Manuscrit de Nag Hamadi

Manuscrit de Nag Hamadi

Bibliothèque de Nag Hammadi

La bibliothèque de Nag Hammadi est un ensemble de treize codex de papyrus reliés en cuir, du milieu du IVe siècle. Retrouvés en 1945 dans la ville de Nag Hammadi au nord-ouest de Louxor par des paysans égyptiens, ils sont désormais conservés au musée copte du Caire.

Ces codex (les plus anciens connus), datent contiennent une cinquantaine de traités en copte, traductions de textes écrits initialement en grec ancien, vraisemblablement du IIe siècle au IIIe siècle. La majorité sont des écrits dits gnostiques, mais on trouve également trois textes de la tradition hermétique, dans la lignée du Corpus Hermeticum, et une traduction partielle de La République de Platon. La plupart de ces textes n'étaient pas connus par ailleurs, ou seulement de façon fragmentaire.

Le plus célèbre est sans doute l'Évangile selon Thomas, dont la bibliothèque de Nag Hammadi contient le seul exemplaire complet.

Sommaire

La découverte

Pour Christoph Markschies l'histoire de la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi est « aussi fascinante que son contenu même  »[1] ». En décembre 1945, deux frères Égyptiens découvrent plusieurs papyrus dans une grande jarre de terre cuite tandis qu'ils creusent le sol pour trouver des nitrates pour fertiliser leurs terres, dans des grottes à proximité du village de Habra Dom en Haute-Égypte, à une dizaine de kilomètres de la ville de Nag Hammadi. Ils ne font pas part de cette découverte immédiatement, espérant faire fortune en vendant les manuscrits petit à petit. Leur mère aurait brûlé au moins un des codex par crainte des « effets dangereux » de ces écrits, dont personne de la famille ne savait lire les caractères grecs[2].

En 1946, pris dans une vendetta familiale, les deux frères confient les manuscrits à un prêtre copte, dont le beau-frère de ce prêtre vend un des codex (aujourd'hui numéroté Codex III) au Musée copte du Caire[3]. Le jeune historien français Jean Doresse, alors au musée, mesure l'importance de la découverte, et en fait état dans une première publication en 1948 avec Henri-Charles Puech [4]. Entre temps, un codex avait été vendu séparément, au Caire, à un antiquaire belge. Ce dernier, après avoir tenté en vain de le vendre à New York et à Paris, fait finalement affaire avec l'institut Carl Jung, par l'intermédiaire de Gilles Quispel. Le manuscrit (codex I) était destiné à être offert au célèbre psychanalyste[5] il est donc connu aussi sous le nom de Codex Jung. La mort de Jung en 1961 entraîne une discussion sur la propriété du « Manuscrit Jung », ce qui retarde jusqu'en 1975 la remise de ce document au musée copte du Caire, alors qu'une première édition du texte a déjà paru.

Les années suivantes, plusieurs autres pièces sont vendues par le prêtre à un antiquaire chypriote du Caire. Une partie est confisquée par le Département des Antiquités, de crainte qu'elles ne quittent le territoire. Après la prise de pouvoir de Nasser en 1956, ces textes, confiés au musée copte, sont déclarés biens nationaux.

Malgré toutes ces vicissitudes, l'ensemble est désormais réuni au musée copte et représente onze livres complets et des fragments de deux autres, « correspondant à plus de 1000 pages d'écriture[6] ».

Éditions et traductions

Le premier des papyrus édité a été le codex Jung, traduit partiellement en 1956 dans un opuscule publié au Caire. Une édition complète en fac-similé a été prévue. Mais en raison des difficultés politiques en Égypte, ce projet a pris beaucoup de retard.

Les choses ne changent qu'en 1966, année du Colloque international sur les origines du gnosticisme à Messine (Italie). Cette réunion était destinée à permettre aux universitaires d'aboutir à un consensus sur la définition du gnosticisme. Dans le cadre de ce congrès, James M. Robinson, expert en sciences religieuses, réunit un groupe d'éditeurs et de traducteurs qui devaient publier une édition bilingue (copte / anglais) des manuscrits de Nag Hammadi, en collaboration avec l'Institute for Antiquity and Christianity de Claremont (Californie). Robinson avait été désigné comme secrétaire du Comité international pour les manuscrits de Nag Hammadi, fondé en 1970 par l'Unesco et le ministère égyptien de la Culture : cette situation lui donnait toute facilité pour superviser le projet.

