- Vérité
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La vérité (du latin vērĭtatem, accusatif de vērĭtas, « vérité », dérivé de verus, « vrai ») est la qualité de ce qui est vrai. C'est la conformité de l'idée avec son objet, conformité de ce que l'on dit ou pense avec ce qui est réel. C'est également un terme à forte connotation juridique, entendu d'un point de vue judiciaire au sens de « ce qui est vrai », à savoir ce dont on peut rapporter la preuve.
La diversité des interprétations du mot a engendré par le passé et jusqu'à maintenant bien des controverses. Les réflexions de penseurs et de philosophes au cours des siècles constituent autant d'écoles différentes.
Sommaire
Problématique de la Vérité
On donne quelquefois au mot vérité le sens de réalité. Mais il vaut mieux entendre par vérité un caractère de la connaissance, et de la connaissance seulement. Ce caractère, dont l'erreur est l'opposé, appartient-il déjà aux idées, aux représentations, ou bien ne peut-il résider que dans le jugement, c'est-à-dire dans l'affirmation ou la négation ? Une idée peut être appelée fausse, en ce sens qu'elle ne correspond à rien de réel ni de possible (par exemple, des idées de chimères, de centaures, de dieux, etc.), ou vraie en ce sens qu'elle correspond à des choses réelles (par exemple, les idées d'homme ou de cheval). Mais c'est dans le jugement exprimant une connaissance seul que semblent résider l'erreur et la vérité proprement dites. Il n'y a erreur que pour celui qui affirme l'existence de la chimère et du centaure, de même il n'y a vérité que pour celui qui nie leur existence, ou qui affirme par exemple celle de l'homme ou du cheval. Une telle théorie de la vérité repose sur l'idée que celle-ci doit être en adéquation, ou en correspondance, avec un état de choses réel.
On peut dire que la vérité est l'affirmation de ce qui existe ou la négation de ce qui n'existe pas ; donc, finalement, l'accord de nos jugements avec la réalité. Cette définition paraît claire et satisfaisante, sans doute, au sens commun. Mais si l'on se place du point de vue soit du criticisme, soit de l'idéalisme, on pourra la trouver peu philosophique.
- Au nom du premier, on objectera que la réalité métaphysique et absolue n'est point accessible à la connaissance. À quoi l'on peut répondre que la plupart de nos jugements ne concernent en rien la réalité métaphysique et absolue, mais simplement les différents êtres et phénomènes qui sont, pour nous, objets d'expérience, autrement dit de perception.
- Mais, objectera l'idéaliste, les différents objets et phénomènes se ramènent à nos représentations et à celle des autres sujets conscients; la vérité ne consiste donc pas dans l'accord de nos jugements avec une réalité extérieure à notre esprit, mais bien plutôt dans l'accord de la pensée avec elle-même, par conséquent avec ses propres perceptions et avec les perceptions des autres esprits. Sans doute, pourraient répondre l'empiriste et le réaliste, mais les perceptions qui s'imposent inévitablement à moi et à tout être conscient se trouvant comme moi à l'état de veille et à l'état normal, c'est justement ce que j'ai décidé d'appeler la réalité...
On peut donc, semble-t-il, accepter sans difficulté cette définition de la vérité: « L'accord de nos jugements de perception ou de connaissance avec la réalité. »
Il faut éviter avec soin de personnifier la vérité, d'en faire on ne sait quelle entité spéciale et objective. La vérité est une qualité. Selon William James, il y a d'une part la réalité, d'autre part des jugements qui sont en accord avec celle-ci; il n'existe pas une troisième chose qui serait la vérité. La vérité est le caractère que prennent certains jugements, et rien de plus. Par suite, la vérité n'est pas une donnée toute faite, elle se fait, elle est le fruit de l'effort et de la recherche.
« Ce qui est vrai, c'est ce qui est utile », déclarait Nietzsche. Le pragmatisme a-t-il réussi à modifier profondément l'idée de vérité ? On peut en douter. Il semble difficile de réduire entièrement l'idée de vérité à celle d'utilité. Certaines croyances de la religion grecque et de la religion romaine furent bienfaisantes à la cité antique, nous ne les jugeons pas « vraies » pour autant.
Le regard des penseurs: aperçu historique
Aristote
Les sens respectifs des mots grecs άληθής [(ές), (γνος)], aléthés, ès « vrai(e) » et Άλήθεια, Alétheia, « Vérité[1] » sont demeurés constants pendant toute l'époque classique et associés au domaine de la logique, de la géométrie et des sciences déductives en général ; aussi bien Platon recourt à ces matières comme outil pédagogique pour illustrer sa théorie des Idées censées contenir toute vérité intelligible. Aristote, sur un registre très différent, développe la logique comme moyen d'investigation du discours, utile aussi dans l'investigation du réel en ce qu'il permet d'organiser les connaissances.
Ces concepts de « vrai » et de « vérité » ont aussi été associés, du côté de l'école de Milet[2] et plus tard d'Aristote encore, aux sciences d'observation - plus exactement - car dans ce contexte il n'y a pas vraiment de méthode scientifique telle que nous la concevons depuis Galilée - aux premières tentatives d'étude des phénomènes naturels - les « météores » - et des êtres vivants ; Aristote ne perdait jamais une occasion d'aller observer les poissons du lagon de Pyrrha dans l'île de Lesbos[3].
