- Le Roman de la Rose
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Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole Auteur Jean Renart Genre Roman en vers Version originale Titre original Romans de la Rose Éditeur original Manuscrit Langue originale Langue d'oïl Date de parution originale XIIIe siècle Version française Traducteur Jean Dufournet Lieu de parution Paris Éditeur Champion Classiques Date de parution 2008 ISBN 978-2-7453-1702-5 Le Roman de la Rose aussi appelé Guillaume de Dole, pour éviter toute confusion avec les ouvrages de Guillaume de Lorris et Jean de Meung, est un long poème composé de 5 656 octosyllabes en langue d'oïl, écrit vers 1230. Le seul manuscrit existant n'est pas signé, mais le texte a pu être attribuée à Jean Renart. Composée au début du XIIIe siècle, cette œuvre complexe, qui tient du roman de chevalerie et du roman courtois, rompt avec la tradition par son souci du réalisme géographique et de la vraisemblance psychologique, mêlant à ses héros pseudo-historiques, l'empereur d'Allemagne Conrad, Guillaume de Dole et sa sœur la belle Liénor, des personnages secondaires bien réels et contemporains de l'auteur, proposant en outre au lecteur un art de vivre joyeux et raffiné. Nouveauté supplémentaire, il intègre au récit, sans en rompre le déroulement, 46 chansons de genres très variées, chansons de toile, pastourelles, noëls, chansons de trouvères et de troubadours, qui en font la plus ancienne anthologie de chansons en français[1].
Sommaire
Historique
Le manuscrit
Le seul manuscrit existant est une copie soignée mais plutôt sobre (sans illustrations) de la fin du XIIIe siècle qui contient trois autres romans : Le Chevalier de la Charrette et Le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes et Meraugis de Portlesguez de Raoul de Houdenc. Il est conservé à la Bibliothèque du Vatican, dans le fonds de la reine Christine de Suède, sous la cote reg.1725[2].
La première référence critique au Roman de la Rose date du XVIe siècle. Claude Fauchet le mentionne plusieurs fois : dans son Recueil de l'origine de la langue et poésie française (il donne le nom des auteurs des chansons insérées) ; dans Origines des dignités et magistrats de France. Origines des chevaliers, armoiries et héraux, (où il s'intéresse au vocabulaire militaire et à l'épisode du tournoi)[3]. Il est le premier à proposer de l'appeler Guillaume de Dole pour éviter toute confusion avec le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meung[N 1]. Durant les troubles de la ligue, en 1589, Claude Fauchet fuit Paris ; sa bibliothèque est saccagée et dispersée par les troupes du duc de Mayenne qui tiennent la capitale. Le manuscrit réapparaît dans le catalogue de la bibliothèque d'un certain Paul Pétau[5] et il est acheté, en 1650, par la reine Christine. À la mort de la reine, à Rome, en 1689, il est acquis par le Vatican[3].
Au début du XIXe siècle, le texte commence à faire l'objet de citations dans des ouvrages spécialisés, puis, en 1844, le philologue allemand Adelbert von Keller en publie un extrait dans Romvart. Beiträge zur Kunde mittelalterlicher Dichtung aus italienischen Bibliotheken. Paulin Paris s'intéresse aux chansons et envoie en 1849 une mission scientifique et littéraire à Rome pour les copier[3]. Le manuscrit a été publié intégralement pour la première fois en 1893 par Gustave Servois[6], pour la Société des anciens textes français.
La première étude approfondie, la thèse d'agrégation de Rita Lejeune-Dehousse (1906-2009), date de 1935 et souligne le rôle de Jean Renart dans le développement du genre romanesque. Mais c'est à partir de 1979, et la parution de Roman rose et rose rouge de Michel Zink, que la complexité de l'œuvre est mise en lumière. Depuis, tant les traductions en langage moderne (français, anglais, allemand) que les études critiques se sont multipliées[7].
