Symphonie no 9 de Bruckner

Symphonie no 9 de Bruckner

Symphonie nº 9 de Bruckner

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La Symphonie n°9 en ré mineur est la dernière symphonie d'Anton Bruckner. Celui-ci devait d'ailleurs le pressentir, et la concevoir comme son œuvre ultime, puisqu'il la dédia symboliquement "à Dieu" ("dem lieben Gott"). Dans la Huitième symphonie, par son caractère d'épopée grandiose, Bruckner avait encore une conception sonore somptueuse et romantique de ses idées musicales et de son orchestration ; la Neuvième est par contre davantage tournée vers une esthétique rude et austère qui n'exclut pas cependant certains moments de lyrisme généreux et rassérénant ayant un rôle nécessaire de respiration et de pendant au sein d'une oeuvre dont le propos global est intensément métaphysique et eschatologique. Sans hésitation, on peut affirmer que la neuvième symphonie de Bruckner, tout comme sa cinquième symphonie, figure au rang des oeuvres symphoniques les plus intenses, magistrales et accomplies de toute l'histoire de la musique aux côtés de la sinfonia Eroica (n°3) ou la neuvième de Beethoven ou encore la neuvième symphonie de Gustav Mahler.

Commencée en 1887, aussitôt après l'achèvement de la Huitième, dans l'élan d'un mouvement créateur enthousiaste, la poursuite de la composition fut cependant longtemps retardée. En effet, le refus de la première version de la Huitième symphonie par le chef d'orchestre Hermann Levi, au-delà du choc moral qu'il représenta pour le compositeur, l'obligea à retravailler la symphonie en do mineur pendant encore trois années. Bruckner par ailleurs s'occupa aussi de la révision et de l'édition de plusieurs de ses symphonies précédentes, et composa deux autres œuvres d'envergure pour choeur et orchestre : le Psaume 150 (1892) et Helgoland (1893). Cela fut sans doute "fatal" au Finale de la Neuvième.

Cette symphonie demeura en effet inachevée, et ne fut jouée pour la première fois qu'en 1903 à Vienne par l'Orchestre Philharmonique sous la direction de Ferdinand Löwe sous une forme édulcorée et réorchestrée par le chef et ancien élève de Bruckner. Il est difficile de mesurer l'influence réelle qu'eut cette création en son temps. Il est certain en tout cas que l'œuvre ultime de Bruckner annonçait déjà beaucoup des audaces harmoniques et stylistiques du siècle qui s'ouvrait.

Sommaire

Instrumentation

La symphonie requiert le quintette d'un orchestre à cordes usuel, les vents sont au nombre de trois flûtes traversières, trois hautbois, trois clarinettes, trois bassons ; en ce qui concerne les cuivres : huit cors (en fa et en si bémol) - les cors n° 5 à 8 alternant avec 2 tubas wagnériens ténors et 2 tubas wagnériens basses), trois trompettes en fa, trois trombones (alto, ténor et basse), un tuba basse et des timbales.

Mouvements

La Neuvième Symphonie en ré mineur, conçue en quatre mouvements, n'a donc que trois mouvements achevés ; leur exécution dure, selon les chefs, entre 50 et 80 minutes (...) :

I. Feierlich, misterioso

Tout comme dans les autres symphonies, il s'agit d'une forme sonate "trithématique". L'oeuvre commence par une introduction lente et sombre, amenant le thème principal (Hauptthema, premier groupe thématique) par un crescendo tendu et acerbe. Le second groupe thématique est d'un caractère opposé, lyrique et lumineux dans le ton de la majeur. Le troisième groupe thématique est une sorte de marche hypnotique et inexorable dont les humeurs changent en permanence, alternant entre contemplation, tendresse et héroïsme. Le développement est tout d'abord mystérieux (retour des idées du début) pour gagner de plus en plus en tension jusqu'à un climax brutal se concluant par une sorte d'atmosphère recueillie de désolation (suspense de dominante, cordes sur roulement de timbale). Tout comme dans la 8ème symphonie (voire davantage), la coda est ici particulièrement rude et dissonante. Cette violence diffère fondamentalement du caractère affirmatif et triomphant des codas de la 4ème, la 5ème, la 6ème ou de la 7ème symphonie. D'une certaine manière, on pourrait dire qu'il y a bien moins de soleil dans la 9ème symphonie que dans ses autres oeuvres.

II. Scherzo. Bewegt, lebhaft - Trio. Schnell

Le Scherzo est, à nouveau comme dans la Huitième, en seconde position. Commençant par des pizzicati aux cordes et des enchaînements harmoniques particulièrement modernes pour l'époque. Il s'agit à la fois d'une danse infernale et d'une terrifiante course à l'abîme dont le caractère sauvage voire primitif semble préfigurer le Sacre du Printemps ou la Suite Scythe. Le Trio, en fa dièse majeur (ton inconfortable pour les cordes)est plus rapide et déluré que ceux des autres symphonies et baigne dans une atmosphère à la fois fantômatique et ironique.

