- Sutton Hoo
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Sutton Hoo, près de Woodbridge (Suffolk, Royaume-Uni), est un site archéologique anglo-saxon où ont été mis au jour en 1939 un cimetière et un bateau funéraire datant du début du VIIe siècle.
Son âge, sa taille, sa richesse, sa beauté, sa rareté et son importance historique font de Sutton Hoo est l'une des plus grandes découvertes archéologiques en Angleterre. Le site apporte un éclairage sur une période du Haut Moyen Âge anglais jusque là rares en documents ou objets, car ce bateau-tombe de contient un grand nombre d'artefacts.
Sommaire
Description
Sutton Hoo se situe sur un promontoire, à l'est de la rivière Deben et à environ quinze kilomètres de la mer. Le mot hoo signifie « pointe de colline ». Des tertres funéraires ont été découverts en ce lieu et souvent pillés depuis 1601. Une première fouille rudimentaire, menée en 1860, a été décrite dans l'Ipswich Journal de la même année :
« TUMULI ROMAINS - Peu de gens savent qu'on peut voir pas moins de cinq tumuli romains, proches les uns des autres, sur le terrain d'une ferme occupée par Mr. Barritt et située à Sutton, à environ 450 mètres du bord de la rivière Deben, juste en face de Woodbridge. L'un de ces tumuli a été récemment ouvert ; près de deux boisseaux de clous en fer en ont été extraits et donnés au forgeron pour être transformés en fers à chevaux ! Une fois que l'autorisation d'ouvrir les autres tertres aura été obtenue, d'autres découvertes plus importantes pourraient être faites. Ces tertres ont été répertoriés par le capitaine Stanley quand il a procédé à des levés de terrain et à des sondages de la rivière pour l'Amirauté. »
— Ipswich Journal, 24 novembre 1860.
Des fouilles archéologiques modernes ont commencé en 1938 lorsque la nouvelle propriétaire du site, Edith May Pretty, ouvre trois autres tumuli avec l'aide de Basil Brown, un terrassier du Suffolk. Ces investigations démontrent alors que le cimetière est anglo-saxon et qu'il a déjà été profané. Deux de ces tumuli (répertoriés 3 et 4) contiennent des restes de crémation et un autre (répertorié 2) contient des rivets en fer semblables à ceux utilisés lors des premières constructions navales à clins. Les fouilles ont continué en 1939 et un bateau-tombe a été découvert dans le tumulus 1. D'autres investigations plus poussées ont été menées à la fin des années 1960 ainsi qu'entre 1986 et 1992.
Le nom de Sutton Hoo est surtout lié à la découverte de ce bateau dans le tumulus 1, mais le site se compose de vingt tertres contenant divers objets ou restes humains, et la plupart de ces tumuli attendent toujours une fouille menée avec les dernières technologies disponibles. De plus, vingt-sept tombes d'un autre genre ont été découvertes sur le site, à l'extérieur des monticules. La disposition circulaire de douze d'entre elles autour du tumulus 1 renforce la théorie qui voudrait que ces tombes résultent d'un sacrifice tenu lors de l'enterrement du bateau-tombe. Le tumulus 2 abritait les restes de la crémation d'un homme et d'un cheval, tandis que le tumulus 3 contenait un autre bateau-tombe, plus petit que celui du monticule 1 et par ailleurs pillé, probablement durant les années 1860.
Sur la base d'une pièce de monnaie remontant au règne du roi franc Théodebert II (595-612), on a pu dater le tumulus 1 aux alentours de 625. Le bateau mesurait 27 mètres de long et 4,2 mètres de large en son centre et pouvait être manœuvré par quarante rameurs. Il était placé de telle façon dans la tombe que sa proue pointait vers l'est. Une chambre funéraire était aménagée sur le pont intermédiaire et, d'après la disposition de l'armure, la dépouille devait être disposée avec les pieds orientés vers l'est et la tête vers l'ouest. Aucune partie du corps ne subsistait au moment de la première fouille, mais une analyse plus récente a révélé des traces chimiques montrant qu'un corps était bien présent. Le nom qui revient le plus souvent lorsqu'il s'agit d'attribuer cette tombe est celui du roi Rædwald d'Est-Anglie.