Entre temps, une édition en fac-similé des manuscrits paraît entre 1972 et 1977 (avec d'importants compléments en 1979 puis en 1984), publiée par E. J. Brill sous le titre de The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices, rendant ainsi disponible à tous l'ensemble des documents.

En même temps, une équipe d'universitaires allemands (le projet était né dans l'ex-RDA), composée de Alexander Bohlig et Martin Krause, ainsi que de spécialistes du Nouveau Testament, Gesine Schenke, Hans-Martin Schenke et Hans-Gebhard Bethge, prépare une traduction des textes en allemand. Cette édition complète paraît en 2001 sous l'égide de l'université Humboldt de Berlin.

La traduction de James M. Robinson commence à paraître en 1977, sous le nom de The Nag Hammadi Library in English, en co-édition entre E. J. Brill et Harper & Row. Cette publication en un seul volume constitue, selon Robinson lui-même, « la fin d'une étape de la recherche universitaire sur Nag Hammadi, et le début d'une autre étape[7]. Deux autres éditions brochées suivent en 1981 et en 1984, respectivement chez Brill et chez Harper. Cette édition marque la fin de la dispersion des manuscrits de Nag Hammadi et sa diffusion complète. Les manuscrits sont désormais accessibles à tous dans différentes langues.

Une nouvelle édition en anglais est publiée en 1987, par l'universitaire Bentley Layton (Université Harvard), sous le titre The Gnostic Scriptures : A New Translation with Annotations, chez Doubleday & Co. Le volume comprend de nouvelles traductions des manuscrits de Nag Hammadi, mais aussi des extraits d'auteurs hérésiarques et d'autres textes gnostiques. Il reste, avec The Nag Hammadi Library in English, l'un des témoins les plus accessibles de la bibliothèque de Nag Hammadi, avec de bonnes introductions historiques sur les différents groupes gnostiques, un appareil de notes importants, tant sur le texte que sur la traduction, et enfin une bonne vision de l'ensemble des textes en mouvements clairement définis.

Depuis 1977, l'Université Laval travaille à une édition en français de ces textes sous la direction du théologien Louis Pinchaud. L'équipe de traduction publie ses travaux dans une collection destinée aux savants, la Bibliothèque Copte de Nag Hammadi. L'édition de la Bibliothèque de la Pléiade, chez Gallimard, reprend ces traductions en un seul volume sous la direction de Jean-Pierre Mahé et Paul-Hubert Poirier, et rend enfin ces textes accessibles au public francophone sous le titre : Ecrits gnostiques, en 1820 pages.

Les manuscrits et leur contenu

Numéro du
codex
Contenu[8]
I
(Codex Jung)
Prière de l'apôtre Paul
Épître apocryphe de Jacques (Livre secret de Jacques)
Évangile de la vérité (ou Évangile de vérité)
Traité sur la résurrection
Traité tripartite
II Livre des secrets de Jean (ou Apocryphe de Jean)
Évangile selon Thomas
Évangile selon Philippe
Hypostase des archontes
Écrit sans titre
Exégèse de l'âme
Livre de Thomas l'athlète (ou Livre de Thomas l'athlète)
III Livre des secrets de Jean (ou Apocryphe de Jean)
Livre sacré du Grand esprit invisible (ou Évangile des Égyptiens)
Eugnoste le Bienheureux
Sagesse de Jésus-Christ
Dialogue du Sauveur
IV Livre des secrets de Jean (ou Apocryphe de Jean)
Livre sacré du Grand esprit invisible (ou Évangile des Égyptiens)
V Eugnoste le Bienheureux
Apocalypse de Paul
Première Apocalypse de Jacques
Deuxième Apocalypse de Jacques
Apocalypse d'Adam
VI Actes de Pierre et des douze apôtres
Brontè
Authentikos Logos
Concept de notre Grande Puissance
Fragment de la République de Platon (588b-589b)
L'Ogdoade et l'Ennéade
Prière d'action de grâces
Fragment du Discours parfait
VII Paraphrase de Sem
Deuxième Traité du Grand Seth
Apocalypse de Pierre
Leçons de Silvanos
Trois Stèles de Seth
VIII Zostrien
Lettre de Pierre à Philippe
IX Melchisédek
Noréa
Témoignage véritable
X Marsanès
XI Interprétation de la gnose
Exposé valentinien,
Allogène
Hypsiphrone
XII Sentences de Sextus
Évangile de la vérité
Fragments
XIII Prôtennoia trimorphe
Écrit sans titre

Origines de la Bibliothèque

On estime qu'il s'agissait vraisemblablement de documents provenant de la bibliothèque du monastère de saint Pacôme cachés là à la fin du IVe siècle, après l'interdiction de la littérature gnostique par Athanase d'Alexandrie et par les décrets de l'empereur Théodose Ier[réf. nécessaire].

