Bicéphalisme en France

Bicéphalisme en France
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Cet article fait partie de la série sur la
politique de la France,
sous-série sur la politique.


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Le bicéphalisme, mode d'organisation du pouvoir exécutif dans lequel les compétences attribuées à l'organe exécutif sont exercées à la fois par le chef de l'État et le gouvernement, a toujours été caractérisé, en France, par son aspect inégalitaire. À de très rares exceptions près, les régimes politiques français sont organisés avec des fonctions de chef de l'État et de chef de gouvernement distinctes l'une de l'autre, dans une logique parlementariste. En fonction du régime, c'est soit le Chef de l'État (Roi puis Président de la République), soit le chef du gouvernement (Président du Conseil, Premier ministre et autres) qui domine, mais le bicéphalisme français n'a jamais été égalitaire.

Sommaire

Régimes antérieurs à la Cinquième République

Cinquième République

Le régime parlementaire de la Cinquième République est bicéphale, ce qui veut dire que le pouvoir exécutif comporte deux « têtes », ici le Président de la République, chef de lÉtat, et le Premier ministre, chef du gouvernement. Mais cette expression juridique ne préjuge pas de limportance respective de chacune de ces têtes, qui peuvent être égales ou non, comme cest le cas en France. Jusquaux élections législatives de 1986, on a pensé que la pratique avait définitivement assise la prééminence du Président de la République sur lexécutif français, au détriment du Premier ministre qui noccupait, de manière fort peu constitutionnelle, quune place dexécutant. Mais ces dernières élections ont totalement remis en cause la pratique du pouvoir en permettant une alternance politique au Parlement en plein mandat présidentiel. Souvrit alors la première « cohabitation », qui verra le Président seffacer et le Premier ministre prendre, en toute indépendance du chef de lÉtat, les rênes de lexécutif, avec le soutien indéfectible de lAssemblée nationale. Bien que la cohabitation soit aujourdhui rendue improbable par linstauration du quinquennat en 2001, on ne peut sempêcher de constater que jamais, sous la Cinquième République, le bicéphalisme na été égalitaire, consacrant la prééminence soit du Président, soit du Premier ministre, en fonction de la majorité politique siégeant à lAssemblée nationale. Les débats institutionnels actuels tournent généralement autour de ce problème de la définition des rôles des deux têtes de lexécutif.

Prééminence du Président de la République hors période de cohabitation

Article détaillé : Cohabitation (politique).

De Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy, les chefs dÉtat ont tous, hors période de cohabitation, abusé de leur pouvoir au mépris de la constitution. La pratique du pouvoir aura largement contribué à façonner la Cinquième République telle que nous la connaissons aujourdhui. Parmi les principaux éléments ayant vu leur structure profondément modifiée dans le temps par la pratique du pouvoir, la fonction présidentielle occupe une place prépondérante. Force est de constater quen dehors des périodes de cohabitation, le Président de la République simpose comme le véritable chef de lexécutif, au détriment du Premier ministre. Cette situation tient à plusieurs facteurs.

Dune part, le Premier ministre est choisi par le chef de lÉtat de manière totalement discrétionnaire. Celui-ci fait son choix comme bon lui semble et, bien que le Premier ministre ait besoin de la confiance de lAssemblée nationale pour gouverner, le Parlement na aucun droit de regard sur la nomination de ce dernier. Il nest ainsi pas rare de voir le Président choisir un de ses proches (Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin sous la Présidence de Jacques Chirac, ou encore Édith Cresson et Pierre Bérégovoy sous la présidence Mitterrand), qui pourra exécuter des politiques dont il aura préalablement déterminé les contours, ou encore une personnalité politique capable de faire consensus au sein de la majorité parlementaire (comme Michel Debré sous la présidence De Gaulle, Jacques Chirac sous la présidence de Valéry Giscard dEstaing ou encore Michel Rocard sous la présidence Mitterrand), quune personne jugée sur sa seule compétence. Par le biais du Premier ministre, le Président de la République exerce ainsi lessentiel du pouvoir exécutif, et les grandes lignes de la politique opérée par le gouvernement émanent de lui plus que du Premier ministre.

Dautre part, depuis 1962, le Président de la République est élu au suffrage universel direct. Bénéficiant ainsi dune légitimité démocratique on ne peut plus importante que celle du Premier ministre, qui nest pas élu et némane pas du Parlement, il peut moralement simposer comme étant le véritable chef du pouvoir exécutif. LAssemblée nationale, censée soutenir le gouvernement, est alors amenée à soutenir le chef de lÉtat et ses décisions. Cette dernière situation a atteint son paroxysme depuis linstauration du quinquennat, qui rapproche élections présidentielle et législatives sur le calendrier électoral. Lenjeu pour les deux scrutins devient ainsi sensiblement le même : il serait étonnant de voir le peuple envoyer à la Chambre basse une majorité politique sopposant au Président quil vient délire. La victoire législative, de ce fait, se fera presque logiquement dans le camp du nouveau Président, écartant très probablement définitivement toute éventualité de cohabitation. Dans cette logique, on peut raisonnablement affirmer que, depuis 2001, le seul enjeu des élections législatives est le soutien ou non à la Présidence de la République, et non plus lélection dune majorité politique sur la base dun véritable programme de gouvernement, ce dernier enjeu échéant du coup à lélection présidentielle.

