Queer

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Queer est, à la base, un mot anglais signifiant « étrange », « peu commun », souvent utilisé comme insulte envers des individus gays, lesbiennes, transsexuels… Par ironie et provocation, il fut récupéré et revendiqué par des militants et intellectuels gays, transsexuels, bisexuels, adeptes du BDSM, fétichistes, travestis et transgenres à partir des années 1980, selon le même phénomène d'appropriation du stigmate que lors de la création du mot négritude.

En France, si le terme queer est notamment connu du fait de séries télévisées présentant les gays comme des gens branchés, il n'en reste pas moins qu'il sert avant tout de point de ralliement pour ceux qui - hétérosexuels compris - ne se reconnaissent pas dans l'hétérosexisme de la société, et cherchent à redéfinir les questions de genre (Gender Studies). Se définissent ainsi comme queer des personnes aux pratiques et/ou préférences sexuelles non exclusivement hétérosexuelles ou ayant des caractéristiques qui ne correspondent pas aux normes liées à leur sexe, mais qui ne souhaitent pas se (voir) définir plus précisément, que ce soit par leur sexe (homme ou femme) ou leurs pratiques sexuelles.

Depuis les années 2000, les mots allosexuel et altersexuel constituent des tentatives de traduction en français.

Sommaire

Origine

No gender, No Master, Activiste anarcho-queer en lutte contre l'oppression patriarcale et sexiste

Les origines du mouvement queer sont multiples. Le mouvement gay et lesbien, semblant peut-être plus proche des queers, n'a fourni ni les antécédents théoriques ni le modèle d'un engagement politique. Il est possible de dire que le mouvement queer vient de la théorie queer, et celle-ci est l'héritière du féminisme.

En 1969, dans un bar appelé Stonewall Inn à New York, des émeutes ont éclaté, réponse de la clientèle gay et lesbienne à leur arrestation par la police. La cause de cette arrestation manquée était une loi qui interdisait le port des vêtements masculins par une personne du sexe féminin ou de vêtements féminins par une personne masculine. Ces émeutes, dont l'anniversaire se célèbre annuellement sous le nom de Gay Pride (aujourd'hui appelée la Pride ou la Marche des fiertés), marquent la naissance du mouvement lesbien, gay, bi et trans (LGBT).

Un des buts prioritaires de ce nouveau mouvement concernait la suppression de l'homosexualité, la bisexualité et la transsexualité, en tant que maladie du Manuel Diagnostic et Statistique des troubles mentaux (DSM), qui fournit la nosologie définitive de l'Association américaine de psychiatrie (APA). La question du statut médical dominait l'identité homosexuelle depuis le XIXe siècle, et a été l'élément décisif dans la conception de l'homosexualité en tant que catégorie. Cependant la honte de l'homosexualité travaillait toujours à l'intérieur de cette identité. Avec l'élimination de la classification officielle de perversion par l'APA, le « coming out », qui consiste à révéler sa propre homosexualité (à ne pas confondre avec le outing qui lui consiste à révéler l'homosexualité d'une autre personne) est devenu l'un des traits prépondérants de la nouvelle homosexualité. La pratique de faire son coming out constitue une revendication identitaire.

Avec la prédominance du coming out et donc la présence reconnaissable des homosexuels, l'homosexualité est devenue une identité basée autant, sinon plus, sur la discursivité et le comportement que sur la pratique des actes homosexuels.

Une autre différence entre ces mouvements et le mouvement LGBT est qu'il n'a pas eu de précédent au XIXe siècle. Il était donc nécessaire pour les militants gays et lesbiennes de choisir un modèle pour leur nouveau mouvement, et le succès récent des militants noirs a été très convaincant.

Même si les queers sont en général plus proches des gays et lesbiennes que des féministes[réf. nécessaire], les racines idéologiques de la théorie queer se trouvent bien dans le féminisme américain des années 1980. Avant cette date, le féminisme, comme d'autres mouvements semblables, espérait que le progrès social viendrait par un changement de législation. Les arguments pour le passage de législations progressistes ont perpétuellement fait la comparaison entre le groupe minoritaire en question et le citoyen universel, c'est-à-dire l'homme riche et blanc. Quelle que soit la raison, plusieurs mouvements ont commencé après les années 1970 à contester cette image du citoyen universel, et à valoriser leur propre agency (ce mot résiste à une traduction facile et s'emploie souvent en théorie queer. Plus souvent il reste non-traduit, ou se traduit par « la capacité ou la possibilité d'agir » en tant que sujet). Cette tendance (notablement postmoderniste) a provoqué une rupture plus grande encore entre l'homme et la femme, et a essentialisé ce qui constituait le féminin. Cette tendance se montre surtout dans The Feminine Mystique de Betty Friedan, chef de l'Organisation nationale des femmes (NOW), qui a été d'ailleurs critiqué parce qu'il ignorait toute la population des femmes qui n'étaient pas blanches ou d'une classe sociale aisée.

Cette vague de féminisme se situait donc dans la notion de la différence : soit la différence entre les hommes et les femmes, soit la conceptualisation du sujet et de l'objet de plusieurs phénomènes sociaux (le discours, l'art, le mariage, ...). Pourtant ce mouvement radical de la deuxième vague du féminisme a été troublé par deux phénomènes idéologiques, et tous les deux s'articulaient aux questions de sexualité et de genre.