Signification et contenu

Le thème de la Révélation revient fréquemment : entre la Résurrection et l’Ascension, Jésus apparaît à ses disciples, soit avec l’un d’entre eux, soit devant tous et leur délivre un enseignement ésotérique qui devait rester secret au reste de la communauté. Un rôle particulier est dévolu à la disciple Marie-Madeleine. Le point de départ de la Révélation est l’apparition du ressuscité (Marc 16, 9-20 ; Matthieu 28, 16-20 ; Luc 24, 36-53 et Actes des Apôtres 1, 1-14). D’après les apôtres, le Christ ressuscité s’entretient durant quarante jours avec ses disciples sur le Royaume de Dieu. Quelques textes de Nag-Hammadi font mention des paroles du ressuscité. De tels propos (avec Marie-Madeleine et deux autres disciples qui ne sont pas nommés) sont évoqués dans le texte de Marc.

Notes

  1. Markschies 2003, p. 48
  2. Markschies 2003, p. 48
  3. Markschies 2003, p. 48
  4. Henri-Charles Puech et Jean Doresse, Nouveaux écrits gnostiques découverts en Égypte. Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1948
  5. voir Robert A. Segal The Gnostic Jung : Selections From The Writings of C.G. Jung and His Critics Princeton University Press, 1992
  6. Markschies, Gnosis: An Introduction, p. 49.
  7. Préface à la troisième édition révisée.
  8. Liste des traités de la bibliothèque copte de Nag Hammadi et du papyrus de Berlin 8502, BCNH – la Bibliothèque copte de Nag Hammadi, Université Laval

Voir aussi

Bibliographie

En français
  • Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, sous la direction de Jean-Pierre Mahé et de Paul-Hubert Poirier, Bibliothèque de la Pléiade, 1920 p. (ISBN 2070113337)
  • Anne Pasquier, L'Évangile selon Marie, coll. « Bibliothèque copte de Nag Hammadi », Québec, 1983  ;
  • Bernard Barc (dir.), Colloque international sur les textes de Nag-Hammadi, Presses de l'Université Laval, Québec / Peeters, Louvain, 1981, 462 p. (ISBN 2-7637-6934-9).
    Actes du colloque de Québec, août 1978 ;
     
  • Jean Doresse, Les Livres secrets de l'Égypte : les gnostiques, Payot, coll. « Petite bibliothèque Payot », Paris, 1997, 375 p. (ISBN 2-228-89127-4)  ;
  • Yvonne Janssens (trad.), Évangiles gnostiques dans le corpus de Berlin et dans la bibliothèque de Nag Hammadi, Centre d'histoire des religions, Louvain-la-Neuve, 1991  ;
  • Jacques-Étienne Ménard (dir.), Les Textes de Nag Hammadi, E. J. Brill, Leiden, 1975, 203 p. (ISBN 90-04-04359-4).
    Actes du colloque de Strasbourg, centre de recherche d'histoire des religions, 1974.
     
  • Louis Painchaud et Anne Pasquier, Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification - Actes du colloque tenu à Québec du 15 au 19 septembre 1993, Presses Université Lavall, 1995.
    Numéro 3 de Bibliothèque copte de Nag Hammadi
     
En anglais
  • Bentley Layton, The Gnostic Scriptures, SCM Press, 1987, 526 p. (ISBN 0-334-02022-0)  ;
  • Christoph Markschies, Gnosis : An Introduction, Continuum International Publishing Group, 2003  ;
  • Elaine Pagels, The Gnostic Gospels, 1979, 182 p. (ISBN 0679724532)  ;
  • James Robinson, The Nag Hammadi Library in English, Brill, 1978 (réimpr. 1984, 1990, 1996), 4e éd. 
  • James M. Robinson, The discovery of the Nag Hammadi codices, vol. 42, coll. « Biblical Archaeology », 1979, p. 206–224 .

Article connexe

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