Empire Ming

Empire Ming

Dynastie Ming

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Histoire de la Chine
Les Trois Augustes et les Cinq Empereurs
-2205 Dynastie Xia
-1570 Dynastie Shang
 -1046 Dynastie Zhou
 -722 Printemps et Automnes
 -453 Royaumes combattants
 -221 Dynastie Qin
 -206 Dynastie Han occidentaux
9 Dynastie Xin
  25 Dynastie Han orientaux
 220 Trois Royaumes
 265 Dynastie Jin et
 304 Seize Royaumes
 420 Dynasties du Nord
et du Sud
 581 Dynastie Sui
 618 Dynastie Tang
 690 Dynastie Zhou
 907 Les Cinq Dynasties et les Dix Royaumes
 960 Dynastie Song
 907 Dynastie Liao
1032 Dynastie Xixia
1115 2e dynastie Jin
1234 Dynastie Yuan
1368 Dynastie Ming
1644 Dynastie Qing
1912 République de Chine
1949 République de Chine (Taïwan)
  République populaire de Chine

La dynastie Ming (明朝[1], en pinyin : míng cháo), est une lignée d'empereurs qui a régné sur la Chine de 1368, date à laquelle elle remplace la dynastie Yuan, à 1644 quand elle se voit supplanter par les Qing. Par métonymie, le terme désigne aussi la durée du règne de celle-ci. Fondée par la famille des Zhu, elle compte seize empereurs.

Au milieu du XIVe siècle, après plus d'un siècle de domination mongole sous les Yuan, la population chinoise rejette le « règne des étrangers ». Une suite de révoltes paysannes repousse la dynastie Yuan dans les steppes de Mongolie et établit la dynastie Ming en 1368. Elle s'ouvre par une renaissance culturelle : les arts, particulièrement l'industrie de la porcelaine, se développent comme jamais auparavant. Les marchands chinois explorent et commercent dans tout l'océan Indien, atteignant l'Afrique lors des voyages de Zheng He ; on construit une grande flotte comprenant des navires à quatre mâts de tonnage supérieur à 1 500 tonnes. L'armée régulière compte un million d'hommes ; plus de 100 000 tonnes de fer sont produites par an, en Chine du Nord, et de nombreux livres sont imprimés à l'aide des caractères mobiles inventés au XIe siècle. Il a été dit que la Chine du début de l'ère Ming était le pays le plus avancé de la Terre.

Sommaire

Fondation de la dynastie

À partir du milieu du XIVe siècle, de nombreuses catastrophes naturelles suivies de rébellions paysannes, la guerre civile contre la domination mongole, et la conversion des gouvernants à un mode de vie chinois avaient affaibli la dynastie Yuan et finalement bouté les Mongols hors de Chine, vers ce qui est de nos jours la Mongolie. Le chef de file de cette rébellion était Zhu Yuanzhang.

Orphelin dès son adolescence, Zhu Yuanzhang (朱元璋), futur empereur Hongwu (洪武), entra dans un monastère bouddhiste pour éviter la famine, et rejoignit en 1352 l'armée de Guo Zixiang, l'un des chefs des Turbans rouges, un grand mouvement de rébellion dont certains meneurs étaient membres du Lotus blanc. Plus tard, alors qu'il était devenu un chef rebelle déterminé, il fit la connaissance d'un érudit confucéen qui lui enseigna les affaires d'État. Il se redéfinit alors comme un défenseur du confucianisme et des conventions néo-confucéennes, et plus comme un simple rebelle populaire. Malgré ses humbles origines, il devint la figure de proue du mouvement patriotique Han contre la dynastie vieillissante des Yuan. Une fois ses rivaux battus, il s'autoproclama empereur le 23 janvier 1368, établissant sa capitale à Nanjing qu'il avait nommée Yingtianfu (應天府), et adoptant Hongwu comme nom de règne. La tradition populaire prétend qu'il aurait choisi le nom de sa dynastie Ming, « lumière », pour continuer de bénéficier du soutien populaire accordé par les masses au « Roi de lumière » attendu en sauveur par les mouvements religieux d'inspiration manichéenne soutenant la rébellion. Il devint ainsi à plus de 1 000 ans d'intervalle le deuxième fondateur dynastique à venir de la classe paysanne, le premier étant l'empereur Gao Zu de la dynastie Han, plus d'un millénaire auparavant.

Étant donné que les envahisseurs mongols, même repoussés, restaient un danger très présent, Hongwu n'adopta pas la position classique confucéenne qui considérait les militaires comme une classe inférieure aux bureaucrates qui devaient les contrôler. Maintenir une armée forte était tout simplement indispensable tant que les Mongols restaient une menace. Le nom « Hongwu » signifie d'ailleurs « vaste armée » et reflète bien le prestige agrandi des militaires.

