Liberté économique

Liberté économique

Libéralisme économique

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Le libéralisme économique, application en économie des principes du libéralisme, est une école de pensée, née au siècle des Lumières, qui estime que les libertés économiques (libre-échange, liberté d'entreprendre, libre choix de consommation, de travail, etc.) sont nécessaires en matière économique et que l’intervention de l’État doit y être aussi limitée que possible.

Les partisans du libéralisme économique se rangent en deux grandes familles. Pour les libéraux classiques (Locke, Turgot, Smith ou Condillac), le libéralisme économique est l'application au domaine économique des principes fondateurs du libéralisme : liberté, responsabilité, propriété. Ils contestent à la fois la légitimité et l’efficacité de l’action étendue de l’État, et, selon les tendances, demandent la limitation plus ou moins grande voire totale de ses actions dans le champ de l'économie. Ils considèrent notamment que la puissance publique n'a ni la légitimité, ni l'information nécessaire pour prétendre savoir mieux que les consommateurs ce qu'ils peuvent ou doivent consommer ou pour prétendre savoir mieux que les producteurs ce qu'ils peuvent ou doivent produire.

Pour les autres, le libéralisme économique relève d’un raisonnement de nature économique qui repose le plus souvent sur la théorie de l’équilibre général et qui est souvent appelé « libéralisme néoclassique ». Ils contestent l’efficacité des actions de l’État mais sont plus sensibles que les libéraux classiques aux critiques partant des « défaillances du marché ». De ce fait, ils diffèrent quant aux limites exactes à fixer aux interventions de l’État.

Actuellement, le libéralisme classique est devenu très minoritaire, et les tenants du libéralisme économique font en grande majorité reposer leurs positions sur le libéralisme néoclassique. En conséquence, la plupart des critiques portent sur les arguments de cette école de pensée : ces critiques sont virulentes surtout en France, tant d'une partie du public que de certains politiques et de certaines organisations étatiques[réf. nécessaire], puisque pour eux l’essence même du libéralisme est de contester la légitimité et l’efficacité des politiques d'interventions étatiques.

Sommaire

Histoire du libéralisme économique

Le libéralisme économique classique

Adam Smith

Le libéralisme économique « classique » s’est constitué en théorie aux XVIIe et XVIIIe siècles, sous l’influence des philosophes du siècle des Lumières, les Britanniques John Locke, David Hume ou Adam Smith) et les Français Turgot, Étienne Bonnot de Condillac ou Montesquieu[1]. Il consiste essentiellement en l’application aux actes économiques des principes philosophiques et politiques libéraux, qui découlent de la primauté de la liberté individuelle sur toutes les formes de pouvoir.

Les économistes physiocrates comme François Quesnay ou Vincent Gournay développent les premières idées libérales, s'opposent au mercantilisme qui a dominé la pensée économique et dénoncent l'intervention de l'État dans l'économie. C’est le laissez-faire, fondé sur la formule « laissez faire les hommes, laissez passer les marchandises ».

À cette époque, les économistes libéraux veulent montrer que, par delà l'arbitraire et le pouvoir du souverain, le libre jeu des intérêts individuels dans la société civile conduit à un ordre et non au chaos. En ce sens, le projet libéral s'inscrit dans le cadre d’une philosophie optimiste et peut être considéré comme moderne, voire révolutionnaire. L’écossais Adam Smith suppose ainsi dès 1776 dans sa Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations que tout se passe comme si une « main invisible » organise les échanges et harmonise les intérêts individuels et collectifs : bien qu'il ne cherche que son propre intérêt, l’homme « est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions ; et ce n'est pas toujours ce qu'il y a de plus mal pour la société, que cette fin n'entre pour rien dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d'une manière bien plus efficace pour l'intérêt de la société, que s'il avait réellement pour but d'y travailler.[2] » En d'autres termes, la conjonction des intérets individuels aboutit à l'intérêt général. La même idée est exprimée par Montesquieu : « chacun va au bien public, croyant aller à ses intérêts particuliers ». Ils s'inscrivent dans la continuité des philosophes de l'ordre spontané, Adam Ferguson, Bernard Mandeville ou David Hume.