Auteur et date de l'œuvre
Bien que le roman[N 2] ne soit pas signé, la critique, dès la fin du XIXe siècle, en comparant les techniques littéraires du Roman de la Rose et du Lai de l'Ombre, dont l'auteur affirme au vers 953 se nommer Jean Renart, lui attribue l'ouvrage[8]. En 1913, Joseph Bédier pense que le nom (ou le pseudonyme) de l'auteur se cache sous un engin (une énigme) proposé dans les trois derniers vers : « Et cil se veut reposer ore, / Qui le jor perdit son sornon / qu'il entra en religion » [N 3]. Jean Renart est vraisemblablement un nom de plume, un sornon comme il le dit lui-même, construit sur un oxymore. En effet, dans la littérature médiévale, les noms formés sur Johannes (Jean, Jehan, Jeannot...) désignaient des niais, des benêts, alors que Renart est « le maître des ruses »[N 4]. Ce qu'on sait de cet auteur est essentiellement tiré des renseignements fournis par ses œuvres dont les dates d'écriture sont déduites des allusions à des personnages historiques qu'elles contiennent. Cependant Rita Lejeune a apporté dans une publication de 1997, Du nouveau sur Jean Renart[10] des éléments qui tendraient à prouver que Jean Renart est le pseudonyme d'Hugues II de Pierrepont, prince-évêque de Liège de 1200 à 1229, un prélat mondain, lettré, sachant manier les armes, qui passait pour avoir eu une jeunesse dissolue avant d'entrer en religion[11].
La date d'écriture est controversée. Pour Félix Lecoy Le Roman de la Rose, qui semble avoir été composé dans une période de calme entre les conflits qui opposaient la France et l'Angleterre (vers 1628-1629), est probablement postérieur à la trêve du 22 mars 1227, car il contient une allusion à un comte de Champagne participant au tournoi de Saint-Trond (vers 2088), qui ne peut être que Thibaut IV le Posthume, né en 1201[12]. Mais il ne peut avoir été écrit après 1230, date du Roman de la Violette de Gerbert de Montreuil, qui est le premier à lui emprunter le procédé d'écriture qui consiste à introduire des « chansons » dans son récit[13]. Il le date donc de 1228. Mais Rita Lejeune-Dehousse avance, de manière convaincante pour le traducteur Jean Dufournet, des arguments en faveur d'une date plus précoce, entre 1208 et 1210[14]. L'ouvrage est dédié (vers 6-7) au « noble Milon de Nanteuil, un des hommes valeureux de ce siècle », qui fut évêque de Beauvais de 1222 à sa mort, en 1234.
Résumé
Le poème, après un préambule de 30 vers, conte les aventures du preux Guillaume de Dole, et de sa sœur la belle Liénor, à la « blonde crinière »[15]. Guillaume, chevalier de petite noblesse, mais modèle de courtoisie et de vaillance, est invité, sur la suggestion de Jouglet, le ménestrel, à sa cour par l’empereur Conrad, jeune prince habitué au luxe et à la vie facile, et devient un de ses favoris. Conrad, en entendant vanter l'éclatante beauté et la vertu de Liénor, qui mène une vie retirée sous la garde de sa pieuse mère, en tombe amoureux. Malgré la réticence de ses barons, l'empereur décide d'épouser Liénor, « que Nature fit tant belle qu'en allant jusqu'à Tudele on ne peut en trouver une pareille », bien qu'il ne l'ait jamais vue. Mais son sénéchal, jaloux du succès de Guillaume et craignant que ce mariage ne lui fasse perdre tout crédit à la cour, décide de l'empêcher par tous les moyens. Il se rend secrètement au manoir où vivent Liénor et sa mère, et cette dernière, attendrie par le cadeau d'un riche anneau et ses protestations d'amitié, lui dévoile imprudemment un détail intime au sujet de Liénor : elle a, sur sa blanche cuisse, une marque en forme de « rose vermeille »[16].
Après son retour, le sénéchal attend le moment propice pour insinuer à Conrad que la demoiselle lui a octroyé les dernières faveurs[17]. L'empereur est bien obligé de dire à Guillaume pourquoi il ne peut plus épouser sa sœur. Sombrant dans la honte et le désespoir, ce dernier confie sa douleur à un neveu qui se précipite à Dole pour venger l'honneur familial bafoué. Liénor, apprenant de quoi on l'accuse, décide d'établir publiquement son innocence, grâce à une ruse. Elle se rend, escortée de deux chevaliers, à Mayence où l'empereur a réuni ses barons[18], fait remettre au sénéchal une broche et une bourse brodée de la part d'une amie, et, allant se jeter aux pieds de l'empereur, accuse le sénéchal d'avoir abusé d'elle et de lui avoir dérobé sa broche et son aumonière. Il jure qu'il ne la connaît point, et, soumis au jugement de Dieu, il en sort évidemment vainqueur. Elle révèle alors qu'elle est « la pucelle à la rose »[19], prouvant ainsi qu'il l'a accusée faussement. L'empereur lui ouvre les bras, et ses barons consentent au mariage. Guillaume retrouve la joie de vivre, les noces sont magnifiquement célébrées et le sénéchal est sommé de rejoindre les Chevaliers de l'Ordre du Temple pour aller défendre les Lieux Saints.