Dans les deux cas, le caractère binaire et normatif de ces notions ne fait pas mystère. Dans la Métaphysique, Aristote écrit : « dire que ce qui est n'est pas, ou que ce qui n'est pas est, est faux ; et dire que ce qui est, est, et que ce qui n'est pas n'est pas, est vrai » (IV, 7)[4]. Des énoncés similaires se retrouvent dans Platon, par exemple le Cratyle.
Dans le second livre de l'Organon, De l'Interprétation, Aristote analyse le langage et la formation des propositions logiques, c'est-à-dire les parties du discours susceptibles d'être vraies ou fausses, l'élément initial est bien la correspondance d'un énoncé avec un fait réel. Nous disons par exemple que l'énoncé « le chat est sur le tapis » est vrai parce que le chat est effectivement sur le tapis.
Aristote eut le mérite de mettre en forme de façon systématique des modes de raisonnement qui étaient souvent demeurés très vagues ou implicites chez ses devanciers[5]. La logique d'Aristote chercha d'abord à dégager les conditions nécessaires - évidemment non suffisantes - de la vérité, qui résident dans la forme. Ainsi, un énoncé tel que « le mur bleu est rouge » n'a besoin d'aucun référent extérieur pour être déclaré faux[6]. La logique fournit l'instrument de la pensée correcte, pas la matière[7]. En termes kantiens, elle est la condition formelle de la vérité, mais non pas matérielle[8]
Aristote porte surtout son attention sur les syllogismes tels que « tout A est B », « quelque A est B », où le sujet A et le prédicat B remplacent des concepts ; « tout A est un B » signifie que le concept B est attribuable à tout objet auquel on peut attribuer le concept A[9]. Aristote était conscient que les syllogismes ne pouvaient rendre compte de toutes les applications de la logique[10],[11] mais ils lui permettaient de poser des règles claires pour former la négation des énoncés, et aussi pour distinguer les rôles respectifs des universelles du genre « tout x est ceci » et des singulières du genre « y est cela[12] ».
L'école de Mégare
Les mégariques et les stoïciens ont analysé méthodiquement la logique des connexions du langage courant telles que « et », « ou » et la négation des énoncés. Philon de Mégare étend la portée du conditionnel[13]. Dans sa version P→Q est fausse lorsque P est vraie et Q fausse, et est vraie autrement, sans que le locuteur n'aie à se préoccuper de rechercher des liaisons causales ou des connotations psychologiques ; ainsi des propositions apparemment aussi ridicules que « si le Groënland est en sucre candi, alors Charlemagne est le plus grand écrivain du moyen âge » sont vraies[14]. Ce genre de considération a son importance pour l'utilisation des connecteurs logiques en toute généralité, car les règles s'appliquent même si l'on ne sait pas si les termes sont vrais. Cette élimination des connotations psychologiques de la relation d'implication était un grand progrès, mais elles demeurèrent sans effet immédiat sur la logique.
En effet, ces travaux tombèrent dans l'oubli jusqu'à la fin du XIXe siècle[12].
Augustin d'Hippone
Augustin d'Hippone voit la Vérité comme l'expérience ultime de la vie spirituelle. Il aborde le rapport de l'homme à la vérité à travers la question de l'enseignement du dogme et de sa compréhension. Pour lui, il n’y a pas de « communication horizontale » entre les hommes. Le dialogue se joue non pas à deux, mais à trois. Toute communication authentique est « triangulaire » : toi, moi, et la Vérité qui nous transcende tous les deux, et dont nous sommes, toi et moi, les « condisciples[15] ». Ainsi, Augustin s'inspire de la théorie de la Réminiscence de Platon, mais pour lui donner un sens chrétien. Les vérités éternelles sont en Dieu, qui ne les a cependant pas créées. Elles constituent le verbe de Dieu. C'est à partir de ce modèle qu'Il a pu concevoir un monde bon, et qu'Il l'a par conséquent réalisé dans la Création[16].
Parmi les ouvrages d'Augustin, Le Maître[17] est l’un des plus révélateurs de sa pensée. Il y développe une thèse récurrente jusqu’à la fin de sa vie. « Lorsque les maîtres ont exposé par les mots toutes ces disciplines qu’ils font profession d’enseigner, y compris celle de la vertu et de la sagesse, alors ceux que l’on appelle des disciples examinent en eux-mêmes si ce qui a été dit est vrai, en regardant, cela va de soi, la Vérité intérieure selon leurs forces. C’est alors qu’ils apprennent ; et lorsqu’ils ont découvert intérieurement qu’on leur a dit la vérité, ils louent les maîtres, sans savoir qu’ils louent des enseignés plutôt que des enseignants, si toutefois ceux-ci ont le savoir de ce qu’ils disent. Mais les hommes se trompent en appelant maîtres des gens qui ne le sont pas. »
Augustin l’exprime sous sa forme classique : Foris admonet, intus docet, l'avertissement est extérieur, l'enseignement est intérieur. Le langage (y compris les paroles du Christ) avertit à l’extérieur, mais seul enseigne le Christ, la Vérité intérieure. C’est donc pour lui à juste titre que l’évangile demande de ne donner le titre de maître à personne sur terre, « parce que le seul maître de tous est au ciel ».
Thomas d'Aquin
Thomas d'Aquin scruta de manière précise l'ouvrage De l'Interpretation d'Aristote, ainsi que les commentaires antérieurs au sien, en les dégageant de leurs influences néoplatoniciennes ou arabes par une critique interne à la pensée du philosophe grec. Il développa un certain nombre de thèmes tels que : vérité de la pensée et du discours, rôle des mots par rapport aux idées et aux choses, règles permettant d'éliminer les ambiguïtés du langage courant, déterminisme et liberté[18].
