Grand Orient de France

Grand Orient de France

Le Grand Orient de France (GODF) est une obédience maçonnique dite libérale, ou adogmatique, car elle a pour principe la liberté absolue de conscience et n'impose donc pas de croyance notamment religieuse à ses membres. Elle se distingue en cela de la franc-maçonnerie de la branche anglaise qui impose la croyance en un dieu et le respect des préceptes dits « de régularité » édictés par la Grande Loge unie d'Angleterre en 1929.

Philippe d'Orléans en grand maître du Grand Orient de France

Sommaire

Histoire

Débuts

Diplôme de maître franc-maçon du GODF, 1787 (cliquer pour agrandir)

Le Grand Orient de France est né en 1773 d'une profonde transformation de la Grande Loge de France de l'époque, fondée le 24 juin 1738[1].

Cette transformation, largement impulsée par le duc Anne Charles Sigismond de Montmorency-Luxembourg, qui en fut l'administrateur général[2], faisait suite à une dizaine d'années de dissensions et de scissions. Elle consista en la constitution d'une obédience véritablement nationale, majoritaire, fortement centralisée, qui confia sa grande-maîtrise à Louis Philippe d'Orléans (1747-1793) et adopta différentes réformes, dont l'élection des vénérables maîtres de loge[3]. Le 22 octobre 1773 marque la fondation de la nouvelle obédience : au cours d’une assemblée générale, Louis Philippe d'Orléans est installé solennellement, l'obédience approuve ses nouveaux statuts et s’attribue le nom de Grand Orient de France[4].
Une grande majorité des loges du royaume rallia cette nouvelle structure dans les années qui suivirent bien qu'une « Grande Loge de Clermont » rivale, principalement parisienne et refusant ces évolutions, resta en activité jusqu'en mai 1799, date à laquelle les deux obédiences, très fortement affaiblies par la Révolution française, fusionnèrent.

Il est fréquent de lire que les francs-maçons ont activement préparé la révolution de 1789, ce qui accrédite l'idée du complot. La vérité est qu'il y en eut dans tous les camps. Ainsi le Duc de Luxembourg émigra dès juillet 1789 et une loge aristocratique comme « La Concorde », de Dijon se saborda dès août 1789[5]. Cependant les loges ont, par leur fonctionnement dans les années antérieures, pris une certaine indépendance vis-à-vis de l'État et de l'Église, ce qui a vraisemblablement facilité l'éclosion d'aspirations nouvelles. Parmi les francs-maçons actifs de l'époque révolutionnaire, citons Mirabeau, Choderlos de Laclos. L'hymne national La Marseillaise a d'ailleurs été composé par un franc-maçon : Rouget de l'Isle.

Roëttiers de Montaleau (1748-1807).

En 1785, Fleury Mesplet s'établit à Montréal et fonde des loges au service du Grand Orient. Le 5 janvier 1792, le Grand-Orient de France approuve publiquement la Révolution en cours, ce qui ne signifie pas pour autant une adhésion de la totalité de ses membres à ce bouleversement politique, institutionnel et social majeur de l'histoire de la France. En effet, durant la Terreur le GODF s'est mis en sommeil de 1793 à 1796. Rares sont les ateliers qui ont maintenu une activité durant cette période.

À partir du coup d'État de Bonaparte le 18 brumaire, la franc-maçonnerie française va de nouveau se développer de manière importante, en multipliant les loges, sous la protection de Bonaparte, qui comprend tout le bénéfice qu'il pourra tirer d'une maçonnerie docile. Il investit celle-ci avec des hommes de confiance, et cette expansion maçonnique se traduira par une servilité sans faille. Roëttiers de Montaleau et Cambacérès furent les artisans de cette mise au pas.

Cependant, la maçonnerie, même contrôlée, continue à porter dans toute l'Europe les valeurs philosophiques issues du siècle des Lumières. Le Grand Orient est investi par tout ce qui compte en politique, famille de Bonaparte, maréchaux, généraux, ministres et fonctionnaires. Le nombre des loges passe de 300 à 1 220 en 10 ans (1814). La chute de Napoléon entraîna celle de la franc-maçonnerie. Les francs-maçons firent preuve dans les années qui suivirent d'opportunisme politique.

Second Empire

Napoléon III impose son pouvoir sur la franc-maçonnerie française, en nommant d'abord le prince Lucien Murat et plus tard le maréchal Magnan à la tête du Grand Orient afin de prévenir toute velléité d'opposition au régime.

Début de la IIIe République et le schisme de 1877

Depuis 1877, date à laquelle - sur un rapport du pasteur Frédéric Desmons (1832-1909) relatif à un vœu émanant d'une loge de Villefranche-sur-Saône - a été supprimée de sa constitution la phrase « La Franc-maçonnerie a pour principe l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme », le Grand Orient de France est la plus importante obédience de la branche de la franc-maçonnerie qu'il nomme « libérale » ou « adogmatique »: Cette décision est en effet la cause principale du schisme dit de la « Régularité maçonnique » qui sépare depuis les obédiences qui n'exigent pas de leurs membres la croyance en un être suprême du reste de la franc-maçonnerie mondiale.

