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Nationalisme québécois
Le nationalisme québécois est le résultat de l'évolution du nationalisme bas-canadien puis du nationalisme canadien-français. Durant près d'un siècle, il sous-tend généralement les querelles entre « rouges » et « bleus » qui sont marquantes au XIXe siècle. Ayant évolué dans une Amérique anglaise, le nationalisme s'est fait d'un sentiment de différence vis-à-vis un autre peuple et d'attachement aux acquis français.
Le nationalisme québécois fait l'objet d'études dans bon nombre de pays, tout comme le nationalisme écossais, catalan et celui de plusieurs autres peuples en situation minoritaire.
Sommaire
Histoire
Nationalisme libéral
L'émergence du nationalisme au Bas-Canada coïncide avec l'apparition des premiers États-nations de l'Époque moderne.
Entre 1783 et les années 1830, le monde voit naître plusieurs nouveaux états dit nationaux, dont la République fédérale des États-Unis d'Amérique, la République française, Haïti, le Paraguay, le Chili, le Mexique, le Brésil, le Pérou, la Colombie, la Belgique et la Grèce. Gagnées par la force des armes, ces indépendances nationales découlent de luttes politiques et idéologiques complexes opposant les métropoles européennes à leurs colonies, les monarchistes aux républicains. Si ces batailles ont réussi à créer des républiques indépendantes dans certaines régions du monde, elles ont échoué ailleurs, comme en Irlande, en Écosse, en Allemagne, dans le Haut-Canada et le Bas-Canada.
Il n'y a pas de consensus nous permettant d'établir le moment exact de la naissance d'une conscience nationale au Bas-Canada. Plusieurs historiens défendent la thèse de son apparition avant le 19e siècle, faisant valoir qu'une identité culturelle distincte existait déjà chez les Canadiens à l'époque de la Nouvelle-France. Les tensions culturelles sont en effet palpables entre le gouverneur-général de la Nouvelle-France, le Canadien Pierre de Vaudreuil et le général Louis-Joseph de Montcalm, un Français, durant la guerre de la Conquête. Ce qui est certain c'est que l'utilisation de l'expression « La nation canadienne » par la classe politique du Bas-Canada est attestée au début des années 1800. Durant la première moitié du 19e siècle, l'idée d'une nation canadienne émergente commence à être soutenue par la classe libérale ou professionnelle, composée d'avocats, de notaires, de libraires, de médecins, de journalistes, etc. opposés au gouvernement colonial britannique non élu.
Un mouvement politique pour l'indépendance politique du peuple bas-canadien prit forme après l'entrée en vigueur de l'Acte constitutionnel, voté par le Parlement britannique en 1791. La loi anglaise vint séparer la Province de Québec en deux provinces distinctes, à l'ouest le Haut-Canada et à l'est le Bas-Canada. Chacune des deux colonies se voit attribuer un parlement colonial, constitué d'une assemblée législative élue et de conseils législatifs et exécutifs nommés par le gouverneur, représentant la couronne britannique dans la colonie. La population bas-canadienne, majoritairement francophone et catholique, se retrouve vite en position avantageuse dans l'Assemblée législative, mais est peu ou pas du tout représentée dans les conseils législatifs et exécutifs. Les membres des conseils seront majoritairement issus de la classe dirigeante, composée de riches marchands, de juges et de militaires britanniques, qui se constituera en parti politique minoritaire dans la chambre élective.
De 1800 à 1837, l'Assemblée législative entrera en conflit avec l'établissement colonial sur pratiquement toutes les questions d'intérêt collectif. Le Parti canadien, parti majoritaire, se donne une politique visant à réformer les institutions politiques du Bas-Canada. La politique constitutionnel du parti, résumée dans les 92 résolutions de 1834, réclame l'électivité du conseil législatif ainsi que le redressement des nombreux griefs passés.
Le mouvement réformiste obtient l'appui de la majorité des représentants francophones, mais également celui de plusieurs libéraux anglophones. Un nombre important de chefs réformistes et patriotes étaient d'origine britannique ou irlandaise, dont John Neilson, Wolfred Nelson, Robert Nelson, Edmund Bailey O'Callaghan, Daniel Tracey, Thomas Storrow Brown.
Deux courants existaient au sein des réformistes du Parti canadien. Le premier courant, jugé modéré, était composé de citoyens admirant les institutions britanniques et souhaitant que le Bas-Canada ait un gouvernement plus responsable envers les représentants du peuple. Le second courant, jugé plus radical, était composé de citoyens pour qui l'attachement aux institutions britanniques était plutôt conditionnel et ceux-ci admiraient secrètement ou ouvertement les institutions républicaines des États-Unis et de la France.
