Cinq Colonnes À La Une

Cinq Colonnes À La Une

Cinq colonnes à la une

5 colonnes à la une
Genre Émission d'information
Réalisé par Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère,
Pays France France
Langue(s) Français
Production
Producteur(s) Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Éliane Victor
Durée 90 minutes
Diffusion
Diffusé sur RTF Télévision
Première chaîne de l'ORTF
Période de diffusion 9 janvier 1959-Mai 1968

Magazine dun genre nouveau, 5 colonnes à la une inaugure la naissance du grand reportage télévisé ; le premier numéro est lancé le 9 janvier 1959 sur la RTF. Produite par Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet (surnommés les « 3 P ») et réalisée par Igor Barrère, lémission est emblématique de la présidence du général de Gaulle puisquelle laccompagne jusquen mai 1968, presque au terme de son pouvoir.

Sommaire

Titre de l'émission

Le titre est tiré dune expression employée dans la presse écrite : le texte des journaux était généralement réparti sur cinq colonnes verticales. Larticle à la une (sur la première page) avait un titre dune largeur de cinq colonnes, signifiant par quil relevait dune importance majeure.

Principe de l'émission

Le magazine se compose dun assemblage dune douzaine de reportages en moyenne, dune durée de 90 minutes. 5 colonnes à la une fixe aux téléspectateurs un rendez-vous mensuel, placé à une case horaire de choix : 20 heures 30. Très attendue et très remarquée, lémission sarticule sur une succession de séquences, le rythme est rapide et lattention ne doit pas faiblir. Cest « un produit pédagogique » : « une introduction qui présente les faits, les lieux, les acteurs de lévènement (…), puis une partie centrale composée dune succession dinterviews, entrecoupées dimages et de commentaires de transition, destinés à exposer les différents aspects du sujet ; enfin une conclusion, le plus souvent formulée en voix off par le journaliste »[1]. Cest la technique de la presse écrite : le vœu de Pierre Lazareff est respecté.

Cette émission repose avant tout sur « la présence du reporter sur le terrain quil met en scène à lécran (…). Le reportage y apparaît simultanément comme le témoin, lacteur et le narrateur de ce quil a vu ». Autre innovation : lassociation inédite dun journaliste à un réalisateur « qui souligne leur volonté de donner la primauté à limage et de présenter un produit visuel de qualité »[2]. Pierre Lazareff veut moderniser le journalisme audiovisuel et le décliner sur un mode original : « je veux (…) recréer sur le petit écran quelque chose qui ait une force percutante aussi grande que lévénement lui-même »[3]. La grande diversité des thèmes abordés, lalternance de séquences graves et de séquences plus légères confèrent à lémission un ton particulier.

Exemple, le programme de lémission du mois davril 1961 figurent dix reportages[4] : New York, cible no 1Léo FerréAngolaSacha DistelLe procureurLes Frères JacquesÉcole de mannequinsChine 1961Charles TrenetPlanning familial à Grenoble. Dans ce programme, lactualité intérieure est illustrée par Ferré, Distel ou Trenet, tandis que les informations généralistes de société se focalisent sur "le procureur" ou "le planning". La politique est le domaine réservé des pays étrangers : le magazine fait le point sur la situation chinoise et évoque la menace castriste aux États-Unis (New York, cible no 1). Cette diversité est en grande partie à lorigine de sa consécration par le public.

Les professionnels de laudiovisuel les premiers accueillent lémission avec tous les honneurs. Dailleurs, les producteurs ouvrent régulièrement leurs "colonnes" à des collaborations extérieures. Le public quant à lui, semble « avoir trouvé ce quil attendait plus ou moins confusément depuis la naissance de la télévision : la force dévocation de limage télévisée » [5]. Le succès est foudroyant : cest lémission la plus regardée du petit écran. Toute cette attention incite au contrôle accru de son contenu, mais paradoxalement, cette notoriété engendre aussi une certaine autonomie.

Lémission du 9 janvier 1959

Cest le lendemain de la prise de fonction du général de Gaulle à la présidence de la Cinquième République que le premier magazine est diffusé. Au programme de la première émission : une interview de Brigitte Bardot, les vœux de Jean XXIII aux Français ainsi qu'un sujet sur Yves Montand. On y traite aussi de la confrontation entre trois ouvriers - un Allemand, un Italien et un Français au sujet de l'avenir du Marché commun européen et un reportage sur un poste militaire en Algérie.

Si la forme est innovante, il en va de même pour le contenu. Dès cette première émission, le magazine sattaque donc au plus délicat sujet dactualité du moment : la guerre dAlgérie. Ainsi, les journalistes évoquent-ils les difficultés de larmée, la réalité des combats, les hommes du FLN et les désillusions des pieds-noirs. L'émission souffle alors comme une bombe sur le monde des médias. Le reportage-document vient ainsi d'être inventé par Pierre Desgraupes et Igor Barrère.