Par contre, il partageait pleinement l'aversion confucéenne pour le commerce et encouragea l'établissement de communautés agricoles indépendantes. La gestion féodalisée des terres qui avait repris cours sous les dynasties Song et les Yuan fut supprimée dès l'établissement de la nouvelle dynastie. Les grands domaines fonciers furent confisqués par le gouvernement, morcelés et loués ; l'esclavage privé fut interdit. Par conséquent, après la mort de l'empereur Yongle (Yung-lo), les petits paysans propriétaires et indépendants formaient la part majeure de la population agricole.

Statue de l'empereur Yongle, 3e de la dynastie Ming

L'administration de l'empire

Hongwu réussit à renforcer son contrôle sur tous les aspects du gouvernement pour que personne ne puisse posséder assez de pouvoir pour le détrôner. Pour parer aux menaces extérieures, il tenta d'améliorer les défenses des frontières nord du pays. À l'intérieur, il concentra de plus en plus le pouvoir entre ses propres mains. Il abolit le Secrétariat Impérial, qui était l'administration principale sous les dynasties précédentes, après avoir étouffé un complot dont il accusait son premier ministre. Très longtemps auparavant, lorsque le statut d'empereur était devenu héréditaire, le poste de premier ministre avait été instauré dans le but de garantir un niveau de continuité et de compétence dans le gouvernement au cas où des empereurs incompétents se succèderaient. Mais Hongwu, recherchant une autorité absolue, abolit ce poste et supprima ainsi l'unique protection contre l'incompétence d'un empereur. Son petit-fils Jianwen lui succéda, mais le trône fut vite usurpé par son oncle Zhu Di, fils de Hongwu, qui régna alors sous le nom d'empereur Yongle (Yung-lo) de 1402 à 1424.

Les magistrats

Sous le règne de Hongwu, les bureaucrates mongols et issus d'ethnies non-Han, qui avaient dominé le gouvernement durant près d'un siècle, sont remplacés par des Chinois. On restaure et renouvelle le système traditionnel des examens, qui sélectionnait les fonctionnaires d'après leur mérite et leurs connaissances en littérature et en philosophie. Les candidats pour des postes de fonctionnaire civil ou d'officier militaire devaient passer le concours traditionnel de connaissance des classiques chinois, avec des épreuves de tir à l'arc et d'équitation pour les officiers militaires. L'élite confucéenne, marginalisée sous le règne des Mongols, reprit son rôle prédominant au sein de l'État. Ils sont la classe la plus élevée de la société. Les officiers militaires étaient censés être supérieurs à leurs homologues civils mais dans les faits, quoique quasiment tous les officiers militairent disposassent de titre de noblesse la situation était plutôt opposée. Dans la Chine des Ming, la fonction va de pair avec la propriété foncière, mais l'élite militaire et civile élevée par les Ming a aussi une grande importance politique. Une fonction dans l'administration représentait pour un chinois du XVe siècle une dignité, une fortune et un statut élevé dans la hiérarchie sociale. C'est là une véritable démocratisation des privilèges sociaux, une véritable méritocratie puisque les magistrats de l'Empire du Milieu étaient censés être choisis pour leur compétences morales et leur vertu. Les examens étaient ouverts à tous les chinois mâles et les études ne coûtaient pas si cher que cela et le gouvernement attribuaient même des bourses[2] Le concours d'entrée de l'administration impériale était un écrit qui avait lieu tous les trois ans et tous les cinq ans pour les magistrats militaires ; il se composait d'essais, de poêmes, de questions tirées de quatre livres (Lunyu, Mencius...) de questions sur les classiques confucéens, de mémoires sur les commentaires néo-confuciannistes ainsi que de dissertations sur des problèmes administratifs. Il y avait ensuite d'autres concours à passer pour gravir les échelons de l'administration. Il était nécessaire de passer trois concours de pré-sélection dont le troisième conférait le titre d'étudiant officiel de l'empire, le premier degrès de l'élite. Ils avaient alors le droit de passer les concours provinciaux qui offraient 60 à 70 places pour plus de 8000 étudiants. Ceux qui échouaient pouvaient quand même prétendre à une place dans l'administration plus modeste, les lauréats décoraient les plus hautes charges de la magistrature. Ceux des étudiants qui avaient passé les examens provinciaux avec succès pouvaient prétendre au concours de la capitale puis à celui du palais pour devenir docteur[3] Il était cela dit possible aux plus riches d'acheter la charge de Chang Yuan pour entrer dans la fonction publique.

