés la bataille de Hattin. Il met alors la main sur la Sainte Croix, que le roi Guy de Lusignan avait emportée avec lui au combat. Jérusalem tombe peu après aux mains de Saladin. A la nouvelle du désastre, le pape Urbain III serait mort sur le coup. Ce fragment de la Vraie Croix disparaît alors : l’histoire en perd désormais la trace, et il n’a jamais été retrouvé.

En 1203, une nouvelle croisade (la quatrième) est prêchée par le pape Innocent III dans le but de reprendre Jérusalem ; elle est cependant détournée vers Constantinople, les croisés se retournant contre leur ancien allié. La ville est prise d’assaut le 12 avril 1204, et mise à sac durant trois jours. Néanmoins les reliques de la chapelle palatine du Phare, dont le fragment de la Croix conservé à Constantinople, échappent pour un temps à leur convoitise et au pillage. Elles sont attribuées en partage à l’empereur Baudouin VI de Hainaut que les Croisés élisent parmi leurs chefs et placent à la tête du nouvel empire qu’ils fondent alors, l’« Empire latin de Constantinople ».

De Constantinople à Paris

Mais cet empire est fragile et artificiel, menacé de toutes parts, toujours au bord de la faillite financière : cela oblige les empereurs latins à se résoudre à mettre en gage auprès des Vénitiens, puis à leur céder, les derniers trésors qui leur restent, notamment les reliques de la chapelle impériale du Phare. Si la Sainte Croix, comme les autres reliques christiques, témoignait de la ferveur religieuse des rois, elle servait surtout à assurer la légitimité de leur pouvoir auprès du peuple.

En atteste l'intérêt de Louis IX de France (Saint Louis) pour ces dernières. En 1238, il rachète aux Vénitiens une partie des reliques gagées par l'empereur latin de Constantinople, dont la couronne d'épines. Le 30 septembre 1241, la Vraie Croix et sept autres reliques du Christ, notamment le « Saint Sang » et la « Pierre du Sépulcre » sont acquises. Enfin, en 1242, neuf autres reliques, dont la « Sainte Lance » et la « Sainte Éponge » venaient rejoindre les précédentes.

Pour accueillir l'ensemble des reliques, dont le fragment de la Croix, le roi fait construire et consacrer en 1248 la « Sainte-Chapelle », un lieu sacré au centre de Paris, dans l'île de la Cité, au centre du palais royal (l'actuel Palais de Justice). À la Sainte-Chapelle, à l’intérieur de la chapelle haute, la Sainte Croix et les autres reliques venues de Constantinople sont enfermées jusqu’à la Révolution dans une « Grande Châsse » monumentale d’orfèvrerie, haute de plus de trois mètres. La Croix à double traverse, haute de près d’un mètre à elle seule, avait été retirée de son écrin byzantin. Afin qu'elle pusse être visible de tous, elle avait été entièrement revêtue de cristal, recouverte à l’intérieur de dorures et sertie de perles et de pierres précieuses.

La Révolution marque la disparition de cette relique. En effet, le 25 avril 1794, la Vraie Croix est dépouillée des matières précieuses qui l’ornaient et sa trace se perd. Néanmoins il reste des reliques du bois de la Croix et un clou de celle-ci dans le Trésor de la sacristie de la cathédrale Notre-Dame.

Autres sanctuaires possédant des reliques de la Croix

Tableau-reliquaire de la Vraie Croix et couvercle à glissière. Reliquaire de Byzance, XIe siècle, Musée du Louvre

Il est difficile de retracer l'histoire de la Vraie Croix car celle-ci fut découpée en de nombreux morceaux distribués à de nombreux bénéficiaires. Aujourd'hui, les morceaux de la croix du Christ sont très dispersés, et la liste de ces reliques est longue :

