- Réclamations de l'Alabama
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Les réclamations de l'Alabama (en anglais : Alabama Claims) sont des revendications pour des dommages, émises par le gouvernement fédéral des États-Unis contre le gouvernement du Royaume-Uni pour l'aide secrète fournie par ce dernier aux États confédérés d'Amérique, lors de la guerre de Sécession.
Lors d'une action en justice (dénommée collectivement Alabama Claims car les énormes dégâts causés à la marine marchande nordiste avaient été le fait de corsaires confédérés, en particulier le CSS Shenandoah et le CSS Alabama), le gouvernement des États-Unis d'Amérique poursuit la Grande-Bretagne pour l'aide en sous-main qu'elle avait apporté, ainsi que ses colonies, aux confédérés, malgré le British Neutrality Act.
De gros dommages-intérêts sont accordés aux États-Unis par une cour d'arbitrage internationale réunie à l'hôtel de ville de Genève. Les États-Unis, qui avaient demandé, au choix, 2 milliards de US$ ou la cession du Canada, reçurent 15,5 millions de US$, qui leur sont payés en 1872.
La décision de la cour d'arbitrage, qui est le premier exemple de recours à une juridiction supra-nationale, jette les bases du droit international public et figure dans le corps du traité de Washington de 1871.
Sommaire
Les corsaires confédérés
Les corsaires confédérés, même s'ils n'eurent qu'une courte durée de vie, coulent, brûlent ou soumettent à tribut un grand nombre de navires de commerce nordistes. Ils causent de considérables dégâts, en particulier en coupant les voies d'importation de matières premières (cuirs, blé, coton, nitrates) nécessaires à l'industrie de guerre nordiste. Les navires corsaires sudistes (dont les plus célèbres sont le CSS Sumter, le CSS Alabama et le CSS Shenandoah) furent souvent construits au Royaume-Uni, et purent faire escale pour s'approvisionner et réparer[1] dans les ports des colonies britanniques (Afrique du Sud, Gibraltar, Australie, Bahamas).
L'aide britannique apportée à la Confédération
Article détaillé : La Grande-Bretagne et la guerre de Sécession.L'aide britannique apportée aux États confédérés d'Amérique ne pu s'exercer qu'en sous-main, car elle violait le British Neutality Act, proclamé par la Grande-Bretagne en 1861. De plus, elle fut contestée par certaines tendances politiques ou mouvements humanitaires britanniques (pacifistes, anti-esclavagistes). Ainsi, si Henry John Temple (Lord Palmerston), premier ministre du Royaume-Uni jusqu'à sa mort le 18 octobre 1865, est favorable à la Confédération (mais seulement dans la mesure où les intérêts sudistes allaient de pair avec ceux de la Grande-Bretagne), son proche collaborateur Lord John Russell[2], alors secrétaire d’État aux Affaires étrangères et du Commonwealth est plutôt favorable à l'Union. Par ailleurs, l'émissaire des Confédérés James M. Mason est beaucoup moins actif (et plus tièdement reçu par les détenteurs du pouvoir en Angleterre[3]) que son homologue unioniste, Charles Francis Adams, Sr.
Un exemple des effets de cette lutte d'influence est le lancement de l’Alabama. C'est de justesse que la firme britannique John Laird Sons and Company reçoit l'autorisation gouvernementale de lancer l’Enrica, qui allait devenir le corsaire CSS Alabama. En effet, d'une part Charles Francis Adams, Sr., alors représentant des États-Unis en Grande-Bretagne (qui savait par ses espions que le navire était destiné à la Confédération), multiplie les mises en garde. D'autre part, Palmerston reçoit un rapport de ses services de renseignements, selon lequel il est maintenant connu de tous que l'Angleterre allait lancer un corsaire confédéré, ce qui ne va pas manquer de faire interpeller le cabinet par les députés de l'opposition. Lord Palmerston fait alors séquestrer le navire, mais l'ordre de séquestre arrive juste après le départ de l’Enrica, le 29 juillet 1862.
Par ailleurs, bien que la Cotton Famine commence à entrainer des troubles sociaux dans le prolétariat des grandes villes industrielles, l'opinion publique britannique, émue par le discours anti-esclavagiste[4] penche plutôt pour l'Union - alors que le gouvernement (ou tout au moins Henry John Temple, qui eut le pas sur Russell pendant leur cohabitation) favorise la Confédération. Il en résulte un certain malaise sur le plan socio-politique.
De plus, des membres du parlement soutiennent ouvertement l'Union, en particulier Richard Cobden, radical, libéral et anti-esclavagiste, qui prononce à la Chambre des communes des discours remarqués.
Bien qu'Alexander Cockburn, alors président de la Haute Cour d'Angleterre et du Pays de Galles émet que le lancement de l’Enrica ne viole en rien l'acte de neutralité britannique, Russell et Palmerston sont forcés d'admettre publiquement que selon les clauses du British Neutrality Act, le CSS Alabama n'aurait pas dû être autorisé à prendre la mer.
Ce camouflet a pour conséquence que le gouvernement britannique empêche les chantiers de Birkenhead de lancer deux autres cuirassés commandés par un intermédiaire français, un certain M. Bravay ; il est trop évident qu'ils sont en fait destinés à renforcer la Confederate States Navy. Palmerston demande alors à l'Amirauté britannique d'offrir d'acheter les deux navires.
Palmerston, qui se méfie des nordistes[5], refuse catégoriquement d'envisager un quelconque dédommagement des armateurs nord-américains qui se plaignent des dégâts que leur ont infligé les corsaires sudistes. Ce n'est qu'après sa mort et le départ de son successeur John Russel que l'Angleterre, sous William Ewart Gladstone, accepte de dédommager en partie les États-Unis.
