Idi Amin

Idi Amin

Idi Amin Dada

Idi Amin Dada Oumee (17 mai 1924 - 16 août 2003) fut un militaire et chef d’État ougandais au pouvoir entre le 25 janvier 1971 et le 11 avril 1979. Il a laissé l’image d’un dictateur fou, violent et sanguinaire.

Sommaire

Sa jeunesse

Il y a une incertitude quant à sa date et son lieu de naissance. Idi Amin Dada n’a de son vivant jamais publié ni autorisé de biographie officielle. La plupart des sources indiquent qu’il serait né en 1923 ou 1924 à Koboko, dans la province du Nil occidental, au nord-ouest du pays[1]. Mais selon le chercheur ougandais Fred Guweddeko de l’Université de Makerere, Idi Amin Dada est né Idi Awo-Ongo Angoo à Kampala le 17 mai 1928. Son père Andreas Nyabire (1889 – 1976), de l’ethnie Kakwa et de religion catholique romaine, s’est converti à l’islam en 1910 et il aurait changé son nom en Amin Dada [2]. D’autres sources indiquent que Dada n’était pas le nom de son père mais un surnom qu’Amin acquit plus tard à l’armée (voir ci-dessous) [3].

Son père sert dans l’armée comme simple soldat dans un régiment colonial britannique puis intègre en 1921, comme nervi, la police ougandaise. Sa mère, selon Guweddeko, est appelée Assa Aatte (1904 – 1970), de l’ethnie Lugbara. C’est la fille d’un chef tribal de Leiko Iruna, village situé en République démocratique du Congo. Elle est spécialiste des plantes médicinales et des pratiques chamaniques et, entre autres, soigne la famille royale Buganda. Le monde de la magie dans lequel Amin Dada passera une partie de sa jeunesse jouera par la suite un grand rôle dans sa vie et dans l’influence qu’il aura sur beaucoup d’Ougandais. Entre 1924 et 1929, elle a pour patients Lady Irene Druscilla Namaganda, la Nabagereka du Buganda et le Kabaka Sir Daudi Chwa. Ses parents se séparent en 1931 et Idi Amin Naayma est abandonné par son père qui aurait soupçonné le Kabaka Daudi Chwa d’être le vrai père.

Idi Amin grandit dans sa famille maternelle à Mawale près de Semuto (actuel district de Luwero). Son frère et sa sœur meurent en 1932. Entre 1936 et 1938, il garde des chèvres. De 1938 à 1940, il habite dans la maison du cheikh Ahmed Hussein dans la ville de Semuto puis, en 1940, part pour Bombo pour vivre avec son oncle maternel Yusuf Tanaboo. Selon Fred Guweddeko, il semble qu’il n’ait pas suivi l’école primaire de la ville à cause de la discrimination envers les Nubiens, qu’il ait participé à des révoltes des Nubiens contre la discrimination et se soit bagarré contre les étudiants de l’université Makerere à Wandegeya. Il rejoint une école islamique à Bombo en 1941, où il excelle à réciter le Coran.

Sa mère s’établit avec son fils dans la région de Lugazi, au nord du lac Victoria, où de nombreuses personnes de son ethnie travaillent dans les champs appartenant à une riche famille indienne, les Metha. Puis elle s’installe non loin à Jinja, où est cantonné un régiment des King's African Rifles de l’armée coloniale britannique d’Afrique. Idi Amin Dada fait différents petits travaux avant de se faire recruter dans ce régiment comme aide-cuisinier en 1946. Un officier britannique l’aurait remarqué quand il était portier dans un hôtel de la ville.

Il a trois frères et quatre sœurs.

Sa carrière militaire

Amin travaille dans les casernements de Magamaga à Jinja aux cuisines et à la buanderie. Son physique et sa carrure (1,91 m, plus de 100 kg) impressionnent ; il suit alors un entraînement militaire puis est envoyé comme soldat en 1947 au Kenya à Gilgil où il sert dans la 21e brigade d’infanterie du KAR puis en Somalie à Belet Uen pour combattre les raids sur le bétail des Shifta.

