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Compagnie du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis
La Compagnie du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis est une filiale de la Société de construction des Batignolles[1], chargée de la construction de la première ligne de chemin de fer en Afrique occidentale française, celle reliant Dakar à Saint-Louis du Sénégal, alors capitale de la colonie.
Sommaire
Les origines
La question du chemin de fer du Cayor est soulevée une première fois le 10 septembre 1879, à l'occasion de la ratification d'une convention avec Lat Dior. Le chemin de fer de Dakar à Saint Louis (DSL) est concédé pour 99 ans à la Société de construction des Batignolles par une convention du 30 octobre 1880, avec rachat possible à compter du 1er mai 1908.
La loi du 29 juin 1882 approuve le cahier des charges. Si la compagnie dispose d'un capital de 5 millions de francs, l'État lui fournit une avance de 12 680 000 francs. Le montage financier de l'opération est assez alambiqué : la ligne sera construite et exploitée aux frais de l'État qui, en vertu de la garantie accordée à la compagnie, devra payer l'intérêt du capital de construction et les insuffisances d'exploitation. L'État a de bonnes raisons pour offrir de tels avantages au concessionnaire. La colonisation débute à peine et les habitants se montrent résolument hostiles aux « tentatives de pénétration ». Les opérations militaires ne sont pas terminées, et les guerres avec les Damels du Cayor et les Teignes[2] du Baol ne prendront fin qu'avec la mort du dernier damel, tué en décembre 1886.
La construction et les débuts de l'exploitation
Commencés simultanément à Rufisque et à Saint-Louis, les travaux suivent une marche rapide à partir du 27 juillet 1883 sous la direction du directeur en chef du service construction Blondelet. L'exploitation commence dès la mise en service des premiers tronçons, sous la direction de l'officier d'état-major Bois, collaborateur direct du colonel Pinet-Laprade.
Les premières années d'exploitation sont assez dures, les populations locales luttant contre le nouveau moyen de colonisation qu'est le chemin de fer. Le 29 décembre 1884, la maison d'équipe du PK 37,5 est attaquée par les Sérères. Un homme d'équipe est blessé, mais deux prisonniers restent entre les mains du commissaire de police. À l'origine de l'affaire, une sombre histoire de vol de vin de palme. Le 19 février 1885, le train déraille à Bargny, provoquant la mort d'un enfant et trois blessés graves. Le 8 mars 1885, lors du passage du train no 2 au PK 182,4, on signale des jets de projectiles divers sur le convoi par « des Noirs déjà assez grands ». Le 24 mars, le train no 2, décidément maudit, déraille à proximité du pont de Rufisque suite à un affaissement du remblai. La locomotive, le fourgon et une voiture disparaissent dans le marécage.
Il faut aussi compter avec les hommes du damel, qui ne prennent pas vraiment le chemin de fer au sérieux. Le 12 avril 1885, un télégramme annonce : « Le roi du Cayor est venu se plaindre que les employés de la voie avaient désharnaché un cheval hier au PK 102 et de plus, suivant ses expressions, que ces employés faisaient des bêtises avec ses hommes. Il menace de se plaindre au gouverneur ». Plus prosaïquement, il semble bien qu'une rixe ait éclaté entre les ouvriers et un homme du Cayor qui voulait circuler à cheval sur la ligne.
Le 14 octobre, le chef d'équipe no 17 qui effectue une tournée en lorry trouve au PK 131,5 une briquette de charbon « placée de façon à faire dérailler le train ». Au PK 132, c'est carrément une racine d'arbre qui est placée en travers des rails. On décide donc d'instaurer une « surveillance spéciale » sur toute cette section.
Pendant ce temps, les administrateurs de la compagnie continuent leurs petites combines avec le damel. Un acte additionnel au traité du 22 janvier 1885, conclu entre la France et le Cayor, offre des « conditions exceptionnelles » au chemin de fer, à savoir une extension des terrains réservés à la compagnie autour des gares. En échange, il faut accorder « la concession au damel de la gratuité du parcours sur toute la ligne pour lui et sa suite de 20 personnes ».
