Napoléon bonaparte à l’école royale d’artillerie à auxonne

Napoléon bonaparte à l’école royale d’artillerie à auxonne

Napoléon Bonaparte à l’École royale d’artillerie à Auxonne

Le séjour de Napoléon Bonaparte à l’École royale d’artillerie à Auxonne, où il apprit l'essentiel de son métier militaire et où il forgea les bases de sa formation intellectuelle reste un souvenir glorieux pour la cité auxonnaise. La mémoire de l'Empereur est restée chère aux Auxonnais. Ils lui rendirent un hommage solennel en lui érigeant une statue le représentant sous les traits de la jeunesse, dans l'uniforme de lieutenant d'artillerie qu'il portait lors de son séjour dans la ville, avant que sa prodigieuse élévation ne le porte aux sommets de la gloire. La statue du lieutenant Bonaparte trône au milieu de la place d'Armes, à Auxonne, depuis le 20  décembre  1857.

Sommaire

Le séjour à Auxonne

Statue du lieutenant Bonaparte à Auxonne par François Jouffroy

Le jeune Napolionne Buonaparte, lieutenant en second du régiment d'artillerie de la Fère foula pour la première fois le sol de la cité auxonnaise le 15 juin 1788. Le congé de semestre dont il bénéficiait et qu’il fit durer vingt mois par le jeu de prolongations venait de s’achever. Il quitta sa Corse natale et après un voyage de quinze jours il retrouvait son régiment qui tenait garnison à Auxonne pour y apprendre son métier d’artilleur.

Son affectation au régiment de la Fère se prolongea jusqu’au 1er juin 1791 et c’est le 14 juin 1791 qu’il quitta Auxonne pour rejoindre, comme lieutenant en premier, le 4e régiment d’artillerie en garnison à Valence. Son temps de présence dans la cité qui ne dépassa pas 18 mois pour l’ensemble des deux périodes fut interrompu par la longue absence d’un autre congé semestriel à nouveau prolongé, qui commença au début septembre 1789 pour prendre fin le 11 ou 12 février 1791. Son court séjour fut néanmoins très fructueux ; il y trouva des protecteurs qui avaient le goût d’éveiller les intelligences.

Le jeune Corse avait 19 ans. C’était le temps de sa formation intellectuelle. Féru de son métier militaire, il s'initia à la balistique, à la tactique et à la stratégie. Né avec le don d’apprendre et animé d’une ardente passion de s’instruire et d’une infatigable curiosité, servi par une prodigieuse mémoire, il s’adonna avec passion à la lecture. Ses qualités lui apportèrent les réponses à ses interrogations. Elles le conduisirent vers les idées nouvelles, avec elles, il analysa, il médita, s’ouvrit sur le monde, se forgea ses idées, s’ancra dans ses convictions. Son avidité de culture lui fit à mener une vie studieuse et active, bien que recluse, dans la cité auxonnaise.

Le métier militaire

Auxonne - Cadran solaire apposé sur le mur du Pavillon Royal au quartier Bonaparte

En arrivant le jeune lieutenant en second retrouvait le régiment de La Fère, un des meilleurs de l’arme[1]. Ce régiment tenait garnison à l’École royale d’artillerie à Auxonne, depuis le mois de décembre 1787.

Bonaparte prit gîte aux casernes, dans le Pavillon de la Ville, à la chambre N°16, escalier I, 3e étage, côté sud. Lors des quatre mois que dura son séjour de l’année 1791, il occupa avec son jeune frère Louis, la chambre n°10, escalier 3, 2e étage côté nord, du même pavillon des casernes. Ses repas furent assurés, comme pour ses camarades officiers, chez la veuve du traiteur Dumont rue de Saône (Aujourd’hui rue Vauban au N°5)[2].

Fondée en 1757, l’École royale d’artillerie d’Auxonne, que Bonaparte désigna comme « la seule où les officiers fussent à même de s’instruire[3] » commandée par le baron Jean-Pierre du Teil, allait lui permettre d’exprimer son talent et de ses capacités.