Le Grand Orient joue à cette époque un rôle important dans la fondation du parti républicain[6].

XXe siècle

Le Grand Orient de France est impliqué dans l'« affaire des fiches » au début du XXe siècle. Ce grand scandale politique survenu en 1904, après une interpellation à la Chambre du député nationaliste Jean Guyot de Villeneuve, dévoilant au public les pratiques de surveillance des officiers de l'armée par les loges et la mise en place d'un service de renseignements sur les militaires au siège du GODF, rue Cadet. L'affaire marqua profondément l'armée et la droite. Selon Jean-Baptiste Bidegain, le secrétaire adjoint au GODF qui révéla l'affaire, un service de renseignements existait au sein du Grand Orient depuis 1891 et se préoccupait d'obtenir des renseignements sur les fonctionnaires en général[7], c'est à partir de 1901 qu'il s'occupa de ficher les officiers[8].

En 1913, le Grand Orient n'oblige plus ses loges à travailler à la gloire du grand Architecte de l'Univers. Les quelques loges voulant revenir à une pratique maçonnique théiste, seule régulière de leur point de vue, quittent le Grand Orient et créent la Grande Loge Nationale Indépendante de France et des Colonies, future Grande Loge nationale française (GLNF).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, des francs-maçons du Grand Orient de France se sont engagés dans la Résistance, en particulier dans le réseau Patriam Recuperare et dans divers mouvements. Dans le même temps, le régime de Vichy persécutait sévèrement les francs-maçons. Le GO y perdit la majorité de ses membres. Parmi eux Jean Zay, Pierre Brossolette. À la Libération, le GODF comptait moins de 7 000 membres. Ils étaient 30 000 en 1939. Depuis quelques années, les effectifs du Grand Orient de France ont beaucoup progressé : ses membres sont passés de 30 000 (1990) à approximativement 50 000 (2010) pour environ 1 130 loges.

Le Grand Orient de France est régulièrement cité dans les médias en raison des débats qui agitent sa direction[9],[10]. Cependant, la structure démocratique et autonome du GODF protège et épargne la plupart des loges « de base », qui continuent de travailler sereinement.

XXIe siècle

Initiation des femmes

En 1999, la loge iséroise Joachim Delgado avait initié une femme au temple maçonnique de Grenoble. Suite à quoi elle fut dissoute sur plainte des instances dirigeantes.

Le 24 mai 2008, la loge Combats, avec l'aide de deux membres du Conseil de l'Ordre, fut l'une des cinq loges du GODF à recruter des femmes[11],[12]. Le 8 avril 2010, la Chambre Suprême de Justice Maçonnique, se prononçant sur une plainte en exclusion du 27 février 2010, déposée par le Conseil de l'Ordre de l'époque contre les 5 loges[13] initiatrices, les a relaxées[14].

Le 2 septembre 2010, l'assemblée générale (« convent ») adopte un vœu précisant que, d'après le règlement de l'association, « les conditions d’admission au Grand Orient de France n’impliquent aucune considération de sexe ». Dans le même temps, le Convent rejette des propositions de modifications du règlement précisant que le GODF est exclusivement masculin. Ces votes ouvrent la possibilité aux loges du Grand Orient d'initier des femmes[15].

Une partie des adhérents du Grand Orient ayant déposé différents recours, internes comme judiciaires, cette décision ne peut toutefois pas encore être considérée comme définitive.

Principes

Le Grand Orient de France "a pour objet la recherche de la vérité, l'étude de la morale et la pratique de la solidarité" (article 1er de la Constitution du GODF). Comme pour la franc-maçonnerie en général, le GODF pratique des rites de passage du monde « profane » au monde maçonnique constituant « l'initiation » dans les Loges dites Bleues. Une fois initié, le profane devient « apprenti », premier degré d'un parcours vers les 2 autres grades suivants : compagnon, et maître. La méthode de travail proposée aux maçons est originale et facilite le travail individuel et collectif. Le respect de la tradition va de pair avec la prospective, et le symbolisme des rituels est censé apporter d'autres manières de percevoir le monde. Les plus connus de ces symboles sont : l'équerre, le compas et la règle qui renvoient les maçons à des valeurs symboliques élémentaires facilitant la recherche philosophique autant que la recherche d'une humanité meilleure. Cette méthode symbolique prend des chemins strictement personnels, ce qui peut faire croire qu'elle cultive un secret.

Le Grand Orient de France occupe une position originale dans la franc-maçonnerie mondiale sur trois points particuliers :

  • son refus d'exiger une croyance quelconque, en particulier en un dieu (ce qui n'implique absolument pas l'obligation d'athéisme) ;
  • son attachement à la laïcité ;
  • ses valeurs républicaines et sociales.

Les membres du Grand Orient de France déclarent que la recherche du progrès est un moteur dans leurs réflexions et leurs actions, au point que ce principe figure dans leur constitution.

Le Grand Orient de France s'érige ainsi en un défenseur des principes contenus dans sa devise qui est aussi celle de la République : « Liberté, Egalité, Fraternité».