En 1950, l’unité d’Idi Amin Dada retourne à Fort Hall au Kenya. Il s’entraîne alors avec la fanfare militaire écossaise du régiment. En 1951, il retourne brièvement à Jinja avant de repartir pour le Kenya la même année. En 1952, son bataillon est engagé dans la répression de la révolte des Mau Mau au Kenya. Amin Dada devient caporal puis sergent en 1953 pour son rôle dans les patrouilles mobiles dans les forêts occupées par les Mau Mau. Pendant cette période, il a deux enfants, une fille et un garçon, avec des femmes Kikuyu. Idi Amin est considéré comme un soldat habile, obéissant, mais cruel. Analphabète (il lira avec peine par la suite), il sait susciter l’empathie de ses supérieurs par un mélange de zèle et de bouffonnerie. Il passe chef de peloton en 1958. L’année suivante il est fait effendi, plus haut grade pour les noirs dans l’armée coloniale britannique d’Afrique, quasi-équivalent au premier grade d’officier. Pour l’anecdote, selon certains, le surnom "Dada" pourrait lui être venu de cette période militaire au Kenya, où fréquemment surpris au camp avec deux filles dans sa tente, alors qu’une seule était autorisée, il avait pris l’habitude de répondre aux officiers britanniques que l’une était sa dada (sœur en swahili).

Amin retourne en Ouganda en 1954 à Jinja. Il est choisi pour mener la parade lors de la visite de la reine Élisabeth II. C’est également lui qui dirige l’année suivante la garde d’honneur qui accueille de son retour d’exil le roi Mutesa II. Il part ensuite sur le district de Lango où il réussit, à la tête d’un escadron, à défendre les Langi contre les raids des Karimojong. Il a un nouvel enfant avec une femme Langi. La même année, il est envoyé dans le sud du Soudan pour contrer une mutinerie militaire, tâche dont il s’acquitte avec succès. En 1957, il essuie un refus à une demande d’augmentation de sa solde, il échoue également à des tests pour obtenir une promotion. En 1958, nouvel échec à des tests mais il réussit les exercices sur le terrain et est promu en décembre 1959. En juillet 1960, suite à la mort d’un officier britannique, tué par les Turkana dans le Karamoja, Idi Amin Dada est envoyé dans cette région et sera félicité par le commandement de l’armée britannique pour « avoir rétabli le prestige de la loi de l’ordre dans la région du Karamoja » . Il aurait exécuté trois guerriers Turkana et aurait fait aligner les autres, leur sexe posé sur une table, en les menaçant de le leur couper s’ils ne révélaient pas où ils avaient caché leurs armes.

En juillet 1961, deux ans avant l’indépendance, il devient l’un des deux seuls Ougandais parvenus à être nommés officiers, avec le grade de lieutenant. La même année, il fait partie du groupe chargé de trouver un compromis politique avec Edward Mutesa II qui était favorable à la seule indépendance du royaume du Buganda. Il convainc Mutesa que l’armée ougandaise n’agira jamais contre le royaume. La mission de négociation est réussie.

Idi Amin est envoyé de nouveau contre les nomades Turkana en 1962 pour apaiser leurs querelles sur le bétail avec les Karamojong ougandais. Son escadron commet alors un véritable massacre dans plusieurs villages. Une enquête britannique au Kenya découvrira que plusieurs Turkana ont été tués, torturés, certains brûlés vifs. Alors que cet acte aurait dû lui valoir la cour martiale, ses bonnes relations avec les officiers britanniques, et surtout l’indépendance qui s’annonce, expliquent que ces derniers ne lui font qu’une réprimande.

Selon certains historiens de la colonisation, les autorités militaires britanniques (comme également les Français), à l’approche de la décolonisation africaine, ont favorisé la promotion de soldats peu instruits et sur lesquels ils pensaient pouvoir garder une influence pour, indirectement, contrôler les futures armées nationales.

Durant cette période dans l’armée, Idi Amin est un athlète accompli : champion de natation, il est également champion d’Ouganda de boxe dans la catégorie poids-lourd moyen de 1951 à 1960.