  • Un morceau de la Vraie Croix serait miraculeusement arrivé dans un lieu-dit du Morbihan à l'époque des croisades. Une chapelle a été bâtie à cet emplacement puis le village s'est développé pour devenir une commune à part entière qui porte le nom de la relique : La Vraie-Croix.
  • Un autre morceau de la Vraie Croix est conservé en Anjou, dans la chapelle des Incurables de l'hospice de Baugé.
  • Il existe aussi dans la collégiale Sainte-Croix à Liège, quatre fragments disposés en une petite croix en or bordée d'un grènetis et ponctuée de perles, le centre étant occupé par une pierre semi-précieuse sur un triptyque reliquaire en chêne recouvert de cuivre doré, repoussé, émaillé et ciselé. L'empereur Henri II du Saint-Empire aurait offert en 1006 à la collégiale Sainte-Croix, les reliques de la Vraie Croix reçues du roi de France Robert II dit le Pieux. Jusqu'en 1996, avant qu'il ne soit restauré, le reliquaire du trésor était visible dans le trésor de la cathédrale. Il est actuellement exposé au MARAM (Musée d'art religieux et d'art mosan à Liège) où il est conservé par mesure de sécurité mais aussi dans le but d'être présenté à un large public. Cette staurothèque (ou reliquaire de la Vraie Croix) porte au revers une inscription dédicacée au nom de Constantin VII et de son fils Romain II. Constituée d'or, d'argent doré, d'émail cloisonné sur or, de perles et de pierres précieuses, elle fut réalisée au milieu du Xe siècle (entre 945 et 959) et le reliquaire à compartiments, au nom du proèdre Basile le parakoimomène, bâtard de l'empereur byzantin Romain Ier Lécapène, fut exécuté à la fin du Xe siècle (entre 968 et 985). Il fut réalisé dans les ateliers impériaux de Constantinople. Des fragments de la relique sont enchâssés en forme de croix dans la monture orfévrée. Plusieurs logettes portant des inscriptions en grec renferment d’autres objets sacrés comme des fragments de la tunique, du linceul, de la couronne d'épines ou bien encore des clous.
  • Un morceau de la sainte croix est aussi détenu à la paroisse copte orthodoxe de Sarcelles en région parisienne.
  • Un morceau de la Vraie Croix est conservé à l'abbaye de Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault). En 804, Guillaume de Gellone fonde l'abbaye de Gellone. Après son décès, le 28 mai 812, celle-ci devient l'abbaye de Saint-Guilhem (Guilhem étant la forme occitane de Guillaume). La relique d'un morceau de la vraie croix conservée par l'abbaye attire la dévotion des pèlerins de Saint-Jacques. Cette abbaye se trouve sur le territoire de l'ancien diocèse de Lodève alors que l'abbaye d'Aniane, toute proche, est sur celui de Maguelone.


Nombreuses sont donc les églises qui prétendent posséder des fragments de la Vraie Croix. Une étude du début du XXe siècle établit que le morceau le plus volumineux serait conservé dans un monastère du Mont Athos. Les autres fragments seraient, par taille décroissante, conservés à Rome, Bruxelles, Venise, Gand et Paris.

Contestations

La grande diffusion des reliques de la Vraie Croix, ainsi que la minceur de la chaîne de transmission, entraîna bien entendu un certain nombre de contestations. À la fin du Moyen Âge, le nombre d'églises prétendant posséder un fragment de la Vraie Croix était tel, en Occident comme en Orient, que le doute devint monnaie courante à mesure que la croyance dans les reliques décline. Calvin écrit dans son Traité des reliques que l'ensemble des fragments pourrait aisément remplir un navire. Selon un adage célèbre, avec tout le bois de la croix, « on aurait pu chauffer Rome pendant un an » !

Ces critiques, même si elles peuvent paraître exagérées, sont historiquement fondées. Si l'ensemble des reliques conservées à ce jour ne représente pas une quantité supérieure à celle d'une croix telle qu'elle aurait pu exister au Ier siècle de notre ère, cela ne signifie pas pour autant qu'ils sont tous d'authentiques descendants des fragments de bois découverts à Jérusalem au début du IVe siècle — et encore moins d'authentiques fragments de la croix ayant réellement servi à la crucifixion. Le hiatus d'environ 300 ans entre la mort de Jésus et la découverte de la croix par sainte Hélène, ainsi que les quarante ans qui séparent cette prétendue découverte de l'apparition des reliques dans les églises de Rome, Jérusalem et Constantinople, justifient amplement les doutes émis depuis maintenant cinq siècles, d'abord par les théologiens protestants puis aujourd'hui par l'immense majorité des historiens.

Bibliographie

  • Jean-Luc Deuffic (ed.), Reliques et sainteté dans l'espace médiéval, Pecia 8/11, 2005 [1]

Autres articles

Références

  1. chez Plutarque et Artémidore
  2. Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy, Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses, publié par Guien, 1821, p. 191
  3. S. Verhelst: Histoire ancienne de la durée du carême à Jérusalem, Questions liturgiques, 84 (2003), 23-50 (compléments dans l'introduction du volume Jean de Bolnisi à paraître dans la collection des Sources chrétiennes, éd. du Cerf).
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