En 1817, dans Des principes de l'économie politique et de l'impôt, David Ricardo énonce la théorie des avantages comparatifs qui établit clairement que le libre-échange est mutuellement avantageux pour les pays qui commercent entre eux[3].

Frédéric Bastiat

Le libéralisme des économistes de l’École classique française (Turgot, Condillac, Say, Bastiat) est surtout assis sur des arguments d’ordre philosophique, les arguments proprement économiques n’ayant qu’une place secondaire.

Ce libéralisme va de pair avec une conception subjective de la valeur, qui exprime le désir que nous éprouvons pour les choses. Or ni le désir ni la satisfaction ne sont mesurables, et on ne peut donc ni comparer ni additionner les valeurs que deux individus différents attachent à un bien. Pour les tenants de cette école, il n’existe pas de mesure du bien-être d’un individu ou d’un groupe, et la notion d’optimum économique est vide de sens. Aucune organisation ne saurait donc légitimement s’arroger le droit d’intervenir par la contrainte pour favoriser l’atteinte d’un optimum.

Pour ces auteurs, le seul rôle légitime de l’État est de faire respecter les droits des citoyens et de protéger les libertés individuelles. Ses actions sont donc considérées comme illégitimes si elles sortent de ce domaine ; l'économie n'est qu'un des domaines de l'activité humaine où l'État ne doit pas intervenir. C’est ce que Frédéric Bastiat résume dans ses Harmonies Economiques de 1850 : « N’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité. Et bien voir que l’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième »[4].

Certains de ces auteurs se sont attachés à montrer que les interventions gouvernementales dans l’économie sont non seulement illégitimes, mais inefficaces. Non seulement elles n’entraînent pas les effets qui les avaient motivées, mais elles ont des effets pervers néfastes. C’est ce qu’entendait Turgot en écrivant en 1759 dans son Eloge de Vincent de Gournay : « L’intérêt particulier abandonné à lui-même produira plus sûrement le bien général que les opérations du gouvernement, toujours fautives et nécessairement dirigées par une théorie vague et incertaine. ». Cette thèse est détaillée en 1776 par Condillac dans Le commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre.


Ces positions ont été reprises et développées à partir de 1870 par l’école autrichienne d’économie (Menger, Mises, Hayek, Murray Rothbard) et par des économistes français comme Jacques Rueff. Cette école constate de plus que tout accord librement consenti augmente la satisfaction des deux parties. En effet, s’il en était autrement, celui des deux qui se sentirait lésé refuserait cet accord et l’échange n’aurait pas lieu[5]. Plus généralement, tout ensemble d'échanges librement consentis améliore la situation de tous ceux qui y ont participé. La liberté des échanges est donc la garantie que la situation qui en résulte est jugée préférable à la situation de départ par ceux qui ont participé aux échanges. La liberté d’échanger et d’entreprendre est à la fois un cas particulier du principe philosophique de liberté, donc un impératif moral qui s’impose indépendamment de ses conséquences, et le moyen qui conduit le plus probablement à la plus grande satisfaction générale. Une des critiques essentielles de cette école, notamment développée par Friedrich Hayek (Prix et Production, 1931), est que l'information sur l'état des marchés est fournie par les prix (les prix élevés indiquant une insuffisance de production par rapport à la demande et inversement), et que donc toute intervention de l'État dans l'économie, parce qu'elle modifie artificiellement la pertinence des prix, détourne les facteurs de production de leur allocation optimale, voire pousse les agents à produire des biens inutiles et à ne pas produire les biens les plus demandés.

Pour les auteurs autrichiens, le marché est essentiellement un « processus cognitif » de découverte, d’échange, de conservation et de traitement d'informations dans lequel le système des prix oriente les comportements individuels vers les activités jugées les plus utiles par la société, tout en réalisant une considérable économie d'information et d'organisation puisque toutes les informations privées sont condensées en un seul indicateur disponible pour tous.

