- Péché dans le christianisme
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Le péché dans le christianisme est une notion complexe, et diffère selon les confessions, les courants et les époques.
Sommaire
Dans le catholicisme
Définition du catéchisme catholique
Le catéchisme de l'Église catholique (1992) définit ainsi le péché :
- « Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l'amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d'un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l'homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme « une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle[1] ».
- Le péché est une offense à l'égard de Dieu : « Contre Toi, Toi seul, j'ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait » (Ps 51, 6). Le péché se dresse contre l'amour de Dieu pour nous et en détourne nos cœurs. Comme le péché premier, il est une désobéissance, une révolte contre Dieu, par la volonté de devenir « comme des dieux », connaissant et déterminant le bien et le mal (Gn 3, 5). Le péché est ainsi « amour de soi jusqu'au mépris de Dieu[2] ». Par cette exaltation orgueilleuse de soi, le péché est diamétralement contraire à l'obéissance de Jésus qui accomplit le salut[3]. »
Péché et faute civile
Le péché, notion religieuse, est une faute envers Dieu qui ne couvre pas toujours la notion de faute au sens juridique (civil) du terme, il ne faut donc pas chercher un lien entre ces deux notions. Les cas de figure sont innombrables et varient selon les législations. Certains péchés sont des fautes en droit (le vol, par exemple), mais d'autres n'en sont pas (la gourmandise, l'égoïsme) ; inversement, certaines fautes sanctionnables en droit ne peuvent être qualifiées de "péché" : le défaut de présentation des papiers pour un véhicule dont on est réellement propriétaire, par exemple. Les deux notions peuvent même s'opposer, telle l'occupation de locaux inoccupés (illégale) pour procurer un logement à des sans-abris, par conviction religieuse (le secours des plus faibles), même s'il est rare que l'Église soutienne durablement des actions illégales. Inversement, certaines législations qui imposent ou autorisent des actes contraires aux convictions religieuses peuvent être considérées comme incitatrices au péché (législations sur l'avortement ou la contraception, par exemple).
Il est un cas où l'observation de la loi civile constituerait un péché pour un prêtre : la réponse à des questions, même émanant de l'autorité, violant le secret de la confession, qui est absolu bien que non reconnu comme secret professionnel aux yeux de la loi.
Le péché dans la théologie catholique : Christ et rédemption
Dans le catholicisme, le péché est une notion fondamentale, qui explique la notion de grâce divine : l'homme est uni à Dieu, qu'il ne peut pas voir, par la grâce. Rien ne peut détruire cette union, mais l'homme, dans sa liberté, peut la refuser ou l'abimer. Le péché est tout ce qui détruit ou empêche cette union à Dieu, sans laquelle l'homme ne peut se réaliser pleinement et accéder au salut, à la vie éternelle. Du fait du premier péché commis par Adam (le péché originel), la Création a été déchue, et les hommes naissent en état de péché.
En opposition au péché, il existe une théologie du salut dans laquelle Dieu s'incarne (se fait homme) en la personne de Jésus-Christ, venu pour sauver les hommes en prenant sur lui leurs péchés. Ainsi, par les souffrances de sa Passion, Jésus-Christ a racheté l'humanité, réparant tous les péchés passés et à venir (mystère de la rédemption). Dans le courant catholique, l'Église, qui se décrit comme « unie au Christ qui en est la tête » (notion catholique du « corps mystique de l'Église »), peut disposer des mérites du Christ, et a donc le pouvoir de remettre les péchés.
Cette théorie de la rédemption est déjà discutée par Guillaume d'Ockham et Anselme de Canterbury où
- l'un considère que s'il y a rachat, il y a puissance à laquelle on rachète ; cette puissance ne peut être que le diable. Pierre Abélard de Paris récuse la mise sur le même plan du diable et de Dieu, considérant qu'il s'agit là d'un dualisme.
- l'autre considère d'un œil critique le Père sacrifiant son Fils.