Le premier concernait les « Sex Wars, » qui divisaient les théoriciennes et militantes féministes sur le rôle de la pornographie dans l'oppression des femmes.

L'autre fêlure, la « Lavender Menace », concernait la présence de lesbiennes dans les rangs de féministes. Comme les ennemis du féminisme utilisaient (et utilisent encore) souvent le « lesbian baiting » (le harcèlement (homophobique) des féministes, qui essayait de réduire ce qu'elles disaient en les accusant d'être des lesbiennes) contre les arguments féministes, une grand partie de militantes montraient leur propre homophobie en hésitant à avouer que quelques-unes parmi elles étaient bien des lesbiennes. Les lesbiennes de la « Lavender Menace » constataient qu'elles étaient plus féministes grâce à leur distance des hommes, tandis que les féministes hétérosexuelles récusaient cet argument, disant que les rôles butch et femme des lesbiennes ne font que singer le mariage hétérosexuel.

L'homophobie prévalente de la deuxième vague, sa concentration sur les pratiques sexuelles, et surtout la division qu'elle engendrait, ont fait naître la théorie queer au début des années 1990.

Émission télévisée

Bien que n'ayant aucun lien avec la théorie Queer, une émission diffusée par TF1 portait ce nom (Queer, cinq experts dans le vent). Un groupe de jeunes hommes, experts dans divers domaines (gastronomie, décoration, mode, etc.) transformait la vie présentée comme triste de certains Français. L'émission était l'adaptation de l'émission américaine Queer Eye For the Straight Guy.

Bibliographie

En anglais
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  • Judith Butler, "Against Proper Objects." differences: A Journal of Feminist Cultural Studies (Summer-Fall 1994), 6(2-3): 1-27.
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    • Bodies that Matter: On the Discursive Limits of "Sex". New York & London:Routledge, 1993.
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  • Lee Edelman, No Future: Queer Theory and the Death Drive. Durham: Duke UP, 2004.
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  • Leslie Feinberg, Stone Butch Blues. Ann Arbor: Firebrand, 1993.
    • Transgender Warriors: Making History from Joan of Arc to Dennis Rodman. Boston: Beacon Press, 1996.
  • Scott Gunther, The Elastic Closet: A History of Homosexuality in France, 1942-present. New York: Palgrave-Macmillan, 2009.
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  • David M. Halperin, Saint Foucault. Towards a Gay Hagiography. Oxford University Press, 1995.
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    • Tendencies. Durham: Duke UP, 1993.
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    • Read My Lips. Ann Arbor: Firebrand, 1997.
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En français
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  • Eve Kosofsky Sedgwick, Epistémologie du placard, trad. de Maxime Cervulle, Paris, Editions Amsterdam, 2007 ISBN 2-35480-003-7
  • Beatriz Preciado, Manifeste contra-sexuel, Paris, Balland, 2000.
  • Monique Wittig, La Pensée straight (The Straight Mind and Other Essays, Boston, Beacon Press, 1992), Paris, Balland « modernes », 2001 (réédition en 2007 chez Editions Amsterdam).
  • Maxime Cervulle et Nick Rees-Roberts, Homo exoticus : race, classe et critique queer, préface de Richard Dyer, Paris, Armand Colin, 2010.
  • Javier Sáez, Théorie queer et psychanalyse, Paris, EPEL, 2005.
  • Patrick Cardon, La recette du Queer ou la machine à (dé)construire les identités (kaléidoscope), La Ligne d’ombre, numéro 2, mai 2007
  • Judith Butler, Le Pouvoir des mots - Politique du performatif [Excitable Speech: A Politics of the Performative], trad. Charlotte Nordmann, Paris, Editions Amsterdam, 2004.
    • Humain, inhumain - Le travail critique des normes - Entretiens, trad. Jérôme Vidal et Christine Vivier, Paris, Editions Amsterdam, 2005.
    • Antigone : la parenté entre vie et mort, EPEL 2003 / 96 p. /
    • Défaire le genre [Undoing Gender], trad. Maxime Cervulle, Paris, Editions Amsterdam, 2006.
  • Gayle Rubin / Judith Butler, Marché au sexe, EPEL 2002
  • Pat Califia, Le mouvement transgenre - Changer de sexe, EPEL 2003
  • François Cusset, Queer critics, la littérature déshabillée par ses homos-lecteurs, PUF, 2002.
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  • Michel Foucault, Histoire de la sexualité, I, II, III. Gallimard. Paris. 1984.
  • David M. Halperin, Saint Foucault, EPEL 2000
  • David Halperin, Oublier Foucault : mode d'emploi, EPEL 2004
  • Craig O'Hara, La Philosophie du punk [1], Rytrut, 2003, ISBN 2-9520083-0-2
  • Michel Dorais, "Eloge de la diversité sexuelle", Editeur Vlb, 1999, ISBN 978-2890057159
  • Michael Lucey, Les ratés de la famille. Balzac et les formes sociales de la sexualité, traduit par Didier Eribon, éditions Fayard, 2008. Un des exemples marquants de queer studies.
  • George Hurchalla, Going Underground – punk américain 1979-1992,[2], édition française, Rytrut, 2009, ISBN 978-2-9520083-3-4
  • Paul Lester, Double personnalité – L'histoire de Pink[3], édition française, Rytrut, 2011, ISBN 978-2-9520083-4-1

Voir aussi

Articles connexes

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