Aristides de Sousa Mendes

Aristides de Sousa Mendes
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Aristides de Sousa Mendes

Aristides de Sousa Mendes est un diplomate portugais du XXe siècle (19 juillet 1885 - 3 avril 1954).

En poste à Bordeaux lors de la débâcle française de 1940, il refuse de suivre les ordres du gouvernement Salazar et délivre des visas aux réfugiés juifs et non juifs de toutes nationalités souhaitant fuir la France. Destitué de ses fonctions, il survivra pauvrement. Il sera déclaré « Juste parmi les nations » en 1966, puis réhabilité par les autorités portugaises dans les années 1980.

Sommaire

Biographie

Jeunes années

Aristides de Sousa Mendes do Amaral e Abranches est né à Cabanas de Viriato, petit village du district de Viseu, dans une famille de l'aristocratie terrienne, catholique, conservatrice et monarchiste. Son père était membre de la Cour suprême.

En 1907, Aristides et son frère jumeau César obtiennent un diplôme de droit à l'université de Coimbra. Tous deux entament ensuite une carrière diplomatique. César deviendra dans les années 1930, ministre de la Justice dans le gouvernement Salazar. Aristides occupe ainsi plusieurs délégations consulaires portugaises dans le monde : Zanzibar, Brésil, États-Unis. Après presque dix ans de service en Belgique, Salazar, président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, le nomme consul à Bordeaux.

La Seconde Guerre mondiale

En 1940, à 55 ans, il approche de la fin de sa carrière et est père de quatorze enfants. Politiquement, il ne s'est jamais fait remarquer.

Aristides de Sousa Mendes est toujours consul à Bordeaux au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et pendant la bataille de France avec l'avancée rapide des troupes d'Adolf Hitler. Salazar parvient à maintenir la neutralité du Portugal, mais ses opinions personnelles sont plutôt favorables à Hitler. Par la circulaire 14, il ordonne aux consuls de refuser l'octroi de visas aux catégories suivantes : « les étrangers de nationalité indéfinie, contestée ou en litige ; les apatrides ; les juifs expulsés de leur pays d'origine ou du pays dont ils sont ressortissants ».

Cependant, à Bordeaux où le gouvernement français s'est réfugié, affluent des dizaines de milliers de réfugiés qui veulent fuir l'avancée nazie et parvenir au Portugal ou aux États-Unis. Pour cela, il leur faut un visa du consulat portugais, que Sousa Mendes est donc chargé de dispenser avec parcimonie. Or, le consulat est envahi de réfugiés désirant atteindre Lisbonne.

Fin 1939, Sousa Mendes désobéit et donne quelques visas. Parmi ceux qu'il décide d'aider se trouve le rabbin anversois Jacob Kruger qui lui fait comprendre que ce sont tous les réfugiés juifs qu'il faut sauver.

Le 16 juin 1940, il décide de délivrer des visas à tous les réfugiés qui en font la demande : « Désormais, je donnerai des visas à tout le monde, il n'y a plus de nationalité, de race, de religion ». Aidé de ses enfants et neveux, ainsi que du rabbin Kruger, il tamponne les passeports à tour de bras, signe des visas sur formulaires, puis sur des feuilles blanches et tout morceau de papier disponible. Aux premiers avertissements de Lisbonne, il aurait déclaré: « S'il me faut désobéir, je préfère que ce soit à un ordre des hommes qu'à un ordre de Dieu ».

Alors que Salazar a déjà demandé des mesures contre lui, le consul poursuit, du 20 au 23 juin, son activité à Bayonne dans le bureau du vice-consul médusé, alors même qu'il est entouré par deux fonctionnaires de Salazar. Le 22, la France a demandé un armistice. Sur la route d'Hendaye, il continue à écrire et signer des visas pour les réfugiés d'infortune qu'il croise à l'approche de la frontière. Or, le 23, Salazar l'a démis de ses fonctions.

En dépit des fonctionnaires envoyés pour le ramener, il prend avec sa voiture la tête d'une colonne de réfugiés qu'il guide jusqu'à un petit poste de douane où, côté espagnol, il n'y a pas de téléphone. Le douanier n'a pas encore été informé de la décision de Madrid de fermer la frontière avec la France. Sousa Mendes impressionne le douanier qui laisse passer tous les réfugiés qui pourront ainsi, munis de leur visa, gagner le Portugal.

La déchéance

Le 8 juillet 1940, il est de retour au Portugal. Salazar s'acharne : il prive Sousa Mendes, père d'une famille nombreuse, de son emploi diplomatique pour un an, diminue de moitié son traitement avant de le mettre en retraite. De surcroît, Sousa Mendes perd le droit d'exercer la profession d'avocat. Son permis de conduire, émis à l'étranger, est refusé.

Le consul déchu et sa famille survivent grâce à la solidarité de la communauté juive de Lisbonne : celle-ci permet à certains des enfants de Sousa Mendes de faire leurs études aux États-Unis. Deux de ses fils participent au débarquement en Normandie. Il doit fréquenter, avec les siens, la cantine de l'assistance juive internationale et, bien qu'il impressionne par sa mise soignée et sa prestance, il doit confirmer un jour : « Nous aussi, nous sommes des réfugiés ».

En 1945, tout en se félicitant hypocritement de l'aide que le Portugal a apportée aux réfugiés pendant la guerre, Salazar refuse néanmoins de réintégrer Sousa Mendes dans le corps diplomatique. La misère se fait alors plus pressante : vente des biens, mort de son épouse en 1948, émigration de tous ses enfants sauf un.

Aristides de Sousa Mendes meurt dans la misère, le 3 avril 1954, à l'hôpital des pères franciscains de Lisbonne. N'ayant plus de vêtements propres, il est enterré dans une robe de bure.

