André Schwarz-Bart

André Schwarz-Bart

André Schwarz-Bart (né à Metz le 23 mai 1928 sous le nom d’Abraham Szwarcbart et décédé le 30 septembre 2006 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) est un écrivain français d’origine juive polonaise.

Sommaire

Enfance et jeunesse

Issu d’un milieu modeste, il a comme langue maternelle le yiddish. Il passe son enfance dans le quartier du Pontiffroy à Metz, où l’on ne parle à l’époque que le yiddish. Son père avait commencé des études pour être rabbin puis avait exercé le métier de marchand forain. La Seconde Guerre mondiale interrompt précocement les études du jeune André. En 1941, la famille trouve refuge à Oléron puis à Angoulême. Ses parents et deux de ses frères sont déportés : ils ne reviendront pas. André Schwarz-Bart s’engage dans la résistance. À la fin de la guerre, sa bourse de résistant lui permet d’entreprendre des études à la Sorbonne. Il découvre Crime et Châtiment de Dostoïevski qui lui révèle une interrogation majeure : celle de l’homme déchiré entre la présence du mal et la recherche de Dieu, clé de voûte philosophique du Dernier des Justes[1].

À l’université, il publie ses premiers écrits en 1953 dans la revue des étudiants juifs, « Kadimah ». Dès cette époque, il a comme projet de raconter la destruction des juifs d’Europe, événement qui est à l’époque décrit par beaucoup comme le massacre d’un troupeau de moutons qui se seraient laissés conduire à l’abattoir[2]. Il veut faire comprendre que l’héroïsme des combattants du Ghetto de Varsovie et des soldats juifs de Palestine n’est pas supérieur à l’héroïsme spirituel des générations de juifs qui avaient subi des persécutions.

Le Dernier des Justes, un roman majeur

En décembre 1956, il publie dans La revue du FSJU, des extraits d’un futur roman nommé « La biographie d’Ernie Lévy ». Il y montre la dignité d’un peuple sans terre, qui, soumis à l’oppression et à la persécution, refuse d’adopter les armes et la violence de ses bourreaux. Soucieux de ne pas heurter le lecteur, il écrit en guise d’avertissement: « … Je n’ai pas cherché (mon) héros parmi les révoltés du ghetto de Varsovie, ni parmi les résistants qui furent, eux aussi, la terrible exception. Je l’ai préféré désarmé de cœur, se gardant naïf devant le mal, et tel que furent nos lointains ascendants. Ce type de héros n’est pas spectaculaire. On le conteste volontiers aujourd’hui au nom d’une humanité plus martiale… On voudrait que mille ans d’histoire juive ne soit que la chronique dérisoire des victimes et de leurs bourreaux… je désire montrer un Juif de la vieille race, désarmé et sans haine, et qui pourtant soit homme, véritablement, selon une tradition aujourd’hui presque éteinte.[3] ». André Schwarz-Bart travaille encore longtemps son texte et ne l’apporte à un éditeur qu’à sa cinquième version. Il est alors publié au Seuil à l’automne 1959 sous le titre Le Dernier des Justes. Schwarz-Bart imagine l’histoire de la famille Lévy qui a reçu héréditairement l’étrange privilège de susciter à chaque génération un Juste ou Lamed-vav (Lamed-waf en yiddish)[4]. Le premier de ces Lamed-waf serait Yom Tov Lévy de York, mort en martyr le 11 mars 1185 lors d’un massacre suscité par un évêque anglais ; le dernier, Ernie Lévy, déporté à Drancy puis à Auschwitz, disparaît dans un four crématoire après avoir raconté des histoires consolantes aux enfants dans le wagon plombé. Chaque épisode vient de l’histoire juive[2].

L’écrivain juif Arnold Mandel écrit dans la revue L’Arche: « C’est un livre marquant dans les annales de la production romanesque, et plus particulièrement dans le si friable domaine de la littérature juive française. Schwarz-Bart ne se contente pas d’avoir du “talent”. Il a profondément le sens du tragique éternel et actuel du destin juif… (Son livre) est une chronique et un midrash de la geste d’Israël aux calendes de Drancy, et encore une eschatologie, une annonciation de ce qui vient de se produire, et que les gens ne comprennent pas en sorte qu’il est besoin de prophètes poètes[5]. » Elie Wiesel parle lui d« un livre majeur » pour les générations futures. Le roman est un succès public immense qui est récompensé par le prix Goncourt. Il se vend à plus d’un million d’exemplaires. Le jeune auteur passe aux émissions de la télévision naissante: Lectures pour tous et Cinq colonnes à la une bouleversant les spectateurs par ses propos. À l’époque, l’historien de la littérature Pierre de Boisdeffre annonçait : « Le dernier des Justes pourrait bien être le plus grand roman français paru depuis La Peste d’ Albert Camus »[6].