Les classiques britanniques (Adam Smith, Thomas Malthus, John Stuart Mill, David Ricardo) sont moins explicitement attachés au libéralisme philosophique. Leur position est essentiellement utilitariste, c’est-à-dire qu’ils justifient leurs positions libérales par des arguments d’efficacité économique plus que par des principes généraux, préfigurant ainsi la position néoclassique. Ils sont aussi moins absolus dans leur opposition aux interventions gouvernementales. Par exemple, Adam Smith assigne au souverain un « troisième devoir » en plus de « la protection de la société contre la violence et l'invasion en provenance des autres sociétés » et de « la protection de chaque citoyen contre l'injustice ou l'oppression de la part de tous les autres » : celui de « construire et entretenir les institutions et les ouvrages publics […] dont on ne peut pas attendre qu'un individu ou un petit nombre d'individus puissent les construire et les entretenir »[6].

Le libéralisme économique néoclassique

Cette approche du libéralisme est une tradition plus récente née au XXe siècle, qui cherche à en donner une justification « scientifique » reposant sur la théorie de l’équilibre général proposée à la fin du XIXe siècle, qui tente de démontrer que la rationalité des acteurs, grâce à la coordination supposée parfaite de leurs actions par le seul biais du marché, conduit à la meilleure des situations possibles.

Léon Walras, dans ses Eléments d'économie politique pure (1874), tentera ainsi de démontrer que la flexibilité des prix, associée à celle des quantités offertes et demandées, conduit nécessairement à un équilibre général. Alors que Walras pensait ainsi avoir montré la possibilité de l'équilibre, Vilfredo Pareto cherchera à établir que l'équilibre en question est optimal. Une situation est dite optimale au sens de Pareto s'il « n'est pas possible d'augmenter l'utilité d'un individu sans dégrader celle d'au moins un autre individu ».

L’étude de l’équilibre général a été reprise par Kenneth Arrow et Gérard Debreu qui établiront de façon rigoureuse les conditions d’existence et de stabilité de cet équilibre, parmi lesquelles :

  • L’atomicité des agents : aucun d’entre eux n’est assez important pour influencer le marché par son seul comportement. Ceci suppose non seulement un nombre élevé d’offreurs ou de demandeurs, mais surtout l’absence parmi eux d’un « gros » agent capable d’agir sur le marché ;
  • La rationalité des agents : chacun d’entre eux est caractérisé par une « fonction de satisfaction » qui exprime sa satisfaction en fonction des quantités de chaque bien qu’il possède, et son comportement se résume à chercher à maximiser cette fonction ;
  • L’homogénéité du produit : seul le prix permet de distinguer les produits qui ont tous des caractéristiques identiques ;
  • La transparence du marché : tous les prix sont connus de tous, ainsi que toutes les quantités disponibles : l’information est supposée parfaite ;
  • La libre entrée sur le marché : seul le prix décide les agents à entrer sur le marché et aucune autre barrière juridique (brevet), technique (savoir-faire) ou économique (capitaux) ne s’y oppose ;
  • La mobilité des facteurs : en fonction du prix qui rémunère chaque facteur, les agents peuvent réorienter leurs capitaux ou leur travail vers les secteurs ou les activités les plus rémunérateurs.

Ayant ainsi démontré que le libre jeu des acteurs économiques conduit à une situation d’optimum économique, certains auteurs en déduisent le précepte libéral que l’État ne doit pas intervenir dans le fonctionnement du marché, sous peine de dégrader la situation globale. Mais en général les économistes conscients que ces conditions ne sont pas remplis automatiquement sont en faveur de lois sur la concurrence afin se rapprocher de conditions qu'ils conçoivent un peu comme des guides théoriques.

Cette justification du libéralisme est radicalement différente de la position classique. D’une part elle s’appuie sur deux notions étrangères aux classiques : celle d’équilibre et celle d’optimum, et repose sur des hypothèses que les classiques considèrent comme sans rapport avec la réalité. D’autre part, elle ne justifie le libéralisme que par ses conséquences et non par l’application de principes philosophiques généraux applicables à toutes les activités humaines, comme le fait le libéralisme classique. Il en résulte que, contrairement aux libéraux classiques, les libéraux néoclassiques sont disposés à admettre certaines interventions de l’État, tout en différant sur leurs limites exactes.

