Malnutrition au Tibet

Malnutrition au Tibet
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Selon une étude effectuée en 1994 et 1995 dans onze comtés de la région autonome du Tibet, la malnutrition y affectait plus de la moitié des enfants âgés de 7 ans ou moins [1]. La cause majeure désignée était la pauvreté [2],[3].

Une enquête menée en 1992 et 1994 par des médecins japonais dans les camps de réfugiés tibétains en Inde a conclu que la malnutrition était la cause de 40% des décès d'enfants de moins de 5 ans et que la mortalité était de 162 ‰, un taux encore plus élevé que celui des Indiens. Une étude démographique conduite entre 1994 et 1996 portant sur 65 000 réfugiés tibétains en Inde, a estimé que la mortalité infantile se situait entre 20 et 35 ‰, une valeur faible.

En 1996 et en 1998, dans la région de Jyekundo, sur le plateau tibétain, de graves difficultés climatiques entraînèrent mortalité et risque de famine.

Sommaire

Études nutritionnelles et médicales menées dans les années 1990

Enquête de 1990 dans la vallée de Lhassa

Une enquête exhaustive pourtant sur la santé et la nutrition dans la vallée de Lhassa réalisée en 1990 a conclu que le poids pour l'âge et la hauteur pour l'âge des enfants tibétains était « à la limite inacceptable » et dans certains comtés « inacceptablement bas » d’après les normes de l’OMS [4],[5]. L'enquête a fait l'objet d'un rapport[6].

Déclaration du Western Consortium for Public Health

Le Western Consortium for Public Health, un organisme privé américain, a déclaré en 1996 que 60 % des « enfants tibétains étudiés » étaient de taille inférieure à la norme internationale, en raison d'une malnutrition chronique dans les 3 premières années de leur existence [3],[4]. Les résultats de cette étude ont été publiés en 1996[5].

Étude du docteur Nancy S. Harris

Conduite entre août 1994 et décembre 1995 par le docteur Nancy S. Harris, en collaboration avec des chercheurs de l'Institut de la santé publique de Santa Cruz de l'Université de Californie et de l'Institut tibétain de recherche médicale de Lhassa, une étude (publiée en 2001 dans The New England Journal of Medicine) portant sur 2078 enfants tibétains de moins de 7 ans de régions urbaines et rurales de la Région autonome du Tibet faisait apparaître un retard de croissance lié à la malnutrition, souvent accompagné de problèmes osseux et dermatologiques. Un rachitisme fut diagnostiqué chez 66 % des enfants étudiés. Cette étude indique que le niveau de malnutrition observé est associé à un risque d'augmentation de la mortalité, qui est de 13,2 % parmi les enfants des mères interrogées [7].

Rapport de la FAO

Dans une analyse du profil nutritionnel de la Chine au milieu des années 1990 publiée le 19 avril 1999, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, plus connue sous le sigle FAO, signalait l'existence de carences nutritionnelles importantes au Qinghai, province comportant des zones de peuplement tibétain. Il était indiqué un lien entre le retard de croissance et l'insuffisance pondérale. Au regard de la classification de l'Organisation mondiale de la santé, la prévalence du retard de croissance des enfants était supérieure à 40%, faisant de la province du Qinghai l'une des plus affectées en Chine [8].

La mortalité infantile moyenne en Chine était de 20.6 ‰, et variait de 8.2 à 49.5 ‰ dans les différentes provinces, le Qinghai étant l’une des plus affectées. En 1996, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans était de 47‰ et le Tibet était une des régions les plus affectées [9].

Une étude publiée en 2004 sur les enfants hans nés au Qinghai suggère l’existence d’une faiblesse nutritionnelle en rapport avec des problèmes économiques dans cette région[10],[11].

Causes liées à des facteurs économiques

Article détaillé : économie du Tibet.

Le journaliste Cesar Chelala, écrivant en 2001 dans le quotidien japonais The Japan Times, affirmait que le Tibet demeurait un des pays les plus pauvres au monde, avec un revenu par tête inférieur à 100 $ [12].

Le site Malnutrition: A Global Pandemic commentait l'étude du Dr. Harris en affirmant que pour résoudre le problème de malnutrition, il fallait s'attaquer à sa cause principale : la pauvreté [13].

