- Cordite
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La cordite est un explosif souvent appelé poudre sans fumée (bien qu'il ne s'agisse pas d'une poudre). Il a l'apparence d'un plastique jaunâtre à brun. Il était généralement diffusé sous forme de fils, de spaghettis ou de plaquettes après extrusion et séchage.
Cette substance ne dégage presque pas de particules lorsqu'elle est allumée et ne produit pas de flash lumineux.
Elle se consume néanmoins plus rapidement que la ballistite d'Alfred Nobel.C'est un produit dangereux (source de brûlures graves, voire d'explosion violente s'il est enfermé dans un contenant et mis à feu). Il est très peu soluble dans l'eau comme en témoignent les bâtons de cordites que l'on retrouve encore intacts sous la mer, après près d'un siècle[1].
Sa production n'a été abandonnée au Royaume-Uni qu'à la fin du XXe siècle, avec la fermeture de l'usine ("poudrerie royale") de Bishopton dite « Royal Ordnance Factory » (ROF).Sommaire
Usages
- La cordite a d'abord été utilisée dans les douilles de petites munitions (de guerre, puis de chasse) ou pour propulser des obus dans le canon, avec moins de risque d'éclatement du fût du canon ou du fusil, et une corrosion moins rapide de ce fût.
- Elle a ensuite été utilisée comme carburant solide pour les fusées.
- La cordite a été utilisée dans la bombe atomique Little Boy en 1945 pour propulser un projectile d'uranium contre une autre masse de matière fissile.
Composition
Les principales formulations étaient dites RDB (pour Research Department formula B), SC (pour Solventless Cordite) et N (pour nitroguanidine) Sous sa forme moderne (cordite N), cet explosif est composé de
Fabrication
Le mélange des composants dissous dans de l'acétone est extrudé puis séché sous forme de câbles ou spaghettis plus ou moins fins d'où le nom de "cordite" (ou parfois de plaquettes).
Histoire
La cordite a d'abord été utilisée au Royaume-Uni pour remplacer la poudre noire des balles (modèles 303 Mark I et II, cartouche standard des fusils de 1891 à 1915 chez les anglais et certains de leurs alliés).
De même, la cordite a dans l'artillerie également remplacé la poudre noire, pour une grande partie de ses usages à partir de 1889 en Angleterre. La pénurie de cordite induite par le début de la guerre en 1914-1915 a conduit les États-Unis à en produire sur leur territoire. Durant la guerre, l'essentiel du tonnage produit a servi à alimenter les chars, la marine de guerre et l'artillerie anglaise et du Commonwealth.La poudre blanche
En 1884, le chimiste français Paul Vieille inventa la première poudre explosive qui ne dégageait pas de fumée (la Poudre B ou Poudre Blanche).
Elle était produite grâce à de la nitrocellulose et du collodion, mélangés à de l'éthanol et de l'éther puis malaxés pour obtenir une substance trois fois plus explosive que la poudre noire, sans les inconvénients de cette dernière (fort pouvoir détonnant, sensibilité à l'humidité, production de fumée..).
L'absence de fumée est due à une combustion produisant une bien plus grande proportion de gaz que dans le cas de la poudre noire (laquelle se dégrade à 60 % en produits solides dont du sulfate et du carbonate de potassium).L'armée française adopta immédiatement cet explosif, mais il était instable et fut la cause de plusieurs accidents. En particulier, deux navires, le Iéna et le Liberté explosèrent à Toulon, respectivement en 1907 et 1911.
Alfred Nobel inventa en 1887 un explosif similaire : la ballistite.
Il était composé à 10 % de camphre, 45 % de nitroglycérine et 45 % de collodion. Dans le brevet déposé par Nobel, il est question d'une nitrocellulose qui doit être du "bien-connu type soluble". Mais avec le temps, le camphre s'évaporait, rendant l'explosif instable.Évolution de la ballistite
Un groupe d'experts au Royaume-Uni, le Explosives Committee dirigé par Sir Frederick Abel, s'intéressa au développement à l'étranger en matière d'explosifs.
Abel et un autre membre, Sir James Dewar, brevetèrent en 1889 une nouvelle mixture composée à 58 % de nitroglycérine, 37 % de nitrocellulose et 5 % de vaseline. Avec de l'acétone faisant office de solvant, la pâte était extrudée en tiges en forme de spaghetti, appelées cordes de poudre. Peu après, ces dénominations furent remplacées par cordite.
