Intoxication fongique

Intoxication fongique

Mycotoxicologie

La mycotoxicologie est la science relevant de la toxicologie qui étudie les substances et les mécanismes des intoxications fongiques, c'est-à-dire causées par des champignons, notamment par l'ingestion accidentelle ou volontaire de champignons dits « supérieurs » (charnus, visibles à l'œil nu), qu'il s'agisse d'espèces sauvages ou cultivées.

En plus des aspects cliniques et de la recherche de moyens diagnostiques et thérapeutiques, la recherche en mycotoxicologie étudie et analyse expérimentalement la toxicité des médicaments humains ou vétérinaires ainsi que les préparations alimentaires à base d'organismes fongiques, avant leur commercialisation.

Comme son nom l'indique, cette discipline tente également de réunir l'information détenue par les toxicologues qui traitent les intoxiqués, et celle détenue par les mycologues (parmi lesquels figure traditionnellement une forte minorité de pharmaciens et médecins), conformément à l'esprit de l'ancienne mission de prévention des intoxications dévolue aux sociétés mycologiques. Les premiers connaissant les symptômes et atteintes présentés mais pas l’espèce responsable, et inversement.

Sommaire

Syndromes et toxines

On a recensé une centaine d'espèces de champignons toxiques, dont une vingtaine responsables de décès. Les intoxications par les champignons supérieurs ont été estimées en France à 2,5 % des causes d'intoxications accidentelles (1500 à 2000 cas annuels).

On distingue une douzaine de syndromes mycotoxicologiques, divisés, pour des raisons pratiques, en deux groupes selon leur temps de latence (délai « ingestion-symptômes »), et listés ci-dessous par ordre de fréquence :

Syndromes à latence courte

Les premiers symptômes apparaissent moins de 6 heures après ingestion.

Syndrome gastro-intestinal

Il s'agit principalement de nausées, vomissements, douleurs abdominales et diarrhées. Les principaux mécanismes sont les suivants :

Syndrome muscarinien

Également appelé sudorien ou cholinergique, ce syndrome, dû à la muscarine (qui tire son nom de l'Amanite tue-mouche, Amanita muscaria, bien que ce champignon en contienne trop peu pour être nocif), est caractérisé par la contraction des muscles lisses, l'hypersécrétion des glandes endocrines (sueur, salive, larmes…), moins de 2 heures après ingestion. Aux troubles digestifs habituels s'ajoutent des crampes abdominales, des sueurs profuses, larmoiements et rhinorrhées, des troubles cardiovasculaires (bradycardie, hypotension) et un myosis. Ils régressent spontanément en 2-3 heures. Parmi la soixantaine de champignons incriminés, trois genres se distinguent :

  • de nombreux Inocybes (Inocybe patouillardii, I. fastigiata, I. geophylla…)
  • la plupart des Clitocybes « blancs » (Clitocybe dealbata et affines)
  • Entoloma rhodopolium (au Japon)
  • quelques espèces sans trace de muscarine, comme Omphalotus illudens et, plus rarement, certains Mycènes du groupe de Mycena pura, pourtant très pauvres en muscarine, ont parfois provoqué les mêmes symptômes.

Syndrome panthérinien

Également appelé myco-atropinien, muscarien, ou anticholinergique, ce syndrome débute entre 30 minutes à 3 heures après ingestion de l'Amanite panthère (Amanita pantherina et quelques autres espèces affines), par une agitation euphorique puis anxieuse avec délire et hallucinations. Parfois aussi une ataxie, mydriase, des paresthésies et des tremblements pouvant aller jusqu'au coma convulsif, précèdent la phase de dépression avec prostration et somnolence. Les troubles régressent en 8 à 24 heures.

Les toxines sont des dérivés isoxazoles : l'acide iboténique, agoniste du glutamate, semble responsable de la phase d'excitation, et son dérivé, le muscimol, de la phase dépressive. D'autres substances isolées, comme la muscazone, sont encore à l'étude.

Syndrome coprinien

La coprine (contenue dans certains coprins) associée à l'alcool bloque l'acétaldéhyde déshydrogénase et réalise un effet antabuse. Une demi-heure après chaque prise d'alcool (entre 0,05 et 1 g/l) et dans les 3 à 5 jours qui suivent la consommation du Coprin noir d'encre (Coprinus atramentarius), survient un malaise avec bouffées de chaleur, maux de tête, érythrose cutanée, sueur, tachycardie, hypotension, et parfois des vertiges, nausées et vomissements. Les symptômes régressent en quelques heures sans qu'un traitement soit généralement nécessaire.

Syndrome narcotinien

Le syndrome narcotinien (ou psilocybien) est causé par des dérivés indoles, nommés psilocybine et psilocine, agissant sur les récepteurs sérotoninergiques.

Les effets, qui évoquent ceux du LSD et varient considérablement selon le contexte, commencent une demi-heure après ingestion, par une euphorie et une exacerbation (hyperesthésie) des sensations visuelles, auditives et tactiles, avec hallucinations, perturbation de la notion de temps et d'espace, ainsi que des troubles de l'humeur et du cours de la pensée.

Ils peuvent être accompagnés d'angoisse, de panique, et de confusion mentale. Sur le plan somatique, des nausées et vomissements, des céphalées, des vertiges et une mydriase ne sont pas rares.

Du fait de leur puissant caractère hallucinogène, les champignons à psilocybine peuvent causer des accidents psychiatriques graves et durables, parfois dès la première prise. On parle alors de « syndrome post-hallucinatoire persistant », à savoir angoisses, phobies, état confusionnel, dépression voire bouffées délirantes aiguës.