Catégorisations du péché
- Il y a deux types de péchés : le péché originel et les péchés actuels (ceux que l'on réalise au cours de sa vie) ;
- Depuis le Moyen Âge, le catholicisme distingue entre les péchés mortels et les péchés véniels ;
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- Les péchés graves (dit « mortels ») amènent la rupture de la vie de grâce avec Dieu. Leur gravité dépend de l'importance de la matière (le vol d'une grosse somme est pire qu'un petit larcin), du degré de consentement, et du degré de connaissance de la faute. Quand il y a matière légère, ignorance ou manque de consentement, le péché est dit « véniel » (du latin venialis, excusable). Le manque d'accueil pour la perfection évangélique n'est pas considéré comme un péché, mais risque cependant de causer un dépérissement spirituel.
- Le péché est également distingué suivant son espèce et son nombre ;
- Le péché peut être commis de quatre façons différentes : pensée, parole, action, omission (que l'on rappelle au début de la messe en récitant le « Je confesse à Dieu » connu sous son nom latin, le Confiteor) ;
- On pèche toujours contre quelqu'un : Dieu, le prochain, ou soi-même. Au final, Dieu est toujours touché par le péché ("Ce que vous avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à Moi que vous l'avez fait", Matthieu, 25, 40).
- L'Église catholique romaine indique sept péchés capitaux, desquels découlent tous les autres : l'acédie, l'orgueil, la gourmandise, la luxure, l'avarice, la colère, et l'envie.
- Il y a six péchés contre le Saint Esprit[réf. souhaitée] :
- désespérer de son salut ;
- espérer par présomption se sauver sans mérite ;
- combattre la vérité connue ;
- envier les grâces d’autrui ;
- s’obstiner dans ses péchés ;
- mourir dans l’impénitence finale.
Dimension sociale du péché
En participant à la sensibilité nouvelle de notre époque, l'Église redécouvre la dimension sociale du péché, en particulier à travers une expression de l'évangile selon Jean qui parle de "péché du monde" [4].
Le 9 mars 2008, monseigneur Gianfranco Girotti, régent de la Pénitencerie apostolique, interrogé par l'organe de presse du Vatican l'Osservatore Romano, a proposé des pistes de réflexion sur la notion moderne du péché. Contrairement à ce que certains médias ont affirmé, il ne s'agissait pas de dresser une nouvelle liste de péchés (ceux qu'il a cités étaient déjà considérés comme des péchés) et encore moins d'ajouter des péchés capitaux à la liste historique. Il a seulement insisté sur la définition collective du péché, alors que l'accent est traditionnellement mis sur la dimension individuelle :
- « Alors que le péché concernait jusqu’à présent plutôt l’individu, aujourd’hui, il a une résonance sociale, en raison de la mondialisation. »[5]
Il a notamment cité les expériences et manipulations génétiques, les atteintes à l'environnement, les injustices économiques et sociales, tout en rappelant aussi certains péchés produits par des comportements individuels tels que l'avortement ou la consommation de drogue[6].
Cette notion de péché social avait déjà été mise en évidence dans l'exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia en 1984, qui en donne la définition suivante :
- « Parler de péché social veut dire, avant tout, reconnaître que, en vertu d'une solidarité humaine aussi mystérieuse et imperceptible que réelle et concrète, le péché de chacun se répercute d'une certaine manière sur les autres. C'est là le revers de cette solidarité qui, du point de vue religieux, se développe dans le mystère profond et admirable de la communion des saints, grâce à laquelle on a pu dire que «toute âme qui s'élève, élève le monde». »
L'exhortation précise par ailleurs :
- « Peut être social le péché par action ou par omission, de la part de dirigeants politiques, économiques et syndicaux qui, bien que disposant de l'autorité nécessaire, ne se consacrent pas avec sagesse à l'amélioration ou à la transformation de la société suivant les exigences et les possibilités qu'offre ce moment de l'histoire. »[7]
Cette dimension sociale du péché apparaît aussi dans la notion de "structure de péché", à laquelle Jean-Paul II faisait assez souvent allusion, et qui apparaît dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis en 1987[8].