Seuls les rivets du bateau subsistent à cause de l'acidité du sol mais les empreintes dans la terre ont permis une reconstruction détaillée du bateau. Ce dernier ne possédait pas de quille opérationnelle et probablement pas de voile non plus puisqu'aucun mât n'a été retrouvé, mais était d'excellente facture ; cela alimenta le débat qui consistait à savoir si ce bateau n'avait jamais navigué. La disposition des rivets montre pourtant qu'une réparation avait été effectuée sur le bateau, ce qui laisse à penser que ce dernier a été opérationnel avant d'être utilisé comme sépulture.
Trésor
Le trésor de Sutton Hoo trouvé dans le monticule 1 est d'importance. Les artefacts ont été retirés du site et sont maintenant exposés au British Museum. Ils sont de diverses natures:
- Des effets personnels décoratifs :
- Attaches d'épaule en cloisonné, or et grenat.
- Une grosse boucle de ceinture en or de 13,2 cm de long, pesant 414,62 grammes.
- Un couvercle de bourse en or avec des plaques de grenat et millefiori (verre mosaïqué).
- La bourse en cuir, qui a disparu, contenait trente-sept pièces d'or mérovingiennes pesant chacune entre 1,06 et 1,38 gramme, trois pièces blanches non frappées, ainsi que deux petites barres d'or. Combinées, ces quarante pièces étaient peut-être le paiement symbolique pour les quarante rameurs. Les deux barres d'or, dont le poids équivaut à celui de quatre pièces d'or, auraient symbolisé le paiement du barreur.
- Une pierre à aiguiser décorée d'anneaux de fer et d'un cerf de bronze, probablement un sceptre royal.
- Des armes, dont :
- Un casque, trouvaille rare dans les tombes germaniques, de style spangenhelm et décoré comme d'autres casques datant du VIe siècle et trouvés en Suède. Cependant, le casque de Sutton Hoo était d'un seul tenant, ce qui laisse supposer qu'il a été fabriqué en Angleterre ; et, contrairement au "casque Coppergate" trouvé à York et datant de la même époque, celui de Sutton Hoo se distingue par l'absence de toute symbolique chrétienne. Après un essai infructueux dans les années 1940, un conservateur du British Museum, Nigel Williams, a finalement réussi à le reconstituer en 1971 mais il lui a fallu six mois de travail pour remettre ensemble les 500 morceaux qui le composaient, y compris la mâchoire de la tête de dragon qui figure sur le masque facial et qui avait été mal rangée au moment des fouilles.
- Un bouclier rond en bois, qui a presque entièrement pourri mais qui était équipé d'une poignée centrale en fer et décoré d'une plaque en bronze.
- Une épée de fer rouillée, dont les restes mesurent 85 cm de long, et qui avait une garde en or.
- Une cotte de mailles.
- Six lances de différents types.
- Une hache avec un manche en fer.
- Autres :
- Une série de dix bols d'argent s'emboîtant les uns dans les autres. Huit d'entre eux sont bien conservés.
- Une paire de cuillères épiscopales en argent et niellées sur lesquelles sont inscrits en grec les noms Saulos et Paulos : symboles de Saint Paul.
- Un large bol en bronze décoré avec de l'émail et du verre mosaïqué.
- Un plat en argent marqué d'un tampon datant du règne de l'empereur byzantin Anastase Ier (491-518). D'autres objets en argent et en bronze viennent également de Méditerranée, mais sont d'époques plus récentes.
- Une lyre de barde en bois d'érable rangée dans un sac en peau de castor (dont il ne reste que des traces).
- Une paire de cornes d'aurochs à boire décorées avec une feuille d'argent.
- Quelques objets ménagers, dont un chaudron muni d'une chaîne de suspension de plus de 3,35 mètres de longueur.
- Des restes de textiles de nombreuses sortes.
