Grotte du Noisetier

Grotte du Noisetier
Grotte du Noisetier
(Grotte de Peyrère 1)
Image illustrative de l'article Grotte du Noisetier
Vue de la Grotte du Noisetier (point lumineux)
depuis la route du col d'Aspin.
À gauche, le village de Fréchet-Aure.
Coordonnées 42° 55′ 40″ Nord
       00° 22′ 14″ Est
/ 42.92778, 0.37056
[1]42°55′40″N 00°22′14″E / 42.92778, 0.37056
Pays Drapeau de France France
Région Midi-Pyrénées
(Département des Hautes-Pyrénées)
Massif des Pyrénées
Vallée Vallée de la Neste
Localité voisine Fréchet-Aure, Arreau
Voie d'accès D 109
Altitude de l'entrée 825 m
Longueur connue ~ 20 m
Type de roche calcaire
Signe particulier vestiges lithiques et osseux d'origine préhistorique
Température à compléter
Occupation humaine Paléolithique moyen final

Géolocalisation sur la carte : Hautes-Pyrénées

(Voir situation sur carte : Hautes-Pyrénées)
Grotte du Noisetier(Grotte de Peyrère 1)

Géolocalisation sur la carte : Pyrénées

(Voir situation sur carte : Pyrénées)
Grotte du Noisetier(Grotte de Peyrère 1)

La Grotte du Noisetier se trouve sur la commune de Fréchet-Aure, à un peu moins de trois kilomètres au nord d’Arreau, dans le département des Hautes-Pyrénées, France.

Elle a livré une séquence comportant plusieurs occupations moustériennes correspondant à la fin du Paléolithique moyen.

Sommaire

Toponymie

Le site doit son appellation moderne au noisetier qui a élu domicile à proximité de l'entrée. Il est également connu sous le nom de Grotte de Peyrère 1[2]. Dans Les Pyrénées souterraines, Armand Viré décrit la cavité comme l'une des « grottes de Serrat de la Toue »[3].

Topographie

La grotte se présente sous la forme d’une petite galerie d’une vingtaine de mètres de profondeur sur trois à quatre mètres de largeur et trois à six mètres de hauteur. Elle surplombe la vallée d'Aure, au fond de laquelle coule le principal affluent pyrénéen de la Garonne, la Neste. Elle s’ouvre à 825 m d’altitude, soit à une altitude relative d’environ 145 m par rapport au fond de la vallée, à un niveau où la faune et la flore correspondent encore actuellement à l’étage montagnard.

Historique

La Grotte du Noisetier en cours de fouille, été 2005

La présence de vestiges archéologiques dans la grotte fut mentionnée dès 1898 par Armand Viré[3].

En 1985, elle fut « redécouverte » par L. et A. Casteret et signalée au Service régional de l'archéologie de Midi-Pyrénées. Une première opération de sondage fut conduite en 1987 sous la direction de Michel Allard suite à la multiplication des prélèvements clandestins. Deux autres campagnes de terrain (1992 et 1993) furent programmées afin d’évaluer l’importance archéologique du site et de déterminer quelles étaient les mesures de protection les plus appropriées. L’exploration du site sur quelques mètres carrés permit la découverte de plusieurs niveaux archéologiques relativement riches en vestiges lithiques moustériens et restes fauniques ; elle détermina le choix d’une protection définitive au moyen d’une forte grille analogue à celles posées à l’entrée des grottes ornées[4],[5],[2].

Ces travaux aboutirent à une première série de résultats intéressants, en partie inédits. Seules quelques notes thématiques[6],[7] ou synthèses régionales[8] ont fait état sommairement de ces découvertes, le site étant généralement présenté comme une halte temporaire liée à la chasse au bouquetin et à l'isard (étude M. Allard, F. Juillard, M. Jeannet).

Depuis 2004, le site fait l'objet d'une nouvelle fouille programmée.

Géologie et géomorphologie

La Grotte du Noisetier se trouve au sein de la Haute chaîne primaire ou Zone primaire axiale pyrénéenne. Elle s’ouvre dans une formation connue localement sous le nom de calcaires d’Ardengost. « Ces calcaires massifs constituent la barre rocheuse claire, bien visible dans le paysage, qui traverse la vallée de la Neste au Sud de Fréchet-Aure, forme les abrupts du bois de la Hèche, les pentes du bois de Jézeau et la montagne d’Areng. (…) Les calcaires d’Ardengost renferment une riche faune de foraminifères, de brachiopodes, de polypiers ainsi que des algues » [9]. Sur la base de son contenu paléontologique, l’âge de cette formation a été revu à la baisse relativement récemment : elle ne daterait pas du Viséen supérieur mais du Serpukhovien [9]. Ce calcaire micritique, très massif, a permis le développement d’un réseau karstique relativement complexe.