À la tête de l’armée, après l’indépendance

Après l’indépendance en octobre 1962, Milton Obote, le premier ministre ougandais, originaire de la région nilote du nord comme lui, récompense Idi Amin de son soutien en le nommant capitaine en 1963 puis Deputy commander (commandant adjoint) de la jeune armée ougandaise en 1964. Il est envoyé en Israël pour suivre un entraînement parachutiste. Ce pays est alors très actif en Afrique de l’Est et sera pendant quelques années un précieux soutien militaire à Amin Dada. En 1965, Obote et Amin sont impliqués dans une affaire de contrebande d’or, de café et d’ivoire en provenance de la République démocratique du Congo. Une enquête parlementaire demandée par le président Mutesa II (aussi roi du Bouganda, puissante région bantoue du Sud) met Milton Obote sur la défensive. En 1966, ce dernier envoie l’armée au Bouganda et dépose le roi et président du pays avec l’appui de son nouveau chef d’état-major, Idi Amin Dada, tout juste nommé à ce poste et au grade de général. Il fait arrêter plusieurs ministres, suspend la Constitution de 1962 en abolissant le fédéralisme et les royaumes. Il se proclame alors nouveau président et institue un régime présidentiel à parti unique. Le président Mutesa est contraint à l’exil en Grande-Bretagne où il meurt en 1969. Ce changement politique et cette centralisation marquent aussi la prise de pouvoir des ethnies du nord, anciennement moins favorisées face aux ethnies du centre et du sud bantoues.

Amin Dada commence à recruter des hommes de son ethnie pour l’armée ougandaise mais aussi des musulmans de la région du Nil occidental, région du nord-ouest de l’Ouganda, proche de la frontière soudanaise. Ses relations avec Obote commencent à se dégrader.

En décembre 1969, une tentative d’assassinat contre le président Obote échoue. Le Brigadier général Pierino Okoya, commandant adjoint de l’armée et seul rival militaire d’Amin Dada, dit à ce dernier et à Obote qu’il est proche d’arrêter les coupables. Le 25 janvier 1970, Okoya et son épouse sont assassinés à leur domicile. Les relations entre Idi Amin Dada et Milton Obote se dégradent fortement après ce meurtre. En novembre, après avoir été mis peu de temps en résidence surveillée, Amin Dada perd tout commandement dans l’armée pour n’occuper qu’une fonction administrative.

La prise du pouvoir

Après avoir appris qu’Obote planifiait de l’arrêter pour détournement de plusieurs millions de dollars des fonds de l’armée, Amin Dada prend le pouvoir par un coup d’État le 25 janvier 1971, alors qu’Obote assiste à un sommet du Commonwealth à Singapour.

Son arrivée au pouvoir est, au départ, plutôt bien accueillie par la communauté internationale. Les Américains voient d’un bon œil le renversement d’Obote dont ils s’inquiétaient de la politique trop socialiste. Un soutien en sous-main d’Israël et des États-Unis à ce coup d’État a souvent été évoqué mais sans être clairement démontré. Une note interne du Foreign Office britannique le décrit comme « un type splendide et bon joueur de rugby » ! Sa prise de pouvoir est également bien accueillie en Ouganda, surtout des Bagandas dont Obote était l’ennemi juré. Idi Amin Dada prend alors des bains de foule quotidiens, parcourant les rues de la capitale au volant d’une Jeep décapotable. Il donne à l’ancien roi et président Mutesa, qui est mort en exil, des funérailles nationales en avril 1971, libère beaucoup de prisonniers politiques et démantèle la General Service Unit, la police secrète ougandaise.

Huit ans de tyrannie

Il promet de tenir des élections quelques mois plus tard. Cependant, peu de temps après avoir pris le pouvoir, il installe le "State Research Bureau", qui se révèle être une variante ougandaise d’escadrons de la mort destinés à pourchasser et assassiner les partisans d’Obote mais aussi l’intelligentsia ougandaise dont Amin Dada se méfie. Les chefs militaires qui n’ont pas soutenu le coup d’État sont exécutés. Amin Dada révèle sa cruauté : beaucoup sont décapités, tandis qu'une trentaine d’autres meurent après que de la dynamite eut été jetée dans leur cellule.