Nationalisme clérical
Même s'il continue à être défendu et promu jusqu'au début de vingtième siècle, le nationalisme libéral issu des idées révolutionnaires américaines et françaises commence graduellement à décliner après 1841, c'est-à-dire après l'Union des Canadas qui place l'ancienne majorité franco-catholique du Bas-Canada en état d'infériorité dans un Canada-Uni, et se retrouve bientôt en position marginale face à un nationalisme libéral plus modéré qui s'accommode de l'impérialisme britannique et encore plus face à l'ultramontanisme du clergé catholique.
La monté en puissance d'un nationalisme catholique, qui dominait encore la société québécoise jusqu'aux années 1950, marqua profondément la pensée politique du Canada français pendant tout un siècle. La censure d'essentiellement toutes les idées et la littérature du siècle des Lumières, des communautés libérales et scientifiques de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne, affecta sévèrement ce qui est aujourd'hui considéré comme le développement social, économique et culturel normal du Québec.
En opposition avec les premiers nationalistes, les ultramontains rejetèrent l'idée que le peuple est souverain et que l'Église et l'État doivent être séparés. Ils ont accepté l'autorité de la couronne britannique au Canada, ont défendu sa légitimité et ont prêché l'obéissance à la domination britannique. Pour les ultramontains, le destin des Canadiens français était de survivre en défendant leur religion catholique et leur langue française. Cette idéologie de la survivance ne sera sérieusement ébranlée qu'après la Seconde Guerre mondiale.
Nationalisme contemporain
Depuis la Révolution tranquille, les Canadiens français du Québec se nomment «Québécois», afin de souligner leurs différences culturelles et historiques.
La culture québécoise évolue, et on en voit la mesure avec des auteurs tels que Michel Tremblay et Jacques Ferron, ou certains chanteurs tels que Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois et les chanteuses Pauline Julien, Louise Forestier et Diane Dufresne. Une identité propre se développe au Québec.
Un sujet ayant occupé une place importante de la politique québécoise et canadienne depuis la conquête anglaise a été, et reste toujours, la possible indépendance du Québec par rapport au reste du Canada.
Dans les travaux des chercheurs, notamment chez Christophe Traisnel dans une thèse comparant Québec et Wallonie, il y a une distinction entre le nationalisme québécois classique et le néonationalisme ou nationalisme de contestation.
Reconnaissance de la nation québécoise
Divers évènements historiques ont amenés de fait à la reconnaissance de la nation québécoise. Dans le Renvoi sur une opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution[1], en 1982, la Cour suprême du Canada en énonce d'ailleurs certains qui ont amenés à la reconnaissance implicite du Québec en tant que société distincte.
Plus récemment, en 2003 et 2006, l’Assemblée nationale du Québec ainsi que la Chambre des communes du Canada ont respectivement adopté une résolution reconnaissant la nation que forment les Québécois, quoique sous une formulation et en des circonstances différentes[2],[3].
En novembre 2006, le premier ministre canadien Stephen Harper dépose une motion visant à reconnaître « que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni »[4]. Elle fut acceptée par 266 voix contre 16 le 27 novembre 2006[5]. Elle vient par ailleurs en réponse à une motion bloquiste rejetée par 233 voix contre 48[6].
Alors que la portée et le sens du vocable « Québécois » désigne en français toutes personnes résidant au Québec, la version anglaise de la motion adopta ce même terme, mais sous-entendant probablement, selon sa définition anglaise, une distinction entre le sens ethnique (Québécois) et étatique (Quebecker)[7]. Cependant, dans le contexte d'une version anglaise, cela crée une ambiguïté dans son interprétation.
- « Son utilisation, au sein d’une phrase anglaise, peut très bien signifier qu’on a tout simplement voulu employer la langue commune des Québécois pour nommer la nation québécoise, [dans un sens étatique], plutôt que la langue maternelle d’une des minorités qui se trouvent au Québec. Et si le mot « Québécois » devait pouvoir receler un second sens dans le contexte de la version anglaise, il faudrait, selon les règles d’interprétation, retenir le sens non ambigu qu’il a dans la version française. Comme l’a bien dit M. Harper, [en son titre de premier ministre dont les discours sont subordonnés à la Constitution], il n’appartient pas au Parlement fédéral de définir la nation québécoise mais bien à l’Assemblée nationale. Or, pour cette dernière, sont Québécois toutes les personnes qui résident au Québec et qui se considèrent telles »[8].
Suite à cette motion, bien qu'un sondage révèle que 70 % des Canadiens (77 %, en excluant le Québec) rejettent l’idée selon laquelle les Québécois forment une nation, les députés de la Chambre des communes du Canada sont légalement des représentants de leur circonscription électorale et à ce titre, le partage des votes en chambre représente la volonté de la majorité canadienne. Pour leur part, les Québécois francophones sont majoritairement en accord avec la notion de nation québécoise, avec 71 % d’approbation[9],[10],[11],[12], soit près de 57% de la population totale du Québec[13].