Les formations drainées par la Neste et ses affluents sont très diversifiées : terrains paléozoïques, granitoïdes du massif intrusif de Bordères-Louron, granites du Val de Buret, etc. Les matériaux disponibles dans les formations alluviales à hauteur du site offrent donc des ressources lithiques variées comprenant notamment des lydiennes, des schistes et des quartzites. Ces matériaux d’assez bonne qualité représentent l’essentiel du matériel archéologique issu de la Grotte du Noisetier . Les silex sont absents dans l’environnement immédiat ; les vestiges produits aux dépens de ce matériau ont donc été importés depuis une ou plusieurs sources à définir. Les gîtes connus susceptibles d’avoir été exploités se situent au minimum à une quarantaine de kilomètres, dans les Pré-Pyrénées [10] ou la région d’Hibarette-Montgaillard [11].

La Grotte du Noisetier constitue un lambeau d'ancien réseau karstique creusé en régime noyé comme l’indique la morphologie d'ensemble, caractérisée par des formes arrondies. Cet ancien réseau a connu un important colmatage argileux, attesté dans la Grotte du Lierre voisine, progressivement évacué ensuite avec le creusement de la vallée et l’abaissement consécutif du niveau des circulations souterraines. Des concrétions de calcite bien cristallisées se sont alors développées, à la fois sur les lambeaux de remplissage et dans les parties dégagées par le soutirage.

Au cours du Quaternaire, la poursuite de l’incision de la Neste et l’élargissement consécutif de la vallée a raboté progressivement la galerie. Les vieilles concrétions de calcite se sont retrouvées à proximité de l’entrée et le type de concrétionnement s’est modifié. Avec la proximité de la surface, le type de sédimentation détritique a changé radicalement. L’influence climatique extérieure s’est traduite par la gélifraction des parois, suffisamment intense pour faire disparaître toutes les formes de creusement qui existaient dans la première partie de la cavité. Les parois ont produit une importante accumulation de cailloutis qui occupe toute la base de la cavité sur une épaisseur encore inconnue. L’occupation moustérienne est contemporaine de la constitution de ce remplissage de cailloutis.

Chronologie

Les données biochronologiques fournies par l’abondante microfaune[6],[7] et par la grande faune (présence de cerf élaphe, similitude de l’association faunique avec celle des couches supérieures de la séquence de Combe-Grenal, absence du renne) permettent de proposer une attribution des dépôts à l’interstade würmien (« Würm II/III »).

À ce jour, cinq dates ont été obtenues par la méthode du carbone 14 pour l'ensemble de la séquence. Elles s'échelonnent entre environ 30 et 50 000 ans BP. Ces dates sont évidemment à prendre avec beaucoup de prudence et doivent être considérées comme des âges minimums, tant elles sont proches de la limite d'application de la méthode. Une tentative de datation d'un foyer par thermoluminescence est en cours afin de préciser la chronologie des occupations paléolithiques de la grotte.

Principales découvertes

Faune

Canine de Panthera pardus provenant de la Grotte du Noisetier.
échelle = 1 cm

La couche 1 de la Grotte du Noisetier a livré plus de 800 restes déterminés de grands mammifères. Le spectre faunique est dominé par les espèces montagnardes, en particulier isard et bouquetin. Viennent ensuite le cerf et les grands bovidés. Les autres taxons et, en particulier, les carnivores sont très faiblement représentés.

L’étude taphonomique menée sur les trois espèces dominantes a permis de montrer que les ossements de cerf et d'isard n’avaient pas été accumulés par les mêmes agents. Aucun os de cerf n’est digéré alors que près de la moitié des os présentent des indices d’intervention anthropique (impacts, stries de boucherie, retouchoirs, etc.). Chez l'isard, moins de 2 % des ossements portent des stries de boucherie et près de 65 % sont semi-digérés. Par ailleurs, la prépondérance des extrémités articulaires sur les portions diaphysaires d’os longs et la sporadicité des marques d’origine anthropique sur les restes d'isard indiquent que cette espèce a été introduite sur le site par le gypaète barbu.