L’école dispensait des cours de mathématiques, mécanique, physique et de dessin qui se tenaient au Pavillon de la Porte Royale. Les exercices pratiques avaient lieu, rive droite de la Saône, au polygone de Tillenay. Les cours de dessin occupaient une part importante de la formation militaire. Donnés par l’excellent maître de dessin Sébastien Collombier, ils apportaient aux futurs officiers artilleurs la connaissance des systèmes de fortifications de Vauban ou de Cormontaigne et des règles de la perspective.

Le jeune Corse avait un goût marqué pour les mathématiques. Elles étaient enseignées par le professeur Jean-Louis Lombard qui se faisait assister de son fils Jean-Marie. Il fut un auditeur assidu de ce remarquable professeur : « Homme précieux qui contribuait autant que les meilleurs officiers à la supériorité de l’artillerie française ». Bonaparte aimait Lombard et ce dernier répétait volontiers que ce jeune lieutenant « irait loin ». L’ouvrage de Benjamin Robins « Nouveaux principes d’artillerie (News principles of gunnery) » que Lombard avait traduit de l’allemand faisait partie des lectures du jeune artilleur et ses Notes dans « Principes d’Artillerie » conservent les références qu’il faisait de cet ouvrage.

Dans la querelle entre les partisans de l’ancien système de Vallière et les promoteurs du nouveau système Gribeauval il adhère nettement au nouveau système : « qui ne laisse rien à désirer du côté de la perfection[4] ».

Le talent de Bonaparte n’échappa pas au général du Teil et ce dernier l’assura de sa confiance. En retour, à Sainte Hélène, l’empereur déchu ne l’oublia pas. Il légua par testament au fils ou petit-fils de Du Teil une somme de cent mille francs « comme souvenir de reconnaissance pour les soins que ce brave général avait pris de lui » : témoignage de la reconnaissance qu'il rendait à son chef.

La confiance que le général Du Teil lui accorda le fit désigner, seul représentant des lieutenants en second, comme membre d’une commission comprenant également le professeur Lombard, qui reçut pour mission d’étudier si les bombes pouvaient être tirées avec des pièces de siège. Les expérimentations eurent lieu les 12, 13, 18 et 19 août 1788 au polygone de Tillenay. Fier du crédit qu’on lui accordait et malgré un accent de jalousie de la part des capitaines, il rédigea un procès-verbal net et précis qui impressionna favorablement Du Teil. Il fit part, « de cette marque de faveur inouïe » dans une lettre datée du 29 août  1789, écrite d’Auxonne, à l’abbé Fesch. Il proposa ensuite au général de nouvelles expériences « suivies, raisonnées et méthodiques ».

Son aptitude à l’analyse et à la rédaction n’avait pas échappé à ses camarades. Ils lui confièrent le soin de rédiger un projet de constitution du règlement de La Calotte[5]. Cette société formée des lieutenants et lieutenants en second, dont l’autorité était reconnue et acceptée et qui devait faire respecter, au sein de ses membres, la bienséance, le savoir-vivre, la courtoisie et la galanterie. Le projet de constitution qu’il soumit au lieutenant en premier Vimal de La Grange, rédigé sur un style emphatique et sentencieux, avec le même sérieux que s’il se fût agi de donner la constitution à un pays, imprégné du vocabulaire et des idées lues dans le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, fut reçu avec une ironie contenue de la part de ses camarades. La réaction moqueuse déplut à Des Mazis (ou Desmazis) mais le texte fut néanmoins adopté.