Obote trouve refuge en Tanzanie d’où il essaie de reprendre le contrôle du pays par une invasion militaire en septembre 1972, sans succès. Les partisans d’Obote au sein de l’armée ougandaise, principalement des ethnies Acholis et Lango, sont aussi impliqués dans cette invasion. La réponse d’Amin Dada va être sanglante. Il fait bombarder les villes de Tanzanie et purge l’armée de tous les officiers d’origine Acholi ou Lango, qui sont pour la plupart exécutés. Les violences ethniques s’accroissent, gagnent toute l’armée, puis la population ougandaise. Au fur et à mesure que cette violence augmente, Amin Dada devient de plus en plus paranoïaque, craignant même un coup d’État de son propre gouvernement. Le Nile Mansions Hotel à Kampala devient le sinistre centre d’interrogatoire et de torture du dictateur.

Le 4 août 1972, Amin donne aux 60 000 Asiatiques principalement des Indo-pakistanais non nationaux présents en Ouganda un délai de 90 jours pour quitter le pays, suivant ainsi un rêve qu’il dit avoir eu, et dans lequel Dieu lui aurait ordonné de les expulser. Par la suite, il étend cette mesure aux 80 000 Asiatiques du pays[4]. En fin de compte, 50 000 quittèrent le territoire[4]. Leur expulsion réduisit considérablement la population musulmane nationale[5]. Ils étaient le pivot de l'économie[4]. Ceux qui restèrent furent déportés des villes vers les campagnes. La plupart des expulsés titulaires de la nationalité britannique se rendirent au Royaume-Uni c'est-à-dire entre 25 000 et 30 000 personnes[4],[6]. Le gouvernement britannique avait alors envisagé de les installer dans un territoire national autre que la Grande-Bretagne par exemple dans les îles Salomon ou dans les Malouines[6]. Certains allèrent au Canada et en Afrique du Sud[6].

Les soldats ougandais, pendant cette période, pillèrent et violentèrent les Indiens en toute impunité et leurs biens furent confisqués au profit des militaires proches du pouvoir. Au fur et à mesure que la vraie nature d’Amin Dada se révèle, le Royaume-Uni et Israël, principaux soutiens étrangers de l’Ouganda, commencent à restreindre leur aide et refusent de lui vendre de nouvelles armes. Amin Dada se tourne alors vers la Libye de Kadhafi, qui entreprenait son projet d’une grande politique africaine, et vers l’Union soviétique. Le chef d'État ougandais va alors mener une politique d'affrontement contre la Grande-Bretagne et, dans une moindre mesure, contre les États-Unis. Ces derniers ferment leur ambassade à Kampala en 1973 suivis en 1976 par le Royaume-Uni. Amin Dada rompt ses relations avec Israël et commence à soutenir les mouvements nationalistes palestiniens.

L’accroissement de la terreur

À partir de 1974, la terreur s’accroît encore. Idi Amin Dada se lance dans une chasse paranoïaque contre tous ceux qui, selon lui, peuvent menacer le régime. Débutent alors des campagnes de persécutions contre les tribus rivales ou les partisans, ou supposés tels, de Milton Obote, et la chasse à l’intelligentsia du pays : anciens ministres et hauts fonctionnaires, juges, diplomates, professeurs d’université et enseignants, clergé catholique et anglican, banquiers et hommes d’affaires, journalistes, leaders tribaux et aussi un certain nombre d’étrangers, seront assassinés ou disparaîtront. Des cas ont été rapportés de villages entiers rasés et de centaines de corps flottant sur le Nil.

Cette même année, une ONG, la Commission internationale des juristes, dans un rapport aux Nations unies, estime qu’entre 25 000 et 250 000 personnes ont été assassinées en Ouganda depuis le coup d’État de 1971.

En parallèle, le régime se militarise à outrance. Les effectifs militaires augmentent considérablement et l’armée absorbe tout le budget du pays. Les tribunaux militaires à la justice expéditive remplacent les tribunaux civils. Tous les postes du gouvernement et de l’administration sont occupés par des militaires, le parlement est dissous et la haute administration est soumise à la discipline militaire.

Le dictateur règne par décrets, essentiellement oraux et souvent annoncés directement par la radio nationale. Amin Dada renforce aussi son appareil sécuritaire. Au State Research Bureau viennent s’ajouter la Public Safety Unit, reconstitution d’une police secrète, et une police militaire. La garde présidentielle d’Amin Dada, en plus de protéger le dictateur des nombreuses tentatives d'assassinat -réelles ou imaginaires-, agit aussi comme un escadron de la mort supplémentaire. Cet appareil sécuritaire comprendra jusqu’à 18 000 hommes au total.