Pour l'Aquinaste, veritas est adæquatio intellectus et rei : la vérité est l'adéquation de l'intellect aux choses[19], sur ce point donc sa pensée épouse parfaitement celle d'Aristote.
René Descartes
A lire les Méditations métaphysiques, la conception cartésienne de la vérité et de l'erreur suppose une distinction nette de l'entendement (faculté de percevoir des idées) et de la volonté (source de l'action mais aussi du jugement). Le jugement est libre, il est éclairé par l'entendement, mais il n'est pas déterminé par l'entendement.
Dans ses six méditations métaphysiques, Descartes commence par démontrer l'inanité de la conception empirique de la vérité. Il reprend les arguments sceptiques, mais pour conclure que lorsque nous percevons, par exemple, un morceau de cire, nous introduisons en réalité dans notre perception des idées (comme celle de substance étendue, d'extension) et un jugement (notre représentation correspond, selon nous, à la réalité).
Dans la seconde méditation, l'expérience du Cogito fournit le modèle de la vérité, ainsi que le point de départ des démonstrations qui conduiront à la reconstruction du savoir sur un sol qui n'est autre que la certitude rationnelle. Il s'agit d'une expérience, toute intellectuelle, selon laquelle, tant que je pense, je ne saurais douter que je pense, et que je suis. C'est l'évidence, sorte d'illumination intellectuelle. Elle est tout autant inséparable d'une méthode critique, le doute méthodique, sans rapport véritable avec le doute des sceptiques. Nous pouvons suspendre notre jugement, car il provient de notre volonté, et non de notre entendement. Ainsi, grâce à certains arguments exagérés, hyperboliques, nous pouvons même douter de ce que deux et deux font quatre.
Seul le jugement peut nous conduire tant à la vérité qu'à l'erreur. Celle-ci n'est pas naturelle, mais repose sur une certaine propension de l'esprit humain à la prévention (préjugés) et à la précipitation. En revanche, si nous n'acceptons en notre créance que des idées claires et distinctes, que nous voyons ne pouvoir être fausses, alors nous irons de vérité en vérité, sur le modèle des mathématiciens. Mais comment être assuré qu'aux idées claires et distinctes correspondent bien des réalités, conformes au contenu de ces idées? Les preuves de l'existence de Dieu, tirées de son idée même, vont permettre de sortir de cette aporie. Dès lors que Dieu existe, et que les idées innées sont créées par lui en mon entendement, elles ne sauraient être fausses, puisque Dieu ne saurait vouloir me tromper. Ainsi l'erreur existe, mais ne provient ni de ma nature ni de mon entendement et des idées déposées en lui. C'est donc que l'erreur ne provient que de la volonté (du jugement); et pourtant certaines idées confuses ou obscures incitent tant le jugement à se tromper qu'on peut voir en ces idées une source de l'erreur, ou "erreur matérielle". En effet, certaines idées sont si obscures que l'entendement ne sait trop ce qu'il y pense. Qu'est-ce par exemple que le froid? Une réalité positive, le contraire de la chaleur, ou bien simplement l'absence de chaleur, soit un manque, un néant? Celui qui ne se repaît que de telles idées sensibles est pour ainsi dire condamné à l'erreur, ou du moins au scepticisme.
Le correspondant anglais de Descartes, Thomas Hobbes, dont les critiques seront fort mal reçues par René Descartes, développera, contre cette conception dite "éidétique" de la vérité, une conception qui assimile le raisonnement à un simple calcul (conception dite computationnelle). Un jugement vrai repose sur des règles, des opérations, de calcul, sur la base de mots, et non sur l'évidence. Descartes refuse explicitement l'éventualité d'une machine à produire de la vérité, car une machine ne saurait penser. Leibniz, au contraire, à la suite de Hobbes, défendra l'idée qu'un calcul sourd ou aveugle peut très bien aboutir à des résultats exacts, sans jamais passer par l'évidence d'un contenu, intellectuel ou même empirique. Le même Leibniz, citant l'esprit de finesse de Pascal, expliquera qu'une idée confuse peut néanmoins être vraie, en ce sens qu'elle nous donne une idée globale, inanalysable, de son objet: Discours de Métaphysique.
Baruch Spinoza
Le texte suivant, tiré des Pensées métaphysiques, donne l'impression que Spinoza conçoit la vérité comme l'adéquation de l'idée avec son objet (ou idéat) :
« Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l’esprit. Et de là on en est venu à désigner de la même façon, par métaphore, des choses inertes ; ainsi, quand nous disons de l’or vrai ou de l’or faux, comme si l’or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n’est pas en lui[20]. »
Mais Spinoza lui-même définit ainsi l'adéquation au début de la deuxième partie de son Éthique :
« Définition IV. Par idée adéquate j'entends une idée qui, considérée en soi et sans égard à son objet, a toutes les propriétés, toutes les dénominations intrinsèques d'une idée vraie. »
L'adéquation repose donc sur un critère intrinsèque de vérité, d'où s'explique le mode géométrique et "génétique" de construction de son système philosophique.
Ainsi, nous connaissons adéquatement un objet quand nous le construisons à partir de ses causes, quand donc nous le concevons. En revanche, la connaissance par les sens est, elle, forcément tronquée et incomplète. Ce que nous percevons par les sens exprime davantage notre propre nature que celle de l'objet perçu. L'on ne saurait expliquer cela plus avant sans entrer dans le système philosophique de Spinoza.
