Jacques Ferron

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Jacques Ferron (20 janvier 1921 à Louiseville, Québec, Canada - 21 avril 1985 à Longueuil, Québec, Canada) était un écrivain, un dramaturge, un médecin, un journaliste et un homme politique canadien (québécois). Au Québec, il est surtout connu pour son œuvre écrite, qui mêle politique, médecine et humour.

Sommaire

Biographie

Il est né dans le comté de Maskinongé qui deviendra un des hauts lieux de sa géographie intime et littéraire. Après la mort de sa mère, il vit surtout en compagnie de femmes, auprès des Filles de Jésus du Jardin de l'Enfance de Trois-Rivières. Il fait son cours classique au Collège Jean-de-Brébeuf où il apprécie l'enseignement du père Robert Bernier. Il se lie à Pierre Baillargeon, rencontre Pierre Laporte et Pierre Elliott Trudeau. À deux occasions, il sera expulsé de ce collège, dirigé par les Jésuites. « Moraliste précoce et précieux, timide, grand seigneur, aisément narquois », Ferron écrit déjà « admirablement bien », se rappelle Pierre Vadeboncœur[1].

À l'Université Laval, il prête le serment d'Hippocrate et devient médecin en 1945 : « Ce sera le médecin qui entretiendra l'écrivain. Je serai mon propre mécène[2]. » Enrôlé dans les Forces armées canadiennes, il reçoit sa formation militaire dans plusieurs bases du Canada. Finalement, il se retrouve au camp de Grande-Ligne, « partagé entre les prisonniers allemands et les Olds Vets qui les gardaient, neutre comme un bon Québécois[3]. »

À sa démobilisation, plutôt que d'exercer une carrière aisée à la ville, il s'installe pour deux ans à Petite-Madeleine en Gaspésie. En 1949, il s'établit près de Montréal, à Ville Jacques-Cartier (municipalité annexée à Longueuil depuis), où il est consterné par la situation linguistique et par la détérioration du français qui se décompose au contact de l'anglais. Bien que sa pratique se déroulera par la suite principalement en banlieue de Montréal, la Gaspésie occupe une place de choix au sein de son œuvre.

Dans les années qui suivent, le militant pacifiste sympathise avec les idées socialistes, rencontre les opposants au régime duplessiste et les futures têtes d'affiche du mouvement indépendantiste. Par l'intermédiaire de sa sœur Marcelle Ferron, il connaîtra aussi le groupe des Automatistes de Paul-Émile Borduas.

Ses historiettes et ses lettres aux journaux se multiplient, mêlant politique, histoire et littérature. Entre les petites gens qui visitent le médecin et la vie publique de l'écrivain militant, une œuvre prend forme lentement.

Les contes qui ont fait sa réputation sont écrits durant la période de réveil, de transition qui couvrent la fin des années 1950 (Contes du pays incertain), le milieu des années 1960 (contes anglais) jusqu'au début des années 1970 (contes inédits), et montrent bien que Ferron fut « le dernier d'une tradition orale, et le premier de la transcription écrite[4]. »

Écriture prolifique, grandes œuvres, genres multiples, critiques favorables, prix littéraires, les années 1960 reconnaissent et consacrent l'écrivain. Mais entre l'auteur du Ciel de Québec et le futur négociateur et démystificateur de la crise d'Octobre québécoise, entre l'écrivain et l'homme public, fondateur et chef du Parti Rhinocéros, il y a une sorte de malentendu : « Ah ! vous nous faites rire, fait-il dire à ses lecteurs, et parce qu'ils riaient, j'ai eu droit à un laissez-passer d'humoriste. Je m'en suis beaucoup servi pour aller à ma guise[5]. »

Risque et ambiguïté de l'engagement, bien sûr, mais aussi de l'ironie ferronienne avec laquelle il imagina son « pays incertain ». Paradoxe d'autant plus significatif que cette reconnaissance quasi unanime survient au moment où, après deux contrats professionnels dans des hôpitaux psychiatriques et une crise personnelle assez grave, il comprit «que la politique était secondaire et que primait le rapport du moi et des autres.» (ibid.)

À partir de 1973, Ferron se consacre à un grand livre sur la folie, le Pas de Gamelin, jamais complété, d'où sortiront ses derniers livres et des «contes d'adieu». On y retrouve la maîtrise du faiseur de contes et l'incertitude emblématique du mécréant: « Aurais-je vécu dans l'obsession d'un pays perdu? Alors, Seigneur, je te le dis: que le Diable m'emporte[6]. »

Il est le frère de l'écrivaine Madeleine Ferron (1922-2010), du médecin et humaniste Paul Ferron (1926-10 août 2007) et de la peintre Marcelle Ferron (1924-2001)[7],[8].

Ferron est mort d'un arrêt cardiaque[réf. souhaitée] en 1985 à son domicile de Saint-Lambert, Québec, alors âgé de 64 ans.