Causes liées à des facteurs culturels

Créateur de cliniques soignant la cataracte chez les populations tibétaines, le docteur américain Paul Liberman évoque, dans une interview donnée en 2007, parmi les causes de la malnutrition chez les enfants tibétains, la persistance d'une habitude culturelle : on décourage les jeunes enfants de grignoter entre les repas. Le Dr Liberman fait remarquer qu'il est aussi possible qu'il n'y ait pas assez de nourriture à leur donner. Résultat : beaucoup d'enfants sont rachitiques [14].

Dans un rapport publié en 2004, Pamela Logan, présidente de l'association Kham Aid, évoque pour sa part l'absence totale de légumes dans le régime alimentaire des pasteurs ou nomades tibétains du Kham. Même la viande est rare car les pasteurs hésitent énormément à abattre leurs précieux yaks. Ils vivent principalement de beurre, de thé et de tsampa (farine d'orge grillé) [15].

Conséquences

Article détaillé : Maladie de Kashin-Beck.
Patient souffrant de la maladie de Kashin-Beck

L'étude du Dr. Harris publiée en 2001 montre que les enfants souffrant d'un retard de croissance au Tibet présentent des signes cliniques de malnutrition, ainsi qu'une mortalité et une morbidité élevées [16].

Selon l’association Kashin-Beck disease, l’une des causes de la maladie de Kashin-Beck, une ostéochondrodysplasie, est liée à un problème nutritionnel majeur, à savoir une alimentation peu variée comportant peu de légumes et une absence de fruits [17],[18].

Prévention

Un programme de santé publique visant à améliorer la nutrition a été mis en place par la Fondation Terma créée par le Dr. Harris en 1993, en accord avec le gouvernement chinois, après deux années de négociation [19],[20].

NORLHA, une association basée en Suisse et qui a pour objectif de lutter contre la malnutrition, forme des agents de santé dans le Kham en construisant des serres et en sensibilisant les Tibétains à l'importance de la nutrition pour le développement des enfants [21].

Études menées dans des camps de réfugiés tibétains en Inde entre 1992 et 1996

Article connexe : Camp de réfugiés.

Après l'exode tibétain de 1959, un grand nombre de Tibétains se sont enfuis principalement en Inde. On estime qu'environ 150 000 d'entre eux vivent dans les pays environnants, l'Inde, le Bhoutan, et le Népal, un acte généreux de pays aussi pauvres [22].

Selon un rapport publié en 1997 par des médecins japonais ayant enquêté à Dharamsala dans le nord de l'Inde en 1992 puis en 1994, la malnutrition dans les camps de réfugiés tibétains était la cause de 40% des décès d'enfants de moins de 5 ans et la mortalité infantile était de 162 ‰. Ce taux était plus élevé que celui des Indiens. Il est cependant précisé que ces informations ne représentent pas une enquête clinique de tous les camps de réfugiés, les données ne reflètent pas précisément leurs conditions de santé. Depuis 1992, la collection des données cliniques des camps de réfugiés, centralisée par l'hôpital Delek, est pleinement opérationnelle. Depuis cette date, ces données sont enregistrées par les réfugiés eux-mêmes[23].

Une étude démographique réalisée par le ministère de la santé du gouvernement tibétain en exil à Dharamsala en Inde et l’Université d'Adélaïde en Autriche a été publiée en 2002 dans Social Science & Medicine. Cette étude portant sur 65 000 réfugiés tibétains dans différents camps en Inde et utilisant des données collectées entre 1994 et 1996 a estimé la mortalité infantile entre 20 et 35 ‰ dans les différentes régions, une valeur clairement faible [24].

Nomades menacés de famine dans le Qinghai et le Sichuan en 1996 et 1998

En 1996, à la suite de l’une des pires tempêtes de neige [25], 80 000 personnes, principalement des nomades, de la région de Jyekundo dans la préfecture de Yushu (province du Qinghai), se trouvèrent bloquées par la neige et menacées de famine, 80 % de leurs animaux (environ 700 000) ayant péri, ainsi qu'environ 50 personnes. La région du Sichuan voisine fut également affectée. Elles furent secourues par l'armée, des équipes médicales chinoises et par l'ONG Médecins sans frontières. Le dalaï-lama lança un appel à la communauté internationale et fit un don personnel [26],[27],[28],[29]. Dans un article publié le 23 mars 1996, Serge Depotter, de Médecins sans frontières, déclara que plusieurs douzaines de personnes étaient mortes de froid, tandis que 28 000 souffraient de cécité des neiges et de gelure et que les infections respiratoires, dont la tuberculose, devenaient fréquentes parmi la population sous-alimentée [30].