De plus, Spinoza rejette la conception cartésienne, selon laquelle seul le jugement, issu de la volonté, peut être vrai ou faux. Selon Spinoza, chaque idée enveloppe sa propre affirmation qui n'est pas le fait de quelque libre arbitre extérieur à cette idée singulière. Ainsi, je ne peux pas penser que 2 et 2 font 4 sans ipso facto l'affirmer. Nous ne pouvons suspendre notre jugement que si d'autres conceptions remettent en cause la valeur d'une conception première . Ainsi, quand je rêve, je suis généralement incapable de douter de ce que je perçois, et pourtant, une fois éveillé, il m'est très facile de nier mon rêve. Pour autant, une idée fausse est qualitativement, intrinsèquement, différente d'une idée adéquate. L'idée vraie me permet d'un même geste de comprendre pourquoi elle est vraie, et pourquoi les idées fausses sont fausses. Le vrai est index de soi-même et du faux, dit Spinoza (index sui et falsi).
Emmanuel Kant
Kant fait usage de la distinction aristotélicienne entre une définition nominale et une définition qui pointe sur la cause ou l'essence de ce qui est à définir, quand il écrit :
« .... je ne puis juger que de savoir si ma connaissance de l'objet est en accord avec ma connaissance de l'objet. Ce genre d'explication circulaire était appelée Diallelos par les anciens. Et les logiciens étaient accusés de cette faute de raisonnement par les sceptiques, qui comparaient cette acception de la vérité à l'appel à un témoin inconnu qui devant un tribunal soutiendrait sa propre crédibilité sur la base de celle de l'homme qui l'avait appelé[21]. »
Mais la validité de l'assertion selon laquelle en Grèce les « logiciens » pratiquaient effectivement ce cercle vicieux n'a pas été évaluée[22].
G.W.F. Hegel
Hegel examine la nature paradoxale de la conscience humaine, qui voudrait une vérité entière et complète quand la plupart des individus ne peuvent généralement aller bien loin sans être en désaccord. Mais cet antagonisme, où Hegel distingue un mouvement « positif » ou « thèse » et un mouvement « négatif » ou « antithèse » est le moteur d'une évolution : l'esprit de l'univers croît vers de plus hauts degrés d'éveil et de conscience. Ce processus est dialectique : on passe d'une étape à une autre en dépassant les contradictions dans le cadre d'un temps historique, productif, où l'antagonisme une fois subsumé conduit à la synthèse d'où émerge une nouvelle vérité.
Il faut quand même noter que dans la théorie de Hegel il y a en fait une synthèse intermédiaire au sein de l'« antithèse », entre « opposition externe » et « division interne[23] »
Gottlob Frege
Chez Aristote et les scolastiques du Moyen Âge la logique des connexions restait, dans une certaine mesure, tributaire des imperfections du langage courant ; de plus, la logique des prédicats, enfermée dans la triade sujet-copule-attribut, ne pouvait aller bien loin lorsqu'il s'agissait de traiter de situations plus complexes faisant intervenir des propositions comportant plusieurs verbes actifs ou plusieurs sujets. Leibniz tenta bien d'écrire un langage symbolique qui serait une « caractéristique universelle[24] » éliminant les risques d'erreur, mais il n'y parvint pas[25].
Il devait revenir à Gottlob Frege de fonder la logique sur des bases inspirées des mathématiques, démultipliant ainsi son efficacité.
Cependant entre Aristote et Frege il y a continuité et non rupture. Ce que la logique d'Aristote et ses successeurs scolastiques faisaient, la logique moderne le fait toujours ; mais comme le dit Quine c'est un sous-produit d'une entreprise plus puissante[26].
Frege voulut initier un projet encore plus ambitieux : unifier les sciences déductives en exprimant les termes premiers des mathématiques par les moyens de la logique ; mais Bertrand Russell, qui avait fait une tentative similaire, l'en dissuada après avoir découvert un paradoxe.
Kitarō Nishida
Pour Nishida, l'expérience naît là où les faits apparaissent tels qu'ils sont, c'est une connaissance que nous acquérons en nous soumettant à la réalité des faits, sans artifice intellectuel[27]. La différenciation du sujet et de l'objet est toute relative, elle n'intervient qu'au moment où l'expérience perd son unité[28]. L’observation se déroule dans le présent, où ne se tient aucun jugement, elle est simplement conscience immédiate.
L’acte réflexif de la pensée est issu de conflits, la recherche d’une solution conditionne l’unicité de conscience ; ainsi la pensée se réalise dans l’action : l’expérience pure et la pensée ne sont que deux visions d'un seul et même évènement[29].
Alors la vérité, comme l’objet, n’est pas séparée du sujet. Elle est l‘unicité de nos faits empiriques[30]
Bertrand Russell
Russell dit que les arguments qui plaident en faveur d'une hiérarchie des langages sont décisifs[31],c'est notamment le seul moyen d'échapper à la théorie de Wittgenstein selon laquelle la syntaxe ne peut seulement que se montrer et non s'exprimer par des mots. Ses recherches sur ce sujet partent de la constatation opérée par Tarski du fait que les mots « vrai » et « faux », quand ils s'appliquent aux phrases d'un langage donné, ne sont exprimables que dans un langage d'ordre supérieur. Ainsi dans Signification et vérité décortique-t-il le langage usuel pour en extraire la substantifique moëlle qu'il appelle d'un nom appelé à rester dans la postérité : le langage-objet, ou du premier ordre, fait de « mots-objets ».