La théorie de l'équilibre général n'est pas spécifiquement libérale. Certains auteurs socialistes dans la lignée d'Oskar Lange ont proposé que l'État l'utilise pour calculer et imposer l'équilibre. D'autres, avec Maurice Allais, soutiennent que l'État doit intervenir pour imposer les conditions de formation de l'équilibre.

Libéralisme économique en pratique

Au delà des divergences théoriques significatives entre courants, le libéralisme est et a toujours été une pratique.

Fondements

Le libéralisme économique, classique ou néo-classique, ne peut exister que dans un cadre institutionnel qui garantisse certains droits : tout d'abord le respect de l'état de droit, dans son acception de Rule of Law, comme l'a en particulier souligné Friedrich Hayek. De même, Karl Popper reprochait à Mikhaïl Gorbatchev d'avoir mis en place la bourse de Moscou avant d'avoir assuré les institutions garantissant l'état de droit[7]. En outre, le respect tout particulier du droit de propriété est l'une des composantes essentielles de ce cadre; comme le notait Milton Friedman dans ses mémoires, le droit de propriété est « le plus basique des droits humains et un fondement essentiel de tous les autres droits »[8]. La liberté contractuelle s'impose par ailleurs comme un troisième fondement majeur, avec l'assurance de la mise en œuvre du contrat par le système judiciaire en cas de manquement. Enfin, la liberté des prix a été fortement mise en avant comme fondement essentiel, particulièrement par des auteurs de l'école autrichienne d'économie : Ludwig von Mises insiste sur l'importance des prix comme moyen de coordination des actions individuelles, tandis que Friedrich Hayek souligne pour sa part l'importance des prix pour assurer la communication de l'information détenue par des millions d'individus. Jacques Rueff faisait pour sa part d'un système de prix libres la condition caractéristique d'une économie libérale.

Dès lors, un État ne respectant pas ces fondamentaux ne peut pas être qualifié de libéral, et encore moins d'« ultra-libéral ». C'est ce que souligne le journal britannique The Economist dans son numéro Don't mess with Russia du 16 décembre 2006 à propos de la Russie post-communiste.

Le libéralisme économique est-il de gauche ?

Le libéralisme économique n’a pas spécifiquement vocation à être « de droite » ou « de gauche ». En France, des personnalités et des partis politiques se revendiquent de gauche ou du centre tout en se revendiquant du libéralisme économique[9]. Réciproquement, les partis de droite ne sont pas très libéraux économiquement[10]. L'économiste Christian Schmidt[11] dans un article intitulé l'économie résiste aux étiquettes politiques écrit que « l'assimilation hâtive de la droite au libéralisme et de la gauche au socialisme ne résiste pas longtemps à la réflexion ». Par ailleurs, Frédéric Bastiat, économiste libéral français du XIXe siècle et député, siégeait à gauche à l'Assemblée nationale législative et votait tantôt avec la gauche, tantôt avec la droite[12]. Enfin, les mesures de libéralisation néo-zélandaise considérées par Mario Vargas Llosa comme « plus radicales que celles de Margaret Thatcher » ont été menées en 1984 par le gouvernement travailliste[13].

Dans un ouvrage paru en 2007 deux économistes italiens, Francesco Giavazzi et Alberto Alesina, soutiennent qu'« une forte réglementation, la protection des statuts, un secteur public très développé » ne bénéficient pas aux plus pauvres mais aux plus « connectés »[14]. Par exemple, les marchés du travail en Italie, en Espagne et en France marqués par une forte dualité entre ceux qui sont en place et ceux qui voudraient entrer ont tendance à cantonner ces derniers dans des emplois précaires (cf. théorie des insiders-outsiders). De même, ils sont très critiques envers les universités de ces pays qui, sous couvert d'égalitarisme, pénaliseraient la plupart des étudiants à l'exception des plus riches qui peuvent les contourner[15].