Les personnages
Les protagonistes principaux sont des personnages imaginaires, que ce soit l'empereur Conrad, son jongleur Jouglet, Guillaume et Liénor. Celle-ci montre une intelligence et une détermination plutôt inhabituelles dans la littérature médiévale[20].
Mais les personnages secondaires, en particulier les participants au tournoi de Saint-Trond, portent des noms de nobles bien réels de l'époque, chevaliers français et seigneurs allemands, sans invraisemblances chronologiques.
Le cadre
Époque et lieux
Le décor est simplement suggéré, mais il est bien réel : l'action se passe dans l'Empire, et non dans le Royaume de France, parce que le héros est empereur d'Allemagne, et que le poète était soit un protégé de barons de l'empire[21], comme ce comte de Hainaut auquel est dédié L'Escoufle, la première œuvre connue de Jean Renart, soit un noble d'empire lui-même, s'il est bien Hugues II de Pierrepont, comme l'a suggéré Rita Lejeune en 1997[10]. L'histoire commence près du Rhin où l'empereur rejoint un des ses châteaux et y fait venir Guillaume, puis à Maëstricht (appelé Tref sur Meuse à l'époque), où il se rend avant le tournoi de Saint-Trond, à huit lieues de là. Guillaume fait préparer ses armes à Liège et les chevaliers français passent la nuit précédant le tournoi à Namur. La cour se rend ensuite à Cologne, puis à Mayence pour le 1er mai. Le récit se déroule dans un espace géographique circonscrit au Rhin et à ses affluents, la Meuse, la Moselle et le Main.
Le roman débute par le récit d'une fête à une date indéterminée, à la belle saison. Mais l'action proprement dite est ramassée sur trois mois. Tout commence début février : au vers 3484 sont évoquées les calendes de mai (qui débutent le 14 avril), date de la calomnie du sénéchal et veille du départ pour Mayence ; au vers 3609, pendant sa chevauchée vers Mayence, Conrad soupire que deux mois et demi plus tôt, il apprenait l'existence de Liénor et ne pouvait « rien imaginer de semblable ». L'action se termine peu après le 2 mai, date du mariage de Conrad et Liénor.
Une société utopique
Jean Renart présente un monde idéal, une société de loisir réduite à une élite[22] : aristocratie chevaleresque, nobles de haut rang, gentes dames et vavasseurs loyaux, entourés de quelques clercs et de ménestrels, auxquels s'ajoute une grande bourgeoisie fortunée, mais traitée avec une certaine condescendance, parce que roturière. Les rapports humains sont harmonieux, fondés sur le don et l'échange : l'empereur, les nobles et les bourgeois font assaut de générosité, dans une surenchère de dons et de contre-dons qui rappelle le potlach[23]. C'est une communauté pacifiée et cultivée, raffinée et élégante, où les armes le cèdent à la danse, où les chevaliers, au lieu de s'enrichir par la guerre et ses rapines, s'adonnent aux joutes[24], échangent des présents, font assaut de galanterie et de citations littéraires.