Les diplômés étaient admirés et devenaient des modèles pour le peuple ; afin de se démarquer ils portaient un bouton sur leur chapeau, argent, or ou perle et rubis suivant le concours et pouvaient porter du jaune, couleur traditionnellement réservée à l'empereur. De plus, ils avaient préséance et ne pouvaient être insultés sans que le coupable n'écoppe de soixante-dix coups de bâton. Ils ne pouvaient pas être cités comme témoins dans un procès et étaient libres de comparaître ou non en personne au tribunal. Ils étaient exempt de punitions et de corvées publiques ainsi que de toutes les taxes personnelles, sans compter les dons en nature dont ils jouissaient. Cette élite privilégiée représentaient environ 3% de la population.

Les officiers miliraires étaient plus nombreux (environ 100 000 à la fin de la dynastie). Ceux qui étaient choisis par l'empereur pour assurer une fonction publique passaient un an en observation puis entraient dans une hiérarchie à neuf grades, dont chacun comportaient deux degrés, progressant en moyenne d'un grade tous les trois ans. Cette classe sociale était mise sous la surveillance des eunuques qui procédait à des inspections surprises.

Tous les trois ans les autorités décidaient de remplacer certains magistrats ; les magistrats avares, trop vieux, malades, fainéants, cruels ou incapables étaient mal notés et souvent punis. Les autres pouvaient recevoir des charges honorifiques.

Les Eunuques

Ils étaient les agents de l'empereur ; agents de renseignement et d'exécution des ordres impériaux. Depuis les Han ils sont la puissance rivale des magistrats. On comptait 70 000 eunuques au palais et 100 000 autres répandus dans tout l'empire. Volontaires, ils provenaient de familles modeste : paysans, soldats ou vagabonds. Ils étaient organisés en quatre office et huit bureaux ; ils transmettaient les ordres, conseillaient l'empereur et ses ministres et représentaient le Dragon dans l'empire. Ils étaient également en charge de la police politique, pouvaient enquêter sur tout le monde, faire inculper quiconque et mettre l'empereur au courant de n'importe quelle affaire. Ils surveillaient la garde impériale, les prisons, les militaires lors des campagnes, les magistrats et le peuple, contrôlaient le trésor de l'état et les manufactures. Ils bénéficiaient donc d'une main d'œuvre gratuite personnelle en plus des domaines impériaux qu'ils possédaient. De plus ils avaient la possibilité d'éditer des édits : leur puissance politique était très importante et facteur d'une grande mobilité sociale.

Le temps des réformes

L'administration

En 1426 le Fils du Ciel fait une école spéciale pour les eunuques. Ayant pris note du rôle néfaste qu'avaient joué les eunuques à la cour des Song, Yongle prend de nombreuses mesures contre eux : il réduit grandement leur nombre, leur interdit de posséder des documents, insiste pour qu'ils restent illettrés et élimine ceux qui s'immiscent dans les affaires de l'État. Son aversion est symbolisée par une plaque dans son palais déclarant : « Les eunuques ne doivent rien avoir à faire avec l'administration. » Dès le règne de son successeur, ils recommencèrent cependant à regagner une certaine influence. Le pouvoir devint ainsi de plus en plus autocratique, bien que Hongwu fût obligé de continuer à utiliser ceux qu'il appelait les « Grands Secrétaires » pour l'aider dans l'immense paperasserie de la bureaucratie, qui comprenait demandes (pétitions et recommandations pour le trône), édits impériaux en réponse, rapports de diverses sortes, et archives fiscales.

L'administration connaît une période de réformes dans les années 1450-1550. Pendant les règnes de Chenghua et de Hongzhi, il y a une volonté d'institutionaliser les pratiques administratives, comme la notation des fonctionnaires, les procédures encadrant la soumission des mémoires au trône, la fonction des censeurs (chargés de surveiller le travail de leurs collègues). La justice est elle-même codifiée ; les institutions comme l'audience impériale, les séances d'explication des Classiques à l'empereur, les principes de la fiscalité le sont également dans la seconde moitié du XVe siècle. Le droit administratif est réuni dans le Da Ming Huidian (Recueil de règlements administratifs), édité pour la première fois en 1503. L'appareil militaire cède le pas à une bureaucratie civile : la nomination au mérite disparaît au profit du système des concours, et les jinshi (docteurs) dominent l'administration à la fin du XVe et au début du XVIe siècle. L'administration des provinces connaît aussi la montée en puissance des fonctionnaires civils avec les xunfu (gouverneurs) et zongdu (gouverneur général) dont la fonction temporaire au départ s'institutionnalise. Le rôle des « Grands Secrétaires » dans le gouvernement devient prépondérant à partir des années 1520 jusqu'à la fin du XVIe siècle. Le développement des factions à partir du règne de Jiajing entraîne également la rotation plus rapide des hautes charges administratives[4].