Pour ces auteurs, les réformes pro-marché n'impliquent pas d'échanger plus d'efficacité contre moins de justice mais, au contraire, réduisent les privilèges. C'est en ce sens qu'elles sont de gauche[16].

Controverses sur le libéralisme économique

Nature et origines des différends

Les points de controverse sur le libéralisme économique sont d'origine et de nature diverses et ne forment pas un ensemble homogène.

Les plus courantes sont de nature empirique. Elles identifient des situations jugées insatisfaisantes, les imputent (à tort ou à raison) à la mise en application de politiques économiques libérales et posent en principe que l’État peut et doit les corriger.

Un deuxième ensemble résulte d'oppositions au libéralisme en tant que théorie d'organisation du système économique. Elles s’adressent généralement aux hypothèses de la théorie néoclassique, considérées (à tort) comme le fondement du libéralisme économique.


Controverses sur les conséquences

Le libéralisme prône une action minimale, voire nulle, des pouvoirs publics dans la sphère économique. Que surgisse un problème économique, ou social, et il se voit reprocher son attitude passive et peu volontariste, son indifférence envers ceux qui subissent des problèmes économiques, et un encouragement à l'égoïsme. Pour ses détracteurs, l'action de l'État est nécessaire pour organiser la solidarité.

Les défenseurs du libéralisme considèrent que compter sur l’État pour corriger ces situations, c’est lui prêter une bienveillance, des connaissances et des capacités qu’il n’a pas. Son action semble souvent inefficace, voire porteuse d'effets pervers. L’omniprésence de l’État découragerait plutôt ces initiatives spontanées et tendrait à répandre l’égoïsme, alors que les instincts sociaux de l’être humain sont suffisamment forts pour qu’il mette spontanément en œuvre des solutions sans devoir y être contraint. L'action volontaire, dans un cadre associatif, mutuelle, ONG, etc. est jugée plus efficace, et pour les libéraux classiques, est la seule légitime. Ainsi, Yves Guyot d'écrire : « La solidarité obligatoire, par mesure coercitive, est une régression morale (...) elle aboutit à remplacer le sentiment de la solidarité par deux autres sentiments : celui de la spoliation pour ceux qui veulent profiter du bien des autres; celui de la révolte et de la dissimulation pour ceux qui sont menacés d'être dépouillés »[17]

L'impact sur l'emploi

Par exemple, le libéralisme économique se traduit sur le marché du travail par une plus grande flexibilité des ressources humaines et, pour certains, par la précarité. La position libérale en la matière est que l'entrepreneur sera plus enclin à embaucher du personnel en phase de croissance de son activité, que cette souplesse permettra aux entrepreneurs de répondre plus facilement aux demandes du marché, ce qui sera bénéfique pour l'activité économique en général et donc pour les travailleurs (créant ainsi un cercle vertueux), ces derniers étant alors dans une situation qui est de mobilité, plutôt que de précarité.

Alberto Alesina ajoute dans Il liberismo è di sinistra (2007) que les réformes qui facilitent la mobilité sont des réformes « de gauche », en ce qu'elles luttent contre les privilèges de ceux qui sont les mieux protégés. Il écrit ainsi : « les réformes pro-marché n'impliquent pas d’échanger plus d’efficacité contre moins de justice sociale. Bien au contraire, et c’est en ce sens qu’elles sont de gauche, elles réduisent les privilèges »[18].

La répartition de la richesse créée

Le libéralisme économique serait favorable aux déjà riches et défavorable aux plus pauvres, au sein des nations (entre classes sociales) et entre nations. En effet, les plus riches auraient les moyens d'investir dans un enrichissement futur, alors que les plus pauvres n'auraient pas ces moyens. Il en résulterait un accroissement des écarts de richesse entre les classes riches et les classes les plus pauvres et souvent une paupérisation plus importante des classes les plus démunies. Ce raisonnement est en pratique plus une critique du Capitalisme, que du libéralisme, que l'on confond souvent, ce premier accompagnant quasi-systématiquement ce dernier.