Ses devoirs de militaire le conduisirent à Seurre pour y réprimer des troubles qui y eurent lieu au début du mois d’avril 1789. Le capitaine Coquebert, le commandant d’une des trois compagnies qui furent désignées pour s’y rendre étant absent pour cause de détachement, et le lieutenant en premier éloigné par son congé de semestre, le commandement du détachement de cent hommes revint au lieutenant en second Bonaparte. Il quitta Auxonne pour Seurre le 1er avril. Sur place, il aurait dissipé une légère émeute en criant à la foule : « Que les honnêtes gens rentrent chez eux, je ne tire que sur la canaille ». Sa présence à Seurre dura deux mois. C’est le 29  mai  1789 qu’il regagna Auxonne

Le jeune lieutenant, comme ses camarades, voulut goûter aux joies de la baignade dans les eaux de la Saône. Ce jour là, alors qu’il nageait, une crampe le saisit, le fit défaillir et couler. Sa poitrine en touchant un banc de sable fit émerger sa tête et lui permit de reprendre connaissance. Grâce au courant, il réussit à regagner la berge. Tiré hors de l’eau par ses camarades, il vomit beaucoup, se remit de ses émotions, se rhabilla et regagna sa chambre. Une autre fois encore, sans doute lors de son deuxième séjour, il faillit connaître les eaux de la Saône, mais d’une manière la plus brutale : lors d’une vive discussion avec ses camarades il réussit, par les propos qu’il leurs tînt, à tellement les agacer qu’ils voulurent le jeter à l’eau.

Une émeute éclata à Dijon le 15  juillet 1789. Les nouvelles reçues de Paris étaient alarmantes. « Je reçois dans le moment des nouvelles de Paris. Deux de mes camarades sortent de ma chambre, après m’avoir lu celles qu’ils avaient reçues. Elles sont étonnantes et faites pour singulièrement alarmer », écrivait-il d’Auxonne dans la lettre du 15  juillet 1789 à l’archidiacre Lucien. L’insurrection populaire s’alluma à Auxonne le 19  juillet 1789. La population en colère commenca par détruire le corps de garde des portes de la ville puis pilla la maison du receveur. L’intervention d’un détachement de régiment de La Fère avec 450 hommes sous les armes, fut placée sous les ordres de Bonaparte par le « général de soixante-quinze ans, fatigué ». Après avoir harangué les mutins pendant trois quarts d’heures, il fit 33 arrestations suivies de mises au cachot[6].

Le 23 août 1789 Bonaparte devant les drapeaux de La Fère prête serment sur la place des casernes en présence du baron Du Teil et des municipaux, et jure de rester fidèle à la nation, au roi et à la loi.

Mondanités auxonnaises

Durant son séjour, il n’eut que de maigres ressources, il était pauvre et craignait la dépense : « Je n’ai d’autre ressources ici que de travailler … » écrivait-il en juillet 1789. Si pendant ses loisirs il restait souvent dans sa chambre pour y travailler assidûment, il ne mena pas pour autant une vie solitaire et n’était pas dépourvu d’amis. Des Mazis, Le Lieur de Ville-sur-Arce, Rolland de Villarceaux, et Jullien de Bidon comptaient parmi ses intimes. Il y avait aussi Vimal de La Grange et d’autres encore et restait aussi attaché aux autres officiers par des liens de bonne camaraderie. Au nombre des capitaines figurait le remarquable Gassendi, intelligent possédant une culture étendue, il aimait taquiner la muse et c’était surtout un admirateur de la Corse. Jusqu’au dernier jour de gloire de l’Empereur il resta un de ces admirateurs. Et Napoléon lui rendait bien sa confiance. Il y eut aussi Naudin, commissaire des guerres et du corps royal, avec lequel le souvenir de la Corse où il avait passé quinze ans en qualité de garde général d’artillerie servit à entretenir une grande intimité.

Le lieutenant de La Fère fréquenta la société auxonnaise ; parfois, il accompagnait le soir M. et Mme Lombard chez M. Pillon d’Arquebouville, le directeur de l’Arsenal, pour y jouer au loto. Les liens d’amitiés qu’il a tissé lui permettent d’être reçu aussi dans les salons de Madame de Berbis et chez le baron Du Teil.