Ouverture de la ligne à l'exploitation
Date Section Longueur 23 juillet 1883 Dakar-Rufisque 28,0 km. 29 janvier 1884 Saint Louis-M'Pal 33,0 km. 6 mai 1884 Rufisque-Pout 24,0 km. Mai 1884 M'Pal-Louga 38,0 km. Juillet 1884 Pout-Tivaouane 40,0 km. 1er janvier 1885 Louga-Guéoul 20,0 km. Mars 1885 Guéoul-Kébémer 17,0 km. Mars 1885 Tivaouane-Ngaye Méhé ? 30 avril 1885 Ngaye Méhé-Ndande ? 5 juillet 1885 Ndande-Kébémer ? Une difficile modernisation au début du XXe siècle
Les installations vieillissent rapidement. La compagnie décide de moderniser l'ensemble au début du XXe siècle, mais par petites touches. En 1906, le téléphone commence à remplacer le vieux télégraphe Bréguet. De nouveaux trafics voient le jour, en particulier grâce à la politique de grands travaux de la colonie qui nécessite une grande quantité de materiaux. Deux carrières ouvrent en 1907 et se raccordent au chemin de fer : celle de M. Peignet, au PK 24,482, et celle de M. Sallenave, entrepreneur à Dakar, au PK 2,550, où est construit un long embranchement de 5,3 km.
La construction de la ligne du Baol, première amorce du Chemin de fer de Thiès à Kayes (CFTK) exploitée par le Dakar-Saint-Louis jusqu'en 1910, est une véritable manne pour la compagnie : en 1909, cette ligne procure à elle seule un trafic de 45 000tonnes d'arachides, presque toutes à destination de Rufisque. Mais la situation ne présente pas que des avantages, et elle fait surtout ressortir le manque de matériel de la compagnie. La même année, le Dakar Saint-Louis est sollicité pour établir des voies sur le port de commerce de Dakar, tandis que la nouvelle gare de Saint-Louis du Sénégal est inaugurée le 24 juillet 1909.
Malgré tout, ces tentatives de modernisation restent bien timides. Dès 1910, les chambres de commerce locales mettent la compagnie sur la sellette, ce qui finit par provoquer une enquête très officielle du gouverneur. Les résultats sont particulièrement édifiants :
« L'exploitation est défectueuse à tous les points de vue. Les trains de voyageurs n'arrivent jamais, ou bien rarement, à l'heure règlementaire. Souvent, les retards dépassent une ou deux heures, et même plus. Ces retards proviennent généralement du temps considérable perdu dans les gares à charger et décharger des marchandises, à laisser des wagons vides pour en prendre des pleins, et de l'insuffisance du personnel. Cela n'arriverait pas si les trains de voyageurs étaient uniquement des trains de voyageurs. Le matériel, aussi bien machines que wagons, est défectueux et insuffisant. Les wagons voyageurs spnt mal entretenus, d'une saleté repoussante, les coussins de banquettes maculés de taches de graisse. On a vu des voyageurs, des dames, rester debout tout le trajet jusqu'au terminus, soit 10 heures de route, plutôt que de s'assoir sur des coussins dont la malpropreté leur répugnait. Il faut aussi signaler que les wagons sont vieux et mal compris. »L'enquête révèle que les plaintes des chambres de commerce sont « en partie justifiées » Effectivement, les retards sont fréquents. Au cours du premier semestre 1910, le train 1 accusera 73 retards d'une amplitude allant de 30 à 255 minutes. Le train 2 se "contente" de 47 retards. Pour le gouverneur, « la mauvaise exploitation provient de l'instabilité du personnel européen, qui est trop peu payé ».
Un programme de modernisation beaucoup plus ambitieux est alors lancé. En juillet 1912, la compagnie décide de remplacer tous les ponts métalliques de la ligne. Dix nouveaux tabliers sont commandés, et l'opération est terminée en 1915. Mais celle-ci est surtout motivée par l'introduction des nouvelles locomotives de type Mallet.
La reconstruction de la gare de Dakar
Article détaillé : Gare de Dakar.Dakar, entre-temps devenue le point de départ de la ligne du Niger, nécessite une gare plus monumentale. L'avant-projet du bâtiment et des installations est approuvé par décision ministérielle du 24 décembre 1908. L'agrandissement des quais du port de commerce, qui a déjà donné lieu à divers échanges de terrains, doit provoquer la disparition de la gare voyageurs d'origine, reportée 1000 mètres plus à l'ouest, et la suppression des voies ferrées entre ces deux points. Les travaux sont terminés en 1914, mais en raison du décès du président du Dakar-Saint Louis, André de Tray, la cérémonie d'inauguration est purement supprimée par décision du gouverneur en date du 16 juin.
La première guerre mondiale
L'entrée en guerre de la France n'a pas de grosses conséquences pour la compagnie. Les trains express, provisoirement suspendus, sont réintroduits fin 1915. La compagnie est alors placée sous le régime de la réquisition limitée. L'année 1915 est surtout marquée par des pluies torrentielles et par de nombreux déraillements dus au mauvais état de la voie : en août, celle-ci est coupée sur 13 kilomètres, entre Thiès et Tivaouane.
