- Suprême Conseil Grand Collège du Rite écossais ancien accepté
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Le Suprême Conseil Grand Collège du Rite écossais ancien et accepté du Grand Orient de France est l'organisme maçonnique qui administre les ateliers de hauts grades du Rite écossais ancien et accepté rattachés au Grand Orient de France.
Les « hauts grades »
Apparus dans le sillage de la franc-maçonnerie dans les années 1730, les « hauts grades » sont un aspect essentiel de la pratique maçonnique au siècle des Lumières. L’ancienneté et l’importance du grade de « Maître Ecossais » installent l’usage du néologisme « écossisme » pour qualifier plus généralement l’ensemble des hauts grades. « Maître Parfait », « Élu », « Écossais », « Chevalier d’Orient » ou « de Rose-Croix », « Chevalier Kadosh » … les hauts grades semblent se multiplier entre 1730 et 1750. Ils sont le vecteur privilégié de l’ésotérisme maçonnique. À partir de 1760, il y a plusieurs tentatives pour les ordonner en une échelle cohérente et stable.
La formation du Grand Orient de France et les hauts grades
Les hauts grades sont très présents lors de la formation du Grand Orient de France en 1771-1773 pour deux raisons. Tout d’abord ce sont les rivalités entre organisations de hauts grades qui ont largement contribué à l’échec la Première Grande Loge de France et à la nécessité d’une profonde réforme de celle-ci. Ensuite le Grand Orient lui-même est issu de la fusion de la Première Grande Loge et de la Mère-Loge Écossaise du Grand Globe français (l’ancien Conseil de Pirlet et de Labady). De plus le principal artisan de la réforme, le duc de Montmorency-Luxembourg dirige parallèlement le Conseil des Chevaliers d’Orient. Aussi, contrairement à ce qui est parfois avancé, le Grand Orient affirme d’emblée sa souveraineté sur l’ensemble des grades maçonniques, grades symboliques (apprenti, compagnon, maître) et hauts grades.
Cependant à cause des troubles qu’ils avaient suscités dans les années 1760 et en raison de l’ampleur de la tâche que représentait la construction d’un « centre commun de la Maçonnerie française » dont l’autorité soit reconnue par toutes les loges, la question des hauts grades est dans un premier temps laissée en suspens. Mais cette position d’attente n’était pas tenable très longtemps. La non-prise en compte des chapitres, conseils et autres consistoires compliquait la tâche du nouveau corps fédérateur de la maçonnerie française. C'est pourquoi le Grand Orient de France constitua en son sein une commission des hauts grades dès 1773. Son activité fut assez modeste, cependant, en 1776, sous l'impulsion de Bacon de la Chevalerie, elle fut à l'origine d'un accord avec les Directoires Écossais de la branche française de la Stricte Observance Templière. Mais cette solution rencontra de nombreuses oppositions et ne fut jamais vraiment adoptée. Après des débats vifs autour de la question des Directoires Écossais, le paysage maçonnique fut à nouveau troublé par un problème de hauts grades avec la polémique entre la Mère Loge écossaise du Contrat social et le Grand Orient.
Au début des années 1780, la nécessité d'une doctrine propre sur les hauts grades se faisant de plus en plus pressante, le Grand Orient crée alors une quatrième Chambre : la Chambre des grades. C’est l’équipe de cette Chambre des Grades animée par Alexandre Roëttiers de Montaleau qui fixe entre 1784 et 1786 le premier système de hauts grades du Grand Orient connu aujourd’hui sous le nom de Rite Français. Après de très intéressants débats elle adopte finalement une solution a minima consistant à reprendre une des anciennes échelles de grade de l’écossisme français, la séquence : Élu, Écossais, Chevalier d’Orient, Rose-Croix à laquelle elle ajoute un cinquième ordre dédié à l’administration et à la conservation d’autres grades. Parallèlement cette équipe crée en 1784 un Grand Chapitre Général de France qui s’unit au Grand Orient en 1788. Mais la Révolution arrive en 1789 aussi le système n’a pas vraiment le temps de s’implanter.
L’arrivée du Rite écossais ancien et accepté et le « Concordat de 1804 »
Après la Révolution, la franc-maçonnerie se reconstitue lentement, mais ce n’est qu’à partir de 1800, une fois les loges symboliques solidement rétablies que l’on pense à relancer la pratique des hauts grades. Le Grand Orient commence donc à diffuser le système qu’il a fixé en 1784-1788 mais rencontre des oppositions. À partir de 1802, les partisans d’autres systèmes de hauts grades et notamment des disciples de la Mère-Loge écossaise qui essayent de se reconstituer contestent son autorité et son système de hauts grades.