La formation intellectuelle de Bonaparte

Bonaparte studieux

Statue du lieutenant Bonaparte à Auxonne - Bas-relief - Bonaparte à la Chapelle de la Levée

Dans sa chambre, pendant ses loisirs, au cours de ses promenades dans la campagne auxonnaise, qui l’amenaient selon son humeur à l’ombre du tilleul, deux fois centenaires de Villers-Rotin, ou sous les chênes du hameau de La Cour à l’orée de la forêt des Crochères, ou encore vers le bois du Boutran et la Chapelle de La Levée il ne cessait de lire. Sa frénésie de lecture répondait à son besoin de savoir, elle le portait à la méditation. Il couchait sur le papier dans ses Notes le résultat de ses jugements et réflexions.

Sa fièvre de lecture était portée à point tel, que même lorsqu’il fut mit une fois, pendant vingt-quatre heures, aux arrêts avec le sergent Floret, il dévora un poussiéreux Digeste, le seul livre qui ce fut trouvé là. Sa mémoire était si vive qu’il étonna J.-B. Treilhard, lors de séances au Conseil d’État pendant la rédaction du Code Civil, en citant quinze ans après, des passages du Digeste lu à Auxonne[7].

Lectures et écrits auxonnais, Bonaparte auteur

Ses manuscrits autographes, — période 1786-1791 —, conservés à la Biblioteca Medicea Laurenziana di Firenze édités en 1907 d’après les originaux par Frédéric Masson et Guido Biagi[8], éclairent sur ses centres d’intérêts.

Il y a les ouvrages qui relèvent de son art militaire. Tels :

  • « Premier cahier sur l’artillerie », tiré du mémoire du marquis de Vallière, (Auxonne, janvier 1789).
  • « Principes d’Artillerie », F. Masson indique qu'il y a tout lieu de penser que ces notes ont été tirées des Nouveaux principes d'artillerie de Benjamin Robins, commentés par M. Léonard Euler, traduits de l'allemand avec des notes par M. Lombard, professeur royal aux Écoles d'Artillerie à Auxonne. Dijon, 1781.
  • « Traits concernant l’Histoire de l’artillerie », (Auxonne, février 1789), tiré de M. de Saint Rémy.
  • « Mémoire sur la manière de disposer les canons pour le jet de bombes », (Auxonne, 30  mars  1789).

Mais ses lectures et ses écrits de la période auxonnaise embrassent des domaines bien plus variés : de l’histoire, en commençant à l’époque antique jusqu’aux temps modernes qu’il affectionne, en passant par la géographie qui l’attire, par l’histoire naturelle de Buffon, la philosophie avec Tacite, Montaigne, Platon, Montesquieu, Tite-Live, la religion, les mœurs de l’Orient, et puis les chefs-d'œuvres dramatiques de Corneille, Racine et Voltaire.

C'est dans ses écrits d'Auxonne que s'affirment plus nettement les idéaux du jeune Bonaparte. La liste suivante des lectures et écrits auxonnais[9], qui ne se veut pas exhaustive, nous donne un aperçu de la diversité de ses lectures :

