- Croix gammée
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La croix gammée ou svastika est un symbole ancien présent dans de nombreuses cultures.
Article détaillé : svastika.Elle a été utilisée comme symbole par Adolf Hitler et le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP) en raison de son association avec les peuples « aryens » dont ils se réclamaient.
La croix gammée est une représentation dextrogyre[N 1] du svastika. Tandis qu'en Occident, la croix gammée est généralement associée au nazisme, ce n'est pas le cas en Orient ; ainsi, le svastika lévogyre[N 2] est un symbole bouddhique que l'on retrouve sur les statues des bodhisattvas et par référence désigne notamment les temples bouddhiques dans les plans de villes. On retrouve différentes utilisations de ce symbole, dans un sens ou dans l'autre dans différentes cultures autour du monde.
Le svastika dextrogyre noir, emblème du nazisme, a été transformé en l'inclinant à 45° sur un cercle blanc, position moins fréquente pour les svastikas indiens. En terme héraldique, il ne s'agit donc pas à proprement parler d'une « croix », comme le svastika d'origine, mais d'un « sautoir gammé ».
La croix gammée fut adoptée par le NSDAP alors qu'il n'était encore que le Parti des travailleurs allemands (DAP), et devint dès 1920 son emblème officiel. La croix noire représente le combat, le cercle blanc représente la pureté (c'est-à-dire la race aryenne), et le rouge représente la pensée sociale.[réf. nécessaire]
Sommaire
Origines du symbole
Le terme « gammée » renvoie à la lettre grecque gamma à laquelle ressemblent les branches de la croix. En allemand, le mot se traduit par « croix à crochets ». Le terme anglais, fylfot dérive quant à lui du mot scandinave fyl signifiant « beaucoup » et fot « pied ». Enfin, le mot svastika en sanskrit est la forme adjective, par l'adjonction du suffixe -ka, de su-asti qui signifie « bien-être », que les grecs ont conservé sous la forme euastiké.
Les premières représentations de ce symbole ont été retrouvées en Mésopotamie et en Elam, et datées de 2500 à 3000 ans avant JC. Sa diffusion passe par la Méditerranée jusqu'à atteindre le Nord de l'Europe durant l'âge du fer. Au IVe siècle av. J.‑C., elle aurait gagné l'Inde, et au siècle suivant la Chine.
Choix du svastika
Au début du XXe siècle, le svastika était connu en Occident comme symbole indien auspicieux, particulièrement familier aux Britanniques ayant servi dans l’armée des Indes.
Il était également considéré comme un symbole indo-européen, ou plus spécifiquement aryen. Émile Burnouf, orientaliste, voyait dans les Aryens une race supérieure à tendance panthéiste, supérieure aux Sémites monothéistes. Consulté par Schliemann à la suite de sa découverte de svastikas sur le site supposé de Troie, il prétendit y reconnaître un brasier rituel et déclara le symbole typiquement aryen. Cette idée fut répandue par de nombreux auteurs, en particulier Guido von List, poète nationaliste allemand.
Le svastika lévogyre était donc employé en Europe comme simple porte-bonheur d’origine indienne (en particulier en Angleterre), ou comme emblème combinant valeur propitiatoire et identité ethnique indo-européenne (sans être obligatoirement lié à une idéologie raciste). En Allemagne cependant, d'autres mouvements nationalistes populaires dits völkisch l’utilisaient sous sa représentation dextrogyre. La version nazie, sous l'influence de Alfred Rosenberg, auteur principal de la théorie raciale du Troisième Reich, voyait dans les Aryens un peuple de « maîtres » ancêtres des Germains ayant envahi l'Europe du Nord, et faisait du svastika, selon les propres mots de Hitler, le « symbole du combat pour la victoire de l'Aryen ». Selon José Manuel Erbez, spécialiste des drapeaux, l’Ordre des nouveaux templiers fondé par Lanz von Liebenfels en Autriche avait également pour emblème un svastika de « supériorité aryenne » entouré de quatre fleurs de lys.
Forme définitive de l'emblème nazi
Dans Mein Kampf[1], Adolf Hitler présente le débat qui a entouré l’élaboration de l’insigne nazi, pour laquelle un véritable concours d’idées fut lancé. Hitler accordait non seulement de l’importance au symbole, mais surtout au choix des couleurs (rouge, blanc, noir, couleurs de l’Empire allemand, trahi par les criminels de novembre). Il justifie son choix, notamment par le souci qu’il avait de renforcer l’impact visuel de l’emblème nazi et explique aussi le rôle qu’il a joué dans sa conception :
« Moi-même, cependant, après de nombreuses tentatives, je m’arrêtai à une forme définitive : un rond blanc sur fond rouge, et une croix gammée noire au milieu. Après de longs essais, je trouvai aussi une relation définie entre la dimension du drapeau, la grandeur du rond blanc, la forme et l’épaisseur de la croix gammée. Et c’est resté ainsi. »
Hitler a pu être influencé par la Société de Thulé avec laquelle le DAP entretenait déjà des rapports. Un membre de cette société, un dentiste de Starnberg, Friedich Krohn, mentionné dans Mein Kampf, avait dessiné et proposé un drapeau similaire à celui du NSDAP.