L'éducation est elle aussi lentement transformée : le Collège impérial décline (notamment à cause de la vénalité des titres d'étudiants à partir du milieu du XVe siècle), ainsi que la qualité des écoles publiques locales, au profit des académies privées (shuyuan) qui se développent au XVIe siècle et aux précepteurs privés.

L'organisation de l'armée

L'empire au temps de Yongle

Au recensement de 1393, sous le commandement de cinq maréchaux et de dix-sept commandants de régions, 329 garnisons d'environ 6 000 hommes campent dans l'Empire. Les effectifs comprennent 2 747 officiers, 206 280 soldats et 4 751 chevaux dans la capitale et 12 742 officiers, 992 154 soldats et 40 329 chevaux dans le reste du pays.

Pour s'assurer un effectif stable des armées, l'empereur Hongwu décrète que la fonction de soldat serait héréditaire. Chacun reçoit un lopin de terre pour subvenir à ses besoins, qu'il travaille pendant 70 % se son temps, le reste étant destiné à l'entraînement en garnison. Ce système permet de mettre en culture des terres vierges, mais montre ses limites dès le XVe siècle ; les soldats vendent leurs champs, migrent, se livrent à des activités civiles. L'État doit vers 1450-1550 de plus en plus faire appel à des miliciens, puis à des mercenaires. Le service dans la milice locale (minbing, troupes civiles) devient obligatoire à partir de 1494 au titre de la corvée. Mais les miliciens font rapidement défaut, et le service est un peu partout remplacé par le paiement d'un impôt. Les mercenaires, mieux payés, constituent les troupes d'élite, comme les moines-soldats du monastère Shaolin.

Le recensement de 1393

Les débuts de l'ère Ming sous le règne du premier empereur sont caractérisés par une croissance rapide et remarquable de la population, largement due aux réformes agricoles impulsées par Hongwu et à l'augmentation des ressources alimentaires. À la fin de la dynastie, la population avait probablement augmenté de plus de moitié grâce à l'amélioration importante des techniques agricoles soutenue par un État agraire issu d'une rébellion paysanne pro-confucéenne.

Pour tirer le plus grand profit possible des ressources économiques et humaines de son empire, Hongwu a fait recenser la population et établir le cadastre de chaque commune, ce qui n'avait pas été fait depuis six siècles.

Les registres recensèrent 8 057 623 hectares de terres irriguées dans l'ensemble du pays. L'État récupère au titre de l'impôt 4 700 000 hectolitres de blé et 24 700 000 hectolitres de riz, soit 50 % de plus qu'avant la mise en place des cadastres.

Pour recenser la population, on la divise selon le système des li et des jia. Un li regroupe cent familles, à la tête desquelles on nomme les dix plus riches propriétaires terriens, chacun exerçant son contrôle sur dix familles, qui constituent le jia. Ils ont la responsabilité administrative et répartissent le montant des taxes entre chaque famille. Chaque année, un groupe de dix familles est assujetti à la corvée due à l'État, participant gratuitement aux travaux d'intérêt général. Les fonctionnaires locaux remettent les registres à jour tous les dix ans. La quasi-totalité de la population est assignée à résidence et doit posséder un laisser-passer spécial pour s'éloigner à plus de 50 km de son domicile. Lors du recensement, chaque sujet, mis à part les fonctionnaires et les religieux doit s'enregistrer dans l'une des quatre catégories suivantes : agriculteurs, intellectuels, artisans et commerçants et doit régulièrement rendre compte de ses activités à l'administration.

En 1393, on recense 16 520 680 familles, soit une population totale de 60 540 812 personnes.[5]

La menace mongole

Même après leur victoire sur les Genghiskhanides les empereurs Ming n'ont jamais cessé de prendre au sérieux la menace mongole. Hong Wu après sa victoire sur les Yuan va continuer de les repousser au nord jusqu'à Karakorum. Yongle a lancé plusieurs campagnes contre eux, et déplacé la capitale de Nankin à Pékin en 1421 pour mieux les contenir. Après la défaite chinoise de Tumu contre les Oïrats en 1449, l'empire se replie sur lui-même mais profite des divisions entre les Mongols. A la fin du XVe siècle les Mongols lancent des raids annuels sur la frontière. Pékin, protégée par les forteresses de Xuanfu et de Datong, est constamment menacée. Avec la réunification des Mongols orientaux par Dayan Khan, vers 1500 la menace se fait plus précise.

