Symphonie nº 8 de Bruckner

Symphonie nº 8 de Bruckner
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Commencée en 1884, dès l'achèvement de sa 7e symphonie et dans l'euphorie du succès remporté par celle-ci, la Symphonie n°8 en ut mineur aura une histoire difficile. Terminée d'abord en 1887, son rejet par Hermann Levi qui avait pourtant eu un rôle déterminant dans le triomphe de la Septième et qui ne la comprend pas faillit mener Bruckner, rarement aussi satisfait de lui-même, jusqu'au suicide, tant dans son esprit sa nouvelle partition représentait un absolu aboutissement. Retravaillée pendant deux ans encore, la symphonie connut un très grand succès lors de sa création à Vienne le 18 décembre 1892 par l'Orchestre Philharmonique sous la direction de Hans Richter, des critiques la qualifiant même de symphonie des symphonies ou sommet de la symphonie romantique.

Par la démesure de ses dimensions et la profondeur de sa vision, la Huitième est considérée par certains comme étant le sommet de la symphonie, et le couronnement et l'épilogue de toute l'aventure humaine à l'aube d'un nouveau siècle.

Sommaire

Instrumentation

L'instrumentation est légèrement modifiée suivant les versions. Dans la version de 1890 la symphonie demande en plus d'un grand orchestre de cordes trois flûtes traversières, trois hautbois, trois clarinettes, trois bassons (dont un contrebasson) ; et comme cuivres : quatre cors, trois trompettes, trois trombones, un tuba et quatre tubas wagnériens, ainsi que cymbales, timbales, trois harpes et un triangle. L'exécution de la Symphonie dure, selon les versions, les chefs et sauf exception, entre 75 et 85 minutes, ce qui en fait la plus longue de Bruckner.

Mouvements

La symphonie est en quatre mouvements, le cœur étant constitué par l'association des deux derniers mouvements, colossaux, Adagio et Finale. C'est sans doute pour créer cette union extraordinaire que Bruckner, suivant l'exemple de la Neuvième Symphonie de Beethoven, a inversé l'ordre traditionnel des mouvements en permutant le Scherzo et l'Adagio.

I. Allegro moderato

Le premier mouvement, à l'atmosphère sombre et presque funèbre, se terminait dans la version originale par un fortissimo ; dans les versions suivantes cette coda a été supprimée, le mouvement s'achèvant ainsi sur un lent decrescendo au caractère de glas menaçant qui renforce sa vision pessimiste.

II. Scherzo. Allegro moderato - Trio. Langsam

Le Scherzo, vif et enjoué, est censé dépeindre la figure populaire du Deutscher Michel, le bon paysan germanique, d'après le programme imagé que Bruckner a donné a posteriori sur l'insistance de ses amis et élèves, notamment Franz Schalk. Le thème est celui de la partie de pédalier du prélude pour orgue en ut majeur de Georg Böhm : chez Bruckner, l'organiste n'est jamais loin !

Dans la version de 1887 le trio est accompagné par des trilles des violons, et, dans les versions ultérieures plus mélodiques, par des arpèges de harpe.

III. Adagio. Feierlich langsam, doch nicht schleppend

L'Adagio, dont le thème avait été trouvé « dans l'œil d'une jeune fille », disait Bruckner, a la forme d'une quête méditative intérieure, tendue vers un idéal inaccessible. L'accompagnement du premier thème est basé sur le rythme brucknérien typique "2 + 3".

Dans la version de 1887, un beau passage solo des tubas wagnériens suivi par les bois et des arpèges de harpe, qui précédait la réexposition du second thème, a malheureusement été supprimé dans les versions suivantes.

Le climax du mouvement, ponctué dans la version de 1887 par six coups de cymbales, ne l'est plus que par deux dans la version de 1890. Le mouvement se termine en pianissimo par le premier motif que seuls les cuivres (cors et tubas wagnériens) chantent encore.

IV. Finale. Feierlich, nicht schnell

Le Finale, d'une puissance écrasante, sonne comme une résolution après la longue méditation. Le début en trois vagues représente, dit-on, une rencontre récente entre les empereurs d'Allemagne, de Russie et d'Autriche-Hongrie (la symphonie est d'ailleurs dédiée à François-Joseph Ier d'Autriche). Ceci étant et nonobstant la dédicace (qui, contrairement à celle de sa fameuse Neuvième, "dédiée au bon Dieu", ne nous renseigne pas le moins du monde sur son intention), cette description serait certainement très réductrice des messages que tout un chacun peut entendre dans cette Oeuvre.

La coda foudroyante qui le conclut, avec la reprise des principaux thèmes de chaque mouvement, renforce cette idée d'ultime aboutissement de la Symphonie, au moment où celle-ci commence à se déconstruire et où émergent de nouvelles formes. Une mauvaise interprétation de cette fin monumentale a fait accoler parfois à la symphonie le surnom, tout à fait apocryphe, d'Apocalyptique ; le terme pourrait à la rigueur être gardé dans son sens originel de révélation, plus proche du message brucknérien.

