Albert Treint

Albert Treint

Albert Treint ( le 13 février 1889 à Paris, décédé le 25 octobre 1971 à Paris également) a été le principal dirigeant du jeune parti communiste français, avec Suzanne Girault entre 1923 et 1925. Flirtant avec la Ligue communiste trotskiste au début des années 1930, il a ensuite évolué vers des positions d'« ultragauche » (ou gauche communiste), tout en étant membre de la SFIO.

Sommaire

Biographie

Instituteur et capitaine

Issu dune famille de condition sociale modeste, son père étant contrôleur dans les omnibus parisiens et sa mère ménagère, Albert Edmond Treint naît à Paris le 13 février 1889. A dix-sept ans, il sinscrit au concours dentrée à lEcole Normale dinstituteur quil réussit brillamment. Il entre à lEcole Normale dAuteuil le 1er octobre 1905 pour trois années de formation. Il sengage ensuite dans larmée par devancement dappel. Il termine son service militaire avec le grade de sous-lieutenant, puis rejoint son premier poste dinstituteur à Asnières il exerce de 1910 à 1913. Il se marie avec Marie-Louise Colinest, dont il a un enfant, Fernand, le 24 février 1914. A la même époque, il adhère à la 19e section de la Seine du Parti socialiste SFIO.

Mobilisé le 2 août 1914 pour la Première Guerre mondiale, Treint rejoint le 21e régiment dinfanterie et prend part aux combats en Lorraine (1914), puis dans la Somme sur le plateau de Notre-dame de Lorette, il est grièvement blessé, le 12 mai 1915. En septembre 1916, il participe à loffensive franco-anglaise dans la Somme. En 1917, il est promu capitaine mais en raison dun conflit avec sa hiérarchie, il est déplacé au 41e régiment dinfanterie. Sa seconde blessure, lors dune offensive à Hangard dans la Somme marque pour lui la fin du conflit. Après avoir hésité à poursuivre une carrière militaire, il retrouve son emploi dinstituteur dès le mois davril 1919.

Pour la Troisième Internationale

Toujours militant à la SFIO, Treint sengage dans les rangs du Comité pour la troisième internationale, organisation qui rassemble des socialistes partisans de la révolution bolchevique, des syndicalistes révolutionnaires et des syndicalistes anarchistes. Il adhère également à lARAC (Association républicaine des anciens combattants, créée notamment par Henri Barbusse, Raymond Levebvre et Paul Vaillant-Couturier). Il contribue activement, aux côtés de nombreux autres militants socialistes « nés de la guerre » à faire basculer la majorité socialiste en faveur de ladhésion à la Troisième internationale. Lors du congrès de Tours, il est délégué de la fédération de la Seine et intervient lors de la première séance pour que soit débattue prioritairement la question de ladhésion. Récompensé pour son activisme, il entre au premier Comité directeur du parti socialiste SFIC, élu le 30 décembre 1920.

Luttes de tendances au sein de la SFIC

Après quelques mois de relative stabilité, la direction de la SFIC se divise entre trois tendances, la « droite » qui milite pour le retour à lunité du mouvement socialiste, le « centre » auquel appartient le secrétaire général Frossard et la « gauche », dont Treint devient lun des principaux animateurs. Son intransigeance, son ardent militantisme en faveur des thèses de la direction de l'Internationale communiste en font lun des protagonistes incontournables de la crise qui secoue le PCF jusquà la fin de lannée 1922. Le conflit entre tendances se cristallise autour de deux points : la discipline dans le Parti et lapplication de la tactique du front unique, voulue par la direction de lIC. Eliminé de la direction du parti communiste SFIC au terme du deuxième congrès national tenu à Paris en octobre 1922, Treint devient cependant co-secrétaire général du Parti communiste quelques semaines après. Malgré les pressions de lIC le centre et la gauche ont été incapables de collaborer, au point damener le parti communiste au bord de la scission. Il faut tout le poids des dirigeants de lIC pour imposer, lors du quatrième congrès mondial de lIC (5 novembre/5 décembre 1922), une solution de conciliation entre les deux tendances qui offre dans les faits le contrôle du Parti communiste à son aile gauche autour de Loriot, Rosmer, Souvarine et Treint.

