Ninpô

Ninpô

Ninja

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Graffiti au pochoir d'un guerrier ninja
Jiraiya, personnage du conte japonais Jiraiya Goketsu Monogatari, d'abord chef de clan puis ninja. Estampe d'Utagawa Kuniyoshi.

Un ninja (忍者? celui qui pratique le ninjutsu) ou shinobi (忍び?) était un guerrier-espion dans le Japon médiéval. Le terme utilisé pour désigner une femme ninja est kunoichi (くノ一?).

Dans l'imaginaire des Occidentaux et même des Japonais, image d'ailleurs largement colportée par les films ou bandes dessinées, on représente les ninjas comme des guerriers vêtus de noir, une cagoule masquant leur visage, accomplissant des exploits physiques en combat, des acrobaties, et experts dans les techniques de dissimulation, d'empoisonnement, et surtout de diversion. Leurs atouts principaux était leur furtivité et leur discrétion.

Sommaire

Origine

Cette image romantique, et le terme même de ninja, sont relativement récents (vers 1780). Les termes utilisés pour désigner ces guerriers-espions étaient plutôt shinobi ou shinobu, parfois rappa (乱破?), suppa (素破, 水破 ou 出抜?) ou kagimono-hiki, ou encore kusa (? les herbes, une des techniques consistant à attendre tapis dans l'herbe et à attaquer les troupes de dos après leur passage). En raison de leur origine géographique probable, les ninjas sont aussi parfois nommés hommes d'Iga (Iga no mono) ou de Kōga, ou encore troupe d'Iga (Iga shu) ou de Kōga.

Les ninjas étaient en effet probablement issus de ces deux provinces voisines situées à côté de Kyōto. Ces provinces étant indépendantes, ils n'étaient redevables d'aucune taxe et jouissaient d'une liberté de mouvement que n'avaient pas les bushi (ou samouraïs), qui étaient eux inféodés aux daimyō (seigneurs féodaux) ; ils n'étaient pas non plus soumis au bushidō (武士道? code de l'honneur du bushi), et pouvaient donc pratiquer des techniques de guerre non-orthodoxe (espionnage, guérilla, embuscades, assassinats). N'étant pas subordonnés aux grandes familles, celles-ci les utilisaient pour leurs besognes (pillages, assassinats). Une de leurs grandes spécialités était de s'introduire de nuit dans les châteaux et camps militaires et d'allumer un incendie, afin de faciliter l'assaut par des troupes classiques ; ils se déguisaient en général pour porter la même tenue que leurs victimes (ils n'étaient donc pas forcément vêtus de noir) afin de semer la confusion.

Par ailleurs, les familles nobles commencèrent à faire appels à des mercenaires dès le règne du premier empereur du Japon : Jinmu Tennō (sans doute des ninjas). Mais c'est lors de la période Kamakura (1192-1333), période marquée par de nombreux conflits entre familles et assassinats, que ces pratiques, même si elles ne correspondaient pas au code du bushido, ont été le plus utilisées par le pouvoir et les seigneurs féodaux. Ceux qui donnèrent par la suite les ninjas avaient établi leurs demeures souvent dans les montagnes où ils côtoyèrent les pratiquants de shugendō : les yamabushi qui souvent furent leurs maîtres d'armes. On voit souvent des documents anciens montrant des guerriers aux prises avec des tengu, dieux de la montagne, en réalité des yamabushi.

La séparation entre samouraï et ninja est difficile à établir comme le montre la vie du célèbre guerrier Jūbei Mitsuyoshi Yagyū qui fut un samouraï et un ninja hors pair. Il rédigea des traités de stratégie militaire, nommés les Carnets de la Lune (月の諸, Tsuki-no-shō?).

Aux yeux de la population, les ninjas, par leur activité criminelle et leurs méthodes peu orthodoxes, faisaient partie des classes sociales eta (穢多? paria) ou hinin (非人? non-humain). Ces castes comprenaient les criminels, mendiants, vagabonds et tanneurs, métiers indésirables de la société japonaise, aujourd'hui regroupés sous le terme burakumin.

Une explication possible de l'étymologie de kunoichi, le terme désignant une femme ninja, est que chacun des caractères qui composent ce mot — le hiragana ku (?), le katakana no (?) et le kanji ichi (?) — constituent les traits du kanji onna (?) qui signifie femme.