Pourquoi ce droit aux sujets "tabous" ? Rènald Perquis propose son analyse : « entre janvier 1959 et octobre 1962, la vingtaine de reportages sur lAlgérie établit avec la ligne politique suivie par le gouvernement, un parallèle flagrant »[6]. Il poursuit : lorsquun reportage se consacre à développer linformation en Algérie « soit il sinscrit dans une ligne officielle, soit il fait lexposé des thèses qui sopposent ». Mais mise à part lAlgérie, le magazine névoque quépisodiquement des faits de politique intérieure. Et si on ne parle que très rarement des évènements politiques, 5 colonnes compense néanmoins cette carence par de brillants reportages de politique étrangère.

5 colonnes face à la censure

De lidée du reportage à la diffusion de la séquence, toutes les étapes de lélaboration du magazine sont contrôlées.

Léquipe de 5 colonnes dispose dun mois entier pour concevoir, tourner puis monter les diverses séquences qui composeront le magazine. Et à chaque étape de la fabrication, sexerce un rigoureux contrôle, qui déleste les producteurs de quelques-unes de leurs prérogatives.

Cest au cours de conférences des programmes que lossature du magazine est décrétée. , on dresse une liste de sujets qui doivent recevoir laval de la direction de lactualité télévisée et de la direction des programmes, toutes deux influencées par le contrôle du Ministère de l'Information[7]. Lorsquon arrive à boucler un reportage dont le sujet est sensible, il reste à subir lépreuve de la projection privée en présence des censeurs du gouvernement. « La veille de la diffusion sur un sujet comme lAlgérie par exemple, il y avait tout le gâteau des ministres et des généraux concernés (…) ; sil y avait un gendarme dans le sujet, automatiquement, il y avait un patron de la gendarmerie »[8] explique Michel Honorin lorsquil évoque le début de sa carrière.

Sil arrive quon interdise une séquence, ce nest pourtant pas la règle. Lusage veut que ce soit le directeur des programmes qui vise en premier lieu toutes les séquences. Si les producteurs ne peuvent prétendre en aucun cas à sattaquer ouvertement au gouvernement, le magazine jouit pourtant dune liberté de ton et desprit reconnue par tous. Lémission jouit dune très grande popularité auprès du public et cest une arme décisive. Cest ce que Pierre Desgraupes décrit en 1961 : « il y a très peu de censure (…). Il y a seulement des pressions politiques qui nous font choisir tel sujet. Une seule séquence, sur lAlgérie, a sauté il y a un an environ. La meilleure défense de lémission contre la censure ? Sa très grande popularité auprès du public »[9].

En effet, lorsque la pression politique devient trop lourde à supporter, linfluent Pierre Lazareff publie dans la presse des communiqués dénonçant la censure, avant même que celle-ci soit effective. À propos dun reportage dÉdouard Sablier et de Jean-Pierre Gallo sur les événements dIrak de 1963 et le rôle du nassérisme au Moyen-Orient, le communiqué publié dans la presse révélait ceci : « La direction générale de la RTF a interdit, à la demande dun représentant du Quai dOrsay, la diffusion de cette séquence. Pourtant, elle était de lavis même de ceux qui lont censurée, en tout point objective et mesurée (…). Ces crises devenant de plus en plus fréquentes, rendent de plus en plus hasardeuses la réalisation dune émission du type "Cinq colonnes". Dans ces conditions, les producteurs se trouvent bien malgré eux dans lobligation dattendre (…) que des garanties élémentaires mettent linformation télévisée à labri dincident de ce genre »[9]... Ainsi, une semaine plus tard, la RTF publie-t-elle à son tour un communiqué qui annonce la diffusion du reportage. Pierre Lazareff fait ainsi planer la menace dun arrêt pur et simple du fleuron des émissions de la télévision

Les producteurs sabordent 5 colonnes à la une au cours du mois de mai 68, pour protester contre les mesures gouvernementales prises à la suite des évènements du printemps (Mai 68). Lémission ressuscite quelques mois plus tard en un De nos envoyés spéciaux, mais lambition et lentrain du début ny sont est plus. 5 colonnes disparaît définitivement des écrans de lORTF en décembre 1968.

Cette émission a lancé le genre du magazine de reportages à la télévision en France ; elle est encore aujourdhui considérée comme une référence du genre.

