Crucifiement

Crucifiement
Page d'aide sur l'homonymie Cet article traite du supplice du crucifiement en général. Pour le crucifiement de Jésus de Nazareth, voir Crucifixion.
Antonello da Messina, La Crucifixion, 1475, détail

Le crucifiement est une méthode de mise à mort consistant à placer le supplicié sur une croix, un support en forme de T ou un arbre et à l'attacher par divers moyens (clous, cordes, chaînes, etc.). Plusieurs variantes du supplice existent.

Sommaire

Histoire

C'était un supplice en usage chez les peuples barbares[1] orientaux, les Celtes et chez les Perses et les Phéniciens. Alexandre le Grand en fit usage en crucifiant plus de deux mille prisonniers après la prise de Tyr en 332 av. J.-C.[2]. Les Carthaginois l'appliquèrent, notamment dans la répression de la guerre des Mercenaires. Comme l'empalement, le crucifiement est facile à mettre en œuvre, ne nécessitant que peu de préparation et a un aspect dissuasif sur les témoins de la scène.

Chez les Romains, cette peine est infamante et réservée, en général, à ceux qui ne sont pas citoyens romains. Elle est attestée à partir de 217 av. J.-C. pour des esclaves[3] et sera appliquée ensuite aux brigands et aux pirates, parfois aux prisonniers de guerre et aux condamnés pour motifs politiques. Appien mentionne qu'après la défaite de Spartacus en 71 av. J.-C., 6 000 de ses partisans furent crucifiés le long de la Via Appia, de Rome jusqu'à Capoue[4]. Les Romains connaissaient aussi le crucifiement privé, supplice infligé par un maître à son esclave[5].

L'Ancien Testament ne mentionne pas le crucifiement qui n'était donc pas une peine prévue par la loi juive ; la peine capitale était appliquée chez les Juifs par lapidation. Des Juifs furent toutefois crucifiés sous Alexandre Jannée[6] et sur ordre du légat romain Varus[7]. Selon le Nouveau Testament, Jésus de Nazareth fut condamné à mort par le préfet romain Ponce Pilate et exécuté par crucifiement ; on parle dans ce cas de sa crucifixion. Le culte de la croix répandu par Hélène explique une désaffection de ce supplice, puis son interdiction par Constantin et son remplacement par l'exécution sub furca[8] : le condamné est attaché à un poteau en forme de Y majuscule puis fouetté jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Chaque année aux Philippines, des fanatiques religieux se font volontairement fouetter et crucifier (parfois même avec des clous) afin d'endurer les mêmes souffrances que le Christ[9].

Déroulement de l'exécution

Gravure de la fin du XVIe siècle représentant une mise en croix.

Chez les Romains, chez qui ce châtiment était un supplice infamant et servile[10], le condamné était attaché et/ou cloué bras écartés avec des cordages (effet de garrot) sur une poutre (patibulum, qui a donné le mot français « patibulaire », c'est-à-dire « qui mérite de porter une croix ») sur laquelle était attachée le motif de sa condamnation (titulus). Le patibulum, doté d'une mortaise, était fixée, soit au sommet (crux commissa en forme de T), soit en dessous (crux immissa) d'un pieu (stipes) qui était ensuite fiché en terre — la croix de Jésus était vraisemblablement une crux immissa puisque, selon les Évangiles, un écriteau était fixé au sommet, et relativement haute puisqu'un soldat lui donne à boire avec une éponge imprégnée de vinaigre (boisson distribuée aux légionnaires) au bout d'une branche d'hysope. Les pieds, encloués ou attachés, reposaient parfois sur une console en bois fixée sur le montant vertical. Le condamné pouvait aussi être cloué à un arbre.

