- Orlando furioso
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Orlando Furioso, ou Roland furieux est un poème épique de 46 chants, écrit par Ludovico Ariosto, dit en français l'Arioste; écrit au début du XVIe siècle (le Cinquecento italien), il est publié en 1516, puis, avec variations, en 1521 et 1532.
S'inscrivant dans le cycle carolingien comme un lointain descendant de la Chanson de Roland et présenté, à sa sortie, comme une suite de l’Orlando Innamorato (Roland amoureux) de Matteo Maria Boiardo.
Le poème fut écrit en langue italienne de typologie septentrionale utilisée à Ferrare, puis l'Arioste lui-même l'adapta en toscan littéraire, afin qu'il soit plus accessible pour le reste de l'Italie et selon le modèle de langue littéraire proposé par Pietro Bembo.
Roger et Bradamante y sont présentés comme les ancêtres légendaires des ducs de Ferrare, et donc du cardinal Alphonse d'Este qui était le protecteur de l'Arioste et sans doute le commanditaire du livre.
Sommaire
Trame du récit
Le poème est l'entrecroisement des actions de trois groupes de personnages :
- le couple de Roger et Bradamante,
- Charlemagne et ses chevaliers en guerre contre les Sarrasins,
- le trio formé par Angélique et Médor, et Roland.
Angélique est une princesse d'orient. Le chevalier Roland, tombé amoureux d'elle, la cherche partout, rendu fou d'elle. Malheureusement, il croit la libérer des griffes d'un monstre marin en sauvant une autre captive, (Olympe, précédemment rencontrée et sauvée d'un autre ennui). Angélique, la « furtive », est enlevée par des pirates et livrée à un monstre, mais le chevalier sarrasin Roger, monté sur un hippogriffe, créature autrefois utilisée par Atlant le mage en vertu de capturer hommes et femmes pour distraire Roger retenu contre son gré dans les Pyrénées pour échapper à son triste destin et qui captura (nous parlons de l'Hippogriffe) Roger délivré par Bradamante (délivrance faite uniquement par amour), parviendra à délivrer Angélique contre le monstre . Après notre chère captive Angélique, c'est Olympe qui fut abandonnée sur une île toute proche, qui devient pâture au monstre simplement réveillé du comma que lui a infligé la lumière magique du bouclier d'Atlant repris par Roger. Ce dernier a utilisé trois armes magiques comme le bouclier, l'anneau merveilleux (pour empêcher Angélique d'être figée par la lumière du bouclier), et l'hippogriffe d'Atlant qui est le plus rapide de tous les oiseaux (mi-aigle, mi-cheval) ; or, Roland le français est différent de notre sarrasin, qui ne se sert que d'objets magiques pour combattre ; en effet, Roland utilise une simple barque avec une ancre et la force de ses bras : il pénètre avec la barque dans la gorge du monstre, plante verticalement l'ancre entre le palais et la langue puis, hors de l'eau, il tire la corde attachée à l'ancre enfoncée dans la gueule du monstre et, cette fois, l'orque marine (car c'est son nom) perd son sang et meurt. Mais c'est Olympe qui est attachée, pas Angélique. Cette « furtive » indifférente à tout amour rencontre par la suite un soldat sarrasin blessé, Médor, qu'elle soigne et dont elle finira par devenir pour la 1ère fois folle amoureuse et qu'elle épousera. Lorsque Roland découvre leur amour par l'intermédiaire de graffitis d'amour avec leurs noms (« Angélique et Médor », ainsi qu'un mot de Médor disant tenir tout le temps Angélique entre ses bras), il devient fou furieux.
Roland furieux part alors pour la guerre où il accomplit de nombreux exploits. Le chef des Sarrasins, Agramant, et le roi d'Alger, Rodomont, avaient progressé à travers l'Espagne puis la France pendant la querelle de Roland et Renaud, tous deux amoureux d'Angélique. Astolphe, l'ami de Roland, l'aide à recouvrer la raison, et l'armée de Charlemagne parvient à triompher des Sarrasins aux portes de Paris ; ceux-ci sont alors chassés du pays.
Bradamante, la sœur de Richardet, aime le chevalier Roger, qui l'aime également mais refuse leur union à cause d'une prophétie qui prédit la mort de Roger à la naissance d'un enfant de lui et Bradamante.
Critique
S'il est censé s'agir du même Roland découvert par l'Occident dans La Chanson de Roland, chanson de geste de la fin du XIe siècle attribué à Turold (Ci falt la geste que Turoldus declinet), de texto, aucun fait ne l'y rattache véritablement. La Chanson est un récit d'exploits chevaleresques qui relate la défaite du Comte Roland, supposé neveu de Charlemagne à Roncevaux en 778 (épisode historique sans commune mesure avec l'immense succès littéraire qui en découlera) ; le texte de l'Arioste, lui, est beaucoup plus extravagant : voyage dans la Lune, aux Enfers et au Paradis où Roland rencontre l'apôtre Jean accompagné d'Énoch et d'Élie, chevauchée de l'Hippogriffe, etc.