Versions

Comme beaucoup d'autres symphonies de Bruckner, la Huitième est connue par plusieurs versions qui posent problème :

  • La version originale de 1887. Celle refusée par Levi, elle représente le matériau brut. Certains chefs, comme Eliahu Inbal, en l'enregistrant, ont voulu en quelque sorte revenir aux sources de Bruckner, mais il apparaît que les versions suivantes offrent de réelles améliorations - en particulier un trio plus mélodique et un climax de l'adagio plus puissant - voulues par le compositeur lui-même et donc incontournables.
  • La version de Robert Haas de 1890, publiée en 1939. C'est pourtant la version la plus souvent enregistrée et elle garde la faveur de nombreux chefs et mélomanes. Il a été longtemps considéré qu'elle était une tentative de synthèse entre la version originale et celle de 1890 de Nowak, en rajoutant par exemple dans l'Adagio plusieurs mesures figurant dans la première mais supprimées par la suite. Fondée sur le postulat que les deux dernières versions ne représentent pas la véritable volonté de Bruckner influencé par ses proches, elle a été longtemps rejetée par les spécialistes. Cependant, lorsque les manuscrits autographes ont été ultérieurement réanalysés, il est apparu que les passages, que Haas avait soi-disant repris de la version antérieure, étaient en réalité simplement rayés dans la version ultérieure, et que Bruckner avait par ailleurs écrit dans une lettre adressée au chef d’orchestre Felix Weingartner, qu’il espérait que les passages qu’il avait rayés apparaîtraient "valides pour la postérité"[1].
  • La version de Leopold Nowak de 1890, publiée en 1955. Il rejeta les idées et retouches de Haas, et publia la version considérée comme la plus authentique. Elle est aujourd'hui à la base de la nouvelle édition critique définitive préparée par Paul Hawkshaw pour la Société Internationale Bruckner (en préparation).
  • La version dite de Franz Schalk. Première version publiée en 1892, elle contient de légers changements dont on ne sait dans quelle mesure ils sont du compositeur ou non.

Discographie

Parmi la vaste discographie de cette symphonie, voici quelques-uns des chefs qui l'ont enregistrée plusieurs fois :

  • Eugen Jochum a enregistré l'œuvre trois fois. Sa première version, en 1949 avec le Philharmonisches Staatsorchester Hamburg, est devenue légendaire, malgré le son vieilli. Sa deuxième, en 1964 avec l'Orchestre philharmonique de Berlin, est sans doute moins réussie. La troisième enfin, en 1976 avec la Staatskapelle de Dresde, est souvent considérée comme excellente.
  • Herbert von Karajan l'a enregistrée de très nombreuses fois, en concert et en studio. Les deux les plus appréciées sont celle en studio de 1975 (DG) avec Berlin, puissante et directe, mais souffrant d'une prise de son manquant de relief ; et sa dernière de 1988 (DG) avec Vienne, qui est sans doute plus humaine et plus humble, mais avec peut-être moins d'énergie.
  • Günter Wand l'a lui aussi enregistrée à plusieurs reprises. Les trois plus notables sont celle de 1979 avec Cologne, celle en public à Lübeck de 1988, et enfin celle de 2001 avec Berlin, magnifiquement réalisée avec un soin particulier tant sur le plan de la qualité du son de l'orchestre et de l'enregistrement que sur le plan du souci de la compréhension globale de la forme.
  • Karl Böhm l'a enregistré à de multiples reprises notamment avec l'orchestre philharmonique de Vienne et le méconnu Orchestre de la Tonhalle de Zurich, cette dernière version live étant la plus réussie.
  • De Sergiu Celibidache, il existe également plusieurs enregistrements. Le dernier (avec l’orchestre philharmonique de Munich), enregistré en "live" au Japon, est d’une grandeur écrasante et dépasse en durée tous les autres enregistrements disponibles (105 minutes, soit 20 de plus que la moyenne). Cette durée exceptionnelle n'efface en rien la fougue de l'ouvrage et lui confère une grâce nouvelle et peu commune, comme beaucoup de versions dues au grand Celibidache...
  • De Wilhelm Furtwängler enfin, il nous reste quatre enregistrements de qualité malheureusement inégale. La version la plus vivante et la mieux réussie est celle avec la Philharmonie de Vienne en 1944 ; mais celle du 14 mars 1949 (avec la philharmonie de Berlin) est plus structurée, plus rationnelle dans sa construction. Celle du lendemain souffre d'une prise de son moyenne et de bruits parasites envahissants. Enfin celle de 1954 est à éviter : l'interprétation manque de tension et l'acoustique est peu soignée. Il est cependant intéressant de noter que Furtwängler y utilise la partition Schalk au lieu de l'habituelle Haas.
  • Il faut enfin mentionner l'exécution par l'Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise sous la baguette de Rafael Kubelík - successeur d'Eugen Jochum à ce poste - de 1977 (BR Klassik). Bien que moins connue sans doute que ses devancières, et ce malgré le renom du chef d'orchestre tchèque, cette interprétation (basée évidemment sur l'édition Leopold Nowak) gagne à être écoutée - le mouvement lent en particulier, qui constitue peut-être la meilleure interprétation tous enregistrements confondus de l'Adagio de la 8e.

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