  • « Notes diverses » sur La République de Platon;
  • « Notes sur le gouvernement des anciens Perses[10] » Tirées de Histoire ancienne de Charles Rollin ;
  • « Notions sur le gouvernement d’Athènes[11] » Tirées de Histoire ancienne de Charles Rollin » ;
  • « Notes diverses » Tirées de Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des européens dans les deux Indes de l’Abbé Raynal ;
  • « Notes sur l’Histoire d’Angleterre », Histoire nouvelle et impartiale d'Angleterre depuis l'invasion de Jules César jusqu'aux préliminaires de la paix de 1763 de John Barrow (Traduction française) ;
  • « Note tirée de l’Histoire du roi Frédéric II », Frédéric Masson indique qu'il n'a pas retrouvé de quel ouvrage Bonaparte avait pris ces notes, (décembre 1788) ;
  • « Notes diverses », Tirées des Mémoires de l’abbé Terray. Ce pamphlet est généralement attribué à Jean-Baptiste Coquereau, (Auxonne, 1788) ;
  • « Notes » Tirées de l’Espion anglais ou Correspondance secrète entre milord All'Eye et milord All'Ear, de Mathieu-François Pidansat de Mairobert, John Adamson, 1784. ;
  • « Études de la nature » de Jacques Bernardin de Saint-Pierre, (Auxonne, mars 1789) ;
  • « Histoire naturelle », de Buffon, (Auxonne, mars 1789) ;
  • « Histoire des Arabes sous le gouvernement des califes » de l’abbé Augier de Marigny ;
  • « Notes diverses », Histoire du Gouvernement de Venise avec des notes historiques et politiques, de Nicolas Amelot de La Houssaye ;
  • « Notes diverses » Tirées des Observations sur l’histoire de France par l’abbé Mably ;
  • « Géographie moderne  » de l'abbé Nicolle De La Croix ;
  • « Dissertation sur l’Autorité Royale », (Auxonne, 23  octobre  1788) dans laquelle on relève la phrase : « Il n'y a que fort peu de rois qui n'eussent pas mérités d'être détrônés ».
  • « Notes diverses », Tirées des gazettes ou autres papiers publics, (Auxonne, 8 juin 1789) ;

D’autres encore que l’on peut continuer à citer :

  • « Notes sur l’Histoire de la Sorbonne », par l'abbé Duvernet, 14  avril  1791 ;
  • « Voyage de M. William Coxe en Suisse », Tome Ier et second, (Auxonne, 20 et 24  avril  1791) ;
  • « Mémoires secrets sur le règne de Louis XIV et Louis XV » par Charles Pinot Duclos, Historiographe de France, (Auxonne, 11  mai  1791) ;
  • « Histoire critique de la noblesse » Histoire critique de la noblesse depuis le commencement de la monarchie jusqu'à nos jours où l'on expose ses préjugés, ses crimes, où l'on prouve qu'elle a été le fléau de la liberté, de la raison, des connaissances humaines et constamment, l'ennemie du peuple et des Rois, par Jacques-Antoine Dulaure, Paris, 1790, (Auxonne, 19  mai  1791) ;
  • « Notes diverses », Tirées de Esprit de Gerson d'Eustache Le Noble, (Auxonne, le 12  mai  1791) ;
  • « Notes diverses » Essai sur l’histoire générale et sur les mœurs et l’esprit des nations depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, par M. Voltaire, (Auxonne, 22  mai  1791) ;
  • « Notes diverses », Diversité des sujets, F. Masson dit qu'il s'agit du Cahier d'expressions de Bonaparte, (Auxonne, 10 avril  1791).

Ses lectures laissent bien souvent apparaître le thème dominant du jeu de la machine gouvernementale et financière ; sujet qu’il semble rechercher et qu’il veut mieux connaître, il le considère comme étant la partie la plus instructive et attachante de l’histoire d’un peuple. Avait-il le dessein secret de trouver un modèle idéal pour sa Corse qui ne quitte jamais ses pensées ? « Vous savez que je fais une étude particulière sur toutes les manières d’administration » écrivait-il dans sa lettre du 28  mars 1789 à son grand-oncle, l'archidiacre Lucien.

Extraits et lectures ne suffisaient pas au jeune Bonaparte. Il affectait d’être auteur et développait sous forme de nouvelles des anecdotes qui l’avait frappé : un de ses petits récits : Le comte d’Essex , est écrit d’après ce qu’il avait lu dans Barrow et le Masque Prophète , d’après sa lecture de l’Histoire des Arabes sous le gouvernement des califes de l’abbé Augier de Marigny, (1750).