Les exigences américaines
Le sénateur de l'Union Charles Sumner, qui défend la cause américaine, demande en dédommagement la somme colossale de 2 milliards de US$, arguant que la Grande-Bretagne devait payer, non seulement pour les pertes matérielles causées par les corsaires qu'elle avait construit, mais aussi pour « cet autre dommage, immense, infini, qu'était la prolongation de la guerre ». Prolongation que Sumner estime à environ deux ans.
La revendication nord-américaine est soutenue aux États-Unis par un sentiment anti-britannique. En effet, après la guerre de Sécession, des soldats d'origine irlandaise, aguerris et bien armés, avaient pu se regrouper et s'organiser pour essayer à plusieurs reprises d'envahir le Canada, sans que le gouvernement ne se mobilise vraiment pour empêcher ces raids féniens. D'ailleurs, Sumner offre une alternative à la Grande-Bretagne, et propose de substituter à la somme d'argent la cession du Canada.
Sur le plan pratique, Samuel Taylor Suit ouvre sa propriété nommée Suitland (près de Washington, D.C.) aux réunions de négociations préalables aux délibérations de la cour d'arbitrage. L'hostilité entre les britanniques et les nord-américains durera cependant pendant encore près d'un demi-siècle.
La cour d'arbitrage
La cour d'arbitrage de Genève est composée des représentants du Royaume-Uni (Alexander Cockburn), des États-Unis (Charles Francis Adams, Sr.), de l'Italie (Federigo Sclopis), de la Confédération helvétique (Jakob Stämpfli), et du Brésil (Marcos Antônio de Araújo).
La cour qui siège dans une salle de l'Hôtel de ville de Genève, dès lors nommée salle de l'Alabama, préfère ignorer la « clause territoriale » concernant le Canada, et finit par décider que le montant des dédommagements serait de US$ 15,500,000.
Cette décision est incluse dans les clauses du traité de Washington datant de 1871, et la somme accordée est réglée par le Royaume-Uni en 1872.
Conséquences sur le plan législatif international
L'affaire Alabama Claims est le premier recours à un arbitrage supra-national pour régler un différend entre États, et la cour réunie pour trancher ce cas jète alors les bases du droit international public.
En somme, la cour réunie pour résoudre l'affaire Alabama Claims est un précurseur de la Cour internationale de justice, organe de l'ONU.
Bibliographie
- Ephraim Douglass Adams, Great Britain and the American Civil War, New York, Russell & Russell, 1924 [lire en ligne]
- Thomas Willing Balch, The Alabama Arbitration, Philadelphie, Allen, Lane & Scott, 1900 [lire en ligne]
- Charles Cotesworth Beaman, The National and Private Alabama Claims and their Final and Amicable Settlement, Washington, W. H. Moore, 1871 (ISBN 1-4181-2980-1) [lire en ligne]
- Charles Synge Christopher Bowen, The Alabama Claims and Arbitration Considered from a Legal Point of View, Londres, 1868 [lire en ligne]
- Adrian Cook, The Alabama Claims, Ithaca, N.Y., Cornell University Press, 1975
- James T. de Kay, The Rebel Raiders: The Warship "Alabama", British Treachery and the American Civil War, Londres, Pimlico, 2003 (ISBN 0-7126-6490-4) [lire en ligne]
Notes et références
- CSS Shenandoah), afin de pouvoir trouver des ouvriers aptes à les réparer dans tous les ports du monde, ce qui n'était pas le cas à l'époque pour les coques en fer Ils furent d'ailleurs le plus souvent construits en bois (ou en bois sur armature de fer, comme le
- James Iredell Waddell rend formellement son navire, le corsaire CSS Shenandoah, le 7 novembre 1865, en vue de Liverpool. C'est par lettre à Lord John Russel que le capitaine
- Arthur Fremantle, dans son livre "3 mois dans les Etats du Sud" fait état (en date du 1° mai 1863) de la préoccupation des Confédérés à ce sujet : "Le général Hardee (William Joseph Hardee) me demanda si Mr Mason (James M. Mason, émissaire du gouvernement confédéré en Grande-Bretagne) avait été (aussi) bien reçu en Angleterre (que je l'étais par les officiers confédérés) . Je répondis que oui, tout au moins par des personnes privées ."
- La case de l'Oncle Tom », paru en 1852 en feuilleton, eut un tel succès qu'il fut le livre le plus vendu du XIX° siècle, derrière la Bible. Le roman «
- Fenians, qu'ils n'envahissent le Canada, etc. Lord Palmerston craint, entre autres, que les Nordistes n'aident fortement les
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- (en) Geneva Arbitration, dans le Cyclopaedia of Political Science
- (en) Cartoons du Harper's Weekly:
- "John Bull’s Neutrality", 1er novembre 1862
- "King Andy", 3 novembre 1866. Noter que le médaillon porté par le Secretary of the Navy, Gideon Welles, porte le no 290, numéro de la coque du futur CSS Alabama
- "The Apple of Discord at the Geneva Convention", 5 octobre 1872
- "Columbia Lays Aside her Laurels", 9 November 1872. Les lauriers que Columbia abandonne pour prendre le deuil des victimes du « Grand Incendie de Boston » sont ceux qui avaient été gagnés à Genève.
- (en) Great Britain and the American Civil War Op. cit. at Project Gutenberg
- (fr) La salle de l'Alabama in the Hotel de Ville, Geneva
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