- Symphonie nº 2 de Bruckner
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Dans la même tonalité que la Première symphonie, mais plus claire, plus aérée, plus retenue aussi (elle fut surnommée Symphonie de la Haute-Autriche par August Göllerich, premier biographe de Bruckner), la Deuxième symphonie en ut mineur (A 93), fut écrite principalement à Vienne à partir de 1871 (les esquisses en furent tracées à Londres lors d'une tournée de concerts d'orgue), et terminée à Saint-Florian en septembre 1872. Des remaniements de détail auront lieu en 1873, 1875-1876, 1877 et 1892 : Scherzo en troisième position, coupures dans chaque mouvement, et, surtout, remplacement du remarquable solo de cor achevant l'Adagio (jugé d'exécution trop difficile à l'époque !) par un solo de clarinette. Beaucoup de chefs d'orchestre, à présent, rétablissent fort heureusement ce solo de cor, - ainsi que les coupures "ad libitum" (et les reprises du Scherzo, qui avaient subi le même sort).
Telle quelle, la Deuxième symphonie - symphonie de transition, comme la deuxième symphonie de Beethoven - ne jouit pas de la même audience que ses cadettes, ni même que son aînée. La forme s'agrandit, l'organisation s'approfondit (les mouvement extrêmes comportent des motifs communs), et l'équilibre générale de l'œuvre s'impose avec plus d'évidence que dans la symphonie précédente. Liszt, à qui la Symphonie n°2 fut dédiée et qui s'en montra fort "enthousiasmé", s'efforça aussitôt, mais en vain, de la faire jouer; la création n'interviendra que le 26 octobre 1873 à Vienne, sous la direction du compositeur; et ce sera le succès.
Sommaire
Orchestration
Effectif orchestral : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons; 4 cors, 2 trompettes; 3 trombones; timbales; les cordes
Durée d'exécution (version initiale de 1872) : 70 minutes environ.
Analyse
Les quatre mouvements sont Moderato, Scherzo, Andante et Finale.
1. Moderato
Indiqué Ziemlich schnell, "assez vite" : c'est sur un trémolandos de sextolets, sur accords d' ut mineur (violons et altos), que se fait entendre le thème principal confié aux violoncelles; mélodie prégnante, sur de brefs appels de cors. La trompette soulignera un rythme de base (le typique "2 + 3", qu'on retrouvera entre autres dans les sixième et huitième symphonies), pointé sur la note ut; et le thème, harmoniquement enrichi, subira quelques transformations avant de s'éteindre dans un pianissimo des clarinettes, des bassons et des cors. Trois légers battements de timbale : une pause générale précède l'énoncé d'un second thème superbement chantant, à nouveau par les violoncelles, dans la tonalité de mi bémol majeur (relatif de l'ut mineur initial). Bref crescendo, avant un autre appel des cors; puis la mélodie calme, intériorisée, du troisième thème (flûtes, clarinettes et hautbois), - sujet lui aussi à plusieurs transformations. De nouveau, une pause de l'orchestre : un solo de cor introduit le développement dont s'accuse la dimension épique. Lors de la réexposition, les violoncelles proposent encore le thème principal; retour des autres thèmes selon leur présentation initiale, avant un nouveau silence que brise la coda - dans le tempo primo - conclue par un tutti héroïque d'ut mineur, que scandent rythmiquement les trompettes.
2. Scherzo
Marqué Schnell, "rapide" : rythmé à 3/4, très terrestre, "terrien", - tandis que la charmant trio prend l'allure d'un Ländler parfois rêveur (les altos, puis seconds violons, clarinettes et violoncelles). Ensuite reprise du Scherzo, suivie d'une puissante coda, comme dans la première symphonie, la version de 1877 de la troisième symphonie et la première version de la quatrième symphonie.
Ce mouvement sera placé en troisième position dans les versions ultérieures.