Il s'attache aussi à évaluer la portée des critiques de Brouwer contre le principe de la logique classique dit du « tiers exclu » selon lequel il n'y a que deux valeurs de vérité ; c'est que Brouwer ne reconnaît pas le « vrai » ; il connaît le « vérifiable », donc il y a une classe de propositions qui sont syntaxiquement correctes mais qui ne sont ni vérifiables ni des contradictoires de propositions vérifiables. Personne, dit Russell, n'est jamais allé jusqu'à définir la vérité comme ce qui est connu[32] ; la définition épistémologique de la vérité est ce qui peut être connu, mais ceci pose évidemment des difficultés auxquelles Russell consacre de nombreuses pages avant de définir la vérité par rapport à des évènements et la connaissance par rapport à des percepts[33] ; et il conclut finalement en faveur du tiers exclu :
« .... A présent, nous ignorons s'il y a de la vie ailleurs dans l'univers, mais nous avons raison d'être assurés qu'il y en a ou qu'il n'y en a pas. Nous avons donc besoin de la « vérité » aussi bien que de la « connaissance » parce que les frontières de la connaissance sont incertaines et parce que, sans la loi du tiers exclu, nous ne pourrions pas nous poser les questions qui donnent naissance aux découvertes[34]. »
Au plan logique, Russell montre que certaines propositions en apparence purement formelles supposent implicitement un jugement d'existence. Ainsi, si je dis le Père Noël est barbu, je suppose qu'il existe. La proposition en question, à laquelle on pourrait être tenté de dénier toute valeur de vérité ou de fausseté, est donc fausse, car le Père Noël n'existe pas. Une proposition, vraie ou fausse, n'est dotée de sens que si elle a quelque fonction dénotative (rapport avec un référent et non avec un simple concept). Mais alors en quel sens peut-on dire que quelque chose n'existe pas, que le référent est introuvable? Cela signifie qu'aucune chose dans le monde n'appartient à un certain ensemble, par exemple l'ensemble des pères Noël. Russell conteste donc l'existence de vérités purement formelles, ou purement analytiques, dénuées de tout rapport avec la réalité physique (la nature). Quine ira plus loin dans cette voie, en montrant que toute théorie enveloppe des jugements d'existence (engagement ontologique), et en niant, malgré un certain platonisme, l'existence d'une mathématique ou d'une logique entièrement indépendantes à l'égard des sciences empiriques (holisme épistémologique). Réciproquement, aucune science n'est purement observationnelle, elle intègre toujours une syntaxe (théorie, qui inclut généralement une dimension mathématique). Il est en fait impossible de distinguer clairement ce qui dans un savoir serait analytique (fruit du pur raisonnement) et ce qui serait synthétique (fruit de l'expérience).
Au XXe siècle Russell perçoit avec appréhension le développement d'un certain relativisme dans lequel la notion même de vérité lui apparaît quelque peu galvaudée[35]
Ludwig Wittgenstein
La totalité de la réalité est le monde[36]. L'image, dit Wittgenstein, est un modèle de la réalité[37] ; et pourtant elle peut être vraie ou fausse[38].
« Mais pour pouvoir dire qu'un point est noir ou blanc, il me faut tout d'abord savoir quand un point sera dit blanc et quand il sera dit noir ; pour pouvoir dire « p » est vraie (ou fausse), il me faut avoir déterminé en quelles circonstances j'appelle « p » vraie, et par là je détermine le sens de la proposition[39]. »
Alfred Tarski
La conception de la vérité d'Alfred Tarski était celle d'Aristote, Frege, et Russell : l'accord de nos jugements avec la réalité ; cependant, le développement des langages formalisés avait mis au clair les rôles différents de la sémantique et de la syntaxe ; on ne peut dire qu'une formule, qui est une suite de symboles, est en soi « vraie » ou « fausse » ; le qualificatif de « vrai » ou de « faux » ne s'applique qu'à des énoncés, lesquels résultent de l'interprétation des formules dans un modèle[40] ; la notion de vérité est définie en disant qu'une formule est satisfaite par un modèle. Ces idées, alors à la base de la nouvelle théorie des modèles, n'ont pas été sans influencer Karl Popper.
Le logicien polonais, témoin des bouleversements de son époque, percevait que la clarté et la cohérence du langage sont non déterminantes dans le processus d'amélioration des relations humaines, mais elles sont propres à accélérer ce processus :
« Car d'une part, en rendant la signification des concepts précise et uniforme dans son propre domaine, et en insistant sur la nécessité d'une telle précision et uniformité dans tout autre domaine, la logique rend possible une meilleure compréhension entre ceux qui la recherchent avec bonne volonté. Et d'autre part en perfectionnant et affinant les instruments de pensée, elle améliore l'esprit critique des hommes[41].... »
Jürgen Habermas
Le problème pour Habermas est qu'il n'est pas possible de s'abstraire du langage pour mesurer notre usage de ce même langage. Tout énoncé est un élément de réalité, une réalité déjà imprégnée de ce langage. Cela n'est pas sans conséquence sur le rapport entre vérité et communication. Les doutes quant à l’intuition réaliste et universelle associée à des concepts tels que la vérité résultent d’un tournant linguistique qui a transféré le critère de l’objectivité de la connaissance, de la certitude privée à la pratique publique de justification propre à une communauté de communication[42]. Cette difficulté est surmontée en science par une méthodologie fondée en dernière analyse sur un scepticisme qui n'est pas opératoire ailleurs, où il conduirait à la mésentente entre interlocuteurs.
