Ferme générale

Ferme générale

La Ferme générale, constituée réellement en 1726, était une compagnie de financiers à laquelle étaient affermés par bail les droits de Traite et autres droits indirects. Par son organisation, elle correspondait, sous l'Ancien Régime, à l'une des formes que prend aujourd'hui une délégation de service public. Dans une telle délégation, l'État confie à un organisme privé des missions relevant d'un service public, en l'occurrence ici, le recouvrement de certains impôts.

Sommaire

Introduction

Sous l'Ancien Régime, les fermiers généraux étaient ceux qui tenaient à ferme ou à bail les revenus publics, composés surtout alors de la taille, de la gabelle (l'impôt du sel), de l'impôt des tabacs, des octrois, etc. Ils formaient une association privilégiée, la ferme générale, qui compta longtemps 40 membres, et qui fut ensuite portée à 60. Ils s'enrichissaient rapidement. Leur nomination dépendait du ministre des finances, et le plus souvent le ministre recevait du personnage préféré un pot-de-vin considérable. L'institution des fermiers généraux remonte à Philippe le Bel. Elle donna lieu à une foule d'abus, que l'Assemblée constituante fit disparaître en 1790, en supprimant les fermes.

Histoire

La Ferme générale s'est développée à une époque où la monarchie souffrait de difficultés financières chroniques. L'affermage des droits de douane et des impôts présentait l'avantage de procurer au Trésor des recettes prévisibles et régulières, tout en le débarrassant des soucis de la perception.

Les droits furent d'abord affermés séparément à différents fermiers, dénommés « traitants » (qui collectaient les droits de Traite) ou « partisans » (qui prenaient un impôt en partie). Ceux-ci s'engageaient à verser au Trésor la somme stipulée au bail, à charge pour eux de percevoir la recette correspondante en se rémunérant sur les excédents éventuels.

La ferme avant Colbert

Aux XVe siècle et XVIe siècle, les besoins du Trésor amènent à une multiplication des droits d'entrée et de sortie (ancêtres des droits de douane) et conduisent à recourir largement au système de l'affermage pour en assurer le recouvrement. Chaque droit est affermé séparément, ce qui occasionne une grande complexité administrative, le dédouanement d'un chargement pouvant faire intervenir plusieurs fermes.

En 1598, Sully confie à une seule ferme, au lieu de cinq, la perception des droits levés dans les provinces soumises aux droits du Roi, dites « Provinces des Cinq Grosses Fermes ». En 1607, il promulgue un Règlement Général sur les traites pour tenter d'harmoniser les procédures. Dans le même temps, il cherche à constituer l'ensemble du royaume en un unique territoire douanier et somme, mais sans succès, les provinces « réputées étrangères » de se réunir aux « Cinq Grosses Fermes ».

Au milieu du XVIIe siècle, le territoire français est divisé en trois parties principales : les provinces ("royales" : appartenant au Domaine privé du roi) des « Cinq Grosses Fermes », les provinces « réputées étrangères », les provinces « à l'instar de l'étranger effectif » qui forment des zones franches.

La ferme sous Colbert : les traitants et partisans

Pour réduire le nombre de ces financiers et augmenter la part de la collecte reversée au Trésor, Jean-Baptiste Colbert chercha à regrouper un grand nombre de droits ensemble dans des « fermes générales ». La première ferme générale fut constituée en 1680 pour collecter gabelles, aides, domaines, traites et entrées.

Cependant cinq grosses fermes demeuraient :

  1. les gabelles ;
  2. l'octroi de Paris (taxes dues sur certaines denrées basiques, entrant à Paris, telles que l'huile, le sucre, le vin, etc.) ;
  3. les traites ;
  4. la Ferme du tabac (la vente exclusive du tabac) créée en 1674-1675 ;
  5. le « domaine d'occident » ou Ferme d'occident créée en 1674-1675.

Également créée en 1674-1675, la ferme du papier timbré, suscita la révolte du papier timbré.

Parfois d'origine obscure, les financiers qui prirent ces droits à ferme réalisèrent souvent rapidement des fortunes immenses qui leur permirent de jouer un rôle politique et social considérable. Leur avidité et leurs excès choquèrent l'opinion et furent tournés en ridicule par la littérature, par exemple par Alain-René Lesage dans Turcaret, inspiré par Paul Poisson de Bourvallais.

La ferme générale (1726-1791)

En 1726, toutes les fermes existantes furent rassemblées en un bail unique. Les quarante fermiers généraux, qui se portaient caution de l'adjudicataire du bail, devinrent des personnages puissants et fabuleusement riches. Parmi les représentants de la première génération de ces fermiers, on peut citer les Crozat, les frères Paris, Alexandre Le Riche de la Pouplinière

Les critiques adressées à la Ferme générale conduisirent l'État à introduire en 1769 le système de la régie, dans lequel la perception des impôts et l'administration du service qui en a la charge sont confiées à des organismes publics, les régisseurs recevant une rémunération fixe.