En 1804, ces oppositions se fédèrent autour d’un système écossais récemment rapporté de l’Amérique française par des maçons qui y avait conservé une série de hauts grades un temps adoptée à Paris par la Première Grande Loge de France au début des années 1760 : le Rite de Perfection. Les 25 grades originaux du Rite de Perfection reviennent enrichis de quelques autres et établissent à Paris une échelle de 33 grades dirigée par un Suprême Conseil. Après une petite résistance et sous la pression du pouvoir napoléonien, le Grand Orient qui est finalement assez indifférent au détail de l’écossisme que pratique ses membres, mais qui reste en revanche très vigilant sur le respect de son autorité sur la maçonnerie française, établit un accord et « unit à lui » cette « nouvelle version » de l’écossisme. Rappelons que le Grand Orient comptait alors plusieurs dizaines de milliers de membres quand la Grande Loge Générale écossaise et son Suprême Conseil n’en rassemblaient guère plus de 150 ou 200.
Acte fondateur, le « Concordat de 1804» comme on l’appellera par la suite est en fait un texte réglementaire et administratif assez long et ennuyeux. Ses dispositions visent essentiellement deux points : premièrement, intégrer dans l’organigramme du Grand Orient les dignitaires de la Grande Loge Générale écossaise en leur attribuant tel ou tel office ; deuxièmement, adapter sa structure interne aux particularités du Rite écossais ancien et accepté, par exemple en incorporant en son sein le Suprême Conseil ; ainsi dorénavant : « Le Grand Orient de France possède dans le Grand Chapitre général, le Grand Conseil du 32e degré et le Sublime Conseil du 33e degré. Les attributions du 33e degré, indépendamment de celles qui appartiennent à ses fonctions, sont de s’occuper des plus hautes connaissances Mystiques, et d’en régler les travaux. »
Le texte précise par ailleurs que les ateliers jusqu’au 18ème grade restent sous la responsabilité du Grand Orient. C’était mettre l’essentiel des ateliers de hauts grades sous son obédience. En effet, l’immense majorité des ateliers de hauts grades étaient des chapitres de Rose-Croix. L’historiographie maçonnique classique affirme qu’il y aurait eu rupture entre Grand Orient et Suprême Conseil en 1805. L’historien Pierre Noël a récemment avancé des arguments assez convaincants pour considérer cet épisode comme un mythe[1]. Toujours est-il que le Rite écossais ancien et accepté était intégré dans le système maçonnique impérial comme la nomination de Cambacérès comme Grand Commandeur le symbolise. Jusqu’à la fin de l’Empire l’activité du Suprême Conseil est assez réduite. Il crée quelques ateliers des 31e et 32e grades et prend une décision curieuse en interdisant la pratique du grade de Kadosh (le 30ème grade).
La création du Grand Collège des Rites et l’intégration du REAA au Grand Orient
En 1815, la chute de l’Empire, auquel elle était très liée, ouvre une période difficile pour la franc-maçonnerie. Soucieux de resserrer les rangs dans un contexte devenu hostile, une majorité des membres du Suprême Conseil encore présents (Hacquet, Massena, d'Alès d'Anduze, Régnier, Clément de Ris, Beurnonville, Rampon, Roettiers de Montaleau, de Joly)[2] décide alors d’intégrer celui-ci dans la structure du Grand Orient. Ainsi, le 20 septembre 1815 le Rite écossais ancien et accepté se réorganise au sein du Grand Orient de France qui forme pour cela un Grand Consistoire des Rites. En 1826, le Grand Consistoire des Rites devient le Grand Collège des Rites. Si les historiens maçonniques ont souvent présenté avec une gourmandise d’entomologiste les différents groupes ou sous-groupes qui se disputèrent la légitimité du Rite Écossais entre 1815 et 1821, on s’est jusqu’à présent peu penché sur la manière dont les ateliers de hauts grades écossais se sont mis en place. Or c’est au sein du Grand Orient, autour de 1820, que va s’élaborer un modèle de pratique du Rite Écossais Ancien Accepté qui marquera durablement la vie maçonnique française[3]. On sait en effet qu’entre 1805 et 1815, le Rite Écossais Ancien Accepté dans ses grades supérieurs au Rose-Croix s’est surtout concentré dans le sein du Suprême Conseil. Certes quelques ateliers avaient été créés, mais selon des modalités assez variables et leurs existences avaient toujours été éphémères. Une fois le Grand Orient décidé à reprendre l’exercice des hauts grades écossais, il allait mettre en mouvement un appareil administratif et maçonnique, mobiliser des Frères, créer des ateliers. Tout d’abord les consistoires de 32e du Havre et de Toulon, les conseils de Kadosh du Phénix et des Commandeurs du Mont-Thabor − ce dernier en provenance du Rite Écossais