Le livre suscite cependant une véritable polémique. Certains chrétiens voient dans « Le dernier des Justes » un roman christique dont seul le Christ aurait été absent. Les sionistes et les associations d’anciens combattants critiquent le roman, qui ne comporte pas de héros résistants et combattants par suite du parti pris de Schwarz-Bart de valoriser la non-violence des communautés de la diaspora. Schwarz-Bart est profondément blessé et dépassé par les procès qu’on lui fait, stupéfait surtout par les attaques des siens. Il part se réfugier au Sénégal, le plus loin possible des salons littéraires[2].

Un écrivain désabusé

En 1961, André Schwarz-Bart épouse Simone Brumant, une étudiante guadeloupéenne de 10 ans sa cadette, rencontrée en 1956. Il travaille à un cycle romanesque prévu pour couvrir sept volumes qu’il a intitulé La mulâtresse Solitude. En 1967, le premier tome de ce cycle sort. Il s’agit du roman « Un plat de porc aux bananes vertes » cosigné avec Simone Schwarz-Bart qui ne rencontre pas un grand succès. Frederick Ivor Case, écrivain lui-même déclare: « La mulâtresse Solitude aurait dû être écrit par un Antillais ». Certains critiques insinuent que le roman cosigné serait l’œuvre exclusive de l’Antillaise Simone Schwarz-Bart, mais que « l’homme blanc » se serait approprié son récit[7]. Le 30 mars 1967, L’État d’Israël lui décerne le « Prix de Jérusalem pour la Liberté de l’Homme dans la Société ». Le jury justifie ainsi son choix: « … Au nom de tous les hommes en proie à l’exclusion, au mépris, aux tortures du corps et de l’esprit, s’élève voix dure, indignée, mais aussi pleine de compassion et d’humour triste, du romancier du Dernier des Justes et de La mulâtresse Solitude. »

En 1972, il publie un bijou littéraire, « La Mulâtresse Solitude » qui ne rencontre aucun succès. André Schwarz-Bart prend alors la décision de ne plus publier et de quitter l’Europe pour s’installer en Guadeloupe. Pour lui, la Shoah et l’esclavage antillais sont deux tragédies qui ne s’excluent pas mutuellement. Avec d’autres auteurs noirs, Schwarz-Bart rapproche les deux tragédies et leurs mémoires respectives. Mais la critique a du mal à le voir comme un écrivain antillais[8]. Peu avant ses 75 ans, il confie avoir fait fausse route en essayant de parler au nom d’un autre peuple et de rendre un son juste.

Schwarz-Bart reste toute sa vie fidèle à l’idéal sioniste. Il manifeste son soutien à Israël en venant partager le destin des habitants du pays durant les mois de mai et de juin 1967, puis durant la guerre de Kippour. Il a pourtant voulu toute sa vie rester un juif de la diaspora, un juif en exil. En septembre 2006, André Schwarz-Bart est promu au grade d’officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres. Il meurt le 30 septembre 2006. À sa demande, il est incinéré et ses cendres sont dispersées. Il est le père de Jacques Schwarz-Bart, saxophoniste de jazz.

Un écrivain universel ?

André Schwarz-Bart n’a peut-être jamais mesuré l’importance de son œuvre. Ainsi les écoliers guadeloupéens jouent chaque année une pièce adaptée de La Mulâtresse Solitude. Yad Vashem avait choisi, pour clore son circuit sur les camps de concentration, le « Kaddish » qui termine Le dernier des Justes: «  Et loué. Auschwitz. Soit. Majdanek. L’Eternel. Treblinka. Et loué. Buchenwald. Soit. Mauthausen. L’Eternel. Belzec. Et loué. Sobibor. Soit. Chelmno. L’Eternel. Ponary. Et loué. Theresienstadt. Soit. Varsovie. L’Eternel. Vilno. Et loué. Skaryzko. Soit. Bergen-Belsen. L’Eternel. Janow. Et loué. Dora. Soit. Neuengamme. L’Eternel. Pustkow. Et loué… ». Ce « Kaddish » est aujourd’hui inscrit en lettres géantes sur un mur du nouveau musée inauguré en 2005[2].

Œuvres

Notes et références

  1. Jean-Claude Lamy, Mort de l’écrivain André Schwarz-Bart, 15 octobre 2007
  2. a, b, c et d Francine Kaufmann, André Schwarz-Bart, le Juif de nulle part, L’Arche no 583, décembre 2006, p. 84-89, disponible sur judaisme.sdv.fr
  3. André Schwarz-Bart, Revue du FSJU, décembre 1956, et L’Express, 10/12/59.
  4. Dans une légende de la littérature talmudique A chaque génération, il existe trente-six Justes qui permettent au monde de continuer
  5. Arnold Mandel, L’Arche n°32-33, août-septembre 1959.
  6. Bulletin bibliographique de l’Éducation nationale n° 33, 19 /11/59
  7. Francine Kaufmann, Hommage à André Schwarz-Bart, Jerusalem Post, n° 817, du 21 au 27 novembre 2006, p. 16 et 17
  8. André Schwarz-Bart, consulté le 11 juillet 2008

Voir aussi

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