Le catéchisme[9] indique que le péché rend les hommes complices les uns des autres :
- « Les « structures de péché » sont l'expression et l'effet des péchés personnels. Elles induisent leurs victimes à commettre le mal à leur tour. Dans un sens analogique elles constituent un « péché social ». »
Lors d'une audience générale le 25 août 1999[10], Jean-Paul II soulignait l'affaiblissement du sens du péché dans le monde contemporain, et revenait sur l'importance du péché social et des structures de péché.
En pratique, le péché social se manifeste souvent lorsqu'un expert soulève des questions embarrassantes, qui peuvent cacher des problèmes plus larges, et que sa hiérarchie cherche à étouffer l'affaire.
Conséquences et absolution du péché
- le pécheur est la personne qui a péché. Si le péché est intrinsèquement mauvais, le pécheur est un être humain que seul Dieu peut juger. Nous sommes tous des pécheurs, et la Bible dit : « Le juste lui même pèche sept fois par jour » ;
- le péché a des conséquences néfastes : sur la personne qui a péché, sur son entourage et sur la Création tout entière ;
- le remords est une conséquence du péché, du fait que l'homme possède une conscience qui lui indique s'il fait le bien ou le mal. Même si cette conscience est déformée et affaiblie par l'habitude du péché, elle ne peut être entièrement détruite. Le remords est une douleur qui fait regretter d'avoir commis le péché, du fait des conséquences néfastes qu'il a entraîné. Le remords est naturel, il n'est pas un sentiment provoqué, même s'il peut être affaibli ou augmenté ;
- la contrition est une douleur d'avoir offensé Dieu, ainsi que l'intention de ne pas recommencer. Elle diffère du remords dans le sens où la contrition est envoyée par Dieu et nous pousse au bien ;
- la repentance ou le repentir est le sentiment sincère d'avoir péché, accompagné de la volonté de revenir dans l'union à Dieu. Comme la contrition, et contrairement au remords seul, ce sentiment entraîne le croyant vers le bien ;
- l'absolution (absolution individuelle ou absolution collective) est le sacrement donné par un prêtre qui, par le sacrement de l'ordination, a le pouvoir de remettre les péchés d'une personne au cours d'un échange privé avec elle, qu'on appelle "confession" ;
- la pénitence, dans son sens commun, est la punition que le pécheur s'impose (dans certaines limites, cf. dolorisme) ou accepte pour la réparation de ses péchés. L'Église distingue ce type de pénitence, dite « extérieure », de la pénitence intérieure, ou conversion du cœur, qui est la réorientation de sa vie et se traduit en signes visibles, positifs et durables.
La pénitence est indispensable à la réparation des péchés, car le pécheur doit réparer personnellement ses propres péchés. C'est pourquoi une pénitence est imposée après la confession[11]. La pénitence du pécheur ne peut suffire à réparer ses péchés, car une offense à Dieu a une gravité infinie puisque Dieu est infini, mais cette pénitence est une participation personnelle indispensable aux souffrances de la passion, car Dieu a voulu que les hommes aient part à la réparation de leurs péchés, et il manque de par la volonté de Dieu cette petite part aux souffrances de la passion. Dans la conception catholique du péché, la pénitence est obligatoire. Dans des temps plus rudes et pour des péchés graves, la pénitence pouvait être un acte important, comme effectuer un pèlerinage lointain ou faire acte de repentance en public. La pénitence la plus courante consistait à devoir réciter quelques prières (dizaines). Cependant, les pénitences extérieures sont de plus en plus symboliques, pour ne pas dire inexistantes. L'accent est mis sur la réparation des dommages (restitution en cas de larcin, excuses en cas d'offense, etc.) et sur l'effort à faire pour améliorer sa vie (pénitence intérieure).