Les maçons du Grand Orient de France se déclarent attachés à la liberté absolue de conscience, qu'ils considèrent comme garantie, avec la laïcité, des institutions. Quiconque professe des opinions racistes, xénophobes ou bien se déclare partisan de régimes totalitaires ne peut être reçu au Grand Orient de France.

Le siège du GODF se trouve au 16, rue Cadet dans le 9e arrondissement de Paris.

Fonctionnement du Grand Orient

Constitution et Règlement général

Les statuts du GODF se présentent sous la forme d'une Constitution définissant les grands principes de la franc-maçonnerie. Ils sont complétés par un règlement général précisant le fonctionnement de l'obédience et de ses loges.

L'article premier de la Constitution donne une définition de la franc-maçonnerie selon le Grand Orient :

La Franc-maçonnerie, institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, l'étude de la morale et la pratique de la solidarité ; elle travaille à l'amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l'humanité.

Elle a pour principe la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience.

Considérant les conceptions métaphysiques comme du domaine exclusif de l'appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique.

Elle attache une importance fondamentale à la laïcité.[16]

Elle a pour devise : Liberté, Égalité, Fraternité.

Direction de l’obédience

le Conseil de l’ordre

Le GODF est dirigé par un « Conseil de l’ordre » d’une trentaine de membres (35 exactement) élus par les délégués des loges réunis en congrès régionaux.

Le Conseil de l’ordre, exécutif de l’Ordre, élit en son sein le « Président du Conseil de l’Ordre ». Ce dernier doit prêter le serment de la Grande Maîtrise et être « reconnu comme tel » par l’ensemble du Convent pour pouvoir porter le titre de « Grand Maître ». Il est assisté par trois grands maîtres adjoints et par des grands officiers, chargés de missions particulières, élus par le Conseil, en son sein.

Le Convent annuel constitué par les délégués de chaque Loge constitue l’assemblée législative du GODF contrôlant l’exercice du Conseil de l’Ordre et habilitée à modifier la Constitution et le Règlement Général selon des modalités précisément définies.

Liste des grands maîtres

Pratique des « hauts grades maçonniques »

Le Grand Orient de France, détenteur des patentes (non cessibles) des différents rites, administre les grades « symboliques » (Apprenti, Compagnon et Maître) et délègue la gestion des "Hauts Grades ou Grades de perfectionnement". Depuis 1998, cette gestion est confiée à cinq juridictions représentant chacune un rite (Rite Français, Rite Ecossais Ancien Accepté, Rite Ecossais Rectifié, Rite Egyptien de Memphis-Misraïm et Ancienne Maçonnerie d'York), sur la base de conventions bilatérales avec le GODF. Avant 1998, un organisme "le Grand Collège des Rites" était composé de sections correspondant aux différents rites pratiqués au GODF.

Ces juridictions sont :

Ces structures ont pour seules missions d'administrer les ateliers des hauts grades et d'être les gardiennes des rites pratiqués au sein de leurs juridictions respectives. Elles n'ont par conséquent aucune autorité hiérarchique sur les Loges bleues pratiquant leur rite.

Notes et références

  1. (Dachez 2003, p. 63-66)
  2. http://www.dervy-medicis.com/Franc-maconnerie/le-duc-de-montmorency-luxembourg-et-la-fondation-du-godf.html Le Duc de Montmorency Luxembourg et la fondation du GODF, Keystone, 30 juin 2009
  3. (Dachez 2003, p. 65-70)
  4. Hubert La Marle, Philippe Égalité, "grand maître" de la Révolution : le rôle politique du premier Sérénissime Frère du Grand Orient de France, Nouvelles Éditions Latines, 1989, p. 31-32 
  5. (D. Ligou et al. 2000a, p. 200)
  6. page 79, The Search for Social Peace: Reform Legislation in France, 1890-1914, Judith F. Stone, 1985, SUNY Press
  7. Jean-Baptiste Bidegain, Le Grand-Orient de France. Sa Doctrine et ses Actes, Paris, Librairie antisémite, 1905, p. 115
  8. Jean-Baptiste Bidegain, op. cit., p. 243.
  9. Dossier dans l'Express
  10. Interview vidéo d'un responsable du GOdF en 2006
  11. Catherine Corroler, Frangines indésirables au Grand Orient, Libération, 19 juin 2008, en-ligne
  12. Chloé Leprince, Les francs-maçonnes s'invitent dans les loges de leurs frères, Rue 89, 30 juin 2008.
  13. Combats, Prairial, La Ligne droite, L'Echelle humaine, Saint-Just 1793.
  14. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/04/10/01016-20100410ARTFIG00104-le-grand-orient-s-ouvre-aux-femmes-.php
  15. http://www.lejdd.fr/Societe/Actualite/La-mixite-entre-au-Grand-Orient-218533/
  16. Modification au Convent 2009
  17. Les Trois Siècles de la franc-maçonnerie française, André Combe, Dervy, 2007 p133
  18. FD - Biographie

Voir aussi

Bibliographie

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