III. Adagio. Langsam, feierlich

S'ouvrant par une large phrase dont le premier intervalle est une neuvième mineure, anticipant ainsi l'Adagio conclusif de la Neuvième symphonie de Gustav Mahler, pourtant écrite quelque vingt ans plus tard (!), cet Adagio est le cœur de l'œuvre. Le mouvement alterne entre méditation et angoisse où apparaît notamment aux quatre Wagner Tuben un choral de caractère funèbre surnommé par Bruckner Adieu à la vie (Abschied vom Leben). Cette profonde méditation culmine en une sorte de point de non retour (accord dissonant de neuf sons) pour se conclure dans une atmosphère irréelle, calme mais nullement apaisée. La plupart des concerts et enregistrements s'achèvent par ce mouvement lent et un certain nombre d'interprètes estime que l'œuvre prend un sens et une dimension particulière à se terminer ainsi. Cependant, une telle considération va à l'encontre de la volonté et du projet qu'avait le compositeur qui, malgré une santé mauvaise et inconstante, s'acharna durant les derniers mois de sa vie à mener à terme le Finale de la symphonie...

Le problème du Finale

Bruckner jeta ses dernières forces dans la composition de ce Finale et y consacra quasiment les deux dernières années de sa vie. Environ 75% du mouvement a été couché sur le papier (exposition - développement - réexposition) bien que l'orchestration soit incomplète en de nombreux endroits, le dernier bifolio (double page comportant 24 portées sur chaque face et servant à l'orchestration) s'arrête à la porte de la coda... Bruckner a-t-il totalement esquissé celle-ci ? Certains indices peuvent le laisser penser (datations et références manuscrites sur certains brouillons et bifolios). Selon le témoignage de Richard Heller, médecin de Bruckner, ce dernier lui aurait joué de larges extraits du Finale au piano, dont la coda entière, et ce vraisemblablement à l'automne ou l'hiver 1895. Malheureusement, un certain nombre des feuillets d'esquisse et de bifolios ont été chapardés et dispersés par ses élèves et exécutants testamentaires. Certains récemment ont même été retrouvés à Washington.

Peu de temps avant sa mort, comprenant qu'il ne parviendrait sans doute pas achever l'œuvre, Bruckner suggéra de jouer son Te Deum à la suite du troisième mouvement, peut-être afin de répondre sous forme d'hommage à la Neuvième Symphonie de Beethoven, elle aussi en ré mineur? Mais le caractère éclatant et affirmatif du début du Te Deum contraste de manière plutôt inappropriée avec les dernières mesures résignées et apaisées de l'Adagio. Bruckner envisagea et composa également une transition qui, à la fin de la réexposition (réapparition en ré majeur aux cordes du motif en quintes du Te Deum accompagnant le thème du choral servant ici de troisième groupe thématique), permet d'introduire le ton de do majeur et ainsi de faire "surgir" le Te Deum. Cette solution présente également un problème formel de taille: quid de l'irruption du Te Deum d'une durée d'environ 25 minutes après approximativement 18 à 20 minutes d'un Finale dont les éléments thématiques n'ont rien à voir avec ceux du Te Deum?...

Parmi les tentatives de reconstruction complète de ce mouvement, le travail le plus crédible et convaincant semble être celui du compositeur belge Sébastien Letocart (http://sites.google.com/site/letocartsebastien/) Cette complétion ainsi que les trois premiers mouvements ont été récemment enregistrés par le jeune chef d'orchestre français Nicolas Couton (http://sites.google.com/site/coutonnicolas/) avec l'Orchestre Symphonique MAV de Budapest.

Versions

En raison de son inachèvement, la Neuvième n'a pas connu de révisions multiples comme certaines des symphonies précédentes.

Discographie

La discographie de la 9e symphonie est pléthorique.

Il y a les versions optant plutôt pour un parti pris monumental voire ampoulé et/ou statique : Otto Klemperer avec le Philharmonia Orchestra, Leonard Bernstein et Carlo Maria Giulini avec l'orchestre philharmonique de Vienne et, davantage encore, Sergiu Celibidache avec l'orchestre philharmonique de Munich.

Des lectures aux tempi plus nerveux, rapides et naturels sont proposées notamment par Siegmund von Hausegger, Oswald Kabasta, Hermann Abendroth (en mono), Wilhelm Furtwängler (concert avec la Philharmonie de Berlin en 1944), Bruno Walter (avec le Columbia Symphony Orchestra), Carl Schuricht, John Barbirolli, Jascha Horenstein (version mono avec l'orchestre symphonique de Vienne) et Nikolaus Harnoncourt (enregistrement réalisé avec la Philharmonie de Vienne ; le second disque propose un "workshop" durant lequel le chef présente la "Dokumentation des Fragments" éditée par la Musikwissenschaftlicher Verlag der Internationalen Bruckner-Gesellschaft Wien, travail effectué par les soins du musicologue australien John Alan Phillips. Il s'agit d'une adaptation "jouable" de l'état de la partition basée sur ce qui a été récupéré et retrouvé des esquisses et bifolios du Finale.

D'autres versions de Herbert von Karajan (le "live" de 1975 avec la Philharmonie de Vienne est sans doute son enregistrement le plus convaincant et intense parmi ses divers enregistrements), Rafael Kubelík, Jeffrey Tate (une des plus longues du catalogue), Günter Wand, Zubin Mehta, Jascha Horenstein (version stéréo avec le BBC Symphony Orchestra) et Eugen Jochum sont, chacune à sa façon, à mi-chemin entre le hiératisme et la souplesse.

Poussant plus en avant dans la discographie, l'auditeur découvrira également les enregistrements de Vladimir Delman (sans doute l'un des plus attachants), Evgeni Mravinski, Eliahu Inbal et surtout Eduard van Beinum.

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