- Suster Bertken
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Suster Bertken Frontispice de l'ouvrage : « Een boecxken gemaket ende bescreven van suster bertken die.IVij.iaren besloten heeft gheseten tot Utrecht in die buerkercke » (un livre sur la passion de Notre Seigneur, fait et écrit par Sœur Bertken, qui a passé 57 ans comme recluse dans l'église dite Buur à Utrecht), publié en 1516Nom de naissance Berta Jacobs[dochter] Activités Écrivaine
Poétesse
RecluseNaissance vers 1426, au plus tard le 25 juin 1427
Utrecht
Principauté d'Utrecht
Saint-Empire romain germaniqueDécès 25 juin 1514 (à 87 ans)
Utrecht
Principauté d'Utrecht
Saint-Empire romain germaniqueLangue d'écriture néerlandais Mouvement Dévotion moderne
MysticismeGenres Œuvres de dévotion
PoésieSuster (ou Sœur) Bertken, aussi Berta Jacobs ou Berta Jacobsdr., née à Utrecht vers 1426, y décédée le 25 juin 1514[1], est une recluse des Pays-Bas septentrionaux et, comme poétesse et prosatrice, autrice d'œuvres de dévotion et de quelques chansons.
Sommaire
Biographie
À un moment entre le 26 juin 1426 et le 25 juin 1427, Sœur Bertken est née bâtarde. Son père Jacob van Lichtenberg, qui mourut le 2 septembre 1449, était issu d'une célèbre lignée et fut chanoine du chapitre cathédral et prévôt de l'église collégiale de Saint-Pierre d'Utrecht[2]. Dans la qualité de prévôt, il n'avait au-dessus de lui que l'évêque. À la fin du Moyen Âge il n'était pas exceptionnel pour un chanoine d'avoir des enfants, et il est fort possible que Bertken soit élevée par son père et par sa mère. Son père avait au moins encore un autre enfant : un fils, Alfer. Sur sa vie d'ermite, rien n'est connu, mais les textes qu'elle avait écrits, indiquent qu'elle reçut une éducation exemplaire[2].
Avant de se faire recluse, Sœur Bertken a dû avoir ressenti une vocation qui l’a secouée. Elle s'est alors réveillée, après avoir dormi longtemps dans le péché, au lieu de veiller et de prier avec Jésus. Ces péchés n'ont probablement pas été d'une grande importance, vu la propension des convertis dévots à peindre une image aussi sombre que possible de leur vie antérieure. Sur sa vie, Bertken ne raconte peu de faits qui soient plus graves que d'avoir trop souvent recherché dans ce monde l'autosatisfaction, de s'en avoir vanté, d'avoir suivi sa propre volonté, et de s'être comporté de façon souvent opiniâtre et inflexible envers ses parents. Ayant ouvert les yeux, elle se voit dans toute sa perversité[3].
Lorsque Bertken eut environ trente ans, elle se fit recluser, demeurant célibataire[2]. Elle habitait une cellule construite contre l'église dite Buur (ou « des voisins, des bourgeois »), d'où elle put suivre les cérémonies religieuses dans l'église[1]. On ne sait pas si elle s'est préparée sur une vie d'ermite en se retirant quelques années dans un monastère, comme c'était la coutume[4]. Bertken vendit la rente viagère qu'elle avait achetée en 1449 de l'église dite Buur, vraisemblablement avec l'argent de son père, qui mourut cette année-là[5], et investit la somme de la recette dans la construction d'un reclusoir près du chœur de l'Église dite Buur, qui est la plus ancienne église paroissiale à Utrecht[2]. Après avoir obtenu l'autorisation de l'évêque David de Bourgogne[4], elle y fut reclusée à un certain moment entre le 26 juin 1456 et le 25 juin 1457 et y vécut 57 ans dans la solitude relative de son reclusoir au centre-ville, jusqu'à ce qu'elle meure à l'âge vénérable de 87 ans. À l'endroit où aurait été situé son reclusoir, actuellement un trottoir dans la rue Choor à Utrecht, une pierre commémorative fut encastrée le 4 septembre 1990[2].