La vérité des énoncés ne peut se justifier qu'au moyen d'autres énoncés[43], ce qui avait fait dire à Rorty qu'il ne nous était pas donné de transcender nos croyances. En réaction contre Rorty, Habermas met en avant la nécessité d'un monde qui existe indépendamment de nos discours, et donc de l'existence d'un horizon d'entente qui dépasse le seul cadre scientifique. Cet horizon d'entente ne présuppose d'ailleurs pas de se donner comme but un consensus ultime[44]. La personne qui s’engage dans une discussion en ayant sérieusement l’intention de se convaincre de quelque chose en échangeant avec d’autres doit supposer que ces derniers ne soumettent leurs affirmations à aucune autre contrainte que celle du meilleur argument[45].
La vérité dans les sciences déductives
Les valeurs
Une proposition exprime une pensée ; elle contient des mots qui renvoient à des concepts, elle a une structure interne, mais en même temps elle forme un tout : dès qu'elle exprime la pensée elle l'unifie, en ce sens qu'elle appelle de la part du récepteur une option qui prend la forme d'une acceptation ou d'un refus. De là les deux alternatives de la logique classique : une proposition est vraie ou fausse[46].
On pourrait objecter que le schéma binaire vrai-faux n'est pas pertinent du fait qu'il n'y a pas que des chats blancs et des chats noirs, mais beaucoup de chats de couleurs diverses. Ce serait oublier que le faux s'oppose au vrai, non comme le noir s'oppose au blanc, mais comme le non-blanc s'oppose au blanc[47].
Cependant, cette dichotomie vrai-faux pourrait être contestée d'un autre point de vue : que se passe -t-il si la réponse à la question posée n'est pas connue ? On a vu plus haut quelle était la position de Bertrand Russell : la vérité des choses est indépendante de nos moyens de les atteindre ; tel n'est pas l'avis des intuitionnistes tels Roger Apéry qui refuse en particulier d'appliquer le principe du tiers-exclu aux objets mathématiques infinis.
Articles détaillés : Table de vérité, Logique classique, Logique intuitionniste, Logique minimale, Logique linéaire et Logique floue.Le traitement des fonctions de vérité : historique
À l'époque moderne, Boole, Schröder et Frege, parmi d'autres, s'attachèrent à dégager des structures ; Boole fut le premier à écrire la logique en symboles maniables ; il avait en vue une algébrisation du langage dans ce contexte sans cependant se préoccuper outre mesure des fondements[48] ; Frege interpréta tout connecteur comme une fonction, inventant en 1879 le terme « fonction de vérité[49] » pour signifier qu'en logique propositionelle la valeur de vérité d'un énoncé composé ne dépend que des valeurs des énoncés simples à partir desquels il est formé, et non du contenu. En d'autres termes, les connexions sont utilisées au sens matériel ; car Frege avait ressuscité le conditionnel philonien[50] dont il avait découvert l'efficacité.
Article détaillé : Calcul des propositions.Sémantique et syntaxe
Quand on tente d’expliquer le sens d’une expression, on emploie nécessairement d’autres expressions, ainsi dans un cadre purement déductif il est impossible que tous les mots d’une théorie puissent recevoir une définition ; au début d’une théorie il y a nécessairement des termes premiers. On peut d’ailleurs observer que c’est là une affaire de choix : il serait erroné de croire que certaines expressions ne peuvent en aucune manière se définir[51].
D’autre part, une fois les termes premiers choisis, il faut une méthode pour construire les énoncés, et des règles de déduction, cela constitue la syntaxe.
Une réalisation d'un langage du premier ordre, ou encore structure pour ce langage, associe un élément sémantique - individu, relation ou fonction - à chaque élément syntaxique - respectivement symbole d'individu, symbole de prédicat ou signe fonctionnel[52].
Une formule est dite valide dans une structure si elle est satisfaite - donne donc lieu à un énoncé vrai - pour tous les individus de la structure[53].
Un modèle d'un ensemble de formules est une structure qui rend valide chaque formule de l'ensemble.
Une théorie est un ensemble de formules, si elle a un modèle elle est dite compatible.
Une formule est universellement valide si elle est valide dans toute réalisation du langage sur lequel elle est construite[54].
Article détaillé : Théorie des modèles.La question de savoir si tout énoncé sémantiquement vrai est syntaxiquement démontrable, ainsi que la possibilité ou non d'effectuer un test automatique de vérité ou de fausseté, dépendent de la théorie concernée.
Articles détaillés : Complétude, Décidabilité, Calculabilité, Théorème de complétude de Gödel et Théorème d'incomplétude de Gödel.Quine et le nominalisme
Quine introduit des schémas ou modèles d'énoncés qui jouent en sémantique un rôle analogue à celui que d'autres auteurs font jouer aux « formules » de la syntaxe. Les énoncés sont des instances particulières de ces schémas, ils en résultent par substitution, la même expression étant substituée à toutes les occurrences d'une même lettre. Ainsi il peut arriver qu'un énoncé soit vrai en raison de sa structure logique seulement, par exemple :
« S'ils drainent l'étang mais ni ne rouvrent la route ni ne draguent le port ni n'assurent aux montagnards un marché, et par contre s'assurent à eux-mêmes un commerce actif, alors on aura eu raison de dire que s'ils drainent l'étang et rouvrent la route ou s'ils draguent le port ils assureront aux montagnards un marché et à eux-mêmes un commerce actif. »
— W.V.O. Quine Méthodes de logique[55]
Malgré les apparences, c'est en effet une lapalissade, comme l'on s'en assurera sans peine[56], son schéma est du type :
Si P et non-Q et non-R et non-S et T, alors [(P et Q) ou R] seulement si (S et T)
Quine qualifie de tels schémas de « valides » ; il nomme « implication » un conditionnel valide, donc chez lui « implication » et « conditionnel » ne sont pas synonymes ; mais on retrouve bien le même concept de validité, implémenté différemment de la théorie classique.