La cour des Ming est partagée entre deux stratégies : les partisans d'une politique offensive veulent organiser des expéditions militaires pour récupérer notamment la boucle des Ordos ; d'autres souhaitent le renforcement de la Grande Muraille et le doublement du rempart, ce qui est fait dans les années 1570. Les derniers préconisent également l'envoi d'ambassades et l'ouverture de marchés frontaliers périodiques pour commercer avec les Mongols. Le débat reprend après la reprise des raids des Mongols orientaux menés par Altan Khan, notamment en 1529, 1530 et 1542. En 1550 il pille et incendie les faubourgs de Pékin. En 1553, on décide de renforcer les murailles entourant Pékin, mais les raids d'Altan durent jusqu'aux accords de paix et de commerce de 1570[6].

De l'exploration des Ming à l'isolement

Diagramme de navigation de Zheng He entre Ormuz et Calicut, 1430

La xénophobie et l'introspection intellectuelle caractéristiques de la nouvelle école néo-confucianiste, de plus en plus populaire sous les Ming, ne mena pas à une isolation physique de la Chine. Les contacts avec le monde extérieur, en particulier avec le Japon, et le commerce extérieur augmentèrent considérablement. Yongle tenta d'étendre l'influence de la Chine au-delà de ses frontières en encourageant les autres dirigeants à envoyer les ambassadeurs en Chine pour y payer un tribut. Les armées chinoises reconquirent Annam et bloquèrent l'expansionnisme mongol, tandis que la flotte chinoise naviguait dans les mers de Chine et dans l'océan Indien, allant jusqu'à la côte est de l'Afrique. Les Chinois eurent une certaine influence sur le Turkestan. Les nations maritimes asiatiques missionnèrent des envoyés avec un tribut pour l'empereur chinois. Intérieurement, le Grand Canal fut étendu jusque dans ses limites les plus reculées et stimula le commerce intérieur.

Toutefois la plus extraordinaire aventure de cette époque fut l'aventure des sept expéditions de Zheng He, qui traversa l'océan Indien et l'archipel d'Asie du Sud. Eunuque musulman ambitieux, descendant des Mongols, aussi étranger que possible à l'élite confucéenne des mandarins, Zheng He conduisit sept expéditions maritimes de 1405 à 1433, six d'entre elles sous les auspices de Yongle. Ces expéditions explorèrent les mers du sud, à travers l'océan Indien et passèrent peut-être le cap de Bonne-Espérance, et selon l'hypothèse de 1421, les Amériques. Sa convocation en 1403 pour diriger une force de troupes dans les mers lointaines fut un triomphe pour les groupes commerciaux cherchant à stimuler le commerce traditionnel et non le mercantilisme.

Les intérêts des lobbies commerciaux et religieux étaient liés. Les offensives de l'élite intellectuelle néo-confucéenne et des lobbies religieux encourageaient au commerce et à l'exploration pour détourner les fonds de l'État de la lutte anti-cléricale des érudits confucéens. La première expédition en 1405 était constituée de 62 navires et 28 000 hommes, c'était alors la plus grande expédition maritime de l'histoire de la Chine. Les navires à plusieurs ponts de Zheng He transportaient plus de 500 hommes mais aussi des cargaisons de produits d'exportation, principalement de la soie et des porcelaines, et ils ramenèrent des objets de luxe étrangers comme les épices et des bois tropicaux.

Le motif économique de ces grandes entreprises avait dû être important et plusieurs de ces navires possédaient de grandes cabines privées pour les marchands mais le but principal était sûrement politique. En effet, la Chine voulait les tributs des autres États pour marquer la renaissance de l'Empire du Milieu après un siècle de domination barbare. Le caractère politique des voyages de Cheng-Ho indiquait la prééminence des élites politiques. Malgré leurs puissances formidables et sans précédents, les expéditions de Zheng He, contrairement aux expéditions européennes du XVe siècle, n'étaient pas destinées à étendre la souveraineté de la Chine au-delà des mers. Preuve de la compétition entre les élites, ces excursions sont aussi devenues critiquées politiquement. Les voyages de Zheng He sont soutenus par les autres eunuques mais violemment critiqués par les fonctionnaires confucéens. Leur aversion était si forte qu'ils essayèrent de supprimer toute mention de ses voyages dans les rapports impériaux officiels. Les raids mongols faisaient pencher la balance en faveur des fonctionnaires.

À la fin du XVe siècle, des lois interdirent aux Chinois de construire des navires maritimes ou de quitter le pays. Les historiens sont maintenant d'accord pour dire que cette mesure fut prise pour contrer la piraterie. De toute façon, ces restrictions sur l'émigration et la construction navale furent en grande partie levées au milieu du XVIIe siècle.