La comparaison entre pays riches des taux de pauvreté (utilisant comme seuil de pauvreté 50 % du revenu médian) place les pays les plus libéraux à des taux relativement élevés (États-Unis à 17 %, Australie à 14,3 %, Royaume-Uni à 12,5 %), tandis que les pays sociaux-démocrates ont les taux les plus faibles (Finlande à 5,4 %, Suède à 6,5 %, Norvège à 6,4 %), le niveau des pays géré par un État-providence étant intermédiaire (Belgique et France à 8 %)[19]. Le critère retenu doit cependant être pris avec précaution, puisque, Ceteris paribus, un revenu médian plus élevé (sans changer les revenus sous la médiane) élèvera le taux de pauvreté.

Les réponses libérales sont :

  • La plus grande liberté économique entraîne la plus grande production de richesses, et l’intervention étatique la réduit. Pour prendre l'actualité récente, les exemples des pays émergents, y compris des plus importants en population tels que la Chine, l'Inde et le Brésil, ont montré que le développement du PIB est favorisé par l'introduction de mesures de libéralisation des initiatives privées (Cela étant ces pays exercent un contrôle rigoureux sur les réformes introduites afin que celles-ci ne perturbent pas l'économie locale).
  • Sur le plan empirique, l'observation montrerait que la liberté économique améliore aussi la situation des plus démunis, même si c'est dans une proportion moindre que celle des plus favorisés. Les libéraux considèrent que la croissance économique permet d'améliorer la situation de tous, y compris des plus pauvres, ce qu'ils résument par l'expression "A rising tide lifts all boats." (« La marée montante soulève tous les bateaux. ») L'interventionnisme social serait au final contre-productif même pour les plus pauvres. Les libéraux renvoient aux exemples russe, indien ou chinois, où la répartition, selon eux, était au départ encore plus injuste, et où le progrès économique est plus rapide depuis la libéralisation.
  • Sur le plan théorique : aucun système politique ne peut dicter à chacun la bonne façon de vivre sa vie. Si certaines inégalités sont à combattre, d'autres sont le fruit de trajectoires de vie différentes dont la responsabilité resterait individuelle.

L'optimalité des comportements économiques

Dans de nombreux cas, on ne prend pas l'initiative d'une action qui serait pourtant bénéfique pour tous : celui qui l'entreprend et la collectivité. Au niveau macro-économique : l'économie peut se trouver dans un état insatisfaisant (fort chômage, faible production et faible capitalisation) alors qu'un état bien meilleur pourrait exister (emploi plus abondant, production plus forte et gain pour les capitalistes).

Les libéraux pensent que c’est le rôle fondamental de l’entrepreneur d’agir pour corriger de telles situations, et que ses actions doivent toujours être exposées à la concurrence, même si cet entrepreneur agit au nom d’une collectivité voire de l’État.

Les défaillances de marché

Le marché n'alloue cependant pas toujours de façon optimale les ressources. On parle alors de défaillance du marché. Un exemple souvent cité est le financement de la recherche fondamentale, qui implique des investissements à très long terme, risqués et qui répond souvent à une question différente que celle qui était posée initialement. Cela justifierait une intervention de l'État pour corriger ces défaillances et rétablir l'optimalité.

Les libéraux utilitaristes, souvent adeptes de l'École néoclassique, admettent cette critique et acceptent que de telles interventions existent, mais sous forme de corrections à l'action du marché et sans remettre fondamentalement celui-ci en cause.

Les libéraux plus essentialistes, souvent adeptes de l'École autrichienne, objectent qu'il est impossible de définir une allocation « optimale » des ressources autrement qu'en laissant justement fonctionner librement le marché. À leurs yeux, la notion d'allocation optimale est une opinion subjective qui varie d'individu à individu et n'a pas de contenu objectif, ce qui enlève toute signification à la notion de défaillance du marché.

