August Aïchhorn, éducateur et psychanalyste

August Aïchhorn, éducateur et psychanalyste

August Aichhorn

August Aichhorn 1878-1949 est un éducateur et psychanalyste autrichien.

August Aichhorn est né à Vienne en 1878.

Il a donc quarante-sept ans lorsque l’ouvrage Jeunes en souffrance paraît et déjà une belle carrière derrière lui. Après des études qui ne le passionnent guère de construction mécanique, il se tourne vers la profession d’instituteur, puis se consacre assez rapidement à l’éducation spécialisée auprès de jeunes délinquants. En 1918 il est nommé directeur de l’institution Ober-Hollabrunn, en Basse-Autriche.

L’institution - n’oublions pas qu’on se situe dans l’immédiate après-guerre - est installée dans des baraquements très précaires qui avaient servi de refuge aux populations en exode pendant la guerre. L’institution n’est ni un centre de redressement, ni un centre d’observation, mais ce que Aichhorn nomme une « Fürsorgeerziehungseinrichtung », un nom à rallonge comme on peut en forger en allemand qui inclut deux notions essentielles de la pédagogie d’Aichhorn : c’est un centre d'Erziehung c’est-à-dire d’éducation, un des trois métiers impossibles soulignés par Freud dans sa préface, une éducation dont le principe est le Fürsorge, « le souci pour ». Le terme de Sorge, dont Martin Heidegger des années plus tard fera un usage singulier, est présent sous la plume de Freud, notamment lorsqu’il désigne quelques années plus tard dans Malaise dans la civilisation, la drogue, « l’intoxication chimique », comme il dit, comme un « Sorgenbrecher », un « briseur de souci » en produisant chez le sujet « une jouissance immédiate ». Mais "Fürsorge" renvoie davantage au "care" anglais 'dont Winnicott fit grand usage: il ne s'agit pas tant du souci - mot connoté négativement en français - que de la "capacité de prendre soin", que contient en allemand le mot Sorge: sich sorgen um j-n: prendre soin de qqn. Une éducation guidée par le souci de soi et d’autrui, une éducation qui traite la pente à la jouissance immédiate, en passant par toutes les formes de médiation sociale, notamment la parole et le langage, telle est la voie qu’ouvre Aichhorn. Cette position éducative radicale, Lacan la précisera à sa façon dans un texte peu connu. « À la vérité, il n’est pas forcé que l’homme soit éduqué. Il fait son éducation tout seul. D’une façon ou d’une autre il s’éduque. Il faut bien qu’il apprenne quelque chose, qu’il en bave un peu. Les éducateurs sont des gens qui pensent pouvoir l’aider. Ils considèrent même qu’il y a un minimum à donner pour que les hommes soient des hommes, et que cela passe par l’éducation. Ils n’ont pas tort du tout. Il faut en effet une certaine éducation pour que les hommes parviennent à se supporter entre eux. » Le traitement (Behandlung) consiste en « une douceur et une bonté absolues ; une continuelle occupation et des jeux en prévention des agressions ; un dialogue ininterrompu avec chacun pris un par un. »

Il s’occupe également dans le même temps d’un centre, Saint-André, situé sur la Traise. En 1920 la municipalité de Vienne lui demande de prendre la direction d’une autre institution à Eggenburg près de Vienne. Dans les centres que dirige Aichhorn sont accueillis des adolescents issus de familles pauvres. Leurs parents sont maçons ou vendeurs, ouvriers sur machine, ou tâcherons. Ces jeunes se destinent eux-mêmes à des métiers manuels : cordonniers, menuisier, livreurs, peintre en bâtiment, tailleur. Les conditions de logement de ces familles sont très rudimentaires : il habitent à quatre ou plus dans une pièce qui fait en même temps cuisine. L’adolescent dort dans le lit des parents et avec la mère quand le père s’absente. Notons qu’Aichhorn reste prudent sur les interprétations sociologiques faciles qui pourraient découler de ces observations. Les conditions sociales d’existence ne suffisent pas à expliquer la « verwahrlosung ». On ne saurait exclure la position du sujet de ce qui lui arrive, il y a bien, quelles que soient les circonstances, un choix éthique du sujet. C’est à partir de ces diverses expériences qu’Aichhorn construit ses repères d’une éducation du « souci de soi et d’autrui », et qu’il en rend compte dans dix conférences publiées en 1925, sous le titre de Verwharloste Jugend. Ces conférences sont publiques et ouvertes aux citoyens viennois. Dès 1922 Aichhorn intègre la Société psychanalytique de Vienne, et crée avec Siegfried Bernfeld et Wilhelm Hoffer un groupe de réflexion sur les problèmes de délinquance infantile et délinquance juvénile. Il dégage l’hypothèse opératoire dans le champ social qu’on aurait à faire dans les agissements antisociaux des jeunes à l’équivalent du symptôme dans la cure. Il fonde les principes d’une éducation basée sur la technique analytique à partir d’un repérage du transfert dans la relation éducative.

En 1932 il prend sa retraire et exerce en cabinet privé. En 1938 même s’il forme le souhait de quitter Vienne devant la menace nazie, il ne peut le faire car son fils est arrêté et déporté comme prisonnier politique à Dachau. C’est piégé dans cette position qu’il accepte la mort dans l’âme de diriger la formation à l’Institut allemand de recherches psychologiques et psychothérapeutiques de Berlin, de sinistre mémoire, créé par Matthias Göring. Pendant ce temps il organise dans la clandestinité avec Alfred Fleiter von Wintestein les rencontres d’un petit groupe autour des questions de psychanalyse, malgré la surveillance de la Gestapo. Certains membres de ce groupe paieront de leur vie cette activité de résistance dans l’ombre. Après la guerre Aichhorn est nommé responsable de la Société psychanalytique de Vienne qu’il dirigera jusqu’à sa mort en 1949.

Ouvrages

  • August Aicchorn, Jeunes en souffrance, Editions du Champ Social, Nîmes, 2002. ISBN 2913376053
  • Danielle Milhaud-Cappe : "Freud et le mouvement de pédagogie psychanalytique 1908-1937; A. Aichhorn, Hans Zulliger, Oskar Pfister, Vrin, 2007, ISBN 2711619001
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