L’orientation de la croix gammée, pointant vers la droite comme le svastika auspicieux japonais, fut définitivement fixée au cours de l’été 1920 ; on prit soin que les drapeaux soient conçus de manière à toujours la montrer selon cette orientation quelle que soit la face observée. Cependant, selon Ralph Stelter, cette précaution ne fut pas prise pour les drapeaux en mer sur lesquels la croix peut donc apparaître inversée.
Variantes
Il existe plusieurs variantes de la croix gammée :
- Croix noire inclinée à 45° sur un disque blanc (exemple : drapeau du NSDAP et du Troisième Reich)
- Croix noire inclinée à 45° sur un carré blanc sur pointe (exemple : Jeunesses hitlériennes)
- Croix noire inclinée à 45° bordée de noir et blanc sur un disque blanc (exemple : enseigne de guerre)
- Croix noire horizontale bordée de noir et blanc sur un disque blanc (exemple : drapeau personnel de Hitler entouré d'une couronne d'or ; Schutzstaffel - emblème des divisions SS ; Reichsdienstflagge – drapeau utilisé par les administrations et bateaux civils – entouré d'un cercle noir)
- Petites croix inclinées à 45° or, argent, noir ou blanc, parfois entre les serres d'un aigle (badges et drapeaux)
- Croix aux branches incurvées formant un cercle brisé (Division SS Nordland ; division étrangère)
- croix bleu (emblème utilisé par les Finlandais durant la Seconde Guerre mondiale)
- croix rouge (emblème utilisé par la Lettonie durant la Seconde Guerre Mondiale)
Usage officiel
Elle apparaissait sur tous les drapeaux, badges et brassards du NSDAP, ainsi que sur des décorations comme la croix de fer.
D'après Jose Manuel Erbez, c’est au lac Tegernsee que furent montrés les premiers drapeaux nazis, de facture artisanale, mais aucun n’a été conservé. Leur premier usage officiel public date de Orstgruppe München.
Le 14 mars, peu après l’accession de Hitler au poste de chancelier, le drapeau nazi fut hissé en même temps que le drapeau national, devenant co-drapeau national.
À l'occasion du congrès de Nuremberg, il deviendra le seul drapeau national le 15 septembre 1935.
Des associations civiles telles que le Reichsbund Deutsche Jägerschaft utilisèrent également un brassard marqué d’une croix gammée
La croix gammée après la Seconde Guerre mondiale
Hors d'Europe
À Taïwan, la dimension idéologique de l'emblème nazi et même la Shoah étaient jusqu'au milieu des années 1980 ignorées de la plupart des gens. La croix gammée évoquait uniquement la puissance militaire allemande, et pouvait occasionnellement se voir sur des accessoires de moto ou des emballages de maquettes d'engins de la Seconde Guerre mondiale. Son usage fut presque totalement abandonné après que la représentation allemande ainsi qu'israélienne eurent protesté contre une campagne publicitaire sur le flanc des autobus de Taipei. La croix gammée y figurait pour vanter la qualité technique et la solidité d'un produit électro-ménager.
Dans le documentaire Anaconda du DVD live du groupe Rammstein, une anecdote est rapportée par le gérant du groupe : au Mexique, des fans, croyant que la croix gammée faisait partie intégrante de la culture allemande, arboraient ostensiblement ce symbole lors de dédicaces.
Le groupe Rammstein dut émettre un communiqué dans lequel il expliquait que ce symbole n'était pas vraiment le bienvenu aux concerts ni aux séances de dédicace.
Lors de son procès, Charles Manson arborait un « X » incisé sur le front avec un couteau[2], « X » qu'il transformera plus tard en croix gammée[3].