Le secrétaire général veut "plumer la volaille" socialiste

Devenu secrétaire général et membre du bureau politique, Treint ne peut occuper son poste du fait de son emprisonnement. Pour avoir pris part à la conférence internationale des partis communistes contre loccupation de la Ruhr (Essen, janvier 1923), Treint est arrêté et inculpé de « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de lEtat ». Libéré le 7 mai 1923, il entre rapidement en conflit avec ses anciens alliés, qui lui reprochent ses méthodes autoritaires et ses déclarations outrancières. Depuis son intervention lors du 1er exécutif élargi de lIC (12 février-4 mars 1922), appelant les communistes à « plumer la volaille socialiste », Treint cultive une image de provocateur notamment en défendant un « impérialisme rouge ». Plusieurs dirigeants autour de Rosmer et de Souvarine sinquiètent des conflits qui minent la cohésion des organes dirigeants et les méthodes de direction sectaires pratiquées dans la fédération de la Seine par Suzanne Girault avec lappui indéfectible de Treint. Mis en minorité et désavoué lors du 3e congrès national (Lyon, 20-23 janvier 1924), Treint perd son poste de secrétaire général et sa place au BP et devient représentant du Parti communiste à Moscou. Cette mise à lécart se déroule dans un contexte tendu, après des heurts sanglants avec les anarchistes lors dun meeting tenu à la Grange-aux-Belles, le 11 janvier 1924. La responsabilité de Treint dans la mort de trois militants ouvriers [Quoi ?] [réfnécessaire] contribue à affaiblir sa position au sein du parti. Lintervention de représentants de lIC à Paris lui permet néanmoins de retrouver rapidement sa place de dirigeant.

L'internationale après Lénine

Au contraire de Souvarine, qui refuse de prendre position dans le conflit consécutif à la maladie et à la mort de Lénine, qui oppose les dirigeants du parti communiste russe, Treint revendique haut et fort son soutien à la troïka (Zinoviev/Kamenev/Staline). LIC manœuvre alors pour imposer le retour de Treint au BP et écarter Souvarine. Dès lors, et durant les deux années suivantes, Treint devient le propagandiste infatigable de la bolchevisation du parti, qui passe par une réorganisation complète de la structure organisationnelle et la chasse aux opposants (Souvarine, Monatte, Rosmer), exclus au nom de la lutte contre le trotskysme. Il séjourne à Moscou entre mai et novembre 1924, laissant Suzanne Girault et ses partisans mener la réorganisation sur la base des cellules dentreprise. A son retour en France, il impulse une ligne politique qui mêle mots dordre daction révolutionnaire (contre limpérialisme, le militarisme, le capitalisme…), diatribes contre les socialistes accusés de soutenir le fascisme, chasse aux opposants, qui débouche sur une série de désastres politiques et une grave crise intérieure. Prenant conscience des difficultés et du mécontentement dans le parti français et à Moscou, Treint sallie au BP avec Doriot et prône un changement de ligne, avec lespoir de minorer sa responsabilité dans léchec de la bolchevisation. Confronté aux critiques de ses anciens alliés (Suzanne Girault, Pierre Semard) et de lopposition, Treint perd le soutien des dirigeants russes. Au terme de lexécutif élargi, il est écarté de la direction et maintenu contre son gré au poste de représentant du parti français à Moscou.

Entre février 1926 et juin 1927 Treint, qui demeure membre du CE et du présidium de lIC, fait peu parler de lui et soutient la politique menée par la direction française constituée autour de Semard, Doriot, Thorez, Monmousseau et Cremet. Pourtant à son retour en France, il prend fait et cause pour lopposition russe, menée par Trotsky et Zinoviev et devient le leader, au côté de Suzanne Girault de « lopposition de gauche ». A la suite de plusieurs déclarations accusant Staline et la direction de lIC de mener une politique contre-révolutionnaire, il est exclu du CC puis du PCF, lors dune conférence nationale, le 1er février 1928. Il participe alors avec Suzanne Girault à la publication dune revue intitulée L'Unité Léniniste qui prétend rassembler la « gauche bolchevik-léniniste ». Mais un mois seulement après son exclusion, Treint rompt avec LUnité Léniniste et fonde avec quelques partisans le « Comité pour le redressement du parti français et de lInternationale ». La création de ce nouveau groupe nest que lune des manifestations de la division au sein du mouvement communiste, après la défaite de lopposition russe et la déportation de Trotsky. En France, plusieurs groupes se réclament de lopposition de gauche et chacun cherche à constituer un pôle de rassemblement en sappuyant sur le nom de Trotsky. Treint entretient une correspondance avec ce dernier et tente de faire prévaloir la légitimité de son groupe en tant que pôle de rassemblement. Cependant, les autres leaders de lopposition (Paz, Rosmer, Souvarine) récusent toute alliance avec celui que lon qualifie de « zinoviéviste » et que lon considère comme responsable de la bolchevisation du parti communiste.