Les historiens des années 1960 comme John Fairbank et Joseph Levinson pensent que cette rénovation déboucha sur une stagnation et que sciences et philosophie étaient prisonnières des traditions, étouffant toute nouvelle tentative. Ces historiens s'appuient sur le fait qu'au XVe siècle, les décrets impériaux réduisirent la superbe flotte, interdirent la construction de bateaux pouvant aller en mer et sur le constat d'une industrie de l'acier déclinante.

Le déclin des Ming, la révolution commerciale avortée

Carte de l'Empire de la dynastie Ming en 1580, dans son déclin
Tombeau des Ming.

La combinaison de longues guerres avec les Mongols, des incursions japonaises en Corée, des provocations de la flotte japonaise sur les cités côtières durant le XVIIe siècle affaiblirent la dynastie, qui est renversée par la dynastie Qing.

Les historiens s'interrogent sur les raisons de la progression plus lente du capitalisme et de l'industrialisation en Chine par rapport à l'Europe. En effet, à la fin de l'ère Ming, les conditions de développement du « capitalisme naissant » de la Chine, s'apparentaient fortement à celles de l'Ouest.

Des historiens économistes récents tels que Kenneth Pomeranz estiment que les conditions économiques et technologiques étaient équivalentes jusqu'aux années 1750, mais que la divergence s'explique notamment par des conditions d'accès aux ressources naturelles différentes.

Le cœur du débat reste néanmoins dans les contrastes des systèmes économiques et politiques de l'Est et de l'Ouest. Si l'on admet que les transformations économiques sont à l'origine de changements sociaux, ce qui a également des conséquences politiques, l'on comprend mieux pourquoi le développement du capitalisme, un système économique qui fait travailler le capital en vue de produire plus de capital, a été une force d'entraînement pour l'Europe moderne.

On peut distinguer plusieurs étapes dans l'histoire du capitalisme occidental. Le capitalisme commercial est la première étape et est associé à des phénomènes historiques que l'on retrouve durant la période Ming : les découvertes géographiques et la colonisation, l'innovation scientifique et le développement du commerce maritime intercontinental. Mais en Europe, les gouvernements protègent la classe bourgeoise naissante, en majorité composée de marchands, via un contrôle étatique, des subventions et des accords de monopole, tels que ceux accordés à la British East India Company. Les gouvernements absolutistes de cette période voient tout le profit du développement de la bourgeoisie marchande pour enrichir l'État.

Le ralentissement de ce développement est d'autant plus surprenant si l'on considère l'existence durant le dernier siècle de la dynastie Ming d'une véritable économie monétaire couplée à l'émergence de grandes entreprises industrielles et commerciales, publiques et privées, telles que les grands centres textiles du sud-ouest. Cette question est au cœur des débats concernant le relatif déclin de la Chine en comparaison avec l'Occident moderne, au moins jusqu'à la venue du maoïsme.

Dans les années 1970, les historiens marxistes chinois identifient l'ère Ming comme celle d'un capitalisme naissant, timide, ce qui n'explique pas pour autant la régression du commerce et l'emprise exercée par la régulation étatique sur le commerce pendant cette période. Ces historiens considèrent que le coup d'arrêt a été porté par la conquête mandchoue et l'expansion de l'impérialisme européen, en particulier à la suite des guerres de l'opium.

L'école post-moderne sur la Chine considère cette théorie comme simpliste sinon erronée. Ces historiens, parmi lesquels on trouve Jonathan Spence, Kenneth Pomeranz, et Joanna Waley-Cohen nient le fait que la Chine se soit repliée sur elle-même à cette période en mettant en évidence l'augmentation du volume des échanges entre la Chine et l'Asie du Sud-Est. L'interdiction de la navigation en haute mer, qui avait pour objet de limiter la piraterie, a été décidée au milieu de l'ère à la demande pressante de l'administration qui soulignait son effet néfaste sur le commerce côtier. Lorsque les Portugais débarquèrent en Inde, ils y trouvèrent un réseau commercial en expansion qu'ils suivirent jusqu'en Chine. Ensuite, au XVIe siècle, les Européens font leur apparition sur les rivages orientaux et créent le premier comptoir commercial européen en Chine, Macao.

D'autres historiens lient généralement le développement prématuré du mercantilisme et de l'industrialisation sur le modèle occidental au déclin de la dynastie de Ming.