En 1780, sur l'initiative de Jacques Necker, les impôts indirects furent répartis entre trois compagnies fermières : la ferme générale (droits de douane), la ligue générale (droits sur les boissons) et l'Administration générale des domaines et des droits domaniaux (domaines ruraux, droits d'enregistrement).

A la fin du XVIIIe siècle, la Ferme générale fait figure de symbole de la société inégalitaire. Les Fermiers généraux, avec leurs fortunes colossales, apparaissent comme la marque même de la perversion du système politique et social. On leur impute les injustices et les tracasseries qui découlent de la complexité du système fiscal, la brutalité des gardes des brigades et la répression brutale de la fraude et de la contrebande. La gabelle est de tous les droits le plus impopulaire.

La Ferme générale est donc l'une des institutions de l'Ancien Régime qui fut la plus vivement critiquée pendant la Révolution. Dépeints comme des rapaces et des tyrans, les fermiers généraux en payèrent le prix sur l'échafaud : 28 anciens fermiers généraux furent guillotinés le 8 mai 1794, parmi lesquels des hommes de grande valeur comme le chimiste Antoine Laurent de Lavoisier. La Ferme générale elle-même fut supprimée le 21 mars 1791[1].

Organisation

Le bail de la Ferme générale était conclu pour six ans entre le Roi et une personne physique qui servait de prête-nom. Les Fermiers généraux se portaient caution de l'adjudicataire. Leur nombre fut fixé à 40, après avoir atteint près de 90. L'adjudicataire s'engageait à verser au Trésor le montant du bail et conservait pour rémunération l'excédent éventuellement réalisé. Cette rémunération fut plafonnée à partir de 1780.

La Ferme générale avait son siège à Paris. Elle employait dans ses bureaux centraux près de 700 personnes dont deux chapelains. Les services locaux comptaient jusqu'à 42 directions provinciales et près de 25 000 agents répartis dans deux branches d'activité ; celle des bureaux qui vérifiait, liquidait et percevait les droits ; celle des brigades qui recherchait et réprimait la contrebande avec des peines très sévères (galères, pendaison)[réf. nécessaire].

Les employés de la Ferme n'étaient pas des fonctionnaires royaux, mais ils agissaient au nom du roi et bénéficiaient à ce titre de privilèges particuliers et de la protection de la loi. Les gardes du service des brigades avaient en outre le droit de porter les armes.

La direction de la compagnie était assurée collégialement par les fermiers généraux. Ceux-ci se réunissaient en comités spécialisés et se répartissaient le contrôle des services extérieurs.

A la veille de la Révolution, presque tous les droits de traites et droits indirects (gabelle, revenus du tabac et nombre de droits des tarifs locaux) étaient affermés. Le bail de la Ferme représentait plus de 50 % des recettes de l'État.

La préfiguration de services d'intérêt général modernes

L'organisation interne de la Ferme est, sous l'Ancien Régime, une des formes que prend aujourd'hui une délégation de service public. Dans une telle délégation, l'État confie à une organisation privée les missions relevant d'un service public. On retrouve dans le vocabulaire actualisé, externalisation, outsourcing, ... la notion ancienne d'affermage. Une telle délégation est fréquemment utilisée pour la gestion des services d'eau potable et d'assainissement.

Le choix d'instaurer de telles délégations s'inscrit dans les courants politiques favorables au « moins d'État ». Toutefois, on peut faire à l'affermage les mêmes reproches qu'à la ferme générale de l'Ancien Régime :

  • la collectivité publique se prive d'une ressource ;
  • le service rendu n'est pas toujours meilleur, sur le long terme ;
  • le coût peut être supérieur pour l'usager ou le contribuable, qui paie ses impôts plus la marge prélevée par le fermier général ;
  • le recouvrement des créances (des arriérés d'impôts) peut être fait brutalement par le fermier ;
  • se privant d'une ressource, la collectivité doit s'endetter, et affermer de nouveaux revenus pour obtenir de l'argent frais.

C'est ainsi qu'à la fin du XVIIIe siècle, l'État français était considérablement endetté ; des États comme le Maroc ont aussi fini par être colonisés de fait, et durent subir un protectorat, étant entrés dans un cercle vicieux d'endettement/affermage/diminution des ressources disponibles.

Inversement, l'affermage permet de combattre la bureaucratie. C'est faute d'une réforme administrative dans ce sens que l'Espagne de Philippe II a perdu toute sa richesse conquise en Amérique au profit de ses rivaux européens et que l'Empire austro-hongrois s'est écroulé en quelques mois[réf. souhaitée].

Liste de fermiers généraux

Références

Bibliographie

  • Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Ferme générale » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878  (Wikisource)
  • Vida Azimi, Un modèle administratif de l'Ancien Régime : les commis de la Ferme générale et de la régie générale des aides, Paris, Éditions du CNRS, 1987, 176 p.
  • Jean Clinquart, Les services extérieurs de la ferme générale à la fin de l'Ancien Régime. L'exemple de la direction des fermes du Hainaut, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 1996, 376 p.
  • Yves Durand, Les fermiers généraux au XVIIIe siècle, Paris, Maisonneuve et Larose, 1996, 664 p.

Voir aussi


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