3. Andante
Indiqué Feierlich, etwas bewegt, "solennel, un peu animé", il est une illustration parfaite de la manière dont Bruckner élabore un mouvement de symphonie en nourrissant le matériau thématique de figurations mélodiques et harmoniques. Ton méditatif du thème principal aux premiers violons, - repris par les autres cordes. Belle idée secondaire au hautbois. Le cor solo amène un nouveau thème d'un grande expressivité, - tel un choral ponctué par le pizzicato des cordes. Ce thème est habilement combiné avec le premier par l'entremise d'un solo de basson. Bref et calme intermède des cordes, avant une réminiscence du Bénédictus de la Messe en fa mineur (crée la même année - 1872 - que l'achèvement de la présente symphonie) : In nomine Domini, - citation orchestrale quasi textuelle du chant à la gloire de Dieu... Tout s'évanouira dans l'extrême douceur - triple piano - avec le fameux solo de cor dans la version de 1872 (jugé injouable par les musiciens de l'époque et remplacé par une clarinette et les altos lors de la première de 1873), les cordes jouant avec sourdines.
Ce mouvement sera placé en deuxième position dans les versions ultérieures.
4. Finale
Moderato indiqué Mehr schnell, "plus rapide" : à 3/4, et en ut mineur. Il est construit, comme le Moderato initial, sur trois thèmes. Les deux mouvements entretiennent d'ailleurs des relations thématiques marquées, en particulier par la résurgence d'un ostinato dérivé du thème inaugurale de l'œuvre; ce thème lui-même reparaît au cours du développement, et figurera dans la coda. La base rythmique constitue un autre élément d'unification, notamment dans la péroraison finale. De même remarquera-t-on les transformations tonales parentes de celles du mouvement introductif : au la bémol majeur de départ se substitue, avec le second thème, un la majeur qui évoluera vers mi bémol..., avant la conclusion en ut majeur. C'est donc un semblable souci d'organisation, parfois un peu voyant, - avec, cette fois, deux citations du Kyrie de la Messe en fa mineur - qui a présidé à l'architecture de ce dernier mouvement; par là même de l'œuvre entière. On regrettera seulement certain "fouillis" de la thématique, trop riche sans doute, et trop fragmentée, - donnant à penser que le compositeur malgré la rigueur de ses intentions, n'a pas complètement dominé leur traduction musicale.
Discographie
Les enregistrement les plus anciens, mais également celui Ricardo Chailly avec l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amsterdam et ceux de Bernard Haitink, sont basés sur la « version mixte 1872-1877 » (considérée par Nowak comme inauthentique) de Robert Haas.
Les enregistrements plus récents sont basés en général sur la version de 1877, éditée par Leopold Nowak, notamment :
- Eugen Jochum avec l'Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise en 1966
- Carlo Maria Giulini avec les Wiener Symphoniker en 1974
- Herbert von Karajan avec l'Orchestre philharmonique de Berlin en 1981
- Eliahu Inbal avec l'orchestre symphonique de la radio de Francfort en 1988
William Carragan a réédité la « version Haas » de 1877, qui s'est dans l'intervalle avérée conforme aux souhaits de Bruckner[1].
Cette réédition a été enregistrée par Daniel Barenboim avec la Philharmonie de Berlin en 1997.Quelques enregistrements les plus récents sont basés sur la version originale de 1872, éditée par William Carragan, notamment :
- Georg Tintner avec le National Symphony Orchestra of Ireland, Naxos, 1996
- Simone Young avec la Philharmonie de Hambourg, BMG SACD BVCO37439, 2006
- Ricardo Chailly avec l'orchestre du Gewandhaus de Leipzig, Harvest Classics, 2007
Les versions intermédiaires de 1873 et 1876, qui ont été reconstituées par William Carragan, ont été enregistrées par Kurt Eichhorn en 1991.
Il existe un seul enregistrement de la version de 1892 par Hermann Scherchen avec l'Orchestre symphonique de Toronto en 1965.
Notes
Source
- François-René Tranchefort et al., Guide de la musique symphonique, Fayard 1986
Liens
Catégories :- Symphonie d'Anton Bruckner
- Symphonie en do mineur
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