Le rôle de l'État dans le freinage du commerce est le thème sur lequel se focalise l'essentiel du débat. Durant les premières années de la dynastie Ming, Hongwu est plus intéressé par les revenus que l'État peut tirer de l'agriculture que du commerce. Peu au fait des processus économiques, et poussé par la bourgeoisie adepte de Confucius, Hongwu accepte le point de vue confucéen selon lequel les marchands sont uniquement des parasites. Le confucianisme défend l'idée selon laquelle la richesse doit être tirée de l'agriculture et non du commerce qui est une ignominie. Ce point de vue a pu être d'autant plus facilement accepté par Hongwu du fait de ses origines paysannes. Par conséquent, durant l'ère Ming, l'accent est mis sur la terre. Au contraire, la dynastie Song qui avait précédé les Mongols, tirait ses revenus des marchands et du commerce. Les lois régissant le négoce et les restrictions sur le travail des artisans restent essentiellement les mêmes que sous la période Song, mais les négociants étrangers issus de la période mongole doivent désormais également respecter ces lois, et leur influence diminue rapidement.

La fin de l'époque Ming a connu l'émergence d'une économie monétaire fondée sur l'argent, grâce, en grande partie, au commerce avec le Nouveau Monde via l'Espagne et le Portugal. Le flux d'argent en provenance du Nouveau Monde servait à payer les exportations chinoises de thé, de soie et de céramique, les hommes d'affaires chinois ayant trouvé un moyen de produire une porcelaine meilleur marché pour satisfaire les marchés européens. Cependant, on peut difficilement parler de capitalisme émergent tant le poids du politique sur l'économie est important. En Europe, le capitalisme est soutenu par l'État qui voit dans la bourgeoisie qui en est issue, une nouvelle base d'imposition. La Chine n'a pas développé le système au même niveau.

Le règne de Hongwu vit néanmoins apparaître le papier-monnaie. Mais sa méconnaissance du phénomène inflationniste le força, en 1425, à réintroduire des pièces de monnaie en cuivre, la valeur des billets ayant été divisée par soixante-dix.

Le contrôle et non le soutien de l'État sur l'économie, ainsi que sur l'ensemble de la société fut l'une des caractéristiques de l'ère Ming. La concentration exacerbée des pouvoirs entre les mains d'empereurs de moins en moins compétents est une piste d'explication avancée par les historiens occidentaux.

Dans un premier temps, Hongwu conserva le « Grand Secrétariat » afin de l'assister dans l'immense travail administratif. Cependant, Hongwu concentra de plus en plus les pouvoirs et en 1380, abolit le secrétariat impérial qui avait été le principal corps administratif central pendant les dynasties précédentes. Le rôle de premier ministre, créé dans le but de garantir un niveau de continuité et de compétence dans le gouvernement alors que des empereurs incompétents pouvaient se succéder, fut abolit par Hongwu, recherchant une autorité absolue.

Bien que très compétent comme administrateur, Yongle fit une série de choix politiques désastreux. En premier lieu, alors que Hongwu avait maintenu quelques pratiques mongoles telles que la punition corporelle, au grand dam des élites confucianistes qui souhaitaient le voir gouverner par la vertu, Yongle dépassa ces limites. Il se livra à l'assassinat des familles de ses opposants, et fit exécuter arbitrairement des milliers de personnes. Par ailleurs, malgré l'aversion de Hongwu pour les eunuques, ses successeurs firent revivre leur rôle informel dans le gouvernement. Hongwu, en effet, à la différence de ses successeurs, avait relevé le rôle destructif des eunuques de cour sous les Song. Enfin, le cabinet ou « grand secrétariat » de Yongle devint une sorte d'instrument rigide de consolidation du pouvoir ce qui en fit un instrument de déclin.

Si Hongwu lui-même est généralement considéré comme un empereur fort à l'origine d'une puissance et d'une efficacité impériales qui ont duré longtemps après son règne, la centralisation de l'autorité qu'il avait engagée fit des ravages sous le règne d'empereurs moins compétents.

Fin de la dynastie Ming

A compter du début du 17ème siècle, les Ming doivent affronter la rébellion des Mandchous : en 1618, Nurhachi émit une liste de Sept Griefs contre le régime impérial, unifiant les tribus Jurchens sous sa bannière. Unis aux Mongols, les Mandchous conquièrent lentement le pays, gagnant le ralliement d'une partie de l'administration Ming. L'Empire doit parallèlement combattre les armées de paysans révoltés, conduites notamment par Li Zicheng et Zhang Xianzhong En 1636, Huang Taiji adopte pour l'État mandchou le nom de Grand Qing, abandonnant le titre de Khan pour celui d'Empereur.

