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Fonction elliptique de Weierstrass
En analyse complexe, les fonctions elliptiques de Weierstrass forment la plus importante classe de fonctions elliptiques c’est-à-dire de fonctions méromorphes doublement périodiques. Toute fonction elliptique peut être exprimée à l'aide de celles-ci.
Sommaire
Introduction
Fabrication de fonctions périodiques
Supposons que l'on souhaite fabriquer une telle fonction de période
. On peut prendre une fonction quelconque, définie sur
et telle que
et la prolonger convenablement. Un tel procédé a des limites. Par exemple, on n'obtiendra jamais de cette façon des fonctions analytiques.
Une idée plus sophistiquée est de prendre une fonction
définie sur
et d'introduire la fonction
définie par
Un exemple simple est donné par
.
Si k > 1, on obtient une fonction infiniment dérivable, définie sur
et de période
. Si
, la série ne converge pas, mais on peut introduire à la place
,
qui s'écrit aussi
,
ou encore
.
C'est a priori la plus intéressante du lot, puisque les autres en sont (à des facteurs constants près) les dérivées successives. Dans le cadre de la théorie des fonctions holomorphes, il s'agit de la fonction
.
André Weil, dans Elliptic Functions According to Einsenstein and Kronecker, retrouve avec des méthodes élémentaires ingénieuses les fonctions sinus et cosinus à partir des séries ci-dessus.
Fonctions périodiques, fonctions doublement périodiques.
Une période d'une fonction continue
est un nombre
tel que, pour tout
réel, on ait
. La somme de deux périodes est une période, et que, en raison de la continuité, les périodes forment un ensemble fermé. Les périodes forment un sous-groupe fermé du groupe
. Un tel sous-groupe, s'il n'est pas réduit à zéro, est soit égal à
tout entier (la fonction
est alors constante, cas trivial) soit de la forme
pour un réel
0\," style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/57/916edcfd2aa346c1b46df93dc1661dfd.png" border="0">, que les physiciens appellent la plus petite période de
.
Une fonction doublement périodique est une fonction dont le groupe des périodes est isomorphe à
. D'après ce qui précède, de telles fonctions continues d'une variable réelle n'existent pas. Il faut prendre des fonctions de deux variables, ou, plus intéressant, des fonctions d'une variable complexe. Le groupe des périodes d'une telle fonction est un réseau, c’est-à-dire un sous-groupe de
engendré par deux élements ω1 et ω2 indépendants sur
.
Toute fonction holomorphe doublement périodique est constante, puisqu'une telle fonction est nécessairement bornée sur
(théorème de Liouville). C'est à l'occasion de recherches sur les fonctions elliptiques que Joseph Liouville a été amené à formuler et démontrer ce théorème. Il faut donc travailler avec des fonctions méromorphes.
Définition
Soit
un réseau du plan complexe, de base
. Par analogie avec l'introduction, on est amené à considérer les fonctions
qui s'écrivent
Si l'entier
vaut au moins
, elles convergent. Il s'agit d'une convergence uniforme sur tout compact ne rencontrant pas le réseau. Cela résulte d'une série de remarques.
est une norme sur
Elle est équivalente à. Il existe donc un
0\," style="max-width : 98%; height: auto; width: auto;" src="/pictures/frwiki/51/3f417968944a28c58d285cd34e7c4cf5.png" border="0"> tel que, quels que soient
et
, on ait
.
Donc tout disque fermé ne contient qu'un nombre fini d'éléments de.
- On prend
dans le disque fermé
.
En ce qui concerne la convergence, il suffit de considérer les
tels que
(
suffirait apparemment, il s'agit ici d'une astuce technique).
- Dans ces conditions,
. On est donc ramené à la convergence de la série
,
qui se ramène elle-même, d'après notre première remarque, à la convergence de la série de Riemann
. Cette dernière converge si
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Pour
, cet argument est en défaut. Toujours par analogie avec l'introduction, on introduit la série modifiée
Le théorème d'existence
La série (1) converge uniformément sur tout compact ne rencontrant pas L. Sa somme est une fonction méromorphe
, qui admet des pôles doubles aux points de
. Elle est paire et
-périodique.
On se place dans un disque
, qui ne contient qu'un nombre fini d'éléments de
, qu'on peut enlever à la série sans dommage pour l'étude de sa convergence.
Pour les autres, on écrit
uniformément par rapport à
. Dans ces conditions,
, et on est ramené à une question déjà résolue.
D'après ce qui précède et des résultats classiques de dérivation terme à terme,
ce qui montre que la fonction
est impaire et
-périodique. Donc
est paire. En raison de la périodicité de
, la fonction
(pour i = 1, ou
) est constante, et cette constante vaut
Remarque
On peut montrer que toute fonction méromorphe
-périodique qui admet des pôles doubles aux points de
est de la forme
, et plus généralement, que toute fonction méromorphe
-périodique est de la forme
, où
désigne une fraction rationnelle à deux variables.
Une relation algébrique fondamentale
La fonction
vérifie l'équation différentielle
Ici, on a posé (les notations relèvent d'une tradition vénérable)
Le principe de la preuve est le suivant. La fonction
est certainemement méromorphe et
-périodique. Un argument de développement limité montre qu'elle est nulle à l'origine. Elle est donc holomorphe et bornée, donc constante (et ici identiquement nulle) d'après le théorème de Liouville.
L'application
envoie
dans la cubique de
d'équation
. La courbe correspondante
du plan projectif, appelée cubique de Weierstrass est donnée en coordonnées homogènes
par l'équation
. On a alors une application continue (et même holomorphe à condition de savoir ce qu'est une variété complexe) de
dans
donnée par
qui se prolonge par continuité aux pôles de
, qu'elle envoie sur le "point à l'infini"
de
.
La cubique de Weierstrass vue comme courbe elliptique
De même que le quotient
est homéomorphe au cercle, le quotient
est homéomorphe à un tore de dimension
; c'est aussi une surface de Riemann compacte.
On démontre que l'application
vue plus haut définit par passage au quotient un homéomorphisme et une application biholomorphe de
dans
La courbe
est lisse, c’est-à-dire sans singularités. Il suffit pour le voir de montrer que le discriminant du polynôme
est non nul. Ce qui est le cas, car ses trois racines sont distinctes. D'après la relation algébrique fondamentale, si
, alors
est une racine de ce polynôme. Mais la fonction
, impaire et
-périodique, s'annule si
. Donc pour
. En raison de la bijection entre
et
, les nombres
,
et
sont distincts.
Une structure de groupe additif sur l'ensemble des points d'une telle cubique est décrite dans Courbe elliptique. L'élément neutre est le point à l'infini
, et trois points
sont alignés si et seulement si
. L'application
est un isomorphisme de groupes entre
et
.
Les éléments neutres se correspondent. Les points de
correspondant à
et
étant alignés, il s'agit d'une conséquence de la formule d'addition, citée sans preuve :
« Structure de groupe sur
» et « structure de groupe sur
» sont équivalents : un résultat profond, difficile d'accès, assure que une cubique lisse
étant donnée, il existe un réseau
, tel que
et
.
Voir aussi
Articles connexes
- Courbe elliptique
- Fonction elliptique
- Fonction elliptique de Jacobi
- Fonction zêta de Weierstrass
- Forme modulaire
- Série d'Eisenstein
Références
- Roger Godement, Cours d'Analyse, Springer.
- Yves Hellegouarch, Invitation aux mathématiques de Fermat-Wiles, Masson 1997.
- André Weil, Elliptic functions according to Einsenstein and Kronecker, Springer.
- Portail des mathématiques
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