Le ninpō, doctrine des ninjas

Le terme moderne de ninpō (忍法?), ou shinobu hō, désigne à présent la doctrine des ninjas, comme le terme bujutsu est devenu celui de budō. Elle met l'accent sur l'endurance, la persévérance, la capacité d'adaptation. Ceci comprend donc bien sûr les techniques de combat et de survie dans la nature (dont le camouflage et les soins médicaux), d'endurcissement du corps et de l'esprit, mais aussi la capacité à prévoir le danger et à l'éviter. De fait, le ninja doit être capable de mimétisme, il doit pouvoir faire preuve d'adaptabilité (souplesse mentale) et ne pas s'attacher à des formes fixes et rigides.

Contrairement au bushi, le ninja ne cherche pas l'affrontement direct, il ne cherche pas à montrer son courage, mais plutôt à survivre et à mener à bien sa mission, sans ressentir de honte ni de colère. Le ninja cherche d'abord à se protéger et à protéger sa famille. Par ailleurs, on peut aussi se référer au traité de stratégie chinois L'Art de la guerre de Sun Tzu (prononcer Souen Tseu)[1], qui développe les techniques d'information et de désinformation dans le cadre de la guerre :

  • se renseigner sur l'ennemi : « Qui connaît l'autre et se connaît, en cent combats ne sera point défait », chap. III
  • désinformer l'ennemi
  • repérer les espions ennemis et les soudoyer.

Une des premières phrases de ce traité de guerre est d'ailleurs « La guerre repose sur le mensonge ». Il recommande principalement de faire usage de la ruse pour éviter le combat. Ce type de comportement était donc recommandé depuis dix siècles avant la première mention historique des ninjas.

Le ninja était furtif et secret. Il savait se déguiser pour se faire passer pour quelqu'un d'une autre classe sociale ou d'une autre région. L'enseignement de ces techniques dans des écoles (ryu) ne se faisait pas en groupe comme pour les bujutsu.

Le ninjutsu, les techniques des ninjas

Le terme ninjutsu (忍術?), ou shinobi jutsu, désigne l'ensemble des techniques des ninjas, suivant les principes du ninpō. Cela comprend des techniques de combat, et notamment l'utilisation détournée d'armes classiques, le combat à mains nues (tai jutsu), mais aussi des techniques de camouflage (hensō jutsu, doton no jutsu), d'utilisation d'explosifs, de poisons, la prestidigitation (gen jutsu), la natation, l'équitation, etc.

Mais le ninjutsu comporte aussi des connaissances en météorologie, astrologie, médecine et mathématiques qui ne sont plus enseignées de nos jours. Ainsi, certains ninjas ont conçu des digues ou exploitaient des mines, ils étaient ce que l'on appellerait maintenant des « ingénieurs ».

Équipement spécifique

Les ninjas utilisaient des armes et du matériel spécifiques, principalement des outils de paysans modifiés :

  • Jitte (ou Jutte) : sorte de dague non tranchante et non perforante munie d'une garde courbée vers l'avant (à la différence du sai, il n'y a qu'une branche à la garde), servant à bloquer les sabres ;
  • Kaginawa : grappin ;
  • Kamayari : lance à crochet ;
  • Kusarigama : faucille reliée à une chaîne ;
  • Metsubushi : fumée, en général produite par un mélange de poudre placé dans un œuf évidé, et servant à aveugler l'adversaire ;
  • Mizu gumo : chaussures flottantes munies de vessies gonflées et permettant de se tenir debout sur l'eau, pour espionner ou se défendre ;
  • Ninjatō : sabre ;
  • Otzu Tsu : arme à feu, sorte de mortier fait dans un tronc évidé ;
  • Ashiko : griffes de pieds, situées sous la semelle, servant à l'escalade, à marcher sur un terrain glissant ou bien comme arme ;
  • Tegaki ou shuko : sorte de griffes portées sur la paume, servant à transporter des billots sur le dos par les montagnards (et surtout pas à escalader, tout bon alpiniste fera la différence ) à frapper en combat à mains nues ou bien pour bloquer les sabres, comme le jitte ;
  • Kunaï : Sorte de dard métallique.
  • Shuriken : armes de jet dont les shaken, étoiles métalliques tranchantes pouvant avoir plusieurs formes différentes (trois ou quatre branches, carrées, rondes...) et les bo-shuriken, sorte de tige de métal, effilées à une extrémité. Cependant, contrairement à ce que croit la plupart des gens, le shuriken n'est pas une arme d'attaque directe et doit être manié conjointement à l'art du sabre. Les dégâts engendrés n'étant que de l'ordre d'une coupure ou pouvant être complètement stoppés par l'armure d'un bushi si les yeux ou les points vitaux visibles n'étaient pas touchés. De plus sa trajectoire est assez aléatoire, dans les mains d'une personne qui n'était pas une experte. C'est une arme souvent empoisonnée, de terreur, plus particulièrement utilisée pour désorienter l'ennemi. Elle servait également à faire diversion pour attirer une sentinelle à l'opposé ;
  • Makibishi ou tetsubishi : petits clous à quatre pointes utilisés pour couvrir une fuite ; ceux-ci traversaient les sandales des poursuivants ;
  •  : bâton de quatre pieds et d'environ un pouce et demi de diamètre. Servant autrefois de canne, il devint une arme redoutable que même les vieillards pouvaient manier très efficacement ;
  • Fukumibari : fléchettes plates cachées dans la bouche et destinées à être crachées au visage.