Les services publics

Le libéralisme économique est accusé d’utiliser une mesure uniquement financière de leur utilité ou des bénéfices escomptés et d’ignorer les problématiques sociales ou d'aménagement du territoire par exemple. Le constat de non-rentabilité d'un service public justifierait ainsi pour les libéraux son abandon ou son transfert au privé par un processus de privatisation.

Les libéraux avancent les arguments suivants :

  • Ou bien ces services sont financièrement rentables, ou bien ils ne le sont pas. S'ils ne le sont pas, alors leur disparition est un bien, qui permettra de réallouer les ressources (gaspillées) à d'autres usages plus utiles. Si ces services sont rentables, il s'agit dans ce cas d'ouvrir à la concurrence ces secteurs, afin de les rendre aussi efficaces que possible.
  • Quant à savoir ce qui est utile, le libéralisme économique avance que c'est essentiellement à travers ce que les gens sont prêts à payer que l'on définit l'utilité d'un service.

La critique altermondialiste

Le libéralisme économique est violemment dénoncé par les altermondialistes, qui voient dans sa progression due à la mondialisation un danger de confiscation progressive des richesses par une classe dominante qui contrôlerait progressivement l'économie mondiale. Selon eux, l'abandon progressif des pouvoirs des États démocratiques aux marchés financiers et aux multinationales, associés aux dérégulations de nombreux secteurs économiques ainsi que la montée en puissance des acteurs privés dans la gestion des biens publics à l'échelle mondiale, entraînerait une destruction des ressources naturelles, et une négation de l'être humain qui agirait plus comme homo œconomicus que comme homo sociologicus. À leurs yeux, cette évolution réalisée sans et même souvent contre les volontés politiques et surtout populaires est un mal à combattre.[20]

Critique de la critique alter-mondialiste

Au contraire, pour les libéraux, cette évolution résulte de la synthèse des actions spontanées de tous les acteurs, chacun prenant en compte son intérêt réel et ses préférences (qui peuvent être, effectivement, très différentes), sans être soumis à la contrainte des gouvernements. Pour ces libéraux, c’est au contraire l’opposition des politiques qui est illégitime. On peut encore relever que contrairement au préjugé répandu, la théorie libérale, à travers l'École autrichienne, est très critique de la notion d'homo œconomicus.


Le débat sur les hypothèses néoclassiques

Un deuxième type de controverses, généralement lancées par des économistes hétérodoxes, consiste à relever le caractère irréaliste des hypothèses qui fondent la théorie de l’équilibre général, et en déduire que les prescriptions libérales qui en découlent sont sans fondement. De plus, l’optimum de Pareto est un simple critère d’efficacité et non de justice (une situation dans laquelle un seul individu possèderait tout peut être « Pareto-optimale »). Ils reviennent alors au constat des « défaillances du marché » pour justifier que l’État intervienne pour les corriger.

En réponse, les économistes libéraux néoclassiques admettent que si le marché est bien le moins mauvais des systèmes économiques, il a besoin de régulations (police des marchés, lois contre les cartels ou les monopoles, lois organisant l'information du consommateur, ...).

Au contraire, pour les économistes de l’école classico-autrichienne, la liberté individuelle est inaliénable et les critiques de l’équilibre général n’entament pas leurs convictions libérales, car ils le considèrent comme une fiction sans rapport avec la réalité et ne fondent pas leur libéralisme sur des considérations utilitaristes, mais sur l'application à l'économie du principe général de liberté. Ils admettent que des régulations sont nécessaires, mais pensent qu’elles doivent être mises en œuvre de façon volontaire sans contrainte de l’État, par des entreprises soumises à la concurrence, comme par exemple les associations de consommateurs ou les guides touristiques et gastronomiques.

La théorie de l'équilibre général est également critiquée sur le plan théorique du fait que le Théorème de Sonnenschein réfute l'unicité du dit équilibre général.