Car la littérature y est reine et les jongleurss et ménestrels ont une place de choix dans cette société plutôt laïque, où les clercs ont des préoccupations aussi peu religieuses que les autres personnages et les évêques sont surtout de grands seigneurs séculiers[25]. La fonction principale des ménestrels est de divertir les seigneurs par la musique et le chant, mais aussi de conseiller : Jouglet joue un rôle essentiel dans la diégèse. La poésie sert à l'empereur Conrad pour exprimer ses émotions. Outre les chansons intégrées au récit qui créent une atmosphère joyeuse et font penser aux comédies musicales[26], les héros sont le reflet de personnages littéraires[27] et de multiples allusions sont faites à des œuvres littéraires antérieures : les chansons de geste, avec le souvenir de Roland, de Charlemagne, d'Aude la sœur d'Olivier ; les romans antiques (Roman de Troie et Roman d'Alexandre), et arthuriens, avec les allusions à Perceval, au sénéchal Keu, au roi Marc, à Tristan et Iseut. Jean Renart utilise même son propre texte Le Lai de l'Ombre comme base au récit de Jouglet sur les amours d'un chevalier champenois remarquable et d'une dame d'une beauté exceptionnelle[27], en prélude à la présentation de « vraies personnes » aussi exemplaires d'après lui, Guillaume et Liénor.
Traitement littéraire
Schéma narratif
Le schéma narratif reprend un thème bien connu des contes, celui de la gageure[N 5] : un personnage parie qu'il obtiendrait les faveurs d'une femme ; échouant dans son entreprise, il prétend avoir réussi, parce qu'il est en mesure de révéler un détail intime dont il a appris l'existence par ruse ou par hasard, causant le désespoir du frère ou la ruine du mari, avant que la victime réussisse, souvent par une ruse qui lui permet de confondre son accusateur, à établir son innocence[28].
Cependant le conte n'est qu'un prétexte, un support pour mettre en scène dans un contexte historique[29] des personnages qui se démarquent des héros des romans arthuriens ou des chansons de geste du siècle précédent, avec en particulier un personnage féminin central, l'héroïne persécutée et pleine de ressources, Liénor[30].
Le contexte historique
Même si, après le prologue, le poème commence comme un conte : « En l'Empire, ou li Alemant / ont esté maint jor et maint an, / si com li contes dit, segnor, /ot jadis un emperere. / Corres ot non de par son pere / qui devant lui fu emperere. » (vers 31-36)[N 6], le thème annoncé est bien une histoire de succession, qui fait écho à la réelle crise de succession dans le Saint-Empire, entre 1197 et 1218[31]. Conrad est le meilleur et le plus généreux des maîtres, mais il est jeune et n'est pas pressé de produire un héritier, au grand désespoir de ses barons[32], jusqu'à ce que le ménestrel Jouglet lui vante Liénor, dont il « s'aperçoit qu'il l'aime déjà par ouï-dire ». Et il a hâte de l'épouser lorsqu'elle se fait reconnaître : « Que demandez vos / quand vos m'avez ? ». L'auteur remarque alors que « Ahi ! plus tire cus que corde »[33] (le désir tire plus fort qu'une corde). L'archevêque n'a plus qu'à revêtir sa chasuble et Liénor sa robe de mariée, brodée de l'histoire d'Hélène de Troie. Et si le bonheur du souverain pendant sa nuit de noce est évoqué[N 7] (supérieur même à celui de Tristan ou de Lanval), dès le lendemain les réalités politiques reprennent leur place puisque les amis du sénéchal viennent demander sa grâce à la nouvelle impératrice, qui, très politiquement, propose de seulement l'exiler et « l'envoyer servir au Temple ».
Recherche de la vraisemblance
Un des intérêts du texte est son réalisme dans la peinture de la vie courtoise du temps[34] et des activités des personnages, qu'il s'agisse des travaux des dames (tissage, broderie) ou des activités masculines (chasse, tournoi). Dans l’Escoufle, sa première œuvre, Jean Renart affirmait la nécessité de « respecter la réalité », car « si l'on néglige la vérité et d'un conte on fait une fable, ce n'est pas une œuvre solide »[35]. Il s'attache donc à donner de la vraisemblance à son récit, en y introduisant des éléments de la vie quotidienne, et du réalisme à la description des lieux et des personnages[36].
Le texte fourmille ainsi de détails concrets, en particulier liés aux plaisirs de la table, comme les vins de Moselle et les fromages « gras et savoureux de la rivière de Clermont »(vers 373-374), et de gestes de la vie de tous les jours : un garçon court avec un chien, un messager va voir si on a nourri et pansé son cheval, les veneurs rentrent de la chasse tout hirsutes, dépenaillés et affamés, et « débitant leurs mensonges »[N 8]. Les lettres officielles de l'empereur, les bulles, ont, comme dans la réalité, un sceau en or. Le morceau de bravoure traditionnel qu'est le tournoi, avec ses combats spectaculaires, est aussi présenté coté coulisse : préparation matérielle des combattants avant les joutes, et leur retour, ensuite, contusionnés, vêtements déchirés, parfois prisonniers redevables de rançon[37].