La plupart des informations concernant la vie de Bertken, proviennent d'un document officiel dont l'original est perdu et qui fut rédigé à sa mort. Cet original avait été enfermé dans une bouteille mise dans la bière de Bertken. Un double en moyen néerlandais est enregistré dans une copie de la Légende dorée appartenant au monastère des régulières d'Utrecht, à l'Oude Gracht. Les régulières ajoutèrent l'histoire de Bertken à leur collection de hagiographies. Il y eut un lien entre Bertken et les régulières : la prieure de ce monastère a toujours gardé la clef du reclusoir de Bertken. Selon la notice nécrologique, dans son reclusoir Bertken pratiquait une forme d'ascétisme plus stricte que de coutume. L'acte dit qu'elle ne mangeait jamais de viande, ni de produits laitiers, et qu'elle se vêtait d'une robe de poils rugueux sur sa chair nue. Elle allait toujours nu-pieds et le feu ne brûlait jamais dans son reclusoir. Il ne peut être exclu qu'il y a une certaine exagération hagiographique, mais il est clair que le mode de vie de Bertken a profondément a impressionné son entourage. Quand elle mourut, la cloche de la cathédrale sonna deux fois, comme pour le haut clergé. Le reclusoir de Bertken devint son propre caveau[2].
Encore en 2010, l'existence d'ermite de Bertken a inspiré Rob Zuidam à composer un opéra, Suster Bertken[2].
Œuvre
Remarques générales
Sœur Bertken est l'une des rares femmes de la fin du Moyen Âge à avoir trouvé une place dans l'histoire des lettres néerlandaises : elle écrivit un nombre de textes en langue vernaculaire, qui appartiennent désormais au canon littéraire. Hormis huit chansons, elle produisit une vision de Noël et un livre de la Passion, textes dans lesquelles elle exprime sa dévotion personnelle. Après sa mort, trois imprimeurs ont fait sortir des presses ses ouvrages : entre 1516 et 1520, son livre de la Passion et le recueil comprenant le reste de son œuvre ont été imprimés au moins cinq fois, ce qui prouve que l'œuvre de Bertken devait avoir connu une popularité considérable ; en particulier le livre de la Passion eut un succès considérable[2].
L'œuvre littéraire de cette « incluse » se limite donc à deux bouquins parus deux ans après sa mort chez Jan Berntsz. à Utrecht. Peut-être s'agit-il de réimpressions d'éditions originales n'ayant pas encore fait surface, et dont des éditions sortiront, peu après, des presses de Jan Seversz. à Leyde en Hollande et chez Willem Vorsterman à Anvers en Brabant[1],[6].
La Passion du Christ
Le premier livre est intitulé Hier begint een seer devoet boecxken van die passie ons liefs heeren Jhesu Christi tracterende (Ici commence un livre très pieux traitant de la Passion de notre doux Seigneur Jésus Christ). Le contenu de cet ouvrage a d'abord été caractérisé comme un cycle constitué d'une prière introductive exhortant à la dévotion, huit Heures de la Croix et un exercice final, mais une enquête ultérieure a conduit à la conclusion que, sans doute, il s'agit ici d'une introduction complète, suivie par sept Heures et une prière à la fin. Quoi qu'il en soit, on peut supposer que ce « livre de Passion » avait été, pour Sœur Bertken, un guide durant ses prières quotidiennes[1] et ses méditations journalières ; d'après les derniers mots de ce texte, elle avait pris l'habitude de se consacrer avec dévouement à son amour passionné pour Notre Seigneur. L'exercice est donc structuré autour des sept Heures, les moments fixés pour les prières quotidiennes dans les monastères. Cette structure permet de réfléchir sur les événements de la Passion aux moments auxquels ils auraient eu lieu selon les évangiles. Le texte se compose de prières méditatives dans lesquelles l'histoire de la souffrance de Jésus est racontée, entrecoupée de prières contemplatives sur les insuffisances et les défauts de l'homme, ainsi que sur l'attente de l'union glorieuse avec le Christ, l'Époux[2].
Le second ouvrage
Le deuxième livre de Berta Jacobs est d'une nature tout à fait différente et porte l'inscription Een boecxken gemaket ende bescreven van suster bertken (Un livre produit et écrit par Sœur Bertken). Dans cette édition figurent, sauf quelques prières, huit « chansons » qui font connaître l'autrice en tant que poétesse mystique. Un morceau en prose du second livre[1], le Suverlic tractaet vander kersnacht ende gheboerten ons Heeren (Narration véridique de la nuit de Noël et de la naissance de Notre Seigneur), démontre la relation avec le mysticisme d'Hadewych et de Ruusbroec, et avec la doctrine de l'écrit anonyme De Evangelische Peerle (La perle évangélique)[7].