Dès linstauration de la Cinquième République, la pratique purement inconstitutionnelle du pouvoir par le Président de la République a redéfinit la responsabilité du Premier ministre. En vertu de la constitution, ce dernier est censé être responsable devant lAssemblée nationale, qui peut le renverser en censurant son gouvernement ou en lui refusant sa confiance. Trop fréquent sous les Troisième et Quatrième République, cet évènement ne sest produit jusquà maintenant quune seule fois dans tout lhistoire de la Cinquième République : en octobre 1962, lorsque le gouvernement Pompidou a été censuré par lAssemblée nationale, en majorité hostile à linstauration de lélection du Président au suffrage direct envisagée par De Gaulle. Cela na en réalité rien de surprenant lorsque lon sait que le Premier Ministre est choisi par le Président, et par lui seul, comme nous lavons vu précédemment. De facto, ce dernier est alors doublement responsable : devant lAssemblée nationale, comme le veut la constitution, mais aussi devant le chef de lÉtat, auquel il doit sa fonction. Bien que le Président ne puisse pas, en vertu de la constitution, destituer le Premier ministre, on a pu constater que dans de nombreux cas, celui-ci a été poussé à la démission par le chef de lÉtat, pour des raisons très diverses. Ce fut le cas de Debré en avril 1962 puis de Pompidou en juillet 1968, sous la pression de De Gaulle, de Chaban-Delmas en avril 1972 conformément aux souhaits du président Pompidou, de MM. Mauroy en juillet 1984, Rocard en mai 1991 et de Mme Cresson en mars 1992, comme le voulait Mitterrand, et enfin de M. Raffarin en mai 2005, poussé à la démission par le Président Jacques Chirac.

Hors période de cohabitation, le Premier ministre fait donc plus figure dexécutant de la Présidence de la République que de véritable chef de lexécutif comme le voudrait la constitution de 1958. Linstabilité ministérielle, si elle ne provient plus du Parlement, provient donc désormais du chef de lÉtat. Surnommé à juste titre « le fusible de la Cinquième République », le Premier ministre fait figure de rempart aux critiques formulées à lintention du pouvoir en place. Lessentiel du pouvoir exécutif étant en réalité exercé par la Président de la République, sa fonction perd lessentiel des prérogatives que lui confère pourtant la constitution. Comme cest dusage sous la Cinquième République, la pratique lemporte sur le droit.

Prééminence du Premier ministre en période de cohabitation

Non envisagée lors de la rédaction de la constitution de la Cinquième République en 1958, la cohabitation, survenue pour la première fois en 1986, aura eu des effets considérables sur la pratique du pouvoir en France. Entraînant la formation, à la suite délections législatives, dun gouvernement soutenu par une majorité parlementaire dune tendance politique différente de celle du Président de la République, elle imposera un retour aux fondamentaux de la constitution, et en particulier à ceux relatifs aux pouvoir du gouvernement et du Premier ministre. Le chef de lÉtat perdra brièvement son hégémonie sur lensemble du pouvoir exécutif, au bénéfice dun gouvernement reflétant la majorité politique siégeant à lAssemblée nationale, mené par un premier ministre fort, retrouvant lentière possession des prérogatives quest censée lui déléguer la constitution. Bien quexceptionnelle, cette situation ninduit daucune manière que ce soit un changement de régime politique, mais plutôt un changement de système politique. La pratique présidentialiste du pouvoir disparaît au profit dune stricte application de la constitution : le gouvernement et son chef coordonnent la politique intérieure, le chef de lÉtat faisant office de contre-pouvoir et de garde-fou aux abus du pouvoir exécutif, tout en continuant à bénéficier de son domaine réservé en matière de politique étrangère (domaine réservé qui n'est nullement mentionné dans la constitution). La Cinquième République ne sera finalement jamais autant elle-même que lors des différentes cohabitations, tant le retour aux fondamentaux de la constitution de 1958 quelle implique est visible. Cest pourquoi on peut alors raisonnablement affirmer quen période de cohabitation, le Premier ministre devient, ou plutôt redevient le véritable chef du pouvoir exécutif.

En 1986, 1993 et 1997, les trois cohabitations ont débuté dans des contextes relativement similaires : la majorité sortante, soutenant le Président de la République, était battue, supplantée par une nouvelle majorité hostile au chef de lÉtat. Ce dernier ne pouvait alors évidemment plus imposer ses choix en matière de politique intérieure, courant le risque de voir les différents gouvernements quil formerait continuellement renversés par la Chambre Basse. Il devait alors faire face à la situation de précarité dans laquelle le peuple lavait placé, et opter pour la nomination dun Premier ministre dun bord politique différent du sien, capable de recevoir la confiance de lAssemblée nationale.

Le Premier ministre devient alors immédiatement le véritable chef du pouvoir exécutif. Bénéficiant du soutien de lAssemblée nationale sans laquelle rien ne peut se faire, il a désormais toute légitimité pour former son gouvernement comme il lentend et pour mener des politiques conformes à ses aspirations et à celles de ceux qui le soutiennent au Parlement. Le chef de lEtat, écarté en partie du pouvoir et cantonné, comme nous venons de le voir, aux seules fonctions et habilités que lui délègue la constitution, perd pratiquement tout son influence sur la coordination et la menée de la politique de la Nation.

En plus de retrouver lensemble de son pouvoir et de ses prérogatives, le Premier ministre nest en outre plus responsable que devant lAssemblée nationale. Puisque le Président de la République ne peut plus le choisir de manière discrétionnaire mais en fonction des aspirations de la majorité parlementaire nouvellement élue, le chef du gouvernement ne doit plus sa nomination quaux députés, et à eux seuls. Dans la plus stricte application de la constitution de 1958, il ne rend guère plus de comptes quà lAssemblée nationale. Quon soit en période de cohabitation ou non, le bicéphalisme en France nest pas, na jamais été et ne sera probablement jamais égalitaire, le Président de la République ou le Premier ministre se retrouvant au Premier plan en fonction du bord politique de la majorité siégeant à lAssemblée nationale.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes



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