Les sauvés

Près de 30 000 visas ont été émis par le consul Sousa Mendes, dont 10 000 accordés à des réfugiés de confession juive.

Parmi ceux qui ont obtenu un visa du consul portugais, se trouvent :

  • Des hommes politiques :
    • Otto de Habsbourg, fils de Charles Ier d'Autriche, dernier empereur. Détesté par Hitler, le prince Otto fuyait avec sa famille son exil belge pour rejoindre les États-Unis et alerter l'opinion publique.
    • Charlotte, grande duchesse du Luxembourg qui a dit de Sousa Mendes : « ...son mérite, dans un temps de tragédie et de panique, sera toujours rappelé par les réfugiés luxembourgeois et ceux de ma propre famille, qui ont été sauvés par son initiative d'une persécution certaine et ont ainsi pu atteindre les pays libres. Son action humanitaire restera à jamais exemplaire de l'abnégation avec laquelle il s'est dévoué à la cause de la liberté et de la compréhension entre toutes les nations et toutes les races. »
    • Plusieurs ministres du gouvernement belge en exil.
  • Des artistes :

Réhabilitation

En 1966, le Mémorial de Yad Vashem en Israël l'honore du titre de « Juste parmi les nations ».

En 1987, la République du Portugal entame le processus de réhabilitation d'Aristides de Sousa Mendes : il est décoré de l'Ordre de la liberté et sa famille reçoit des excuses publiques.

En 1994, le président Soares dévoile un buste du consul à Bordeaux, ainsi qu'une plaque au 14 quai Louis-XVIII, adresse du consulat du Portugal en 1940.

En 1995, à Lisbonne, 25 ans après la mort de Salazar et 21 ans après la démocratisation du Portugal, Mario Soares, Président de la République portugaise, réhabilite la mémoire d'Aristides de Sousa Mendes et le décore de la croix du Mérite à titre posthume pour ses actions à Bordeaux.

Aristides de Sousa Mendes n'est pas le seul fonctionnaire dont le pays a puni sévèrement la désobéissance pendant la Seconde Guerre mondiale malgré la justesse de ses actes. Parmi eux, on trouve à la même époque : Chiune Sugihara consul japonais à Kaunas (Lituanie) et Paul Grüninger, chef de la police du canton suisse de Saint-Gall.

Citations

  • L'historien Yehuda Bauer : « [Ses actions] méritent d'être considérées comme la plus grande action de sauvetage menée par une seule personne pendant l'Holocauste »[1].
  • Henri Zvi Deutsch, réfugié aidé par le consul : « Il y avait l'espoir de ceux qui montaient l'escalier du consulat du Portugal et la joie de ceux qui redescendaient avec leur visa en main. ».
  • Aristides de Sousa Mendes dans un mémoire remis au ministre des Affaires étrangères pour justifier ses actes :
    • « Il se peut que j'aie commis des erreurs mais, si je l'ai fait, ce ne fut pas intentionnellement car j'ai toujours agi selon ma conscience. J'ai été guidé seulement par le sens du devoir, en pleine connaissance de mes responsabilités. »
    • « Je ne pouvais faire des distinctions entre les nationalités, les races ou les religions, étant donné que j'obéissais à des raisons d'humanité qui, elles, ne font pas de distinction entre les nationalités, les races ou les religions. ».
  • Salazar sur Sousa Mendes: « [Il a osé] mettre ses impératifs de conscience au-delà de ses obligations de fonctionnaire ».
  • A. de Sousa Mendes au rabbin Kruger quelques années après : « Si autant de juifs, ajoutera-t-il, peuvent souffrir au nom d'Hitler, il n'y a rien de choquant à ce qu'un catholique souffre pour tant de juifs. Je ne pouvais agir autrement, et j'accepte ce qu'il m'arrive désormais avec amour ». (Citation dont certains termes sont discutés : Sousa Mendes aurait employé le terme « démon » pour décrire Hitler. Voir Discuter:Aristides de Sousa Mendes).

Note

  1. Jacqueline Penjon et Anne-Marie Quint, Vents du large: hommage à Georges Boisvert, Presses Sorbonne Nouvelle, 2002 (ISBN 2878542401) [lire en ligne] 

Source

  • Michaël d'Avranches (éditeur), Aristides de Sousa Mendes, un juste parmi les nations : les documents, publié par le Comité national français d'hommage à Aristides de Sousa Mendes, 2003 Fiche BNF.

Bibliographie

  • José-Alain Fralon (avec Alexandre Flucher-Monteiro), « Le consul qui sauva trente mille personnes », journal Le Monde, 31 octobre 1997.
  • José-Alain Fralon, Aristides de Sousa Mendes, Le juste de Bordeaux, éd. Mollat, 1998.
  • Bernard Riviere, Le Portugais du siècle, FAFPA Éditions, 2001.
  • Bernard Riviere, Il a dit non, FAFPA Éditions, 2002.
  • Aristides de Sousa Mendes, 9 jours pour sauver 30000 personnes, livret pédagogique, éd. Quatorze, 2009. ISBN 978-2-9535039-0-6
  • Le Pouvoir de dire "non", éd. Quatorze, 2010. ISBN 978-2-9535039-1-3
  • Gérard Boulanger, À mort la Gueuse, chapitre XV « Les visas de Sousa », éd.Calmann-Levy, 2006.
  • Aristides de Sousa Mendes, héros "rebelle", juin 1940, éd. Confluences, 2010. ISBN 978-2-3552703-7-6
  • Eric LEBRETON, Des Visas pour la vie, Aristides Sousa Mendes, 2010 édition du Cherche-Midi, préface Simone Veil

Filmographie

Liens externes

Article connexe


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