Avec les groupes oppositionnels

En 1931, Treint noue des contacts avec les jeunes dirigeants (notamment Raymond Molinier) de la Ligue Communiste et entre à la Commission Exécutive lors de la conférence nationale des 2-4 octobre 1931, et cela après sêtre rendu à Prinkipo pour discuter avec Trotsky des conditions de son ralliement [réfnécessaire].

La Ligue Communiste connaît alors de grande difficultés pour stabiliser son organisation et lattitude manœuvrière de Treint contribue à envenimer la situation. Après avoir tenté de constituer une tendance au côté de Molinier, il se brouille avec ce dernier avant dêtre écarté dès le mois davril 1932. Avec dautres exclus (notamment Marc Chirik), il fonde la « Fraction de gauche (opposition) » [réfnécessaire] , mais entame parallèlement une réflexion qui lamène à remettre progressivement en cause les fondements de la doctrine bolchevique, à rejeter en partie lexpérience historique de la révolution de 1917 et à prôner une nouvelle voie révolutionnaire.

Après avoir milité pour le redressement de l'Internationale communiste, il réclame la création dune nouvelle organisation révolutionnaire et se rapproche des thèses dune minorité de la gauche communiste qui voit dans lURSS une forme de capitalisme d'Etat (contrairement aux trotskistes qui parlent d'« Etat ouvrier dégénéré »).

Il intervient dans ce sens lors de la conférence davril 1933 [Quoi ?] , convoquée avec lobjectif dunifier les forces politiques se réclamant de lopposition de gauche. Mis en minorité, Treint séloigne de lopposition de gauche et prend part à plusieurs initiatives dune frange minoritaire de militants qui dénoncent à la fois le capitalisme et le stalinisme.

Retour au Parti socialiste, contre le facisme, le nazisme et le stalinisme

Après les émeutes du 6 février 1934, Treint décide dadhérer à la SFIO, convaincu que le salut du mouvement révolutionnaire passe par le redressement de cette organisation. Il fonde un petit groupe qui publie la revue La Lutte Finale. Ses écrits, marqués par un antistalinisme virulent, lamènent à repousser toute forme dalliance entre socialistes et communistes et à dénoncer lexpérience du Front populaire.

Il sintéresse également aux menaces de guerre qui pèsent sur lEurope avec la montée du nazisme et le rapprochement diplomatique entre la France et lURSS (pacte Laval/Staline de 1935). Il participe à linitiative coordonnée de militants pacifistes et révolutionnaires qui débouche sur la conférence pour la paix, tenue à Saint-Denis en août 1935.

Treint se rapproche de Georges Valois et des collaborateurs du journal Nouvel Age. Entre 1935 et 1939, il publie de nombreuses brochures dans lesquelles il établit un parallèle entre stalinisme, fascisme et nazisme avec comme axiome lexistence dune tendance générale au capitalisme dEtat. Il consacre également une brochure à dénoncer le principe du parti unique, dans lequel il voit un instrument de la démarche totalitaire de Staline et dHitler [réfnécessaire] . Dans le même temps, Treint sapproprie les thèses dun groupe dintellectuels et déconomistes [Qui ?] sur le développement dune économie distributive [Quoi ?] et dune « démocratie des consommateurs » menant à la « société de l'abondance ».

Sans être réellement originale, la pensée de Treint, qui allie antistalinisme et socialisme utopique séloigne à la fois des trotskystes et de lanticommunisme revendiqué de certains exclus du PCF.

Révoqué de son poste dinstituteur pour la seconde fois (il a été révoqué entre 1921 et 1936 en raison de son engagement politique) lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Treint part se réfugier dans la Nièvre puis rejoint larmée de libération française [Quoi ?] [réfnécessaire]. A compter de cette date, il semble se retirer de toute activité militante jusquà sa mort à Paris en 1972.

Voir aussi

Articles connexes

Sources

  • Aurélien Durr, Albert Treint: Itinéraire politique (1914-1939), Thèse de doctorat d'histoire contemporaine, sous la direction de M. Jacques Girault, Paris 13, 2006, 804 p..
  • Michel Olivier,La dégénérescence de l'IC : le cas du Parti communiste français, 1924-1927, Editions Bulletin communiste-FICCI, Paris, février 2003, 56 p..
  • Michel Olivier,La Ligue Communiste et la Fraction de Gauche (Treint-Marc) - 1930-1932, Paris, 2005, 28 p..

Liens externes