De toutes ces lectures, de tous ces auteurs se distinguent surtout Rousseau — même si en 1803, jugeant Rousseau avec sévérité il le déclarait ennuyeux — et l’abbé Raynal. Il en fait ses auteurs de prédilection ; ils aiment la Corse et Bonaparte était Corse des pieds à la tête. Ils flattent son patriotisme et lui inspirent des sentiments républicains. Le jeune Corse vivait par la pensée sur son île natale. Il trouvait dans leurs ouvrages les remèdes aux maux qui accablaient son île. Ces lectures entretenaient dans son imagination une image embellie de son île. La Corse, il la voyait asservie, réduite à l’esclavage ; les Français, après les Génois la tenaient sous le joug ; il fallait secouer ce joug « Les Corses ont pu, en suivant toutes les lois de la justice, secouer le joug génois et peuvent en faire autant de celui des Français. Amen ».

Il avait, à cette époque, la haine de la domination française. Aveuglé par un patriotisme exacerbé, une profonde ingratitude lui faisait oublier un peu rapidement tout ce qu’il devait à la France qui lui avait accordé une bourse, ouvert ses écoles et comblé sa famille de bienfaits. Le commandant d’Ajaccio La Férandière a dit de lui lors du séjour qu’il fit sur son île en 1790 : « Ce jeune officier a été élevé à l'École militaire, sa sœur à Saint-Cyr, et sa mère comblée de bienfaits par le gouvernement ; il serait bien mieux à son corps car il fermente sans cesse ».

Bonaparte et le dessein corse

Auxonne - Plaque apposée au Quartier Bonaparte

La situation de son île lui paraissait insupportable. Napoléon résolut de crier la véritable situation de sa patrie. « D’appeler au tribunal de l’opinion les hommes qui gouvernaient la Corse, de détailler leurs vexations et de découvrir leurs sourdes menées[12] », de « noircir du pinceau de l’infamie ceux qui trahissaient la cause commune ». Il écrivit encore. De là viennent : « Nouvelle Corse », et les trois « Lettres sur la Corse », dont la dernière resta inachevée, qu’il soumit d’abord au Père Dupuy, un de ces maîtres de Brienne, puis plus tard, à M. L’abbé Raynal qui l’exhortait à écrire l’histoire de la Corse.

La lettre à « l’infâme » Mattéo Buttafoco, (ou Matteo Buttafuoco), ce député corse favorable à la cause française, fut achevée sur les hauteurs d’Ajaccio, dans son cabinet des Milelli. Elle est datée du 23 janvier 1791, son dernier jour de sa présence en Corse avant son embarquement pour le retour à Auxonne. Écrite avec l’esprit de parti, truffée d’exagérations, son auteur, mu par une haine ardente accablait d’outrages le député et le vouait à l’opprobre. Après avoir reçu l’accord de Masséria, Président du Club Patriotique d’Ajaccio, Bonaparte fut charger de faire imprimer la lettre. À son retour à Auxonne, il se rendit à plusieurs reprises chez Jean-François Xavier Joly, imprimeur dolois à qui il confia le travail. L’imprimeur raconte dans une lettre[13], que Bonaparte se présenta chez lui, vêtu d’une carmagnole et d’un pantalon de toile blanche rayée de bleu, chapeau rond, à huit heures du matin. Il avait parcouru à pieds les quatre lieues du trajet aller qui séparent les deux villes pour lui proposer d’imprimer la lettre. Il restait au lieutenant en second autant de chemin à parcourir pour retrouver son régiment. Deux jours après, il était à nouveau chez l’imprimeur pour vérifier la 1re feuille d’impression et, devant être de retour à Auxonne à onze heures précises, sans s’asseoir, il ne prit le temps de prendre qu’un doigt de vin . Le reste des épreuves fut examiné lors d’un voyage suivant qu’il fit, cette fois, accompagné de son jeune frère Louis.

Toujours au cours de sa présence à Auxonne de 1791, il alla, accompagné du lieutenant Le Lieur de Ville sur Arce, rendre visite à son ami le capitaine Gassendi en détachement dans cette ville depuis août 1789. Dans le même temps, il prolonge son voyage et accompagné de son ami Des Mazis il part pour Chagny, puis jusqu’au Creusot-Montcenis pour y visiter la fonderie de canons nouvellement construite. C’est au cours de ce voyage que ses capacités de grand marcheur le trahissent et des ampoules aux pieds l’obligent à prendre un cheval.