Les chimistes découvrirent alors que la vitesse de combustion dépendait du diamètre et de la surface exposée de la corde d'explosif. De fins cordons étaient destinés à de petites armes et brûlaient rapidement alors que les cordons d'un diamètre plus élevé, puis des plaquettes beaucoup plus larges, mettaient un peu plus de temps à se consumer tout en produisant plus de gaz (et donc utilisés en artillerie).Nobel attaqua Abel et Dewer au sujet de son brevet mais il perdit son procès en 1895 car il avait spécifié une nitrocellulose soluble et non solide comme dans le cas de la cordite.
Améliorations de la cordite
Les trois explosifs continuèrent à être utilisés par les différentes armées pendant plusieurs années mais la cordite devint progressivement l'explosif de choix.
- Les premières formulations chimiques de la cordite en faisait un produit corrosif dont les résidus attaquaient le métal des canons d'artillerie.
- Les Britanniques changèrent la composition avec 65 % de nitrocellulose, 30 % de nitroglycérine et 5 % de vaseline après la deuxième guerre contre les Boers.
Cette version fut nommée cordite MD (MoDified).
Première Guerre mondiale
Face à une explosion de la demande, les réserves d'acétone s'épuisèrent rapidement, incitant les Britanniques à tester de nouvelles formules. La « cordite RDB » (Research Department formula B) fut retenue ; avec 52 % de collodion, 42 % de nitroglycérine et 6 % de vaseline.
Mais, cette variante, trop instable, fut remplacée par l'ancienne formule dès que l'acétone fut à nouveau disponible.
Des recherches visant à diminuer la quantité de solvants nécessaire et à améliorer la stabilité du mélange aboutirent à la version utilisée durant la Seconde Guerre mondiale, la cordite N.
la cordite N contient un ingrédient supplémentaire, la nitroguanidine qui libère une grande quantité d'azote lors de la combustion ce qui réduit l'intensité du flash à la sortie du canon. Sa température de combustion plus basse réduisait aussi l'érosion des canons, en particulier ceux de marine.Le groupe industriel Canadian Explosives Limited, provenant de la société Canadian Industries Limited, aussi connu sous l'acronyme C-I-L, fut créé en 1910, afin de produire, au Canada, de la cordite pour munitions de fusil, en remplacement de la poudre noire, dans son usine Hamilton Powders de Beloeil, pour l'Arsenal du Québec.
En novembre 1915, la production fut élargie pour atteindre les 350 000 £ et les 159,000 kg de cordite par mois pour la Commission impériale des munitions (Imperial Munitions Board) [2].
La Commission impériale des munitions a ainsi fait construire plusieurs usines supplémentaires d'explosifs au Canada. La British Cordite Ltd factory s'installe dans le village de Nobel, près de Parry Sound (Ontario), en 1916-1917, afin de produire la cordite. Elle est opérationnelle à la mi-1917. Canadian Explosives Ltd ouvre une seconde usine dans le même village ; Le chantier démarre en février 1918 avec une mise en production le 24 août 1918. Cette usine fut conçue pour produire l'équivalent de 1 500 000 £ (681,000 kg) de cordite par mois. [2]. Ces deux usines fermèrent en 1922, mais aussi réutilisées durant le second conflit mondial.Seconde Guerre mondiale
Ce nouveau conflit relance la production de cordite, pour des munitions de diamètre de 2 pouces et 3 pouces (projectiles sans rotation pour armes anti-aériennes) [3].
De petites charges de type roquettes ont également été adaptées aux sièges éjectables produits par la société Martin-Baker.
Elle a aussi été utilisée dans certaines fusées, missiles.Les États-Unis n'ont pas fabriqué ni directement utilisé de cordite, cependant, dans le cadre de la loi Lend-Lease (du 11 mars 1941), plusieurs usines de remplissage de munitions, utilisant notamment de la cordite, ont été mis en place au Canada pour fournir l'armée américaine en propulseurs solides. Plusieurs autres pays (Inde, Pakistan et Australie ont également été approchés.
De la cordite a été utilisé dans la bombe atomique (dite Little Boy) larguée sur Hiroshima
Les manufactures de cordite
Poudreries royales du gouvernement du Royaume-Uni
En Grande-Bretagne, les usages militaires de la cordite a été développés par l'Arsenal royal de Woolwich, près de Londres, et par la Waltham Abbey Royal Gunpowder Mills à partir de 1889.
