Bicêtre

Bicêtre

48°48′34.26″N 2°21′18.41″E / 48.8095167, 2.3551139

Bicêtre est un ancien domaine français situé sur l'actuelle commune du Kremlin-Bicêtre.

Sommaire

Histoire

En 1250, le roi saint Louis acheta un terrain à Bicêtre, et y établit un monastère de Chartreux.

Sous le règne de Philippe le Bel, Jean de Pontoise, évêque de Winchester, acheta le monastère tombé en ruines et y bâtit un château que Philippe confisqua en 1294, puis le lui rendit en 1301[1].

Pendant les guerres qui eurent lieu sous le roi Jean le Bon, l'Anglais Robert Kanolle assiégea Bicêtre et le pilla.

Charles V, en ayant fait présent à son frère le duc de Berry, celui-ci fit bâtir un magnifique château sur l'emplacement de la maison de Bicêtre.

En 1411, le château fut brûlé lors des guerres civiles de Charles VI.

Après cet incendie, Jean, duc de Berry, oncle de Charles VI, donna l'emplacement du château au chapitre de Notre-Dame de Paris. Cette donation, faite en juin 1416, fut confirmée par Charles VII, en 1441, et par Louis XI, en 1464.

En 1519, le procureur du roi fit saisir cette propriété, devenue un repaire de voleurs, et elle fut rasée en 1632.

En 1633, Louis XIII fit construire un hôpital pour les militaires invalides, sur les ruines de cette forteresse qui a été un hôpital, un asile d'aliénés et une prison parisienne. Le nom de Bicêtre vient du fait que la forteresse était construite sur des terrains appartenant à l'évêque de Winchester (francisé Vincestre, puis Bicestre…). Louis XIV, après avoir bâti l'hôtel des Invalides à Paris, destina l'hôpital de Bicêtre à l'usage qu'il a aujourd'hui.

Ce fut d'abord un hospice pour soldats estropiés, vieux et caducs, augmenté en 1647, grâce à Saint-Vincent de Paul, de « l’œuvre nouvelle des Enfants-Trouvés ». Sous Louis XIV, à partir de 1656, l'établissement fait partie de l'hôpital général et est affecté à l'enfermement des mendiants et de tous les « indésirables ».

En 1735, l'arrivée dans l'établissement d'un clerc janséniste, Fuzier, qui demanda à se charger des enfants de chœur, marqua le début d'un conflit qui éclatera dix ans plus tard et qu'on appellera l'affaire de l'Hôpital général. Il semble que ce conflit, considéré comme religieux, masqua des abus sexuels commis contre les enfants de l'établissement[2] .

L'endroit accueillait alors la lie de la société, mélangeant indifféremment les indigents, les malades et les criminels : aliénés (enchaînés jusqu'à l'arrivée de Philippe Pinel en 1793), escrocs, syphilitiques, assassins, vagabonds et délinquants de toute sorte. On y plaçait notamment les homosexuels pauvres pris en flagrant délit, depuis qu'on avait renoncé à les brûler en place publique. On y fustigeait les prisonniers pour leur faire expier leurs fautes.

Sous la Révolution française, à la suite d'un rapport de Mirabeau, on remet en liberté les prisonniers détenus sans jugement. En septembre 1792, des « septembriseurs » en furie assassinent au gourdin près de deux cent détenus. Au nombre des victimes figurèrent beaucoup d'enfants ramassés dans les rues pour de petits vols, de la mendicité ou du vagabondage.

On y place ensuite les suspects de trafic de faux assignats, que leur crime relevât du droit commun ou de l’activisme politique contre-révolutionnaire. Ils furent pour la plupart inclus dans la prétendue conspiration des prisons en juin 1794 et envoyés à l’échafaud, sur la dénonciation de celui d’entre eux qui désirait le plus ardemment sauver sa peau.

C'est à Bicêtre que le tapissier Guilleret a inventé la camisole de force en 1770. C'est aussi là qu'a été effectué, le 17 avril 1792, le premier essai de la guillotine, sur des moutons vivants, puis sur les cadavres de trois vagabonds. La prison est aussi utilisée comme zone de transit pour le bagne, de 1793 à 1836 (date à laquelle la prison cesse son activité).

Bicêtre reste célèbre pour son puits aux proportions gigantesques creusé en 1733 sous la houlette de l'architecte Boffrand (5m de diamètre pour 60m de profondeur). L'élévation de l'eau était alors assurée par des prisonniers et des aliénés avant d'être remplacée par une machine à vapeur en 1855.

« Bicêtre - La plus mauvaise prison d'hommes. Elle renferme des condamnés à de longues peines, qui n'ont pu obtenir de rester à Sainte-Pélagie, et des condamnés aux travaux forcés en attendant qu'ils soient envoyés au bagne. Les uns et les autres sont presque tous dans un état de grand dénûment. Saint Lazare. C'est le bicêtre des femmes […][3]. »

Le 3 juillet 1815, à l'approche de l'ennemi, on transféra les détenus de Bicêtre à Paris.

La mortalité annuelle moyenne de 1815 à 1818 est d'un détenu sur 18,75.

Bicêtre a retrouvé sa vocation hospitalière sous le nom d'hôpital de Bicêtre ou, vu la présence d'une faculté de médecine, de CHU Kremlin-Bicêtre.

Bicêtre dans la littérature

  • Bicêtre est le décor du célèbre roman de Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un condamné. Véritable plaidoyer contre la peine de mort, on y trouve de nombreuses descriptions de Bicêtre et des conditions de détention alors en vigueur au XIXe siècle. Dans ce texte nous pouvons dénoter la souffrance du personnage principal pendant toute l'histoire.
  • Bicêtre est cité très souvent dans La Comédie humaine d'Honoré de Balzac, en particulier dans Ferragus : « Alors, il leur fit en style administratif ses remercîments des indications qu'ils avaient eu la bonté de lui donner, en lui apprenant que ce Bourignard était un homme condamné à vingt ans de travaux forcés, mais miraculeusement échappé pendant le transport de la chaîne de Bicêtre à Toulon[4]. ». Bicêtre est encore décrit dans la troisième partie de Splendeurs et misères des courtisanes[5], ainsi que dans Melmoth réconcilié[6]. En tant qu'asile pour les pauvres, Bicêtre est également le dernier refuge de Hyacinthe Chabert dans Le Colonel Chabert[7].
  • Dans la nuit de Bicêtre, roman de Marie Didier, imagine ce à quoi a pu ressembler la vie de Jean-Baptiste Poussin (ou Jean-Baptiste Pussin) comme soignant à Bicêtre.
  • Dans quatre chapitres vers la fin du roman Les Mystères de Paris, Eugène Sue décrit les conditions des malades et le dernier jour de deux condamnées à Bicêtre.

Notes et références

  1. Dictionnaire historique des environs de Paris du docteur Ermete Pierotti
  2. Marion Sigaut, La Marche rouge, éditions Jacqueline Chambon, Paris, 2008 (ISBN 978-274277477-7)
  3. L. R. Villermé, Annales d'hygiène publique et de médecine légale, 1829 (Mémoire sur la mortalité dans les prisons)
  4. Édition des œuvres complète dite du Furne, 1852, vol. 9, p. 41
  5. Édition des œuvres complète dite du Furne, 1852, vol. 18, 3e partie, p. 2
  6. Édition des œuvres complète dite du Furne, 1852, vol. 14, p. 262
  7. Édition des œuvres complète dite du Furne, 1852, vol. 10, p. 57-58

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe


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