Si les péchés ne sont pas expiés dans cette vie (par l'absolution et la pénitence), il le seront dans l'autre (enfer, purgatoire). Le sacrement de pénitence et de réconciliation (ou « du Pardon ») et les indulgences sont là pour effacer les péchés de l'homme pendant sa vie sur terre.
Catéchèse
Article détaillé : Catéchisme de l'Église catholique.- Le péché (1846 et suivants) [1]
- La chute, la réalité du péché (385-390) [2]
- Je crois au pardon des péchés (976) [3]
- Le sacrement de pénitence (1422) [4]
Les aspects positifs du péché dans le catholicisme
Bien que le péché soit en lui même négatif, certains courants du catholicisme insistent également sur son côté positif :
- Le péché est l'occasion de montrer la grande miséricorde de Dieu : « Parfois, Dieu permet que nous commettions de gros péchés, afin de mieux expérimenter son amour » (Jean-Paul Ier) ;
- Le péché est dissocié du pécheur. Cependant, c'est au pécheur que la pénitence est appliquée, quelques-unes d'entre elles étant définitives. Si le péché est abominable, le pécheur reste l'objet de l'amour infini de Dieu : « Il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n'ont pas besoin de pénitence ». Dieu n'a de cesse de travailler à ramener le pécheur dans la joie de l'union avec Dieu (selon une interprétation particulière de la parabole de la brebis perdue)
- Même le péché originel est source de bien : « Bienheureuse faute qui nous valut un tel rédempteur » (Augustin d'Hippone). En effet, c'est le propre de Dieu tout puissant de tout ramener au bien, même les péchés. Cette interprétation est remarquable en cela qu'elle reconnaît un Dieu ambigu qui accepte le péché pour offrir le pardon.
Dans le protestantisme
Dans l'orthodoxie
Le péché originel
Dans son épître aux Romains, l’apôtre Paul décrit comment, pour les chrétiens, le péché est entré de l’éternité dans le monde visible: « C’est pourquoi donc, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi tous ont péché. » En fait, Paul parle de deux sortes de péché dans ce passage.
Le premier est « le péché originel » que les hommes héritent d’Adam. Ce péché s’étend sur tous les hommes « à la base » sans qu’ils aient dû faire quoi que ce soit de mal. En fait, l’homme est originellement pécheur, à partir du moment de sa conception: « Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché. » (Psaume 51:7)
Et « le péché effectif » c’est celui qu’un homme commet en fait réellement. Au sujet du rapport des deux l’apôtre Paul souligne que dans l’ordre, le péché originel précède le péché effectif et que les gens commettent des péchés effectifs parce que la nature originellement pécheresse, corrompue est a priori en eux.
Notes et références
- Saint Augustin, Faust. 22, 27 ; saint Thomas d'Aquin, somme théologique 1-2, 71, 6
- Saint Augustin, civ. 14, 28
- Cf. Ph 2, 6-9
- Jn 1, 29
- et sur le site Aucun nouveau péché n'a été inventé in La Croix, 11 mars 2008
- et site Le Monde, 11 mars 2008
- Exhortation apostolique Reconciliatio et penitentia, n° 16
- sollicitudo rei socialis, n° 36 et 37 Encyclique
- Catéchisme de l'Église catholique, n° 1869
- Audience générale, mercredi 25 août 1999, combattre le péché personnel et les « structures de péché »
- Curé d'Ars donnant pour pénitence à une de ses paroissiennes médisante de laisser les plumes d'un poulet dans le village et d'aller les rechercher le lendemain une fois qu'elles auraient été dispersés, comme l'avaient été ses propos. On peut citer comme exemple le cas du
Annexes
Articles connexes
- La Bible
- Péché originel (Augustin d'Hippone)
- Le péché de David
- Pénitence
- Sacrement de pénitence et de réconciliation
- Actes des Apôtres
Liens externes
L'origine, les différentes formes et influences du péché
Bibliographie
- Adam ou l'innocence en personne de Jean-Marc Rouvière, Edition L'Harmattan, parution mi-septembre 2009.
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