Lors de la Première Guerre mondiale, une grande usine de production de cordite (HM Factory, Gretna est construite à cheval à Gretna, à la frontière entre l'Écosse et l'Angleterre, pour subvenir aux besoins de cordite de l'armée anglaise et des forces du Commonwealth britannique. Une usine distincte, la Royal Navy Cordite Factory est également ouverte à Holton Heath, dans le Dorset pour les besoins propres de la Royal Navy. Les usines de Gretna et de Holton Heath sont fermées à la fin de la Première Guerre mondiale. Celle de Gretna a été démolie.
Au début de la Seconde Guerre mondiale Holton Heath était remise en route, et une usine supplémentaire, la (Royal Navy Propellant Factory était construite à Caerwent dans le sud-est du Pays de Galles, non loin de la mer, pour les besoins de la Royal Navy.
Une très grande usine (Royal Ordnance Factory ou ROF) était également ouverte à Bishopton en Écosse pour la fabrication de cordite, en partie pour fournir la Royal Air Force. Une nouvelle usine de cordite était ouverte à Waltham Abbey et deux autres fabriques (la ROF Ranskill, fonctionnelle en 1942 et qui a employé jusqu'à environ 4000 personnes, et la ROF Wrexham, construite près d'une base de la REF chargée de la défendre en cas d'attaque).
Les milliers de tonnes de Cordite produites dans ces usines étaient acheminées vers les usines de remplissage de munitions (Filling Factories) pour le remplissage ou la préparation des munitions destinées au front. Souvent ce sont des locomotives diesel qui tiraient les wagons de cordite, pour limiter le risque d'inflammation par des escarbilles perdues par les cheminées de trains à vapeur.Le gouvernement britannique a également fait produire de la cordite par des usines privées, non plus sous le contrôle de la Royal Ordnance Factory, mais sous le contrôle du ministère de l'approvisionnement (Ministry of Supply ou MoS).
La compagnie ICI Nobel d'Ardeer (devenue Nobel Enterprises) a ainsi été invitée dès 1939 à construire et exploiter six usines dans le sud de l'Écosse. Quatre de ces six usines ont produit de la cordite ou des propergols pour l'armée.
L'usine Drungans (à Dumfries) a produit le fulmicoton qui était converti en cordite au MoS Dalbeattie (cordite triple-base) et au MoS Powfoot (granulé fulmicoton monobase, pour armes de petit calibre).
Un petit site à Girvan (South Ayrshire, aujourd'hui occupé par la distillerie Grant, produisait de la cordite et du TNT[4].
Le site ICI d'Ardeer a également hérité d'une usine de cordite appartenant au gouvernement, datant de la Première Guerre mondiale et mise en sommeil depuis[5]35% de la cordite britannique produite de 1942 à 1945 provenaient de ces usines privées[5].
Le groupe ICI a géré des usines de ce type en Australie à Deer Park, près de Melbourne et en Afrique du Sud[5] .
Production en outre-mer
D'autres production d'explosif propulsifs pour le Commonwealth britannique ont existé en outre-mer durant les deux guerres mondiales, au Canada, en Afrique du Sud et en Australie (les usines d'ICI on en particulier fourni de grandes quantités de cordite.
Désuétude
Même si certains auteurs de fiction, font encore référence - à tort - à l'odeur de cordite à propos de tirs d'armes récentes, elle est désormais obsolète et remplacée par d'autres propergols, les IMR (pour « Improved Military Rifle ») également produits par extrusion.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Bibliographie
- Cocroft, Wayne (2000). "Dangerous Energy. The archaeology of gunpowder and military explosives manufacture". Swindon: English Heritage. ISBN:978-1-85074-718-5.
Notes
- Photo de balles et cordite, par exemple au fond du port d'Halifax où l'explosion du 6 décembre 1917 a détruit le cargo Mont-Blanc ; cargo chargé d'explosifs et de munitions à destination du front de la Première Guerre mondiale
- Carnegie, David (1925). The History of Munitions Supply in Canada 1914-1918. London: Longmans, Green and Co.
- Brown, Donald (1999). Somerset v Hitler: Secret Operations in the Mendips 1939 - 1945. Newbury: Countryside Books. ISBN:1-85306-590-0. (voir chap 17)
- ISBN 1-85074-718-0. Cocroft, Wayne D. (2000). Dangerous Energy: The archaeology of gunpowder and military explosives manufacture. Swindon: English Heritage.
- ISBN 0-19-215944-5. Voir Chapitre 14 : Warlike Supply et chap 15 Reader, W.J. (1975). Imperial Chemical Industries: A History. Volume II; The First Quarter-Century 1926-1952. London: Oxford University Press.
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