Le théorème de Sonnenschein qui est, en fait, pour être plus précis, celui de Sonnenschein, Mantel et Gérard Debreu, montre que les fonctions de demande et d’offre issues du modèle de l'équilibre général de Kenneth Arrow et Gérard Debreu peuvent avoir une forme quelconque, ce qui réfute le résultat de l’unicité et de la stabilité de l’équilibre général. Comme le résume un économiste, « le théorème de Sonnenschein-Mantel-Debreu montre que l'équilibre général n'est en définitive qu'une construction vide et inutilisable. »[21]

En considérant des hypothèses plus faibles, et discutables en ce qui concerne leur pertinence, il est possible de se ramener à un équilibre à solution unique.

Cette critique s'adresse plus aux économistes néo-classiques qu'au libéralisme. Ainsi, les économistes libéraux tenants de l'école_classique et de l'école autrichienne ne se reconnaissent pas dans les postulats néo-classiques et, au contraire, s'y opposent.

La critique de l'« économisme »

Certains reprochent aux économistes, et tout particulièrement les libéraux, une propension à considérer que tous les problèmes sociaux peuvent être traités uniquement à travers l'économie. L'économiste américain d'origine hongroise Karl Polanyi considérait le désencastrement de l'économie par rapport au social durant la période 1830-1930 était la cause principale du développement des États totalitaires du vingtième siècle. Polanyi y critique ainsi le passage du primat du social sur l'économie à celui de l'économie sur le social.

Or aucun économiste, libéral ou non, n'a affirmé que les relations sociales se réduiraient à des relations économiques. Étudier les phénomènes économiques n'implique pas que les autres phénomènes n'existent pas, pas plus que choisir d'étudier les insectes n'implique que l'on nie l'existence des autres animaux. Les libéraux de l'école autrichienne soutiennent eux aussi qu'il est impossible de distinguer une sphère « économique » d'une sphère « sociale ».

En réalité, ceux qui parlent d'« économisme » ne critiquent pas la théorie économique en tant que telle, mais une tendance à considérer que cette théorie est capable de résoudre des problèmes qui sont hors de son domaine. Ces critiques s'adressent notamment à des assertions économiques que certains [Qui ?] considèrent comme des faits prouvés et d'autres [Qui ?] comme de simples postulats.

Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Lien externe

Notes et références

  1. L'école française a joué un rôle majeur, avec Turgot ou Destutt de Tracy, ainsi que le souligne Alain Madelin dans cet article
  2. Richesse des nations, IV.2
  3. Cette théorie est reprise et enrichie, au XXe siècle, dans le cadre du Modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson.
  4. Frédéric Bastiat, Harmonies économiques, chap.4, [lire en ligne]
  5. Pascal Salin, Libéralisme, 2000, p.44
  6. Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, V, 1
  7. Karl Popper, La Leçon de ce siècle, 10/18, p.62-63
  8. Rose Friedman et Milton Friedman, Two Lucky People: Memoirs, 1998, University of Chicago Press, ISBN 0226264149, p.605
  9. Jean-Marie Bockel se définit de gauche libérale ; le parti Alternative libérale qui prône le libéralisme économique, se place entre le principal parti conservateur (l’UMP) et le Parti socialiste (cf. manifeste)
  10. Au sein de l’UMP, un seul courant (Les Réformateurs) prône véritablement le libéralisme économique.
  11. Les Échos, 15 et 16 juin 2007
  12. Gérard Minart, Frédéric Bastiat, croisé du libéralisme, p. 122
  13. Mario Vargas Llosa, Les enjeux de la liberté, 1997, p. 358
  14. Francesco Giavazzi, Alberto Alesina, « Le libéralisme est-il de gauche », Telos, Lire en ligne
  15. Giavazzi et Alesina, Ibid, p.2
  16. Giavazzi et Alesina, Ibid, p.1
  17. Yves Guyot, La Tyrannie collectiviste, 1893
  18. Le libéralisme est-il de gauche ?, Alberto Alesina et Francesco Giavazzi
  19. taux de pauvreté dans les pays riches, PNUD, 2005, page 242
  20. Polycentric World Social Forum
  21. Claude Mouchot, Méthodologie économique, 1996.



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