Philosophique − rallient le Grand Orient. A la fin de 1818 et en 1819 des conseils de Kadosh sont créés à Paris − Isis, Les Sept Écossais Réunis, les Trinosophes − mais aussi à Lille et à Pau. S’y ajoutent au début des années 1820 : Clermont-Ferrand (1821), Marseille (1823), Metz (1823), Rouen (1823), Bayonne (1823), Valenciennes (1824), Strasbourg (1824). Rémanence de l’histoire ancienne : Le Havre et Valenciennes se font constituer au 32e et Lille au 31e. Le « premier Suprême Conseil indivis » avait suspendu la pratique du grade de Kadosh en 1806. Chargés de la Haute Maçonnerie écossaise au sein du Grand Orient, Germain Hacquet et ses amis rétablissent d’emblée sa pratique. On renoue donc avec les usages maçonniques français du XVIIIe siècle où le Kadosh était un grade éminent. Au-delà du grade de Rose-Croix, Hacquet choisit d’organiser le Rite Écossais Ancien Accepté dans le cadre de Conseils du 30e degré. Pour y parvenir, le Chevalier Rose-Croix pénètre d’abord au sein du Conseil de la Table Ronde, Ier ordre philosophique comprenant les 19e, 20e, 21e, 22e degrés. On lui communique, mais de manière assez détaillée, les grades du 19e au 21e et on lui confère en pleine cérémonie le degré de Prince du Liban (22e). Il est ensuite introduit dans le Conseil des Grands Chevaliers du Soleil, IIe ordre philosophique comprenant les 23e, 24e, 25e, 26e, 27e degrés. De même les quatre premiers grades lui sont conférés par communication, puis le Frère est reçu Chevalier du Soleil. Enfin il accède au IIIe ordre philosophique, le Grand Conseil des Chevaliers Elus Kadosh. L’échelle pratiquée par le Grand Orient a alors une spécificité dans les quelques grades précédant le Kadosh. Le Chevalier du Soleil y occupe la 27e place, le Commandeur du Temple, la 28e. On ne sera pas étonné qu’en fin de compte les grades délivrés en pleines cérémonies − et par cela même mis en valeur − soient ceux du Rite de Perfection. D’ailleurs, la légitimité écossaise du Grand Orient va sortir renforcée de ces années mouvementées. La plupart des « écossais » ont finalement rejoint ses rangs. Ainsi, deux des trois principaux animateurs de la Grande Loge Générale Écossaise de 1804 − Hacquet et Fondeviolle − en deviendront des dirigeants importants et le troisième, Grasse-Tilly, se retire de la Maçonnerie. Parmi les loges écossaises de 1804, au début des années 1820, toutes sont restées dans l’obédience : La Triple Unité, Le Phénix… et même La Parfaite Union de Douai et Saint-Alexandre d’Écosse ! En 1825, sur la soixantaine de loges symboliques qui travaillent en France au Rite écossais ancien et accepté... 52 appartiennent au Grand Orient[4] ! Le rôle joué par Hacquet et ses amis dans la réorganisation de la Maçonnerie écossaise au sein du Grand Orient lui donnera une physionomie bien particulière. Marqués par les traditions d’une Maçonnerie de Perfection qui plongeait ses racines au cœur même du XVIIIe siècle, ils en maintiendront de nombreux traits dans l’« écossisme » qu’ils organiseront au Grand Orient dans les années 1820. Dans ces conceptions, l’accent est mis, non sur le 33e degré, mais sur les derniers grades du Rite de Perfection : Prince du Liban, Chevalier du Soleil, Kadosh, Prince du Royal Secret. Ainsi, dès 1815, le grade de Kadosh est remis à l’honneur. Il a ainsi été pratiqué de façon continue au sein du Grand Orient, où il bénéficie donc d’une filiation ininterrompue depuis le XVIIIe siècle, alors qu’ailleurs il n’a longtemps été transmis que par communication. Le Suprême Conseil du 33e degré reste l’autorité administrative et « politique » du rite, mais le nec plus ultra sur le plan initiatique est le 32e. Par ailleurs, si l’intérêt des « Grandes Constitutions de 1786 » n’est pas nié, surtout sur le plan symbolique, les textes de référence sont les « Instituts, statuts et règlements de la Haute Maçonnerie écossaise ». Les premiers Grands Commandeurs du Grand Consistoire des Rites étaient tous issus de la filière du Rite de Perfection : Hacquet bien sûr, puis Gabriac du Souchet − un autre « américain » − et Vassal. Jusque dans les années 1840, le Conseil du Phénix est encore présenté dans l’annuaire comme relevant du « 24e grade du Rite Écossais d’Heredom ». Cette forte empreinte du Rite de Perfection au sein de la Maçonnerie écossaise du Grand Orient n’est pas une rémanence inconsciente, mais une origine assumée, revendiquée même. Ainsi dans le texte théorique qu’il publie en 1827 pour présenter les conceptions du Grand Orient sur la Maçonnerie écossaise − Essai historique sur l’institution du Rite Écossais −, le Grand Commandeur Vassal insiste sur la fidélité nécessaire à ce qu’il appelle « l’écossisme primitif ».