Une reconnaissance internationale de la nation québécoise s'est par ailleurs effectuée, de fait, à l'instant même où le Canada l'a reconnue. Ainsi, implicitement par la cohérence de leur système juridique, les premiers pays à reconnaître la nation québécoise sont essentiellement ceux partageant les principes fondamentaux de la common law, à savoir l'Australie, les États-Unis, l'Inde, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, etc.
Pendant la campagne électorale de l’élection fédérale canadienne de 2008, le premier ministre Stephen Harper a déclaré, à Chicoutimi (Saguenay–Lac-Saint-Jean, Québec), qu’il était normal d’être nationaliste lorsque l’on fait partie d’une nation. Il a aussi précisé que les Canadiens anglais devaient respecter ce fait historique et a aussi tenu à rappeler qu’il évoquait la nation québécoise dans ses discours, tant au Québec qu’ailleurs au Canada[14].
Le 17 octobre 2008, lors de la première allocution d'un président français en exercice à l'Assemblée nationale du Québec, Nicolas Sarkozy a utilisé l'expression « nation québécoise » pour désigner le Québec[15].
Rapports avec d'autres idéologies
Le nationalisme québécois inclut les six composantes du kémalisme, soit :
- Républicanisme : le désir de fonder une république libre et souveraine
- Populisme : interventions fréquentes au nom du peuple québécois
- Laïcisme : affirmation de la séparation de l'Église et de l'État, volonté de rupture avec la grande noirceur
- Révolutionnisme : rappel du rôle majeur de la révolution tranquille
- Nationalisme : Volonté d'affirmer que le Québec est une nation (cf déclaration Harper à la Chambre des communes)
- Étatisme : Importance du gouvernement et des fonctionnaires dans la vie publique [1]
De plus, on peut aussi parler de l'influence du syndicalisme, de l'écologisme, du féminisme dans la province.
Notes et références
- ↑ Renvoi sur l’opposition du Québec à une résolution pour modifier la Constitution, (1982) 2 R.C.S. 793, Cour suprême du Canada, 6 décembre 1982.
- ↑ « La Chambre reconnaît la nation québécoise », Radio-Canada,28 novembre 2005.
- ↑ Résolution de l’Assemblée nationale du Québec, 30 octobre 2003 [pdf]
- ↑ Canada.Chambre des communes du Canada (27 novembre 2007)Feuilleton et feuilleton des avis, n° 87. Page consultée le 16 août 2007.
- ↑ Canada. Chambre des communes du Canada. Hansard révisé • Numéro 087. 39elégislature, 1re session, vote n° 73 . Page consultée le 16 août 2007.
- ↑ Canada. Chambre des communes du Canada. Hansard révisé • Numéro 087. 39elégislature, 1re session, vote n° 74. Page consultée le 16 août 2007.
- ↑ Version anglaise de la motion sur la reconnaissance de la nation québécoise.
- ↑ La motion Harper : peu mais tout de même pas rien, Le Devoir, samedi 2 décembre 2006.
- ↑ Le pays rejette en bloc l’idée que le Québec est une nation », La Presse (Montréal), 28 novembre 2006
- ↑ Hélène Buzzetti,« La nation divise le pays ! », Le Devoir, samedi 11 novembre 2006.
- ↑ Charles Taylor, Rapprocher les solitudes. Écrits sur le fédéralisme et le nationalisme au Canada, 141 p.
- ↑ Sondage Crop, 6 décembre 2006
- ↑ Rencensement de 2006 : la population québécoise est francophone à plus de 80%.
- ↑ « Entrevue exclusive — Les conservateurs ouvrent la porte aux nationalistes », Cyberpresse, 20 septembre 2008.
- ↑ Assemblée nationale du Québec, Cérémonie protocolaire à l'occasion de la visite officielle du président de la République française, M. Nicolas Sarkozy,consulté en ligne le 28 décembre 2008.
Bibliographie
En français
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- Michel Seymour. « Un nationalisme non fondé sur l'ethnicité », dans Le Devoir, 26-27 avril 1999
- Michel Seymour. « Une nation peut-elle se donner la constitution de son choix? », dans Philosophiques, Numero Spécial, Vol. 19, No. 2 (Automne 1992)
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Anglais
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- Will Kymlicka. « Quebec: a modern, pluralist, distinct society », in Dissent, American Multiculturalism in the International Arena, Fall 1998, p. 73-79
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Voir aussi
Liens internes
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