L’Ouganda s’engage dans une vaste politique de développement militaire qui inquiète Nairobi. Au début du mois de juin 1975, les responsables kényans confisquent le chargement d’un gros convoi d’armes de fabrication soviétique en route pour l’Ouganda depuis le port de Mombasa.

La tension atteint son maximum en février 1976 quand le président ougandais annonce soudainement qu’il va enquêter sur le fait qu’une grande partie du Sud Soudan et de l’ouest et du centre du Kenya, jusqu’à 32 km de Nairobi, sont historiquement partie intégrante de l’Ouganda colonial. La réponse kényane arrive deux jours plus tard, très lapidaire, indiquant que le pays ne partagera pas « ne serait-ce qu'un pouce de son territoire ». Amin Dada fait finalement marche arrière en voyant les Kényans déployer des troupes et des transports blindés en position défensive sur la frontière avec l’Ouganda.

Entebbe

Amin Dada, après sa rupture avec l’Occident, entretient des liens forts avec les mouvements palestiniens. Les bâtiments de l’ambassade israélienne sont même offerts à l’OLP pour lui servir de quartier général. Le 27 juin 1976, le vol 139, un airbus d’Air France reliant Tel Aviv à Paris, est détourné après une escale à Athènes, vers la Libye. Sur invitation d’Amin Dada, l’avion se pose ensuite à l’aéroport international ougandais d’Entebbe situé à 32 km au sud de Kampala. Les preneurs d’otages demandent la libération de 53 prisonniers palestiniens et de la Fraction armée rouge en échange des 256 passagers et membres d’équipage. Trois autres terroristes les rejoignent en Ouganda et ils sont « assistés » par les troupes ougandaises. Amin Dada rend très souvent visite aux otages, se donnant l’image d’un médiateur. Mais le 3 juillet 1976 à minuit, des commandos israéliens attaquent l’aéroport et libèrent tous les otages sauf quatre (trois sont tués pendant l’assaut, dont l'un par les forces israéliennes. Un quatrième, Dora Bloch, une femme âgée de 75 ans qui avait été amenée dans un hôpital avant l’assaut, est assassinée par deux officiers ougandais sur ordre direct du dictateur deux jours après l’opération israélienne[7]. Dans cette opération, les Israéliens détruisent au sol les avions de chasse de l’armée de l’air ougandaise, 11 Mig, amoindrissant fortement son potentiel. Le succès de l’opération israélienne va ainsi contribuer largement à la chute du dictateur. La résistance et les opérations de sabotage opérées par les mouvements opposés au dictateur vont handicaper le pays pendant les dernières années du régime.

Après ce raid, Idi Amin Dada fait exécuter 200 officiers et hauts fonctionnaires qu’il juge incompétents, expulse tous les étrangers et déclenche une nouvelle campagne de violence.

En janvier 1977, il accuse Janani Luwum, l’archevêque anglican de Kampala, opposant notoire au dictateur et défenseur des chrétiens d’Ouganda opprimés, de comploter pour une invasion étrangère. Le lendemain, ce dernier est assassiné avec deux ministres.

Parmi les personnalités tuées par Amin Dada au cours de sa dictature figurent aussi :

  • Benedicto Kiwanuka, ancien premier ministre et plus tard Chief Justice
  • Joseph Mubiru, ancien gouverneur de la banque centrale ougandaise
  • Frank Kalimuzo, vice-doyen de la Makerere University
  • Byron Kawadwa, dramaturge ougandais.

La folie

À partir de 1975, Idi Amin Dada s’autoproclame maréchal, puis président à vie. Cette année-là, devant les médias, il se met en scène sur une chaise à porteurs, obligeant des hommes d’affaires occidentaux à le promener. L’été 75, un écrivain ougandais d’origine britannique, Dennis Hill, est condamné à mort pour avoir traité Amin Dada de « tyran de village ». Il ne sera sauvé que par la visite expresse à Kampala du secrétaire d’État anglais aux Affaires étrangères, James Callaghan, et après l'intervention du président zaïrois Mobutu Sese Seko et du somalien Siad Barre, président en exercice de l’OUA, qui menace d’annuler le sommet de Kampala.