Boutures et subversion: l'œuvre de Ferron

Une partie des œuvres narratives de l'auteur a été constituée par collage, rajout ou modification de textes déjà parus seuls (La nuit deviendra par exemple Les confitures de coings) ou dans L'Information médicale et paramédicale qui sera d'ailleurs le banc d'essai de plusieurs des contes et des fictions courtes. Le lectorat des premières années se révèle ainsi mixte et bigarré, puisque nous avons les médecins d'un côté, gens d'une culture libérale et classique, mais prenant rarement la plume, et les écrivains professionnels de l'autre, poètes, romanciers et dramaturges de "l'âge de la parole" et acteurs de la grande aventure de la quête identitaire de la fin des années cinquante et du début des années soixante. L'œuvre se veut mineure, par l'aveu même de Ferron, et se déploie de manière baroque, autant par la forme (théâtre, essai, roman, conte, historiettes), la situation éditoriale (Ferron sera le premier à publier chez Orphée, maison d'édition artisanale, tout en publiant dans une revue médicale) que par le discours : très souvent polémique, il va très souvent à contre-courant de l'idéologie institutionnelle sans jamais être dénué de finesse ou d'invention. Le cas de Saint-Denys Garneau se révèle être un des meilleurs exemples de ce motif. En effet, Ferron écrit un véritable réquisitoire contre Orphée, avatar de Saint-Denys Garneau, dans Le ciel de Québec, faux martyr de la littérature canadienne-française d'entre les deux guerres.

Attention: cette partie révèle des informations sur l'histoire de certains textes

Néanmoins, la critique ne porte pas sur l'écriture du poète, bien qu'elle soit également qualifiée d'œuvre mineure (tout comme celle de Ferron lui-même d'ailleurs: aurait-il là une salutation cachée?), mais sur la personne publique : pour Ferron, l'écrivain n'est pas seulement écrivain, il est d'abord et avant tout un homme de terrain, un homme dont l'action littéraire vient compléter l'action réelle et non pas s'y substituer. On comprend alors l'importance de ce personnage dans l'économie du roman puisque celui-ci représente l'archétype de l'écrivain professionnel. Bourgeois et parvenu, se targuant de descendre du célèbre historien Garneau, tout en juxtaposant au nom de l'illustre aïeul une particule nobilisante acquise le siècle auparavant, Orphée mène une existence d'ermite, de reclus à la suite de la publication de sa plaquette en 1937. Le poète s'oppose ainsi à Mithridate III du Saint-Élias dont l'occupation principale est la médecine ou encore à Frank-Anacharsis Scot dont il est le double. Seulement, ce dernier réussira à s'enquébecoiser, à être l'illustration du métissage culturel et littéraire qui plaît tant à Ferron, alors que les entreprises d'Orphée se solderont par l'échec. L'association que fait le texte entre François et Rédempteur Fauché n'est pas innocente: le texte opère une polarisation entre la vie et la mort. François, est associé à l'enfant, à la vie, au mouvement vers l'avenir, alors que pour sa part, Orphée, est couplé à la mort, à la décadence d'une classe qui n'a plus sa place avec la fin du XIXe siècle et au regard en arrière (regard qui damne d'ailleurs Eurydice à l'Enfer et qui provoquera le suicide du docteur Cotnoir).

Distinctions

Œuvres

Romans

  • L'Amélanchier, Montréal, Éditions du Jour. 1970. 162 pages.
  • Le Ciel de Québec, Montréal, Éditions du Jour. 1969. 404 pages.
  • Le Saint-Élias
  • Les Confitures de coings
  • La Chaise du maréchal ferrant
  • La Charrette
  • Le Salut de l'Irlande
  • Contes anglais et autres
  • La Conférence inachevée
  • Escarmouches
  • Pas de Gamelin
  • Les Roses sauvages, petit roman suivi d'une lettre d'amour soigneusement présentée

Pièces de théâtre

  • Les Rats (1947)
  • La Mort de monsieur Borduas (1949)
  • Le Dodu (1950)
  • Tante Élise ou le prix de l'amour (1955)
  • Le Cheval de Don Juan (1957)
  • Les Grands Soleils (1958)
  • La Tête du roi (1963)
  • L'Impromptu des deux chiens
  • L'ogre (1949)

Chroniques, historiettes, essais

  • Chroniques littéraires 1961-1981 (2006)
  • La Charrette des mots (2006)

Notes et références

  1. Pierre Vadeboncœur, « Dix lettres de Jacques Ferron » in Études littéraires, p. 105
  2. Gaspé-Mattempa, p 43
  3. ibid., p. 10
  4. Le Mythe d'Antée in Escarmouches, vol. 2, p. 34
  5. (Faiseur de contes, ibid., p. 29)
  6. Jacques Ferron, « Les Deux Lys » in Conférence inachevée, p. 222
  7. Le Devoir. Décès du Dr Paul Ferron. Le 22 août 2007.
  8. Gauvreau, Luc. Décès du médecin Paul Ferron (1926-2007). Le 20 août 2007.

Annexes

Bibliographie

  • Reproduction autorisée par l'auteur
  • Betty Bednarsky, Lire une littérature, Québec : Université Laval, 1986, 135 p. (thèse de doctorat en études littéraires)
  • Michel Biron, « Jacques Ferron : la fête de la littérature » in L’absence du maître : Saint-Denys Garneau, Ferron, Ducharme, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2000, p. 99-182.
  • Pierre Cantin, Jacques Ferron polygraphe. Essai de bibliographie suivi d'une chronologie, Bellarmin, 1984, 548 p.
  • Isabelle Lemire, L’évolution de la figure du lecteur dans Le ciel de Québec de Jacques Ferron. Étude sociopoétique, mémoire de maîtrise en études littéraires, Québec, Université Laval, 1999, 188 f.

Liens externes


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