La Chanson, écrite au moment de la première croisade (1096-1099), fait de Charlemagne un pré-croisé dont le souci principal (sinon unique) serait la défaite des Sarrasins. Mais, contemporain de la Chanson, paraît un texte latin, L'Historia Karoli Magni et Rotholandi, relatant les mêmes faits et attribué à l’archevêque Turpin ; il sera sans cesse invoqué par les poètes ultérieurs comme source d'authenticité venue d’un contemporain de Charlemagne. Et si l’Arioste, lui, s’y réfère aussi plusieurs fois, c'est toujours pour s'en moquer.
De même, bien que présenté à sa sortie comme une suite du Roland amoureux, le Roland furieux en est assez éloigné, puisqu'il ne conserve pas le concept humaniste du « chevalier errant » ; il n'aborde plus ce thème que superficiellement, et montre plutôt une « culture de la contradiction » qui fait plus écho à Érasme ou encore à Rabelais.
Plus tard, Hegel considèrera que les nombreuses allégories et métaphores du poème sont là pour démontrer la faillibilité des sens et du jugement, plutôt que pour illustrer les mythes de la chevalerie[réf. nécessaire].
Éditions
Du vivant de l’Arioste, le poème est réédité sept fois entre 1516 et 1531. À partie de 1546 paraissent plusieurs éditions illustrées. L’œuvre reste un succès de librairie jusqu’au XIXe siècle[1].
Postérité
L'œuvre de l'Arioste fut une source d’inspiration inépuisable pour les poètes et les artistes. Le texte inspira les auteurs dramatiques, des musiciens, des poètes. La tapisserie, la peinture et la gravure s’emparèrent également de l'œuvre et lui composèrent jusqu'au XIXe siècle une riche iconographie. Un certain nombre de scènes qui avaient la faveur du public et des artistes devinrent même iconiques. C'est le cas de la scène qui représente Angélique captive[2] (Dominique Ingres, Gustave Doré), celle des amours d'Angélique et Médor[3],[4] et enfin l'épisode de la folie de Roland. Lorsque Jules Verne met en scène la folie amoureuse d'un mélomane dans son roman, Le Château des Carpathes, il se réfère à l'œuvre en faisant de son héroïne une cantatrice dont le dernier rôle fut celui d'Angélica. On doit encore à Alain Robbe-Grillet une Angélique ou l’enchantement[5], en 1988.
Théâtre
- Isabelle de Nicolas de Montreux (1594).
- Le metteur en scène Luca Ronconi en fit une adaptation en 1970 qui marqua l'histoire du théâtre.
Musique
Parmi les opéras inspirés par cette œuvre à l'époque baroque, on peut citer :
- ceux de Georg Friedrich Haendel : Alcina, Ariodante et Orlando
- ceux d'Antonio Vivaldi : Orlando finto pazzo et Orlando furioso
- Jean-Baptiste Lully et Philippe Quinault : Roland (tragédie lyrique)
- Dancourt et Marc-Antoine Charpentier : Angélique et Médor
- André Campra et Antoine Danchet : Alcine
Peinture
- Un ensemble de douze tableaux est conservé dans la galerie du château d'Effiat (Puy-de-Dôme) ; ils datent probablement de la période de construction du château (1625-1632) et semblent avoir inspiré des tapisseries.
- Jean Auguste Dominique Ingres : Roger délivrant Angélique.
- Bartholomeus Spranger : Angélique et Médor.
- Giorgio De Chirico : Roger et Angélique.
Voir aussi
Bibliographie
- En italien :
- Orlando furioso di M. Lodovico Ariosto ; rev. et ristampato, sopra le correttioni di Jeronimo Ruscelli ; ill. d'après P. Eskrich, Lyone : G. Rovillio, 1570 [1]
- Orlando furioso di M. Ludovico Ariosto con le annotationi, gli avertimenti, & le dichiarationi di Girolamo Ruscelli, éd. de, Venitia : F. Valgrisi, 1603.[2]
- Ludovico ARIOSTO, Orlando furioso, A cura di Lanfranco Caretti, Presentazione di Italo Calvino, 2 volumes, Turin, Éd. Einaudi, 1966, 1992.
- en bilingue :
- Arioste, Roland Furieux, traduction de Michel Orcel, Paris, Seuil, 2 vol., 2000.
- Arioste, Roland Furieux, traduction d'André Rochon, Paris, Les Belles Lettres, 4 vol., 1998-2002.
- En français :
- Traductions anciennes:
- en prose, par: Jean Martin, par Jean des Gouttes, 1544 [3]; J.-B. de Mirabaud (1675-1760), 1741; d'Ussieux, 1775; Tressan, 1780; Panckoucke et Framery; A. Mazuy, 1830; A. Delatour, 1842; Philippon de La Madeleine, 1843, Francisque Reynard, Paris, Lemerre, 1880 Roland furieux
- en vers par: Creuzé de Lesser Voltaire (quelques passages), par Panizzi, Londres, 1830, 8 vol. in-8°.