Les lieux sont parfaitement reconnaissables, surtout Saint-Trond et sa grant rue (vers 2549) pavée, cette grande chaucie (vers 2232) qui venait de Maastricht et se prolongeait par la porte Sint-Gangulfus vers Duras, où l'on va « tiechant come maufé » (baragouinant tudesque comme des diables)[N 9]. Les champs semés d'orge alentour rappellent que la brasserie y était florissante. Et il est même possible de localiser l'hôtel où descend Guillaume, à un carrefour, à l'angle de deux rues, avec son balcon donnant sur la place du marché (vers 2068-2073)[N 10].
L'illusion réaliste est aussi entretenue par les dialogues[40]. Nombreux, variés, pleins de naturel, ils servent à relancer l'action, présenter les personnages, voire dramatiser les situations. L'auteur/narrateur s'adresse parfois directement à son lecteur (si vos di) et commente la situation, comme aux vers 4521-4524 : « une jeune fille peut bien se présenter à la cour d'un roi quand elle est bien équipée, bien accompagnée, si habile, si décidée ».
Les morceaux lyriques
Les textes que les personnages sont censés chanter s'insèrent parfaitement dans l'action. Il y en a quarante-six, qui forment une sorte d'anthologie du répertoire alors à la mode[1]. L'intégration de morceaux chantés, dont Jean Renart se vante d'être l'inventeur, a eu beaucoup de succès et a été rapidement copiée. Ces pièces se divisent en deux groupes, des chansons courtoises, chansons d'amour dont les auteurs sont connus en général[N 11], et d'autres chants qui relèvent d'avantage de la tradition populaire. Les pièces lyriques remplacent les monologues et accompagnent le développement psychologique des personnages, en particulier celui de Conrad, tandis que les chansons du registre populaire, centrées sur Liénor, disent l'amour au féminin[42]. Elles sont bien réparties dans le roman, mais disparaissent assez logiquement pendant les joutes du tournoi et le procès du sénéchal[43]
Les chansons courtoises
Il y a treize chansons de trouvères :
- Quand flors et glais et verdure s'esloigne (vv. 846-852) de Gace Brulé
- Li noviaus tens et mais et violete (vv. 923-930) de Le Chastelain de Couci (en)[44]
- Loial amor qui en fin cuer s'est mise (vers 1456-1469) de Renaut de Beaujeu (en)
- Mout me demeure (vers 1769-1776) Anonyme
- Contrel tens que voi frimer (vers 2027-2035) de Gace Brulé
- Mout est fouls que nus die (vers 3107-3114) Anonyme
- Quant de la foille espoissent li vergier (vers 3180-3187) Anonyme
- Je di que c'est granz folie (vers 3625-3631) de Gace Brulé
- Por quel forfet ne por quel ochoison (vers 3751-3759) attribuée au châtelain de Coucy ou à Roger d'Andely[45]
- Ja de chanter en ma vie (vers 3883-3890) de Renaud (ou Robert) de Sablœil (ou Sablé)
- Quant la sesons del douz tens s'asseure (vers 4127-4133) du Vidame de Chartres (en), Guillaume de Ferrières
- Amours a non ciz mauz qui me tormente (vers 4587-4593), Anonyme
- Lors que florist la bruiere (vers 5232-5252), de Gontier de Soignies
Ainsi que les trois chansons de troubadours :
- Lors que li jor sont lonc en mai (vers 1301-1307) de Jaufré Rudel
- Bele m'est la voix altane (vers 4653-4659) de Daudé de Pradas (en)
- Quand voi l'aloete moder (vers 5212-5227) de Bernart de Ventadorn
Christopher Callahan a plus particulièrement étudié l'interprétation musicale[1] de la chanson Li noviaus tens et mais et violete, une chanson de croisade présente, avec de légères variantes orthographiques et une notation musicale dans trois manuscrits[N 12].