Bibliographie

  • Hervé Brusini, Francis James, Voir la vérité, le journalisme de télévision, PUF, 1982
  • David Buxton, Le reportage de télévision en France depuis 1959, LHarmattan, 2000
  • Yves Courrière, Pierre Lazareff ou le vagabond de lactualité, Gallimard, 1995
  • Pierre Baylot dir. Les magazines de reportage à la télévision, CinémAction no 84, Corlet-Télérama, 1997
  • Pierre Desgraupes, Hors antenne, Quai Voltaire, 1992
  • Jean-Noël Jeanneney, Monique Sauvage, Télévision Nouvelle Mémoire, Seuil-INA, 1982 (tout entier dédié à 5 colonnes à la une)
  • Soulé Robert, Lazareff et ses hommes, Grasset, 1992
  • Aude Vassallo, La télévision sous de Gaulle. Le contrôle gouvernemental de l'information. 1958/1969, INA-De Boeck, 2005.

Liens externes

Notes et références

  1. Hélène Bousser-Eck, Monique Sauvage, « Le règne de Cinq colonnes 1959-1965 », Jean-Noël Jeanneney, Monique Sauvage, Télévision Nouvelle Mémoire, Seuil-INA, 1982, p.53
  2. Francis James, 5 colonnes à la une ou le journalisme total, Cinémaction n°84, 3e trimestre 1997, Paris
  3. Pierre Lazareff, Télé 59 du 04/01/59, cité par Jean Ungaro, notice de "5 colonnes à la une", Images du Temps Présent à la Télévision 1949/1964, I.N.A., cassette n°20.
  4. Jean-Noël Jeanneney, Monique Sauvage, Télévision Nouvelle Mémoire, Seuil-INA , 1982, p.229
  5. Francis James, « 5 colonnes à la une ou le journalisme total », Cinémaction n°84, 3e trimestre 1997, Paris
  6. Rènald Perquis, La guerre dAlgérie à travers "5 colonnes à la une", mémoire, dir. Évelyne Cohen, université Paris VII- Denis Diderot, 1998, p.70
  7. Voir louvrage de Aude Vassallo, La télévision sous de Gaulle. Le contrôle gouvernemental de linformation. 1958-1969, INA-De Boeck, 2005
  8. Michel Honorin, interviewé par Hervé Brusini et Francis James, Voyage au centre de linfo, documentaire audiovisuel, France 2, janvier 1999
  9. a et b Pierre Desgraupes, LÉcho de la Presse, 25/03/61.
  • Portail de la télévision Portail de la télévision
Ce document provient de « Cinq colonnes %C3%A0 la une ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Cinq Colonnes À La Une de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем решить контрольную работу

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Cinq Colonnes à la Une — 5 colonnes à la une Genre Émission d information Réalisé par Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère, Pays  France Langue(s) Français …   Wikipédia en Français

  • Cinq colonnes a la une — Cinq colonnes à la une 5 colonnes à la une Genre Émission d information Réalisé par Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère, Pays  France Langue(s) Français …   Wikipédia en Français

  • Cinq colonnes à la Une — 5 colonnes à la une Genre Émission d information Réalisé par Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère, Pays  France Langue(s) Français …   Wikipédia en Français

  • Cinq colonnes à la une — 5 colonnes à la une Genre Émission d information Réalisé par Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère, Pays  France Langue(s) Français …   Wikipédia en Français

  • Cinq colonnes à la une — ● Cinq colonnes à la une se dit d un titre qui, dans un journal, occupe presque toute la première page pour relater un événement particulièrement important …   Encyclopédie Universelle

  • 5 Colonnes à la Une — Cinq colonnes à la une 5 colonnes à la une Genre Émission d information Réalisé par Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère, Pays  France Langue(s) Français …   Wikipédia en Français

  • 5 colonnes à la une — Genre Émission d information Réalisation Pierre Lazareff,Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet, Igor Barrère, Pays  France Langue F …   Wikipédia en Français

  • une — [ yn ] n. f. • 1890; fém. de un ♦ La première page d un journal. Cinq colonnes à la une. Loc. Être à la une, faire la une des journaux : être l événement dont on parle dans les journaux. ⊗ HOM. Hune. ● une nom féminin Première page d un journal.… …   Encyclopédie Universelle

  • Colonnes infernales — André Ripoché, tué en défendant un calvaire lors de l incendie du Landreau, vitrail de l église de Sainte Gemme la Plaine par Fournier. Informations générales Date 21 janvier 17 mai …   Wikipédia en Français

  • Hôpital des Cinq-Plaies — Hôpital de las Cinco Llagas (Séville) Façade principale de l Hospital de las Cinco Llagas. L Hôpital des Cinq Plaies (en espagnol, Hospital de las Cinco Llagas ou Hospital de la Sangre) est un ancien hospice édifié au XVIe siècle à Séville …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/370819 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”