Cette primauté de la sémantique provient de la philosophie nominaliste de Quine : les schémas sont des mannequins - « dummies » - qui n'appartiennent pas à un langage-objet ; les valeurs de vérité ne sont pas des objets abstraits mais des manières de parler des propositions vraies et des propositions fausses ; ces dernières sont les énoncés déclaratifs eux-mêmes plutôt que des entités invisibles cachées derrière eux[57].
La vérité en philosophie des sciences
Le point de vue pragmatique
Les applications utiles que l'on peut tirer des théories scientifiques en sont une vérification partielle et indirecte. Une théorie n'est pas « vraie » dans ce sens seulement qu'elle est matériellement utile: c'est plutôt qu'on ne pourrait en tirer aucune application utile si elle ne contenait pas une part de vérité.
Karl Popper
Selon un point de vue répandu, les sciences empiriques se caractérisent par le fait qu'elles utilisent ou devraient utiliser des méthodes inductives, partant de propositions singulières pour aboutir à des propositions universelles. Cependant, prise à la lettre, une telle extrapolation induit des risques d'erreur : peu importe le nombre de cygnes blancs que l'on a observés, rien ne pourra nous permettre d'affirmer que tout cygne est nécessairement blanc ; aussi Reichenbach adoucit-il cette prétention en avançant que les énoncés scientifiques ne peuvent atteindre que des degrés continus de probabilité dont les limites supérieure et inférieure, hors d'atteinte, sont la vérité et la fausseté[58]. Karl Popper conteste cette approche[59].
À défaut de pouvoir prouver une théorie, on peut s'attacher à la réfuter. La théorie est corroborée si elle réussit les tests de réfutation[60].A la « logique inductive » et ses degrés de probabilité, Popper oppose ce qu'il appelle une méthode déductive de contrôle[61].
Articles détaillés : Méthode scientifique et Vérité scientifique.Popper croyait à la vérité absolue comprise comme une catégorie logique ; il ne croyait pas que notre science puisse l'atteindre, ni même qu'elle puisse accéder à une probabilité du vrai ; en fait, il alla jusqu'à douter qu'elle constitue une connaissance :
« La science n'est pas un système d'énoncés certains ou bien établis, non plus qu'un système progressant régulièrement vers un état final. Notre science n'est pas une connaissance - épistêmê - : elle ne peut jamais prétendre avoir atteint la vérité ni même l'un de ses substituts, telle la probabilité. »
— Karl Popper La logique de la découverte scientifique[62]
Par là Popper s'oppose directement aux « pragmatistes » qui définissent la vérité scientifique en termes de « succès » d'une théorie[63].
Et cependant il ne doutait pas que cette Vérité existât quelque part. Il s'appuie pour cela sur les travaux de Tarski concernant la validité et les modèles, en particulier le concept de « fonction propositionnelle universellement valide » qui aboutit à l'existence d'énoncés vrais dans tous les mondes possibles[64]. Il en donne une traduction dans le domaine des sciences de la nature :
« On peut dire qu'un énoncé est naturellement ou physiquement nécessaire si et seulement si on peut le déduire d'une fonction propositionnelle satisfaite dans tous les mondes qui ne diffèrent de notre monde, s'ils en diffèrent, qu'eu égard à des conditions initiales. »
— Karl Popper La logique de la découverte scientifique[65]
Thomas Kuhn et les paradigmes
L'activité scientifique normale, dit Kuhn, est fondée sur la présomption que la communauté scientifique sait comment est constitué le monde[66]. Aussi a-t-elle tendance à occulter toute nouveauté propre à ébranler ses convictions de base. Quand les spécialistes ne peuvent ignorer plus longtemps de telles anomalies, alors commencent les investigations extraordinaires qui les conduisent à un nouvel ensemble de convictions[67]: c'est ce que Kuhn nomme une révolution scientifique. Ainsi le développement historique de la science est-il fait d'alternances entre ce que Kuhn appelle des « périodes de science normale » où le savoir est cumulatif à l'intérieur d'un système conceptuel donné ou paradigme, et de « périodes révolutionnaires » qui voient s'opérer les changements de paradigme.
Les paradigmes sont extrêmement résistants. On pourrait s'attendre à ce qu'il suffise d'une seule preuve pour rendre fausse une théorie ; pour Kuhn cependant, l'observation du comportement de la communauté scientifique montre que face à une anomalie les savants préféreront toujours élaborer de nouvelles versions et des remaniements ad hoc de leur théorie[68]. On ne dit jamais qu'un paradigme est faux avant de l'avoir remplacé par un autre.
Article détaillé : La structure des révolutions scientifiques.Ainsi l'acte de jugement qui conduit les scientifiques à rejeter une théorie antérieurement acceptée est toujours fondé sur quelque chose de plus qu'une comparaison de cette théorie avec le monde[69].