Napoléon Bonaparte fit ses adieux à la ville d’Auxonne le 14  juin 1791. Le 8  mai 1800 alors Premier Consul, en route pour l’Italie, il y fit une courte halte de deux heures. Il descendit dans la grande salle de la Direction de l’Artillerie où les habitants d’Auxonne vinrent le saluer.

Parmi les objets ayant appartenu à Napoléon Bonaparte lors de son séjour à Auxonne, se trouvent au musée Bonaparte, (Musée situé actuellement dans la tour Notre Dame du Château forteresse Louis XI) : Une équerre en bois avec des inscriptions de sa main, un fleuret, un casse-noisette donné par Bonaparte à Melle Lepinglard, une pelote à épingles offerte par Bonaparte à Mme Pillon d'Arquebouville, un portefeuille en soie offert par Bonaparte à Mme Renaud, un fer de pique enlevé par Bonaparte à un émeutier en 1789. La chambre occupée par Bonaparte lors de son deuxième séjour aux Casernes a été conservée. Elle fait partie du domaine militaire mais reste visitable.

Annexes

Notes

  1. La Jeunesse de Napoléon, A. Chuquet T. I, p. 272.
  2. Bonaparte à Auxonne de Martine Speranza
  3. Une famille militaire au XVIIIe siècle, Joseph Du Teil, Paris, Picard, 1896, p. 258
  4. La Jeunesse de Napoléon, A. Chuquet T. I, p. 350
  5. Voir : Projet de constitution du règlement de La Calotte écrit par Bonaparte (document pdf). Publié d'après les originaux autographes par Frédéric Masson et Guido Biagi.
  6. Lettre d’Auxonne, du 22 juillet 1789 à son frère Joseph
  7. J.-B. Treilhard participa à la rédaction du Code Civil
  8. Paris, Librairie Paul Ollendorf
  9. Les écrits de Bonaparte situés hors de la période de son séjour auxonnais ne sont pas mentionnés ici.
  10. Histoire ancienne (Histoire ancienne des Égyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes et des Perses, des Macédoniens, des Grecs) (1730-1738), 13 vol.
  11. Histoire ancienne (Histoire ancienne des Égyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes et des Perses, des Macédoniens, des Grecs) (1730-1738), 13 vol.
  12. La Jeunesse de Napoléon, A. Chuquet T. I. p. 46
  13. Lettre du 14 août 1821 qu’il adressa à Amanton, maire d’Auxonne
  • Les lettres écrites par Bonaparte à Auxonne et à Seurre sont conservées aux Archives Nationales (400 AP 137).
  • La Bibliothèque municipale de Dole possède un exemplaire imprimé de la lettre à Buttafoco. (Joly, Dole, 1791).

Bibliographie

Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article : Source utilisée pour la rédaction de cet article

  • Frédéric Masson et Guido Biagi, Napoléon, Manuscrits inédits, (Période 1786-1791). Publiés d’après les originaux autographes par Frédéric Masson et Guido Biagi édités en 1907, Paris. Manuscrits conservés à la Biblioteca Medicea Laurenziana di Firenze. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Arthur Chuquet, La Jeunesse de Napoléon, Paris, 1898.Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Martine Speranza, Bonaparte à Auxonne, Auxonne, 1988. Journal rédigé à l’occasion du bicentenaire de l’arrivée de Bonaparte à l’École d’Artillerie d’Auxonne. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Luigi Mascilli Migliorini, Napoléon, Collection Tempus, Perrin, Roma, 2001. ISBN 226202550-9 Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Jean Tulard, Napoléon Bonaparte, Œuvres littéraires et écrits militaires, Société Encyclopédique française, Paris, 1967.Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Liens externes

  • (fr) Projet de constitution du règlement de La Calotte écrit par Bonaparte (document pdf). Publié d'après les originaux autographes par Frédéric Masson et Guido Biagi.


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