Dresser ici une liste exhaustive des armes du ninpō relèverait de la gageure et, évidemment, il ne saurait être question de parler d'autre chose que des basiques et des premiers échelons de connaissance.

Histoire des ninjas

Les ninjas étaient a priori à l'origine de troupes formées entre le VIIIe et le IXe siècle, et de bushi vaincus sans seigneurs (rōnin), qui se sont réfugiés dans les provinces d'Iga et de Kōga (maintenant les préfectures de Mie et de Shiga, du côté du lac Biwa). Ayant en commun le déracinement et la défaite, ils développèrent des techniques de survie dans ces contrées sauvages, ainsi que des techniques de combat pragmatiques provenant d'origines diverses. Ils subirent sans doute l'influence :

  • des pirates (kaizoku - 海賊) de la région de Kumano, à qui ils doivent les techniques d'utilisation des grappins,
  • des yamabushi, ascètes vivant dans la montagne et adeptes du shugendō (pratiques mystiques),
  • des moines bouddhistes de la région, notamment des bouddhistes ésotériques shingon,
  • et des hinin, personnes de basse condition sociale utilisées pour les tâches jugées impures, notamment en relation avec le sang et le cuir.

À cette époque, Makibi Kibi, ambassadeur japonais en Chine, amena au Japon les doctrines militaire chinoises, dont L'Art de la guerre de Sun Tzu (appelé Son Shi au Japon).

L'établissement dans ces contrées sauvages et entourées de montagnes, donc sans grand intérêt économique et protégé des invasions des seigneurs voisins, a sans doute contribué à développer un esprit d'indépendance, et notamment l'absence d'attachement à un seigneur et aucune réticence morale à se retourner contre d'anciens alliés. Cela a aussi contribué au secret et donc à l'aura de mystère qui les entoure.

Parmi les probables fondateurs du ninjutsu, on compte le général chinois Ikai qui s'exila à Iga au milieu du XIe siècle et ramena des techniques de combat.

Les ninjas étaient sans doute à l'origine des troupes de guerriers similaires à des milices civiles (jizamurai) dont le but était la défense de la province ; ils n'étaient probablement pas uniquement des guerriers mais exerçaient un autre métier (paysan). Il est difficile de donner une date exacte de l'apparition des ninjas, il s'agit sans doute d'une évolution progressive. Le premier recours documenté daté de l'utilisation de ces troupes d'Iga et de Kōga (les Iga shû et les Kōga shû) est sans doute l'attaque du château du seigneur Rokkaku à Magari par le seigneur Ashikaga vers 1487. Ieyasu Tokugawa, qui fut daimyō (seigneur féodal) puis shogun (dictateur militaire du Japon) au XVIe siècle eut fréquemment recours à ces 'agents de renseignement. Mais les ninjas étaient aussi parfois des guerriers inféodés à leur seigneur et n'ayant aucun rapport avec les familles d'Iga et Kōga, comme par exemple ceux utilisés par Shingen Takeda à la même période : il existait plus de soixante dix familles de ninja à travers l'ensemble du Japon à cette époque.