À l'instar de certains autres écrits médiévaux sur la naissance du Christ, le « traité » de Sœur Bertken s'appuie sur des éléments épiques de la révélation de Noël de la sainte Brigitte de Suède. Il est remarquable que Sœur Bertken traite séparément du sort de Marie et Joseph[7].
Avant d'entamer la seconde et plus courte partie, dans laquelle Bertken se penche sur l'expérience de Joseph, qui fut absent à la naissance, cet ouvrage commence par un nombre de courtes prières, suivies par le « traité » de Noël, dans lequel Bertken raconte l'histoire de la naissance de Jésus, largement du point de vue de la Vierge Marie. Elle semble avoir vécu de façon très intense les événements entourant la naissance de Jésus ; l'expérience de Marie est décrite comme une extase mystique. Après avoir été absorbée par le désir de Dieu, Marie atteint un état extatique pour finalement subir l'expérience de l'union mystique complète. C'est au moment où l'on atteint ce point culminant que l'enfant est né de Dieu comme « en un éclair », sans blesser sa mère. Ensuite, Marie descend à la réalité terrestre, de nouveau en trois étapes : réveillée par un petit cri de son enfant, elle le serre contre sa poitrine. Grâce à sa structure solide et ses termes mystiques, ce traité doit être considéré comme l'apogée de l'œuvre de Bertken. L’Innighe sprake, ou l'entretien intime, est un dialogue entre le Christ et l'âme aimante, et est inspiré par le Cantique des Cantiques. L'âme aspire à l'union avec l'Époux. Après l'avoir trouvé et s'étant entièrement donnée à Lui, elle peut procéder à l'union. Le texte prend alors une tournure inattendue : il lui montre sa souffrance sur la croix. Dès ce moment, elle doit l'imiter dans son amour et dans sa souffrance, jusqu'à ce qu'elle meure, après quoi elle sera glorifiée dans Son royaume, avec Lui. En mettant l'accent sur la souffrance, autant dans ce texte que dans le livre sur la Passion, la spiritualité de Bertken se rapproche davantage de la dévotion moderne, un mouvement de réforme de la fin du XIVe siècle, engendré par la prédication de Gérard Groote, qui connut une floraison importante au XVe siècle[2].
Le livre se termine par huit chansons : pour la plupart elles rendent, à Bertken, sa place dans le canon littéraire. Dans l'une des plus célèbres, Die werelt hielt mi in haer gewout, Bertken se manifeste en tant que chantre de sa lutte avec le monde. Le contraste entre la tentation du plaisir mondain, trompeur et éphémère, et la joie céleste éternelle, est l'un des thèmes constants dans les milieux de la dévotion moderne. Bertken doit être compté parmi les représentants de ce mouvement et sa chanson doit être entendue dans ce contexte particulier[2].
Lien externe
- (nl)Biographies, bibliographie et œuvre complet de Suster Bertken sur le site Web de la Bibliothèque numérique des lettres néerlandaises
Sources
- (nl)José van Aelst, Zuster Jacobsdr., Berta, in : Digitaal Vrouwenlexicon van Nederland, version du [22/02/2011]
- (nl)José van Aelst, Fons van Buuren, A. Tan, Mi quam een schoon geluit in mijn oren: het werk van Suster Bertken, Uitgeverij Verloren, Hilversum, 2007
- (nl)A.M.J. van Buuren, Kerk en wereld in de middeleeuwse literatuur, in : René Ernst Victor Stuip,C. Vellekoop (éd.), Utrecht tussen kerk en staat (éd.), Uitgeverij Verloren, Hilversum, 1991
- (nl)M.J.G. de Jong, Bertken, Suster, in : G.J. van Bork & P.J. Verkruijsse (réd.), De Nederlandse en Vlaamse auteurs van middeleeuwen tot heden met inbegrip van de Friese auteurs, De Haan, Weesp, 1985, pp. 71-72
- (nl)G. Kalff, Geschiedenis der Nederlandsche letterkunde. Deel 2, J.B. Wolters, Groningue, 1907
- (en)Rik van Nieuwenhove, Rob Faesen, H. Rolfson, Late medieval mysticism of the Low Countries (éd.), Paulist Press, New Jersey, 2008
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