Les autres morceaux musicaux
Les autres pièces musicales sont des chansons de toile (ou chansons d'histoire), ces romances que les femmes ont toujours chantées en filant, tissant ou brodant, comme le rappelle la mère de Guillaume aux vers 1148-1151, des pastourelles, et surtout des chansons à danser (rondets de carole). Ces chansons populaires sont des pièces anonymes en général.
La première chanson de toile[46], celle de bele Aude et de Doon (vers 1159-1166), est chantée par la mère de Guillaume lors de la visite de Nicole, l'envoyé de l'empereur ; celle de bele Aye (vers 1183-1192) par Lienor, à la demande expresse de son frère. La troisième (Bele Aiglentine), vers 2235-2294, accompagnée à la vielle par Jouglet, est entonnée par un bacheler de Normendie au cours d'une chevauchée. Les deux pastourelles, dont ne sont donnés que quelques vers, (3403-3407 et 4568-4583) sont chantées par des ménestrels.
Il y a vingt chansons à danser[47], presque toutes des rondets de carole, dont les mélodies, si elles ne sont pas notées ici, sont connues par ailleurs, essentiellement par le Chansonnier du roi[1]. Cinq ont pour thème la « Bele Aelis », l'une est même répétée deux fois (vers 295-299 et vers 2514-2518).
Une pièce très différente est une laisse attribuée explicitement à la chanson de geste du début du XIIIe siècle Gerbert de Metz (vers 1335-1367), passage, cependant, qui n'apparaît pas dans les manuscrits connus de Gerbert de Metz[41], ce qui fait supposer, comme l'existence d'autres chansons inconnues par ailleurs, que Jean Renart les a peut-être écrites lui-même[48].
Bibliographie
- Jean Renart, Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole, Paris, Librairie Honoré Champion, 1962, xxix-231 p. ; introduction et notes de Félix Lecoy[N 13] (Les classiques français du Moyen Âge)
- Jean Renart (trad. Jean Dufournet), Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole, Champion, 2008, 479 p. (ISBN 978-2-7453-1702-5) [lire en ligne]
- (en) Jean Renart, The Romance of the Rose, or, Guillaume de Dole, University of Pennsylvania Press, 1993, 116 p. (ISBN 978-0-8122-1388-1) [lire en ligne]
- Maurice Accarie, Théâtre, littérature et société au Moyen Âge, SERRE EDITEUR, 2004, 480 p. (ISBN 978-2-8641-0412-4) [lire en ligne], « La fonction des chansons du Guillaume de Dole »
- (en) Nancy Vine Durling, Jean Renart and the Art of Romance: essays on « Guillaume de Dole », University Press of Florida, 1997, 240 p. (ISBN 978-0-8130-1495-1) [lire en ligne]
- Michel Zink, Roman rose et rose rouge, Nizet, 1979, 126 p.
- Marc Bloch, La société féodale, Edition numérique (Université de Québec), coll. « Les classiques des sciences sociales », 1939-1940 [lire en ligne]
Notes et références
Notes
- « cestui Romans de la Rose » (vers 8), Félix Lecoy et, à sa suite, Jean Dufournet préfèrent lui garder son nom d'origine, plutôt que de privilégier arbitrairement un personnage et rompre le lien symbolique qui le rattache au Roman de la Rose[4] de Guillaume de Lorris et Jean de Meung qui, de toute façon, lui est postérieur. Mais l'auteur lui-même en parlant comme de
- langue romane. « Roman », c'est-à-dire texte, en vers ou en prose, écrit en
- [9]. En effet, en lisant à l'envers enTRA EN Religion, on forme plus ou moins RENART
- Renart est un patronyme germanique (Reginhard) traditionnellement porté par le goupil, flatteur, menteur, malicieux et rusé.
- Décaméron de Boccace, La Quenouille de Barberine de Musset, Cymbeline de Shakespeare reprennent le même thème. La neuvième nouvelle de la seconde journée du
- « Dans l'Empire où les Allemands depuis fort longtemps, ainsi que le dit le conte, sont les seigneurs, vivait jadis un empereur. Il fut nommé Conrad comme son père, qui était empereur avant lui »
- Mais rien n'est dit sur Liénor, sinon qu'au matin elle paraît vêtue, parée, coiffée et suffisamment remise de sa nuit pour répondre avec sagesse aux prières des amis du sénéchal (vers 5559-5566).