- Traductions anciennes:
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- Traductions ou Présentations modernes :
- Arioste, Roland Furieux, traduction de Michel Orcel, op. cit.
- Arioste, Roland Furieux, traduction de Francisque Reynard, préface d'Yves Bonnefoy, Paris, Gallimard (Folio) 2 vol., 2003. (L'édition reprend une vieille traduction en prose du XIXe siècle).
- Traductions ou Présentations modernes :
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- Réécritures modernes
- Italo Calvino, Orlando furioso di Ludovico Ariosto raccontato da Italo Calvino, Milano, Mondadori, 1968 réédité en 1995. Traduit par Nino Frank, Garnier-Flammarion, 1982.
- Réécritures modernes
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- Études critiques :
- Alexandre, Denise (études réunies par), Héroïsme et démesure dans la littérature de la Renaissance. Les avatars de l'épopée, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 1998.
- Baillet, Roger, Le Monde poétique de l'Arioste. Essai d'interprétation du Roland furieux, Paris, L'Hermès, 1977.
- Cioranescu, Alexandre, L'Arioste en France. Des origines à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Editions des Presses Modernes, 1939.
- Doroszlai, Alexandre, Ptolomée et l'hippogriffe. La géographie de l'Arioste soumise à l'épreuve des cartes, Edizioni dell'Orso, 1998.
- Guidi, José ; Doroszlai, Alexandre ; Piéjus, Marie-Françoise ; Rochon, André ; Espaces réels et espaces imaginaires dans le Roland Furieux, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne Nouvelle, 1991.
- Greiner, Frank et Ternaux, Jean-Claude (études réunies par), L'Épopée et ses modèles de la Renaissance aux Lumières, Paris, Honoré Champion, 2002.
- Laradji, Aline, La Légende de Roland. De la genèse française à l'épuisement de la figure du héros en Italie, Paris, L'Hamattan, 2008.
- Lojkine, Stéphane. Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture (XVIe- XIXe siècles).
- Orcel, Michel, "Le Statut de la fureur", in Italie obscure, Belin, Paris, 2001, pp. 13-25.
- Schneider, Marcel, Le Labyrinthe de l'Arioste, Paris, Grasset, 2003.
- Études critiques :
Autres
- ''La Chanson de Roland''. Le manuscrit qui se trouve à la bibliothèque Bodléienne d'Oxford, a été publié par Francisque Michel en 1837, in-8°, et par Génin en 1850, in-8°.
- La Chanson de Roland (traduction seule), Éd. Le Livre de Poche, 1997.
- La Chanson de Roland (bilingue), Éd. Flammarion (GF), 1999.
- Lesage, Alain-René (1668-1747). Traduction de Roland l’amoureux de Matteo Maria Boiardo, 1717, texte établi, présenté et annoté par Denise Alexandre-Gras, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2001/ 2002.
Une curiosité :
- Ariosto furioso, Chelsea Quinn Yarbro (traduction par Jean Bonnefoy), Éd. Denoël, collection Présence du futur, 1981.
Edition originale : Ariosto furioso, Chelsea Quinn Yarbro, Éd. Pocket Book, New York, 1980.
Sous-titré "Romance pour une Renaissance alternative", ce récit est une uchronie mettant en scène l'Arioste en train d'écrire une suite au Roland Furieux qui se déroule en Amérique, récit où la Realità (le monde où il vit) et la Fantasia (le monde qu'il décrit) finissent par se rejoindre.
Liens externes
- Le résumé des 12 premiers chants
- Analyse de Roland furieux et de la Chanson de Roland
- Orlando Furioso de l'Arioste : Texte italien et anglais
- Traduction par le comte de Tressan, 1850
Notes et références
- http://galatea.univ-tlse2.fr/pictura/UtpicturaServeur/Arioste/AriosteEditions.php Le Roland furieux de l’Arioste : littérature, illustration, peinture (XVIe-XIXe siècles) ~] » Stéphane Lojkine, « [
- Naissance d’une icône moderne : Angélique au rocher » Stéphane Lojkine, «
- De l’épopée à la pastorale : Angélique et Médor » Stéphane Lojkine, «
- Abraham Bloemaert, 1620, Nice, musée Chéret, Jacques Blanchard, v. 1634-1635, Metropolitan Museum of Art, New York (États-Unis), Giambattista Tiepolo, 1757, Vicence, Villa Valmarana, François Boucher, 1763, Metropolitan Museum of Art, Antoine Jean Joseph Ansiaux, 1828, collection privée Toussaint Dubreuil, 1575/1600 (Paris, musée du Louvre), Spranger (v. 1580) - Munich, Alte Pinakothek),
- ISBN 2-7073-1159-6
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