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Umlaut
En phonétique, le processus d’Umlaut (de l’allemand um-, « autour, transformation » + Laut, « son »), ou métaphonie (terme grec de même sens ; ne pas confondre avec le paronyme métatonie) ou encore inflexion, désigne le changement de timbre d’une voyelle à la suite de l’amuïssement d’une autre voyelle dans une syllabe suivante. La voyelle altérée garde pour ainsi dire une trace de la voyelle disparue en récupérant une de ses caractéristiques. C’est un type complexe de dilation.
Cette modification phonétique doit être distinguée d’un changement de voyelle indiquant une différence de fonction grammaticale, appelé alternance vocalique ou apophonie (en allemand, Ablaut), comme dans la conjugaison du verbe irrégulier anglais « chanter » sing / sang / sung. L’Ablaut est apparu en indo-européen, tandis que l’Umlaut est apparu plus tardivement. Ces termes sont parfois utilisés aussi pour des changements similaires dans d’autres familles linguistiques.
Sommaire
En allemand
Fonctionnement de la métaphonie
Le cas est surtout connu pour l’allemand. Dans cette langue, les voyelles /a/, /i/, /o/ et /u/ infléchies par la métaphonie subissent une palatalisation ou un changement de leur aperture. L’environnement conditionnant d’origine était la présence d’un /i/ ou d’un /j/, phonèmes palataux, dans la syllabe suivante, phonème qui s’est amuï en laissant son caractère palatal à la voyelle précédente, ou d’un /a/, voyelle ouverte qui, en disparaissant, ouvre à son tour la voyelle précédente. Après que l’umlaut a acquis un rôle grammatical, son usage s’est étendu par analogie. Les métaphonies historiques se sont déroulées en trois phases, durant la période du vieux haut allemand au moyen haut allemand inclus (de la fin du VIIIe au XIVe siècles).
Voici quelques exemples de métaphonies :
- en vieux haut allemand, gast, « hôte », faisait son pluriel en gesti. Le changement de timbre de la voyelle radicale indique qu’il y a bien eu métaphonie et que la voyelle finale s’était amuïe ou était en passe de le faire. C’est une métaphonie par /i/. Actuellement, on écrit Gast / Gäste ;
- inversement, on trouve helphan, « aider », en vieux haut allemand, issu d’un radical *hilp- (présent en gotique) dont la voyelle a subi l’inflexion par /a/ et s’est ouverte. Actuellement, le verbe est devenu helfen, qu’on peut comparer à Hilfe, « aide ». La métaphonie n’est, dans le cas de /i/ devenu /e/, pas notée par un diacritique.
Le e de gesti et celui de helphan n’étaient pas identiques : le premier était fermé [e] et le second ouvert [ε]. Cette différence subsiste en alémanique, où hälfe a une voyelle plus ouverte que gescht (source : grammaires du vieil allemand, par exemple : Wilhelm Braune, Althochdeutsche Grammatik ; nombreuses éditions, voir leur chapitre sur les voyelles.). Cette différence de prononciation n’a en revanche rien à voir avec la différence d’orthographe de l’allemand littéraire actuel entre Gäste et helfen (on écrit Gäste pour marquer le lien avec le singulier Gast).
Au final, les métaphonies sont les suivantes (la notation suit l’API) :
- /a... i/ → /e... i/ ;
- /i... a/ → /ε... a/ ;
- /u... i/ → /y... i/ ;
- /u... a/ → /ɔ... a/ ;
- /ɔ... i/ → /œ... i/.
Notation des voyelles infléchies
Le mot umlaut est aussi utilisé, à tort pour certains, pour désigner la marque diacritique composée de deux petits points placés au-dessus d’une voyelle pour indiquer la métaphonie. La même marque sert pour noter le tréma dans d’autres langues, comme en français ou en catalan. Dans la typographie allemande, cependant, il n’est pas rare que les voyelles infléchies ne portent pas un signe comparable au tréma mais plutôt au double accent aigu. Par exemple, dans la Grammaire allemande de Maurice Bouchez (éditions Belin) les voyelles infléchies sont écrites a̋, ő et ű.
L’origine de ce symbole graphique est un e diacritique écrit derrière la voyelle concernée qui s’est ensuite suscrit (tracé au-dessus de la voyelle) puis simplifié en deux points. Les graphies anciennes en écriture gothique puis Fraktur et Sütterlinschrift permettent de mieux comprendre un tel processus de simplification : les lettres sont en effet plus raides et angulaires et le e peut se réduire à deux traits verticaux plus ou moins reliés par le haut, ce qu’il est devenu dans la Sütterlinschrift. Du reste, la marque d’umlaut en Sütterlinschrift est clairement un petit e suscrit, ce qui montre combien l’origine du diacritique est restée longtemps évidente aux Allemands et explique pourquoi la confusion avec un tréma était encore impossible. Le tableau suivant montre les caractères en Sütterlinschrift et Antiqua (variante « normale » de l’alphabet latin) :
Antiqua e ae oe ue ä ö ü Sütterlinschrift Ce e ne s’est écrit qu’après les voyelles a, o et u. La métaphonie de /i/ en /e/ n’a pas besoin d’être notée par cet artifice : la lettre e suffit. Par exemple, le nom Mann /man/, « homme », devient au pluriel Männer /'mεnər/. Les voyelles qui peuvent, en allemand, subir la métaphonie sont les suivantes :
- a /a/ → ä /ε/ (è de père) ;
- o /o/ → ö /œ/ (eu de peur ou eu de peu) ;
- u /u/ (ou de cou) → ü /y/ (u de su).