En juillet 1975, le sommet de l’OUA se tient finalement à Kampala et Amin Dada prend la présidence de l’organisation africaine, embarrassant beaucoup d’autres pays du continent. Il voit cet événement comme une consécration et organise de multiples manifestations lors du sommet dont l’élection d’une « miss OUA », ainsi qu'un rallye automobile auquel il participe au volant d’une Citroën SM à moteur Maserati ! Une démonstration militaire sur le bord du lac Victoria est censée représenter l’attaque de l’Afrique du Sud par des forces panafricaines commandées par le maréchal Idi Amin Dada. Lors du sommet, il épouse en cinquième noce une jeune danseuse dont le mari a disparu lorsqu’Amin, l’année précédente, s’intéressa à la jeune femme. Yasser Arafat fut l’un des témoins du mariage[8].

Amin Dada est passionné de voitures de course, dont il possède plusieurs modèles, de boxe et de films de Walt Disney. Beaucoup de journalistes le considèrent comme un personnage excentrique et vaguement comique. Il est largement caricaturé dans les pays occidentaux en bouffon meurtrier. Il expose notamment devant la caméra du cinéaste suisse Barbet Schroeder son plan d’invasion pour reprendre le Golan à l’État d’Israël. Des rumeurs courent aussi sur son cannibalisme présumé, sans toutefois que cela n’ait été prouvé.

Après être retourné en Grande-Bretagne, Dennis Hill s’élèvera dans une interview contre cette vision extérieure trop limitée, selon lui, du dictateur :

« Amin Dada a des qualités de chef tribal compensant son manque d’éducation, par une adresse, un talent pour la survie, une force personnelle, du courage et une capacité pour mesurer les faiblesses de ses adversaires et les souhaits de son peuple »

«Ce n’est pas suffisant de limiter Amin Dada à un bouffon ou un meurtrier. Il est une réalité africaine. Il a réalisé le rêve africain, la création d’un État vraiment noir »

Mais les années passant, Amin Dada devient de plus en plus erratique et n’écoute plus personne.

Il se fait confectionner des vêtements spéciaux pour pouvoir porter de nombreuses décorations de la seconde guerre mondiale dont la Military Cross et la Victorious Cross, copie de la Victoria Cross britannique. Il s’auto-attribue également de nombreux titres comme celui de « roi d’Écosse ». En 1977, après que les Britanniques eurent rompu leurs relations diplomatiques avec le régime, Amin Dada déclara avoir vaincu les Anglais et se conféra la décoration de « Conquérant de l’Empire britannique ». Radio Ouganda diffusera alors avant ses messages l’intégralité de son nouveau titre : « Son Excellence le Président à vie, Maréchal Alhaji Docteur Idi Amin Dada, titulaire de la Victoria Cross[9], DSO, titulaire de la Military Cross et Conquérant de l’Empire britannique »[10].

Se basant en partie sur ses « visions » et ce comportement erratique, des psychiatres ont pensé qu’Idi Amin Dada pouvait souffrir d’une neurosyphilis : Deborah Hayden étudie cette hypothèse dans son ouvrage Pox: Genius, Madness and the Mysteries of Syphilis.

La chute et l’exil

Mais l’économie du pays décline de plus en plus. Déjà affaiblie par le départ des Indo-Pakistanais, cœur entrepreneurial du pays, par celui de la plupart des hommes d’affaires étrangers, et par l’arrêt de l’aide occidentale, elle subit un nouveau coup en 1978 avec la chute du cours du café, principale exportation ougandaise. La Libye commence elle aussi à diminuer son aide.

En octobre 1978, des mutineries éclatent dans le sud-ouest du pays, une partie des militaires se réfugiant en Tanzanie voisine. Amin Dada, dont le régime est aux abois, saisit ce prétexte et ordonne alors l’invasion de la Tanzanie. Avec l’aide de 3000 hommes des troupes libyennes, Amin essaye d’annexer les provinces du nord de ce pays dans la région de Kagera. La Tanzanie, sous la présidence du mwalimu Julius Nyerere, déclare alors la guerre à l’Ouganda et commence à contre-attaquer, enrôlant pour cela les exilés ougandais.