Du Grand Collège des Rites au Suprême Conseil, Grand Collège du Rite Ecossais
Tout au long du XIXe siècle, le Grand Collège des Rites exerce le magister des hauts grades du Rite Ecossais Ancien Accepté au sein de l’obédience dont l’intitulé devient « Grand Orient de France, Suprême Conseil pour la France et les colonies françaises ». Les relations entre le Conseil de l’Ordre, qui succède à la Chambre d’Administration en 1854, et le Grand Collège des Rites connaissent parfois des crises, notamment dans le dernier tiers du XIXe siècle, mais aussi de longues périodes d’entente harmonieuse[5]. Cependant, régulièrement, le statut ambigu du Grand Collège des Rites au sein du Grand Orient, organisé par des textes qui portent encore l’emprunte des équilibres complexes de la maçonnerie du XVIIIe siècle, pose problème. Aussi, le Grand Commandeur Blatin au début du XXe siècle, puis le Grand Commandeur Savoire dans les années 1920, préconisent une organisation simplifiée. Celle–ci est finalement adoptée au lendemain de la guerre par la « Convention de 1946 » entre le Grand Collège des Rites et le Grand Orient de France. L’évolution de la Maçonnerie française à la fin du XXe siècle, et notamment le réveil de différents systèmes de hauts grades qui avaient disparus au XIXe siècle, conduit à une nouvelle évolution. En 1999, un nouvel accord organise les relations entre le Grand Orient de France et le Grand Collège des Rites qui modifie pour l’occasion son appellation en « Suprême Conseil, Grand Collège du Rite Ecossais Ancien Accepté ». Avec près de 8000 membres, le Suprême Conseil, Grand Collège du Rite Ecossais Ancien Accepté est aujourd’hui à la fois la plus ancienne et la plus importante structure « écossaise » de hauts grades en Europe continentale. Il a actuellement pour Grand Commandeur Jean-Robert Ragache, historien et ancien Grand Maître du Grand Orient de France.
Autres Suprêmes Conseils existant en France
Il existe aujourd'hui en France plusieurs autres organismes dénommés Suprêmes Conseils parmi lesquels:
- Le Suprême Conseil de France (Issu du Suprême Conseil de 1804 et réorganisé en 1821), lié à la Grande Loge de France.
- Le Suprême Conseil pour la France (1965), lié à la Grande Loge nationale française.
- Le Suprême Conseil universel mixte « le Droit humain » gérant toutes les fédérations du Droit Humain
- Le « Suprême Conseil féminin de France », installé à Londres le 19 avril 1970 par le Suprême Conseil féminin du Royaume Uni et du Commonwealth. Proclamé le 12 juin 1972,[6] il est lié à la Grande Loge féminine de France.
- Le Conseil Suprême du REAA "Lux ex Tenebris" (2007), lié à la Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra
Références et notes
- Pierre Noël, Les premiers mois du "concordat" de 1804, dans Renaissance Traditionnelle n°138-139-140, pp. 189-220.
- Pierre Mollier et Jacques Léchelle, Les débuts du Rite Écossais Ancien Accepté en France I.-Un document exceptionnel : le premier livre d’Architecture du Suprême Conseil (1804-1812), dans Renaissance Traditionnelle n°122, pp. 136-141
- Voir : Pierre Mollier, Naissance et essor du Rite Ecossais Ancien Accepté en France : 1804-1826, dans 1804-2004 Deux siècles de Rite Ecossais Ancien Accepté en France, Dervy, 2004, pp. 70-113
- Annuaire du Grand Orient de France pour l'année 1825
- XIXe siècle voir : André Combes, Histoire de la Franc-maçonnerie au XIXe siècle, Editions du Rocher, Paris, 1998, Sur l'histoire du Grand Collège des Rites au
- Site de la Grande Loge féminine de France (consulté le 24 août 2008) Source:
Bibliographie
- Essai historique sur l’institution du Rite Écossais et de la puissance légale qui doit le régir en France par un disciple de Zorobabel, Paris, Imprimerie du F∴ J.L. Bellemain, 1827.
- Joannis Corneloup et Georges Lucquet, Des Droits du Grand Orient De France et du Grand Collège des Rites sur le Rite Ecossais Ancien et Accepté, dans Bulletin des ateliers supérieurs, n°49, 1958
- Collectif, 1804-2004, Deux siècles de Rite Ecossais Ancien Accepté en France, Dervy, 2004 (ISBN 2-84454-265-4)
Liens externes
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