Restes humains

Le site a livré trois vestiges dentaires dont deux sont, avec certitude, des incisives centrales déciduales. Par leurs traits morphologiques et métriques, ces dents s'intègrent bien dans la variabilité des dents néandertaliennes et mieux que dans celle des dents d'Hommes anatomiquement modernes. Les deux dents présentent une attrition importante de la couronne et une racine incomplète. En fonction de la variabilité actuelle et du fait qu'elles ont été découvertes dans un même secteur et dans un même niveau, elles pourraient correspondre à un même individu de 5 à 10 ans. S'il s'agit bien d'un seul individu, la chute a probablement eu lieu post-mortem [12].

Industrie lithique

Racloir moustérien en silex provenant de la Grotte du Noisetier.
échelle en cm

L’essentiel de l’industrie a été réalisé aux dépens de matériaux locaux disponibles dans les formations alluviales de la Neste (quartzites, lydiennes, schistes, etc.). Le silex est absent dans l’environnement immédiat ; les quelques vestiges produits aux dépens de ce matériau ont été importés depuis une ou plusieurs sources situées à l’extérieur de la chaîne pyrénéenne. Il s’agit le plus souvent d’outils ou de produits de plein débitage mais aussi d’éclats de retouche, présents en grand nombre.

L’industrie se compose essentiellement de produits et de sous-produits de débitage. La principale méthode mise en œuvre est le débitage Discoïde bifacial, dont témoignent une série de nucléus et des produits pseudo-Levallois caractéristiques. Le débitage Levallois est également attesté sur quartzite par quelques produits indiscutables (tranchants périphériques, surfaces parallèles régulières, talons facettés).

L’outillage est peu abondant et consiste essentiellement en racloirs et denticulés mais la retouche est souvent partielle ou irrégulière. La mise au jour d’un biface et d’un hachereau, inattendus dans ce contexte et dans cette partie des Pyrénées, mérite d’être soulignée. La présence de trois éclats remontant sur l’un des tranchants du biface indique probablement une utilisation et une réfection sur place.

Des comparaisons sont envisageables aussi bien vers l’Est avec les séries de Mauran (débitage Discoïde et denticulés) ou de la grotte Tournal à Bize (débitage Levallois sur quartzite) qu’à l’Ouest avec les industries classiques du Vasconien telles que Olha et Isturitz.

Fonction du site

Vue rapprochée de la fouille durant l'été 2009

Les questions relatives à la fonction du site sont au cœur des recherches conduites depuis 2004 : quelles raisons poussaient les groupes néandertaliens à fréquenter le milieu montagnard, considéré comme contraignant du fait de contrastes climatiques marqués et de dénivelés importants ? L'hypothèse initiale d'un site de halte liée à la chasse au gibier de montagne a été démentie par les analyses archéozoologiques : si l'on exclut les restes accumulés par le gypaète barbu, le cerf est chassé de manière préférentielle et cette espèce n'est aucunement inféodée au milieu montagnard. Par ailleurs, l'exploitation de ressources minérales de qualité, spécifiques à l'environnement du site, ne peut pas être invoquée ici contrairement à ce qui a été avancé pour certains sites d'altitude de l'arc alpin[13]. La présence d'incisives déciduales humaines indique par ailleurs que le site n'était pas exclusivement fréquenté par des groupes de chasseurs adultes.

La remise en question de l’interprétation classique comme halte de chasse pose plus de questions qu’elle n’en résout et, en l’état actuel des recherches, l’occupation moustérienne de la Grotte du Noisetier ne trouve pas d’explication simple et univoque. Il pourrait s’agir notamment d’un site d’habitat temporaire ou d’un site d’étape utilisé lors de déplacements vers le versant sud des Pyrénées, mais de tels déplacements restent difficilement démontrables.