Ce supplice ayant été abandonné depuis longtemps, on ne sait plus exactement en quoi il causait la mort, puisqu'il s'agit d'une torture passive (pas d'action exécutoire d'un bourreau). La culture populaire retenait que si la victime était en bonne santé, ce ne pouvait être que l'action combinée de la soif et des rigueurs du climat qui put provoquer le décès, laissant au moins quelque jours d'agonie au supplicié. Cela est illustré dans la scène finale de crucifiement du film La Vie de Brian des Monty Python. L'un des crucifiés estime la durée de leur agonie à deux jours tout au plus, ce qui est probablement un maximum pour quelqu'un d'exposé continuellement, nu, au soleil ardent de Palestine. Dans le cas bien détaillé de Jésus de Nazareth, mort au bout de quelques heures sur la croix, on présume que ce sont les sévices infligés auparavant (notamment la flagellation) qui auraient précipité la mort, probablement par un trouble cardiaque.
Des expériences pseudo-médicales pratiquées par les Nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale montrent que la mort survient par asphyxie après une durée variable allant d'une dizaine de minutes à une heure suivant que les pieds du condamné sont lestés ou libres[11]. En effet, le crucifié a le souffle coupé à cause de la traction exercée par son seul poids sur son diaphragme, et il est donc obligé d'utiliser les muscles des épaules, pectoraux et intercostaux pour relever son corps et s'aider à respirer. Il peut s'appuyer sur ses pieds quand ceux-ci reposent sur une console, mais le corps retombe quand les muscles des jambes se fatiguent à leur tour. Naturellement, le condamné finit par souffrir de crampes, causant une alternance entre blocage et détente respiratoire, ce qui provoque au final une mort lente par asphyxie. Pour accélérer la mort, les membres du condamné peuvent être brisés à la barre de fer (crurifragium). Le condamné ne peut plus alors se redresser et s'épuise plus rapidement[11]. Des expériences plus récentes ont conclu dans le même sens[12].

La peine était parfois précédée de supplices préliminaires (flagellation), censés « préparer » le condamné au crucifiement, sans l'achever prématurément[13]. Le supplicié devait ensuite porter sa croix[14] (ou selon les sources, uniquement le patibulum) jusqu'au lieu de l'exécution, toujours hors de la ville, généralement sur un promontoire ou une croisée des chemins[15],[16] afin de mettre son supplice bien en évidence aux yeux des passants.

Des travaux récents montrent que les pieds étaient cloués soit au niveau du calcanéus (cas du squelette de crucifié retrouvé à Jérusalem en 1968), soit dans l'espace de Mérat (entre le 3e cunéiforme, le 2e cunéiforme et l'os naviculaire)[11].

Crucifiement de Pierre, vitrail du XVIe siècle, Notre-Dame des Andelys

Représentation dans l'art

Notes et références

  1. Au sens grec ou romain : dont on ne comprend pas la langue.
  2. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne], XVII, 46, 3-4.
  3. Tite-Live, Histoire romaine [détail des éditions] [lire en ligne],, XXII, 33, 2.
  4. Si dans le film de Stanley Kubrick, Spartacus est crucifié, le vrai Spartacus meurt en combattant. Plutarque, Vie de Crassus, XI, 10 et Florus, Histoire du peuple romain, II, 14.
  5. Lex Libitina Puteolana de la fin du Ier siècle av. J.‑C. Cité par Charlier, p. 144.
  6. Flavius Josèphe Guerre des Juifs 1, 97s.
  7. Flavius Josèphe, Antiquités juives 17, 295.
  8. Sozomène, Histoire ecclésiastique, I, 8 ; Aurelius Victor, XLI, 4.
  9. BBC News | ASIA-PACIFIC | In pictures: Philippines crucifixions
  10. C'est-à-dire réservé à l'origine aux esclaves, puis étendu à tous les étrangers non libres de l'Empire romain, coupables de crimes : fuite (pour les esclaves), brigandage, sédition, etc. Les citoyens romains, avaient droit, quant à eux, à la peine honorable de la décapitation ; il leur était même accordé le droit de se suicider, et ainsi avoir leurs dispositions testamentaires respectées. Les affranchis, en revanche, perdaient leur statut du fait de leur crime, redevenait esclaves, et partant, subissaient le même sort que ceux-ci.
  11. a, b et c Charlier, p. 146.
  12. Columbia University. Page de Pierre Barbet sur la Crucifixion
  13. Quinte-Curce, VII, 11, 28.
  14. Plutarque et Artémidore parlent de cette coutume dans divers endroits.
  15. Voir par exemple Plaute, Miles gloriosus.
  16. Charlier, p. 144.

Bibliographie

  • (en) David W. Chapman, Ancient Jewish and Christian perceptions of Crucifixion, Mohr Siebeck, 2008 (ISBN 978-3-16-149579-3) extraits en ligne
  • Philippe Charlier, Male mort. Morts violentes dans l'Antiquité, Fayard, 2009 (ISBN 978-2-213-63564-4), p. 143-161.
  • Martin Hengel, La Crucifixion dans l'Antiquité et la folie du message de la croix, éd. Cerf, coll. « Lectio Divina » no105, 1981.

Voir aussi

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