Le 25 avril 1644, les troupes de Li Zicheng rentrent dans Pékin, tandis que l'Empereur Ming Chongzhen se suicide. Li Zicheng, s'étant proclamé Empereur, est bientôt lui-même battu par les Qing, qui prennent Pékin et revendiquent officiellement la succession de la dynastie Ming. Des funérailles sont organisées pour Ming Chongzhen, afin d'officialiser la transmission du Mandat du ciel. Les Ming continuent cependant de tenir des territoires au sud du pays, établissant ce qui est désigné du nom de Dynastie des Ming du sud (南明). Les loyalistes Ming résistent plusieurs années, grâce notamment à des chefs militaires de valeur comme Koxinga, qui tient l'île de Taïwan. En 1662, Zhu Youlang (empereur sous le nom de règne de Yongli), petit-fils de Ming Wanli et dernier prétendant Ming, est capturé et exécuté par les Qing, mettant un terme définitif à la dynastie. Les successeurs de Koxinga tiennent Taïwan jusqu'en 1683.

Un État confucéen

L'organisation de la société chinoise fut instaurée de manière traditionnelle au XVIIe siècle et ce système subsistera jusqu'en 1911. C'est une société d'ordres et de classes : sous l'empereur les dignitaires puis, les magistrats, les gens du commun et enfin les travailleurs aux occupations les plus viles. L'enseignement de base était essentiellement fondé sur la connaissance des classiques confucéens et sur leurs commentaires, notamment celui de Zhu Xi. Selon le glossateur, il existe une sorte d'être métaphysique sans intelligence ni volonté à l'origine de la loi universelle dans laquelle tous les phénomènes prennent place. L'homme est la plus belle partie des éléments découlant des essences : il est doué de sagesse, de droiture, de sincérité, de bienveillance et de convenance, les 5 qualités confucéennes. Mais le matériel peut l'influencer vers ses mauvais penchants et il doit suivre sa nature pour faire régner l'harmonie dans l'univers, au risque de faire apparaître la discordance.

Dans la vie commune, la loi universelle était souvent personnifiée par un dieu tantôt vengeur tantôt compatissant. Le problème politique des penseurs des Ming sera de savoir si pour maintenir l'harmonie l'homme peut ou non obéir spontanément à la loi universelle. L'école des légistes pointait que l'insuffisance des biens de consommation par rapport aux besoins du peuple entraînait une concurrence entre les hommes et donc le désordre. Ils ont donc pensé nécessaire de créer une hiérarchie basée sur la vertu et réaliser l'inégalité sociale. Pour ce faire, il était nécessaire d'appliquer une loi dure et punitive comme outil de gouvernance. Cette politique eut du succès un temps sous Qin Shi Huang Di mais les confucianistes reprirent vite la main tout en conservant le système de loi punitive des légistes, considérant que les inégalités étaient naturelles et que toute tentative d'égalité était irrationnelle.

Les rites avaient une grande importance et faisaient partie des convenance et des règles de conduite. Chaque homme doit se comporter selon son statut social : un père comme un père, un fils comme un fils et un chef en tant que tel afin que l'harmonie règne sur la société. Pour obtenir le respect des convenances, les confucéens estiment qu'ils est préférable de persuader le peuple de faire bien plutôt que de réprimander ceux qui font mal.

L'ordre social se base sur le mérite et la vertu ; à la tête de la société se trouve l'empereur qui transmet son pouvoir de façon héréditaire, il est un monarque absolu qui a sur son peuple un pouvoir sans limite. Aux yeux du peuple l'empereur et sa famille ont un mandat reçu du ciel pour gouverner et il doit prouver qu'il en est digne par sa vertu. S'il gouverne en accord avec le principe du Ciel alors il prouve sa vertu et le peuple lui doit obéissance : il a donc un pouvoir absolu dans la sphère politique, mais dans la sphère politique seulement, il ne s'agit pas de totalitarisme mais d'autocratie. Si le souverain est en accord avec le Ciel, la paix règne mais s'il y a des problèmes au sein de la société (ou même des catastrophes naturelles) c'est que le Ciel a retiré son mandat à l'empereur qui n'est pas vertueux, il a failli à ses devoirs et plonge l'univers dans la discorde. Dans ce cas le peuple doit se révolter afin de changer de prince : dans la Chine classique, ces révoltes ne sont pas à proprement parler des révolutions mais bien des actions politiques dans le but de rétablir l'ordre.

Souverains

Voir aussi

Notes et références

  1. Ming s'écrit en chinois avec le caractère « lumière, clarté ».
  2. on peut certainement attribuer cette démocratisation des classes privilégiées à l'origine modeste de la dynastie elle-même, fondée non par un membre de la classe nobilière comme ce fut le cas pour les autres dynasties chinoises mais par un homme du commun issu de la paysannerie.
  3. on comptait 270 à 280 docteurs sous les Ming.
  4. Histoire du Monde, collectif sous la direction de George Jehel, édition du temps p.322
  5. L'Empereur des Ming, Wu Han, Picquier poche, 1991, p. 150
  6. Histoire du Monde, collectif sous la direction de George Jehel, édition du temps p.319
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