En Inde
En Inde, c'est un symbole omniprésent, non seulement sur les temples, mais aussi sur les maisons, dans les rues, les objets, en tant que symbole religieux, spirituel et métaphysique du cosmos et de la vérité (ekam satya, aneka panthi est un vers du Véda qui signifie « Une seule vérité, plusieurs chemins », ce que représente la croix gammée). Le Svastika représente d'ailleurs la « société noble » (ârya samaj) pour les Hindous, composée des brâhmanes (savants), kshatriya (Défenseur), vaïshya (paysan-artisan) et shûdra (serviteur), ou comme le définit le Manusmriti (lois de Manu) :
« 62. La mort, sans l’espérance d’une récompense, pour les Brâhmanes et les vaches, ou dans la défense de femmes et d’enfants, garantit la béatitude à ceux ne faisant pas partie de la communauté Ârya (les Vahya). 63. L'ahimsâ (respect impérieux de la Vie, non-violence), la véracité, l'abstention de s'approprier les biens d'autrui, la pureté et le contrôle des sens, Manu a ainsi déclaré que tout cela peut être considéré comme le résumé du Dharma pour les quatre Varna d' Ârya (« noble »). (Livre X) »
Enfin, les Jaïns — le jaïnisme étant une religion morale qui a pour premier credo la non-violence (ahimsâ) —utilisent tout spécialement le svastika pour symbole de l'Harmonie cosmique, et bien sûr à chacune de leur cérémonie : le centre du svastika (ou croix gammée) symbolise l'âme libérée du cycle des réincarnations, tandis que les quatre branches représentent : 1. le monde des démons ; 2. le monde des végétaux ; 3. le monde des animaux (l'homme fait parti du règne animal) ; et 4. le monde des divinités ; l'âme libérée et au centre car elle est en paix éternelle – délivrée des naissances et des morts en ces différents corps et destins de démons, de végétaux, d'animaux et de divinités, grâce à la pratique de la non-violence et de l'ascèse absolues (pour le jaïnisme, le svastika ordonne ainsi la Non-violence directe et indirecte envers toutes les créatures, qui ont toutes la même âme, la même vie, le même vouloir-vivre dans des conditionnements différents et éphémères).
Pour ces raisons, les Indiens n'ont aucune prévention contre ce symbole, et considèrent que les Occidentaux devraient en comprendre la haute antiquité au lieu de le rejeter en bloc ou l'utiliser à tort. « Ce n’est pas parce que Hitler a fait un mauvais usage de ce symbole pour propager son régime de terreur, de racisme et de discrimination, qu’il faut en interdire l’usage pacifique. » — Ramesh Kallidai[4].
En Europe
Mise dans un contexte de dérision, la croix gammée est utilisée comme symbole anti-raciste : croix gammée mise à la poubelle, panneau d'interdiction de la croix gammée, etc. Ces symboles de « dérisions » ne sont pas à utiliser en Inde, où le svastika est un symbole aussi significatif et sacré pour les Hindous, Jaïns (mais aussi Bouddhistes) que l'étoile de David ou la Ménorah pour les Juifs (l'Indien moyen ne connaît globalement pas grand chose à l'histoire européenne, et généralement très peu du nazisme, jusqu'à l'ignorer totalement le plus souvent : les symboles ci-dessous, en Inde ou pour un « hindou », sont vus comme « anti-hindou » ou « anti-jaïn » (le svastika est un symbole très utilisé par les jaïns et hindous), ou « anti-bouddhiste », de même qu'une étoile de David barrée ou mise en « dérision » jetée dans une poubelle pourrait être prise effectivement pour un symbole « anti-juif » en contexte européen ; cela doit être pris en compte aussi) :
Dans plusieurs pays d'Europe, en particulier en Allemagne (selon le Strafgesetzbuch section 86a c’est-à-dire l’article 86a du code pénal allemand), il est interdit d'employer la croix gammée autrement qu'à des fins de représentation historique sous peine de prison. Ainsi les dessins de croix gammées mises à la poubelle étaient paradoxalement illégaux jusqu'à 2007[5] à cause de lois contre les symboles nazis.
Ainsi, il fallut en Europe censurer les croix gammées de l'épisode de South Park La Passion du Juif (4e épisode, saison 8). Dans le dessin animé La Ligue des justiciers, les nazis employaient donc non pas une croix gammée mais une Sieg Rune[6]. En effet, cet épisode se déroule dans un univers parallèle où les nazis ont gagné la guerre, donc non historique, certaines scènes ayant lieu dans les années 2000 de cet univers.
La croix gammée est un des signes les plus utilisés lors des profanations de cimetières, en particulier juifs.
Notes et références
- Notes
- Dextrogyre = qui tourne à droite
- Lévogyre = qui tourne à gauche
- Références
- Mein Kampf, tome 2, chapitre VII.
- (en) The Case of Serial Killer Charles Manson - Manson le 6 août 1970, FoxNews
- (en) Childhood Images of Charles Manson young and today. Year 2010 - Before and After
- Courrier international no 847
- http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,471880,00.html
- Justice League Unlimited: The Savage Time (1) - TV.com
Bibliographie
- R. Petitfrère, La mystique de la croix gammée, Paris, Éditions France-Empire, 1962, 475p.
Annexes
Articles connexes
- Svastika : signification du svastika selon les pays et les religions.
- Svastika rouge : association humanitaire chinoise
Lien externe
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