Notes et références

  1. Coordonnées identifiées à l'aide de Géoportail et WikiMapia
  2. a et b Allard, M., Juillard, F. et Jeannet, M. (1987) - Grotte de Peyrère 1 (ou le Noisetier) - Fréchet-Aure (Hautes-Pyrénées), Rapport de Sauvetage Urgent, 48 p.
  3. a et b Viré, A. (1898) - « Les Pyrénées souterraines (1ère campagne, 1897) (Les Grottes de Bétharram, Escalère, Labastide, etc.) », Mémoires de la Société de Spéléologie, n° 14, tome III, pp. 59-96.
  4. Allard, M. (1993a) - Grotte de Peyrère 1 (ou le Noisetier) - Fréchet-Aure (Hautes-Pyrénées), Rapport de Sondage, 22 p.
  5. Allard, M. (1993b) - « Fréchet-Aure, Grotte du Noisetier », in: Bilan scientifique 1992 de la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Midi-Pyrénées, Ministère de la Culture, pp. 113-114.
  6. a et b Jeannet, M. (2001) - « La microfaune et l'environnement de la grotte du Noisetier à Fréchet (Hautes-Pyrénées) », Bulletin de la Société Préhistorique Ariège-Pyrénées, t. LVI, pp. 83-90.
  7. a et b Jeannet, M., Allard, M. et Juillard, F. (1996) - « Première découverte de Galemys pyrenaicus (Insectivora, Desmaninae) dans le Quaternaire français », Revue de Paléobiologie, t. 15, 1, pp. 205-213.
  8. Jaubert, J. et Bismuth, T. (1993) - « Le Paléolithique moyen des Pyrénées centrales : esquisse d'un schéma chronologique et économique dans la perspective d'une étude comparative avec les documents ibériques », in: 118° Congrès National des Sociétés historiques et scientifiques, Pau, pp. 9-26.
  9. a et b Barrère, P., Bouquet, C., Debroas, E.-J., Pélissonnier, H., Peybernès, B., Soulé, J.-C., Souquet, P. et Ternet, Y. (1984) - Notice explicative de la feuille Arreau à 1/50 000, Éditions du BRGM, 63 p.
  10. Simonnet, R. (1981) - « Carte des gîtes à silex des Pré-Pyrénées », in: XXIème Congrès Préhistorique de France, Montauban 1979, Quercy, t. 1, pp. 308-323.
  11. Barragué, J., Barragué, E., Jarry, M., Foucher, P. et Simonnet, R. (2001) - « Le silex du flysch de Montgaillard et son exploitation sur les ateliers du Paléolithique supérieur à Hibarette (Hautes-Pyrénées) », Paléo, n° 13, pp. 29-52.
  12. Maureille, B., Bruxelles, L., Colonge, D., Costamagno, S., Cravinho, S., Jeannet, M., Laroulandie, V., Thiébaut, C. et Mourre, V. (soumis) - « Nouveaux vestiges humains moustériens de la Grotte du Noisetier (Fréchet-Aure, Hautes-Pyrénées) », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, tome 3-4, 2007.
  13. Bernard-Guelle, S. (2002) - Le Paléolithique moyen du massif du Vercors (Préalpes du Nord) - Étude des systèmes techniques en milieu de moyenne montagne, BAR international Séries 1033, 233 p.

Bibliographie

  • Mourre, V., Costamagno, S. et Bruxelles, L. (2006) - « Fréchet-Aure, Grotte du Noisetier », in: Bilan scientifique 2004, Toulouse, Direction Régionale des Affaires Culturelles de Midi-Pyrénées, Ministère de la Culture, pp. 132-133, (pdf).
  • Mourre, V., Costamagno, S., Bruxelles, L., Colonge, D., Cravinho, S., Laroulandie, V., Maureille, B., Thiébaut, C. et Viguier, J. (2008) - « Exploitation du milieu montagnard dans le Moustérien final : la Grotte du Noisetier à Fréchet-Aure (Pyrénées centrales françaises) », in: Mountain environments in prehistoric Europe : settlement and mobility strategies from Paleolithic to the early Bronze Age, Grimaldi, S., Perrin, Th. et Guilaine, J., (Éds.), Oxford, BAR International Series 1885, XVème Congrès de l'UISPP, 4-9 septembre 2006, Lisbonne, vol. 26, session C31, pp. 1-10, (pdf)
  • Mourre, V., Costamagno, S., Thiébaut, C., Allard, M., Bruxelles, L., Colonge, D., Cravinho, S., Jeannet, M., Juillard, F., Laroulandie, V. et Maureille, B. (2008) - « Le site moustérien de la Grotte du Noisetier à Fréchet-Aure (Hautes-Pyrénées) : premiers résultats des nouvelles fouilles », in: Les sociétés du Paléolithique dans un Grand Sud-Ouest de la France : nouveaux gisements, nouveaux résultats, nouvelles méthodes, Jaubert, J., Bordes, J.-G. et Ortega, I., (Éds.), Mémoire de la Société Préhistorique Française, 47, journées scientifiques de la Société préhistorique française, université Bordeaux 1, Talence 24-25 novembre 2006, pp. 189-202, (pdf).

Voir aussi

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