Deux ans plus tard, fin 1997 début 1998, la région fut victime des mêmes tempêtes de neige et 100 000 à 300 000 nomades tibétains furent à nouveau menacés de famine, mais la Chine se montra peu disposée à autoriser l’aide internationale, n’ayant recours dans un premier temps qu’à son aide gouvernementale [31]. Il n'y eut pas de chiffres officiels concernant le nombre des morts, mais l'agence de presse Xinhua rapporta la disparition de 2000 personnes, peut-être mortes dans la neige [32]. Vers le 8 janvier, les autorités locales du Qinghai à Xining firent appel à une équipe suisse de Médecins sans frontières basée à Yushu [33]. Le 6 mars, Norbert Terrettaz, de Médecins sans frontières, fit le constat suivant : « En raison du manque de médicaments, de couvertures et de combustibles, ces gens, déjà victimes de la famine, souffrent de maladies des yeux, de gelures, de dysenterie [34]».

Certains experts ont affirmé que le phénomène climatique El Niño était impliqué dans ces désastres climatiques qui ont affecté plus de 40 comtés et préfectures de la région, soit 2 fois la superficie de la France [35]. Selon Ying Wang, un chercheur chinois, ces désastres climatiques seraient liés à la déforestation qui a débuté quand la Chine s’est engagée dans la modernité après 1950 [36].