Vérité historique
« La vérité en histoire, dont on conviendra aisément qu’elle relève de l’utopie » (Maurice Sartre)
La recherche de la vérité historique pose différentes questions relatives à la méthodologie historique :
L'historien Marc Bloch avait une conception de l'histoire qui, selon Gérard Noiriel[70], reposait sur deux idées centrales :
-
- le refus constant de confondre le métier d'historien et celui de « procureur » ,
- l'« éthique professionnelle » , ce qui l'amène à souligner que l'historien doit « rendre des comptes » à ses lecteurs.
Toujours selon Gérard Noiriel, Marc Bloch a fourni deux grandes pistes de réflexion :
-
- la correspondance entre la réalité et sa représentation ;
- le jugement « humain » : comment comprendre des hommes ayant vécu dans un passé lointain, à partir des seules traces inertes qu'ils nous ont laissées de leur passage sur la terre ? Cette idée reprend les préoccupations de Humboldt.
Il faut souligner que Marc Bloch rejetait le positivisme de l'école méthodique (Charles-Victor Langlois et Charles Seignobos). Il fut un précurseur, en diversifiant les sources de l'historien, l'étendant aux faits économiques, et s'intéressant à d'autres matériaux que les seuls documents écrits : l'archéologie, l'art, la numismatique. Marc Bloch fut à l'origine de l'école des Annales.
Notes et références
- Hatier Dictionnaire Français-Grec p. 794, p.807
- J.F. Revel Histoire de la philosophie occidentale Vol I Penseurs grecs et latins chap 1
- J.F. Revel Histoire de la philosophie occidentale - Vol I Penseurs grecs et latins chap. 5, p.267
- (Stanford Encyclopedia of Philosophy) David, Marion (2005) Correspondence Theory of Truth in Stanford Encyclopedia of Philosophy at
- Bourbaki Eléments de mathématiques - diffusion CCLS 1977 Note historique, EIV.36
- J.F. Revel Histoire de la philosophie occidentale Vol I Penseurs grecs et latins pp. 250-251
- J.F. Revel Histoire de la philosophie occidentale Vol I Penseurs grecs et latins p. 255
- Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Logique transcendantale, introduction, section III, « De la division de la logique générale en analytique et dialectique » (AK, III, 179; IV, 52)
- Bourbaki Eléments de mathématiques - diffusion CCLS 1977 Note historique, EIV.36 note 2
- The works of Aristotle, translated under the editorship of W.D. Ross, Oxford 1928 - An.Pr. I, 35
- T.L. Heath, Mathematics in Aristotle Oxford, Clarendon Press 1949 - pp. 25-26
- Bourbaki Eléments de mathématiques - diffusion CCLS 1977 Note historique, EIV.37
- W.V.O. Quine Methodes de logique traduction M. Clavelin, Armand Colin 1972 chap. 3 p. 32 Cité par
- exemple donné par J.F. Pabion Logique mathématique Hermann 1976 I1.2 p.16
- accessible en ligne). Revue Itinéraires augustiniens n° 30 (juillet 2003) - « Vous n’avez qu’un seul maître », par Marcel Neusch (
- De Librio Arbitrio
- St Augustin, Le Maître - Le libre arbitre Brépols, Institut d'Etudes Augustiniennes, 1993 (Madec, Goulven).
- Thomas d'Aquin Commentaires de De l'Interprétation d'Aristote - Trad., intro. et notes Bruno & Maylis Couillaud, Les Belles Lettres 2004 résumé de l'éditeur
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- Spinoza, Pensées métaphysiques (1663) 1re partie, chap.VI, Gallimard, «La Pléiade», trad. R. Caillois.
- Kant, Immanuel (1800), Introduction to Logic Reprinted, Thomas Kingsmill Abbott (trans.), Dennis Sweet (intro.) (2005)
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- Hegel Logique - l'idée absolue, p 381-383
- G. W. Leibniz Mathematische Schriften éd. C.I. Gerhardt, Berlin-Halle Asher-Schmidt t. I, p.187
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- Karl Popper La logique de la découverte scientifique Payot 1989 (ISBN 978-2-228-90201-4) - Appendice * X p.441
- Thomas Samuel Kuhn La structure des révolutions scientifiques Trad. fr. Laure Meyer, Flammarion 1983 ISBN 2-08-081115-0 p. 22
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- Le statut de l'histoire dans Apologie pour l'histoire, Gérard Noiriel. voir
Voir aussi
Bibliographie
- Aristote, Περί Eρμηνείας [De l'Interprétation]
- Frege, Begriffsschrift [L'Idéographie]
- Russell, An Inquiry into Meaning and Truth (1940)
- Moritz Schlick, Théorie générale de la connaissance, trad. Christian Bonnet, Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de philosophie », Paris, 2009, 551 p. (ISBN 978-2-07-077185-1)
- Descartes, Recherche de la vérité par les lumières naturelles
- Spinoza, Éthique
Liens externes
- Engel Pascal, La vérité, Réflexions sur quelques truismes, Paris, Hatier, 1998
- Engel Pascal (2003) Truth and the aim of belief. Chapitre de livre. Dans Laws and models in science ESF
- Engel Pascal, Is truth a norm? Chapitre de livre. Dans Interpreting Davidson 3, 37-51
- Hacking, "Vrai", les valeurs et les sciences Actes de la recherche en sciences sociales Année 2002 Volume 141 Numéro 141-142 p. 13-20
- Aletheia dans la Pensée Grecque d'Homère à l'Âge Hellénistique
- History of Truth: The Greek "Aletheia"
- History of Truth: The Latin "Veritas"
- Heidegger on Truth (Aletheia) as Unconcealment
Articles connexes
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les notions antinomiques de la vérité :
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