Le 11 avril 1979, Amin Dada est forcé de fuir la capitale ougandaise Kampala. L’armée tanzanienne prend la ville avec l’aide des guérillas ougandaise (l’UNLA, l’Uganda National Liberation Army) et rwandaise. Amin s’envole pour l’exil, d’abord en Libye puis en Arabie saoudite. Il est alors hébergé à Djeddah par le gouvernement saoudien « par charité islamique et en remerciement pour son rôle dans la diffusion de l’islam » sous réserve qu’il ne se mêle plus de politique. L’État saoudien lui fournit une maison, assez modeste, mais aussi un chauffeur et du personnel de maison, pourvoit à sa subsistance et lui verse une pension. Le nouveau gouvernement ougandais choisit de le laisser en exil, disant qu’il est libre de revenir mais devrait alors faire face à ses crimes.

Son régime aura fait entre 100 000 et 500 000 victimes, la plupart des observateurs s’accordant aujourd'hui sur un chiffre voisin de 300 000. Il a laissé un pays en ruines : une inflation de plus de 200%, une dette de 320 millions de dollars, une agriculture abandonnée, des usines fermées et une corruption généralisée.

En 1989, il essaye de revenir en Ouganda, mais est reconnu à Kinshasa et renvoyé en Arabie saoudite par les autorités zaïroises.

Le 20 juillet 2003, une de ses épouses, Madina, informe qu’il est proche de la mort, dans le coma, à l’hôpital spécialisé Roi-Fayçal à Djeddah. Elle plaide auprès du président ougandais Yoweri Museveni pour qu’il puisse revenir mourir en Ouganda mais ce dernier indique qu’il sera alors jugé immédiatement.

Idi Amin Dada meurt en Arabie saoudite le 16 août 2003, à l’âge supposé de 79 ans, et est enterré à Djeddah au cimetière Ruwais.

Le 17 août 2003, David Owen, ancien secrétaire d’État aux affaires étrangères britannique a déclaré lors d’une interview donnée sur Radio 4 de la BBC que lorsqu’il était au gouvernement (1977 – 1979), il avait suggéré l’assassinat d’Amin Dada. Son idée fut immédiatement rejetée. Owen expliqua que « le régime d’Amin Dada était le pire de tous, c’est une honte qu'on lui ait permis de se maintenir aussi longtemps au pouvoir ».

Celui que beaucoup d’Ougandais appelaient Big Daddy reste paradoxalement populaire dans une partie de la population ougandaise, surtout dans la région nord.

Bibliographie

  • Amin Dada ou les sombres exploits d’un sergent de l’armée britannique, Pierre Merle (1978), Éditions Régine Desforges, Paris.
  • Qui est Idi Amin Dada ?, Denis Ropa (1995), Éditions l’Harmattan, Paris.
  • Amin Dada, Éric Wiedemann (1977), Éditions Presses Select, Montréal.

En anglais.

  • A state of blood d’Henry Kiemba
  • Idi Amin, de James Barter, Lucent Book (2004) ISBN 1590185536
  • Idi Amin and Uganda: An Annotated Bibliography, African Special Bibliographic Series, Greenwood Press (1992), ISBN 0313272735.
  • Idi Amin, de John Allen, Blackbirch Press (2003), ISBN 1567117597
  • The Shattered Pearl: An Odyssey of Service, Savagery and Survival , Trafford Publishing (2006), ISBN 1552128970
  • The Last King of Scotland de Giles Foden, Vintage Books USA (1999), ISBN 0375703314

Filmographie

Liens externes

Références

  1. (en) Encyclopædia Britannica: Idi Amin
  2. (en) Rejected then taken in by dad; a timeline, The Monitor, 1er mars 2004
  3. (en) 'Dada' always rubbed Kenya the wrong way, Sunday Nation, 17 août 2003
  4. a , b , c  et d (en)« 1972: Asians given 90 days to leave Uganda »
  5. (en)[1]
  6. a , b  et c (en)UK 'did not want Ugandan Asians', BBC, 1er janvier 2003
  7. selon le récit fait devant la commission ougandaise des droits de l'homme, en avril 1987, par Henry Kyemba, alors ministre ougandais de la Santé
  8. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/idi-amin-ou-le-malheur-de-l-ouganda_495456.html?p=5
  9. Donc la Victorious Cross
  10. (en) Idi Amin, The Guardian, 18 août 2003

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