Références

  1. (en) Alarming Facts about the Health and Nutrition of Children in Tibet
  2. (en) Stunted Growth of Tibet’s children.
  3. a et b (en) Malnutrition plagues Tibet's children.
  4. a et b Tibetan Children and Infant Mortality, TCHRD, 2000.
  5. a et b Harris NS, Yangzom Y, Pinzo L, Gyaltsen P, Crawford PB. Effects of age, community location, and illness on nutritional status of high altitude Tibetan children, 0-7 years. International Child Health 1996; 7: 99-114.
  6. Kolsteren P, Atkinson S, Maskall K. Nutrition, health, water and sanitation assessment in the Lhasa Valley: report of Save the Children UK and the Lhasa Municipal Health Bureau. London: Save the Children, May–June 1990.
  7. (en) Harris NS, Crawford PB, Yangzom Y, Pinzo L, Gyaltsen P, Hudes M., Nutritional and Health Status of Tibetan Children Living at High Altitudes, NEJM, 2001; 344: 341-347.
  8. Profil nutritionnel de la Chine, FAO.
  9. télécharger : Aperçu complet, FAO « The infant mortality rate averaged 20.6‰ in the country, and varied from 8.2 to 49.5‰ in the different provinces, with Qinghai, Ningxia, Yunnan, Xinjiang and Guizhou being the most affected. In 1996, the under five mortality rate was on average 47‰ and the most affected provinces were Tibet, Jiangxi, Xinjiang and Yunnan. »
  10. (en) Growth of Han Migrants at High Altitude in Central Asia.
  11. Résumé.
  12. (en) Malnutrition plagues Tibet's children. « ...Tibet continues to be one of the poorest countries in the world, with a per capita income of less than $ 100. New public health and social policies are needed to ensure that children won't continue to be the greatest victims of a difficult and unresolved political situation. »
  13. (en) Stunted Growth of Tibet’s children : « The Tibet Daily, claims “We have become a society of adequate food and clothing and have started marching towards one of relative comfort. This is a fantastic historical advance”. However this is far from the truth, with such a large population suffering from malnutrition, one has only to realize that something is seriously wrong. To fix the problem we need to target the main cause of the malnutrition: poverty. The chinese government needs to encourage and increase economic growth in the area, bringing affluence to this region of China will allow it to escape from malnutrition like many other parts of China. »
  14. (en) Jackie Bennion, Interview With Dr. Marc Lieberman, sur le site Frontline World, c. 2007 : « We have child malnutrition for several reasons, one of which is cultural attitudes that don't encourage children to snack when they are small and young. There may not have been enough food to give them necessarily. So we have a lot of stunted children ».
  15. (en) Pamela Logan, Nomads and development, A Kham Aid Foundation report, site de Kham Aid Foundation, October 25, 2004 : « Malnutrition has been observed in Tibetan populations, especially nomads, and must be at least partly caused by the almost complete lack of vegetables in the herdsman's diet. Even meat is in short supply, because herdsmen are extremely reluctant to slaughter their precious yaks. They subsist largely on butter, tea, and tsampa, which is purchased in town ».
  16. (en) Erik Eckholm, Study Links Malnutrition to Stunted Growth of Tibet's Children, The New York Times, 1er février 2001 : « Our data show that Tibetan children are not 'small but healthy,' (...) They have clinical signs of malnutrition as well as high morbidity and mortality. »
  17. Kashin-Beck disease association
  18. La maladie de Kashin-Beck en Chine : Une ostéochondrodysplasie liée à la nutrition et à l'environnement. Discussion = Kashin-Beck disease in China : an osteochondrodysplasia due to malnutrition and environmental conditions.
  19. (en) American Doctor Honored for Health Projects in Tibet « Harris runs the Terma Foundation which implements public health programs including nutrition, education, primary and preventive health care among the Tibetan people. Terma was founded in 1993 as the Tibet Child Nutrition Project (TCNP). »
  20. (en) Susan Craig, Saving Tibet's Children, Shambhala Sun, May 2000, pp. 52-56.
  21. NORLHA - Projet Santé et Nutrition, NORLHA.
  22. (en) Prevalence of mental disorders and torture among Tibetan refugees: A systematic review : « In 1950, China began its occupation of Tibet. Since then, many Tibetans have fled to Nepal and India (...) It is estimated that more than 150,000 Tibetan refugees reside in the neighboring countries of Bhutan, Nepal, and India; a generous token from such poor countries. »
  23. (en) Koji Sowa, Tsewang Nishikura, and Kiyohiro Maruki, A Report of Two Visits to the Tibetan Refugee Camp in Dharamsala, North India. Diseases and medical programs in all the refugee camps, 1997 Internet, 3rd World Congress Japan, Health, sur le site du JICEF (Japan International Cultural Exchange Foundation) : « Malnutrition accounts for 40% of deaths of children under five years of age and infant mortality is 162 per 1,000 (...) Since the above information does not represent data from a clinical survey of all the refugee camps, the data do not necessarily accurately reflect the health condition of every camp but they do help us to understand the trends of diseases in the refugee society. Since 1992, the collection of basic clinical data at all the refugee camps, with Delek Hospital at the center, has been in full swing. From now on, data will be recorded by the refugees themselves ».
  24. (en) Shushum Bhatiaa, Tsegyal Dranyia et Derrick Rowley, A social and demographic study of Tibetan refugees in India, 2002, Social Science & Medicine, 54, pp. 411-422.
  25. Le blizzard débuta en octobre 1995 et les températures descendirent à -40°C : (en) Richard Tomlinson, Thousands suffer in China's blizzards, British Medical Journal, 9 mars 1996.
  26. Selon Médecins sans frontières, 80.000 nomades tibétains (pourraient mourir de faim et de froid), AP, 15 mars 1996, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  27. (en) Linda Chong, Humanitarian group warns of Tibet famine, UPI, 27 février 1996, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  28. (en) Jane Macartney, More than 60,000 Tibetans face starvation in Yushu prefecture, Reuters, 28 février 1996, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  29. (en) Tenzing Chhodak, The dalai Lama Appeals for Aid to Tibetan Snow Storm Victims, 6 mars 1996, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  30. (en) Tibetan nomads near starvation after hard winter, The Independent, 23 mars 1996.
  31. (en) China sends relief to snowed-in Tibet, Reuters, 31 décembre 1997, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  32. (en) Maggie O'Kane, A bitter cold, The Guardian, 12 février 1998, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet : « We're managing fine, says the Chinese government, which permits no foreigners in the area and insists there have been no deaths. (...) Xinhua, did report that as many as 2,000 people were missing possibly dead in the snow in the Chinese province (...). There are no official figures on the Tibetan death toll ».
  33. (en) Snow Disaster in Tibet, Tibet Information Network, 8 janvier 1998, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  34. La neige accable 100 000 Tibétains. Les violentes tempêtes de neige qui se sont abattues ces dernières semaines sur la province de Quinghai (centre de la Chine) menacent aujourd'hui quelque 100 000 personnes,24 heures, 6 mars 1998.
  35. (en) Tibet buffeted by record snowfall, AFP, 31 décembre 1997, reproduit sur le site du Comité Canada Tibet.
  36. (en) Ying Wang, Environmental degradation and environmental threats in China 2004, Environmental Monitoring and Assessment, 90, 161-169. « Since 1950, when China embraced modernity, the forests have been indiscriminately felled reducing forest cover. This has threatened biodiversity, causing drastic declines of mammal and bird counts, recurrent flooding and erosion, and recurrent snow disasters. These not only threaten global climate, but also undermine the livelihood of the local people and great loss of life and damage downstream »


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