Les champignons en cause sont principalement des espèces du genre Psilocybe, Panaeolus, Pholiotina et Stropharia, classées comme stupéfiants et dont la possession et le transport sont passibles de sanctions pénales (arrêté du 22 février 1990).

Syndrome paxillien

Espèce responsable: Paxille enroulé cru, Paxillus involutus

Incubation : 1 à 3 h

Gastro-entérite, douleurs lombaires

Cas graves :

  • hémolyse et/ou cytolyse hépatique
  • insuffisance rénale et/ou collapsus cardio-vasculaire

Il contient également des substances mutagènes

Syndromes à latence longue

Les premiers symptômes apparaissent plus de 6 heures après ingestion.

Syndrome phalloïdien

C'est un syndrome en trois phases, aboutissant à une insuffisance hépatocellulaire irréversible (destruction des cellules nobles du foie).

En Europe septentrionale, ce syndrome est responsable de la quasi totalité des décès imputables aux champignons supérieurs. Bien qu'il n'y ait pas d'antidote à ce jour, le taux de décès qui était de 50 % avant les années 1965 a été réduit à 15 % (10 % chez l'adulte et 30 % chez l'enfant), avec les progrés de la réanimation, du traitement et la transplantation.

Il doit être suspecté chaque fois que le délai « ingestion-symptômes » dépasse 6 heures, le diagnostic précoce et l'hospitalisation d'urgence en unité de toxicologie étant essentiels.

Les principales espèces responsables sont Amanita phalloides, Amanita verna et Amanita virosa (voir aussi la liste des champignons toxiques).

Toxines :

  • Des octapeptides cycliques : amatoxines, notamment l'α-amanitine et β-amanitine, responsables du processus hépatotoxique (DL : 0,1 mg/kg chez la souris, soit chez l'homme 30–50 g d’Amanite phalloïde, 100 g de Lépiotes, ou 150 g de Galères.
  • des heptapetides cycliques : 7 phallotoxines (phalloïne, prophalloïne, phallisine, phallacine, phallicidine, phallisacine, et surtout la phalloïdine, actifs dans l'atteinte gastro-intestinale, mais aussi dans la destruction du réticulum endoplasmique et des mitochondries hépatocytaires. Ses liaisons avec l’actine augmentent la perméabilité membranaire, cause d'œdème et de mort cellulaire). La phallolysine (ex phalline), thermolabile (se dégradant à la cuisson), provoque une hémolyse chez l’animal. Enfin, 5 virotoxines : alaviroïdine, viroïsine, déoxoviroïsine, viroïdine, déoxoviroïdine, fortement toxiques par voie parentérale, mais dont le rôle est encore mal connu.

Au bout d'une latence moyenne de 10 à 12 heures, asymptomatique, mais au cours de laquelle s'installent les lésions intestinales et hépatiques, 3 phases ou syndromes se succèdent :

  • phase d'attaque digestive (jour 1), caractérisée par des nausées, des vomissements violents et incoercibles, des douleurs abdominales et des diarrhées cholériformes (lesquelles peuvent persister jusqu'au 10e jour). À ce stade, une déshydratation importante, une hypovolémie et une insuffisance rénale fonctionnelle peuvent survenir et provoquer un décès précoce au 3e ou 4e jour.
  • phase de rémission clinique (jour 2) régression des symptômes entre la 36e et la 48e heure, masquant le début de l'insuffisance hépatocellulaire (élévation insidieuse mais considérable des transaminases, qui culminera au 5e jour)
  • phase d'atteinte hépatique (jour 3-4) : hépatite clinique avec hépatomégalie et ictère, auxquels s'associent parfois à partir du 4-5e jour, insuffisance rénale aiguë, hémorragie digestive, encéphalopathie hépatique, et hypoglycémie.

Les formes graves d'intoxication évoluent soit vers la guérison en 4 à 8 semaines, soit vers le décès dès le 6e jour, plus généralement dans la deuxième semaine.

Syndrome orellanien

Syndrome gyromitrien

Insuffisance rénale aiguë

Acrosyndrome (Erythermalgie)

Deux espèces connues à ce jour provoquent, 3 jours environ après ingestion, une erythermalgie (rougissement et élevation de température) des extrémités (doigts, orteils, pénis) avec paresthésie (sensation de fourmillement) et œdèmes, puis des douleurs aiguës sous forme de sensations de brûlures intolérables, réalisant une véritable torture au fer rouge, résistant aux antalgiques, mais temporairement soulagées par l'eau glacée. La marche, le sommeil et peu à peu tous les actes de la vie normale étant empêchés ou perturbés, l'hospitalisation est nécessaire. Les troubles, généralement non mortels, régressent lentement au bout de plusieurs mois (3-6 mois pour la douleur, jusqu'à un an pour les paresthésies).

Toxines : Une douzaine de toxines ont été isolées au Japon, dont des acides aminés proches de l'acide kaïnique, agoniste du glutamate : Acide acromélique A et B, clitidine , etc.

(ébauche en cours, à poursuivre)

Liste des champignons toxiques

Consulter la liste des champignons toxiques', classés par syndrome et la liste des centres Antipoison.

Voir aussi

Références et liens externes

  • Site D.Michelot, CNRS
  • CHU de Lille
  • Université de Lyon
  • H. Lambert. Pronostic et traitement de l’intoxication phalloïdienne, in F.J. Baud — Réanimations des intoxications aiguës, Masson, Paris, 1995, 185-195.
  • P. Saviuc et P.-A. Moreau — Intoxications par les champignons supérieurs, in V. Danel et P. Barriot — Intoxications aiguës en réanimation, 2e édition, Arnette, Paris, 1999, 523-548.
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