L'événement le plus marquant fut sans doute la sanglante soumission de la province d'Iga (la province actuelle de Mié, est de la vile de Nara) par les troupes de Nobunaga Oda en 1579. Nobunaga était le régent (bien qu'il ne fut pas nommé shogun par l'empereur), et l'indépendance d'Iga représentait un défi à son autorité. Les deux premières tentatives de soumission se soldèrent par un échec. Pour la troisième, il envahit la province avec six armées venant de six endroits différents. Devant le nombre écrasant d'adversaires, les techniques de guérilla se révélèrent insuffisantes et les familles d'Iga et Kōga furent massacrées. Quelques survivants allèrent se réfugier chez les daimyō voisins (dont Ieyasu Tokugawa) et se mirent à leur service.

À partir de là, certains ninjas, nommés onmitsu, employés par le shogun pour espionner les daimyo, et d'autres, les oniwaban, étaient utilisés pour assurer la sécurité rapprochée du shogun et la surveillance de son château, ainsi que dans une certaine mesure la police dans la capitale Edo. En effet, la période Edo se caractérise par une relative paix entre les clans, les techniques de maîtrise non armées ou avec des armes non tranchantes développées par les ninjas étaient particulièrement intéressantes dans ce contexte.

Enseignement du ninjutsu de nos jours

Le ninjutsu a été très médiatisé et fortement déformé par le cinéma, dans la continuité de la vague du cinéma d'arts martiaux après la mort de Bruce Lee.

Contrairement aux Bujutsu qui ont subi une transformation pacificatrice en Budo du XVIIIe au XXe siècle et a subi un enseignement de masse dès la fin du XIXe siècle, le « ninjutsu moderne » du cinéma est souvent un amalgame récent de differentes pratiques sportive.

À l'heure actuelle, l'école moderne de Ninpo la plus connue et la plus médiatisée est le Bujinkan, de Masaaki Hatsumi. Masaaki Hatsumi, après avoir étudié divers arts martiaux dans sa jeunesse auprès d'Iwata Manzo, Nawa Yumio et de Toshitsugu Takamatsu qui aurait notamment été garde du corps personnel de l'empereur Po, en Chine.

Le Ninpo moderne prône des valeurs de la patience, d'endurance, de persévérance dans les difficultés et de courage.

Les Ninja, dont le mot nin signifie perséverance, en japonais, étaient des gens à multiples facettes mais qui n'avaient besoin d'utiliser la violence que lorsque les circonstances l'exigeaient, comme les bushi. Leur ingéniosité, mêlée d'audace, leur a valu bon nombre de légendes dont certaines (notamment l'incompréhension quant au fait que les Ninja pouvaient « voler et marcher sur l'eau ») ont généré les travers cinématographiques déjà cités : Boom ninja des années 1960 au Japon où l'on tente de créer un surhomme nippon après la défaite de la guerre du Pacifique!

Le Ninjutsu féodal n'est plus enseigné à notre époque et toutes les école modernes de soit-disant ninpo secret sont de création récentes.

Notes et références

  1. L'art de la guerre, Sunzi, IVe av. J.-C., plusieurs éditions en français, notamment trad. Jean Lévi éd. Hachette

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • L'Art de la guerre, Sunzi, IVe av. J.-C., plusieurs éditions en français, notamment trad. Jean Lévi éd. Hachette
  • Ninpô - Ninjutsu, l'ombre de la lumière, Kacem Zoughari, éd. Guy Trédaniel éditeur, 2003
  • Dossier : les ninjas, Kacem Zoughari et Ludovic Mauchien, Karate Bushido n° 320, pp 42-52, éd. Européenne de Magazines, février 2004
  • Ninjas, histoires et traditions, Sylvain Guintard, Éditions SEM
  • L'Essence du Ninjustu, Masaaki Hatsumi
  • Ninjutsu, le monde des Ninjas, Watanabe Kondo, Roland Habersetzer, Hans Rauch, Éditions Amphora
  • Secrets of the Ninja, Ashida Kim, version anglaise seulement, DojoPress I-Book
  • L'Esprit des ninjas, Philippe Barthélémy, 1999
  • Ninjas, les armes du ningu, Sylvain Guintard, Éditions SEM, 2006
  • Ninja et yamabushi, guerriers et sorciers du japon féodal, Florent Loiacono, Budo éditions, 2006
  • Shoninki : l'authentique manuel des ninja, Natori Masazumi, Axel Mazuer, Albin Michel, 2009


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