- « Mais c'est la coutume de ces gens-là » précise le narrateur au vers 459.
- [38]. Jean Renart, qui écrit pour le monde courtois francophone relève avec un amusement condescendant le parler dialectal. Rita Lejeune signale que l'expression existe encore en wallon « tîner come des damnés » (parler flamand comme des damnés)
- Tirlemont[39]. Rita Lejeune l'a localisé à l'angle des rues qui convergeaient sur le marché, la Cloppenstrate, venant du sud, et la Stapelstrate venant de
- Leyde), et celles en provençal répertoriées par Pillet-Carstens et Frank[41]. Les chansons françoises sont répertoriées dans la Bibliographie de Gaston Raynaud (1779) complétée en 1955 par H. Spanke (
- « Le printemps, le mois de mai, la violette et le rossignol m'engagent à chanter, et mon cœur loyal me fait le doux présent d'une amourette que je n'ose refuser. Puisse Dieu m'accorder le grand honneur de tenir nue entre mes bras celle qui a pris mon cœur et mes pensées avant que j'aille au delà des mers. ») Li nouiaus tens et mais et violete / et roissignox me semont de chanter / et mes fins cuers me fet d'une amorete/ un doz present que ge nos refuser. / Or m'en doint Dex en tel honor monter, cele ou j'ai mis mon cuer et mon penser / q'entre mes bras la tenisse nuete / ainz q'alasse outremer (
- Félix Lecoy (1903-1997), titulaire de la Chaire de Langue et littérature française du Moyen Age du Collège de France de 1947 à 1974.
Références
- Guillaume de Dole the Trouvere Manuscript Tradition » Christopher Callahan, «
- Jean Renart 2008, p. 9
- Nancy Vine Durling 1997, p. 4
- Jean Renart 2008, p. 10
- Nancy Vine Durling 1997, p. 9, (note 11)
- Guillaume de Dole, F. Didot, 1893, 204 p.
- Nancy Vine Durling 1997, p. 5-6
- Jean Renart 1962, p. iv
- Jean Renart 2008, p. 11
- Jean Renart 2008, p. 12 Du nouveau sur Jean Renart, 24 pages, Liège, 1997, cité dans
- Jean Renart 2008, p. 12
- Jean Renart 1962, p. vii
- Jean Renart 1962, p. viii
- Jean Renart 2008, p. 13
- Jean Renart 1962, p. 22 Vers 695,
- Jean Renart 1962, p. 103 Vers 3360-3368,
- Jean Renart 1962, p. 110 Vers 3584-3589,
- Jean Renart 1962, p. 128 Vers 4193,
- Jean Renart 1962, p. 154 Vers 5040,
- Jean Renart 1993, p. 7-8
- Jean Renart 1962, p. xv
- Jean Renart 2008, p. 32
- Jean Renart 2008, p. 33
- Jean Renart 2008, p. 34
- Jean Renart 2008, p. 48-49
- Maurice Accarie 2004, p. 401
- Jean Renart 2008, p. 44
- Jean Renart 1962, p. xi
- Nancy Vine Durling 1997, p. 45
- Nancy Vine Durling 1997, p. 15
- Nancy Vine Durling 1997, p. 46
- Jean Renart 1962, p. 5 Vers 121-135,
- Jean Renart 1962, p. 162 Vers 5300,
- Jean Renart 1962, p. xiii
- Traduction d'Alexandre Micha, 1992
- Jean Renart 2008, p. 35
- Jean Renart 2008, p. 39
- Jean Renart 2008, p. 203
- Jean Renart 2008, p. 197
- Jean Renart 2008, p. 40
- Jean Renart 1962, p. xxiii
- Jean Renart 2008, p. 46
- Maurice Accarie 2004, p. 387
- Mémoires historiques sur Raoul de Coucy. On y a joint le recueil de ses chansons en vieux langage, avec la traduction & l'ancienne musique, 1781 [lire en ligne], tome 2, chanson VI, p. 20-22
- Mémoires historiques sur Raoul de Coucy [lire en ligne], tome 2, chanson VII, p. 26-30
- Jean Renart 1962, p. xxv-xxvi
- Jean Renart 1962, p. xxvii-xxix
- Jean Renart 2008, p. 47, note 74
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