À la suite d'une convention du 1er février 1916, un important embranchement particulier est créé pour desservir le camp de Thiaroye. Quelques nouvelles carrières s'embranchent également sur la ligne, comme celle de MM. Maurel et Prom, au PK 31,7, fin 1915.
La démolition de l'ancienne gare de Dakar, début 1914, avait provoqué le transfert du service petite vitesse dans un baraquement provisoire sur le mole no 1. Devant l'accroissement des transports de charbon enregistrés depuis 1914, il est à nouveau nécessaire de la déplacer. Ce sera fait sur un nouveau site installé au 1, rue de Traz, en février 1917.
Peu après, la compagnie propose une refonte des conditions générales d'application des tarifs généraux et spéciaux, approuvée en juillet 1917. À la demande du gouverneur général, le Dakar Saint-Louis présente peu après une étude très complète sur la réduction de la consommation de charbon, proposant notamment :
- La réduction à 3 par semaine dans chaque sens du nombre des trains de voyageurs durant la période du 15 mai au 15 novembre
- La réduction du nombre des trains de marchandises qui ne seraient mis en marche que lorsque les quantités à transporter seront suffisantes
- Un allongement des délais de restitution du matériel du Chemin de fer de Thiès à Kayes (CFTK).
Le gouverneur refusera, trouvant ces mesures trop draconiennes.
Le Dakar-Saint-Louis poursuivra une exploitation profitable dans les années 1920. Le gouvernement général de l'AOF reprendra la ligne à sa charge par convention des 9 août et 9 septembre 1932. La vieille ligne de Saint-Louis sera alors intégrée à la Régie des chemins de fer de Dakar au Niger (RDN).
Le matériel
Locomotives à vapeur :
Type No DSL No RDN Constructeur Type usine No Usine Année Poids Notes 030 T 1 21001 Batignolles, Paris 124 1083 1883 030 T 2 à 4 25001 à 25003 Batignolles, Paris 124 1084 à 1086 1883 Reconstruites en 1913/14 030 T 5 à 8 Batignolles, Paris 124 1087 à 1090 1883 Réformées en 1914 030 T 9 21002 Batignolles, Paris 124 1167 1885 030 T 10 à 14 25004 et 25006 Batignolles, Paris 124 1168 à 1172 1885 2 reconstruites en 1913/14 030 T 15 à 16 Batignolles, Paris 124 1188 et 1189 ? 1886 Réformées en 1913/14 030 101 à 104 23001 à 23004 Batignolles, Paris 125 1257 à 1260 1892 030 105 à 106 23005 à 23006 Batignolles, Paris 125 1292 à 1293 1895 030 107 à 108 23007 à 23008 Batignolles, Paris 125 1414 à 1415 1900 030 109 à 111 23009 à 23011 Batignolles, Paris 125 1452 à 1454 ? 1901 040 151 31001 Saint-Léonard, Liège GD 1719 1911 040 T 152 à 153 31002 à 31003 Saint-Léonard, Liège OS 2 1621 à 1622 1909 Origine no 27-28. Renumérotées en 1915 030+030 201 à 202 44501 à 44502 Batignolles, Paris 1765 à 1766 1910 Origine no 200-201. renumérotées en 1915 030+030 203 à 207 44503 à 44507 Batignolles, Paris 1984 à 1988 1919 Vendues au TN en 1926 141 251 à 254 32101 à 32104 Batignolles, Paris 2109 à 2112 1922 141 255 à 257 32105 à 32107 Batignolles, Paris 2136 à 2138 1924 141 258 à 260 32108 à 32110 Batignolles, Paris 2162 à 2164 1924 141 261 à 264 32111 à 32114 Batignolles, Paris 2175 à 2178 1925 141 265 à 266 32115 à 32116 Batignolles-Châtillon, Nantes 360 à 361 1926 141 267 à 272 32317 à 32322 Batignolles-Châtillon, Nantes 390 à 395 1927 Sources
- Archives du service des travaux publics de l'AOF. Conservées sous forme de microfilm aux Archives nationales, Paris.
Notes
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Compagnie du Chemin de fer de Dakar à Saint-Louis. Tarifs généraux et spéciaux pour les transports à grande et petite vitesse, Paris, Imprimerie Burgin, 1926, 87 p.
- Corinne L. Benveniste, Les relations Dakar - Saint-Louis. Le rail et la route, Dakar, Université de Dakar, 1967, 119 p. (Diplôme d’Études Supérieures)
- Edmond Maestri, Étude des chemins de fer sénégalais : le Dakar-Saint-Louis, 1985
Liens externes
- « Bataille syndicale autour du rail sénégalais » (une carte de Cécile Marin, Le Monde diplomatique, février 2007)
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