Analyse
Il n'a été trouvé que des traces de restes humains. Le roi Rædwald d'Est-Anglie, quatrième Bretwalda d'Angleterre, mort à la même époque que la création de la sépulture, est souvent cité comme ocupant de tertre numéro 1. La proximité de Sutton Hoo avec un lieu d'autorité royale à Rendlesham (7 km au nord-est) suggère un rapport entre Sutton Hoo et la maison royale d'Est-Anglie. La quantité et la valeur des objets trouvés dans la tombe indiquent la notoriété de l'ocupant ; ce type de trésor est conforme au contenu habituel des sépultures royales.
Sutton Hoo est l'un des seuls sites de bateaux tombes de ce type qui ne soit pas en Scandinavie. La sépulture, le casque et le bouclier sont pratiquement identiques à ceux trouvés sur les sites datant de l'Âge de Vendel à Valsgärde et à Vendel en Suède, ce qui indiquerait des liens étroits entre Sutton Hoo et la dynastie royale des Ynglingar (notamment la branche des Scylfingar) du Beowulf. Une autre théorie[1] suggère que la dynastie des Wuffinga descendrait de la dynastie Wulfinga du Beowulf et du Widsith, ce qui pointerait également vers des origines suédoises, ou plutôt des Goths de Scandinavie, pour la dynastie d'Est-Anglie[2].
Les archéologues connaissant le site avancent aussi la théorie selon laquelle le christianisme commençait à étendre son influence, ce qui amena les païens de haute caste à répliquer avec des rites plus élaborés que jamais. C'est dans ce contexte que la crémation est adoptée, en défi à la pratique chrétienne qui s'y opposait, et que l'apothéose est atteinte avec les funérailles royales incluant un bateau-tombe. Bien que des objets de signification chrétienne aient été présents, des sacrifices humains ont peut-être accompagné les funérailles.
La légende de Sutton Hoo
En plus de son importance archéologique, Sutton Hoo a frappé l'imagination du public en raison de la légende entourant la découverte du bateau-tombe dans le tumulus 1.
En 1938, les terres sur lesquelles se trouve le site de Sutton Hoo appartenaient à Edith May Pretty. Sa maison possédait une vue magnifique en contrebas de la colline vers les tertres, et elle s'est souvent interrogée sur ce que représentaient ces monticules étranges et infestés de lapins. Une nuit, elle vit en rêve les images d'une procession funéraire ainsi que de grands trésors enterrés dans ce qui est connu maintenant comme le tertre 1. Elle prit contact avec un archéologue local, Basil Brown, et l'emmena sur le site en lui suggérant de commencer des fouilles dans le tumulus 1. Ce monticule avait déjà été de toute évidence remué, ce qui suggérait un ancien pillage; M. Brown en inféra que rien d'intéressant n'était plus à l'intérieur. Durant l'année 1938, l'archéologue orienta en conséquence ses fouilles vers les tertres 3, puis 2, et en fin de compte le tumulus 4. Ces fouilles ont révélé des trouvailles intéressantes mais pas de découverte majeure en raison du pillage antérieur des monticules.
Mme Pretty continua à insister pour qu'on fouille le tumulus 1 et en 1939 M. Brown en commença l'excavation. Il découvrit rapidement l'importance du trésor que contenait ce monticule et qui a rendu le site de Sutton Hoo célèbre. On dit que le centre de la chambre funéraire aurait été trouvé exactement sous le point indiqué par Mme Pretty à M. Brown pour commencer les fouilles.
Pourquoi les pilleurs ayant "visité" le tumulus 1 n'avaient-ils pas trouvé le trésor ? Cette question sans réponse à ce jour contribue à entretenir la légende de Sutton Hoo. Dans le passé, le site de Sutton Hoo avait été divisé en plusieurs parcelles et quelques fossés de séparation avaient été creusés. L'un de ces fossés longeait le tertre 1, ce qui donnait à ce dernier une taille disproportionnée; les pilleurs auraient creusé à partir du centre décalé par ces travaux agraires, ce qui expliquerait qu'ils aient manqué la chambre funéraire, passant en réalité juste à côté d'une de ses extrémités.