En Suisse alémanique, les umlauts sont souvent imprimés sous la forme de digrammes, soit ae, oe, ue. C’est une orthographe archaïsante. Toutefois, on la trouve également souvent sur internet, lorsque les caractères à diacritiques sont indisponibles.
Dans d'autres langues
L’orthographe allemande a inspiré d’autres langues qui n’ont pas toujours de rapport génétique.
Les lettres à umlaut du hongrois, du turc, de l’azéri et d’autres sont ö et ü, dont la prononciation est similaire à celles de l’allemand (également, en hongrois, il existe un « umlaut long », c’est-à-dire un double accent aigu permettant d’obtenir ő et ű en regard de ö et ü). On note l’absence de ä.
En finnois, en estonien, dans les langues sames, dans certaines langues scandinaves (islandais et suédois), des caractères d’aspect et de prononciation similaire aux lettres à umlaut allemandes (ä, ö, ü) sont utilisés mais considérés comme des lettres indépendantes qui sont traitées à part dans l’ordre alphabétique, où elles apparaissent en fin de liste.
Utilisation de lettres à tréma dans diverses langues du nord de l’Europe (et leurs équivalents)
langues germaniques estonien finnois allemand suédois islandais danois, norvégien, féringien ä ä ä ä (e, æ) (e, æ) ö ö ö ö ö (ø) ü (y) ü (y) (y) (y) En dehors des langues germaniques (allemand et langues scandinaves), les voyelles à tréma ne servent pas à marquer des variations grammaticales ni lexicales et utiliser le terme d’umlaut pour les désigner est impropre. Il vaut mieux, dans ce cas, parler d’un tréma.
Cependant que la fonction de l’umlaut a été reprise pour certaines transcriptions de langues chinoises telle le hanyu pinyin pour la lettre « u/U » (avec la même nuance de prononciation que pour l’allemand), ce qui donne les étonnants signes diacritiques ǖ/Ǖ, ǘ/Ǘ, ǚ/Ǚ et ǜ/Ǜ, le signe supérieur donnant le ton.
Codage des voyelles à umlaut
À l’édition, quand les umlauts ne sont pas disponibles, ou bien dans les mots croisés, les umlauts sont remplacés par la voyelle sous-jacente suivie d’un e. Cette modification est parfaitement appropriée à l’allemand, car les voyelles autres que e et i ne sont pas suivies d’un e en allemand, sauf pour quelques mots étrangers.
En HTML, l’entité nommée les représentant sera notée
&?uml;
(la lettre de base suivie deuml
). Toutes les voyelles à umlaut, ainsi que le ß (eszett, autre caractère typique de l’allemand, inclus ici pour référence), font partie du jeu de caractère ISO 8859-1 et possèdent le même point de code dans ce jeu et en Unicode. Dans LaTeX, les diacritiques sont ajoutés par\"?
(deux points) et\H?
(deux accents aigus).Caractère Substitution Entité HTML Point de code Unicode/ISO 8859-1 Code LaTeX ä ae ä
x00E4 \"{a}
ö oe ö
x00F6 \"{o}
, ő :\H{o}
ü ue ü
x00FC \"{u}
, ű :\H{u}
ß ss ß
x00DF Ä Ae Ä
x00C4 \"{A}
Ö Oe Ö
x00D6 \"{O}
, Ő :\H{O}
Ü Ue Ü
x00DC \"{U}
, Ű :\H{U}
Métaphonie anglaise
L’anglais, qui fait partie des langues germaniques, a conservé certaines de ces modifications à travers des pluriels irréguliers comme man/men, tooth/teeth, goose / geese, etc., bien qu’il ait perdu les suffixes qui les provoquaient à l’origine. L’orthographe et la prononciation en portent encore la marque. On nomme cette métaphonie i-mutation ou first vowel shift (première bascule des voyelles). Elle s’est déroulée en vieil anglais, au VIIe siècle.
Par exemple, pour le couple foot/feet, on fait remonter ces formes aux étymons suivants *fōt au singulier, *fōt-iz au pluriel, soient foot/feet actuellement. L’orthographe montre que ce mot est passé par les réalisations suivantes :
- singulier : *fōt → /fūt/ (fermeture de la voyelle) → actuellement /fŭt/ (abrègement de la voyelle) ;
- pluriel : *fōt-iz → /fētiz/ (métaphonie de /o/ par /i/) → /fēt/ (amuïssement de la désinence) → actuellement /fīt/ (fermeture de la voyelle).
Cette métaphonie se rencontre aussi dans la dérivation lexicale et permet de comprendre pourquoi un mot comme blood (sang) est lié au même radical que bleed (saigner).
Articles connexes
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