Ces histoires à elles seules auraient suffi à la réputation de Sutton Hoo dans les livres d'histoire. Mme Pretty prit une dernière décision qui lui assura une place spéciale dans l'histoire de l'archéologie britannique. Selon la loi de l'époque, le propriétaire du trésor trouvé à Sutton Hoo devait être Mrs Edith Pretty. Cependant, dans un acte de générosité sans pareil, cette dernière fit don de ce trésor au royaume, afin que chacun puisse profiter de sa découverte.
Sutton Hoo est perçu par beaucoup comme un endroit magique, et la légende liée à sa découverte ne fait que renforcer cet état de fait. D'ailleurs, plusieurs versions de cette légende existent[3].
Héritage
Conformément à la décision d'Edith Pretty d'en faire don au Royaume-Uni, le trésor de Sutton Hoo est désormais conservé au British Museum.
D'autre part, le centre des visiteurs du National Trust (ouvert au printemps 2002) expose une reconstitution complète de la chambre funéraire et du bateau-tombe ; de temps à autre, le National Trust y organise également des expositions temporaires d'artéfacts originaux prêtés pour l'occasion par le British Museum.
Des fouilles successives ont suivi par intermittence les premiers forages. C'est ainsi que, pratiquement au moment où le National Trust allait inaugurer son centre local des visiteurs, une fouille a révélé l'existence d'un autre cimetière à environ 500 mètres au nord du site principal[4].
Lu site funéraire de Sutton Hoo contredit le scepticisme d'historiens avant les fouilles sur l'importance du trésor décrit dans des œuvres telles que Beowulf ou la Chronique anglo-saxonne. La découverte du tumulus 1 donne un aperçu du passé de l'Angleterre et éclaire un peu plus son identité propre.
Que cette découverte ait été faite en 1939 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, tandis que la nation anglaise était menacée, a renforcé l'attention et l'intérêt portés au site durant les années suivantes. D'autres objets anglo-saxons (tels que des pièces de monnaie ou des bijoux) sont trouvés chaque année dans tout le pays, mais Sutton Hoo reste la plus importante découverte jamais faite jusqu'à celle du Trésor de Staffordshire en juillet 2009.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Sutton Hoo » (voir la liste des auteurs)
Voir aussi
Bibliographie
- Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du peuple anglais, traduction, présentation et notes par Olivier Szer-Winiack, Florence Bourgne, Jacques Eefassi, Mathieu Lescuyer et Agnès Moeninier. Paris, Les Belles-Lettres, 1999
- (ou: Bede's Ecclesiastical History of the English People, trad. en anglais par Bertram Colgrave et R.A.B. Mynors. Oxford, 1969)
- Carver, M.O.H., The Age of Sutton Hoo. The Seventh Century in North-Western Europe. Woodbridge, 1992
- Carver, M.O.H., Sutton Hoo: Burial Ground of Kings?, 1998
- Farrell, R.T., Beowulf, Swedes and Geats, 3e partie. Londres, 1972
- Mayr-Harting, Henry, The Coming of Christianity to England. New York, 1972
- Newton, S., The Origins of Beowulf and the Pre-Viking Kingdom of East Anglia. Cambridge, 1993.
- Newton, S., The Reckoning of King Rædwald: The Story of the King linked to the Sutton Hoo Ship-Burial. Cambridge, 2003
Articles connexes
Liens externes
- (en) Informations sur Sutton Hoo au National Trust
- (en) Sutton Hoo: the grandest Anglo-Saxon burial of all (article d'archéologie contemporaine)
- (en) Projet de recherche sur Sutton Hoo
- (en) Contexte historique des origines du peuple anglais
- (en) James Grout : Sutton Hoo, (extrait de l'Encyclopædia Romana)
- (en) Site du Dr Sam Newton (partie sur Sutton Hoo)
Catégories :- Site archéologique d'Angleterre
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