Effet placebo

Effet placebo
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Les effets placebo et nocebo se manifestent lorsque l'on donne une information au patient sur la présence ou non de principe actif dans ses médicaments qui ne correspond pas à la nature du traitement qu'il reçoit effectivement.

Un placebo est une mesure thérapeutique d'efficacité intrinsèque nulle ou faible, sans rapport logique avec la maladie, mais agissant, si le sujet pense recevoir un traitement actif, par un mécanisme psychologique ou psycho-physiologique. Dit autrement : « ça marche juste parce que j'y crois », ou l'auto-suggestion appliquée à la médecine. Le médicament placebo ne contient a priori aucun composé chimique ayant une activité démontrée. Notons par ailleurs que le placebo ne se présente pas uniquement sous la forme d'un médicament : il peut s'agir d'une opération chirurgicale inadéquate, d'un traitement physiothérapeutique mal conduit ou inutile, et de toute autre intervention thérapeutique dont l'indication est mal posée, ou la réalisation incorrecte.

L'effet placebo (du latin : « je plairai » [N 1]) est défini comme l'écart positif constaté entre le résultat thérapeutique observé lors de l'administration d'un médicament et l'effet thérapeutique prévisible en fonction des données strictes de la pharmacologie. Tout geste thérapeutique, valide ou non, comporte d'ailleurs une part plus ou moins grande d'effet placebo[1]. Cet écart est de l’ordre de 30 % habituellement et peut atteindre 60-70 % dans les migraines ou les dépressions. L'état de certains patients souffrant d'affections réputées « incurables » s'en trouve parfois objectivement amélioré[2].

Sommaire

Historique

Le phénomène est tout d'abord évoqué par Paracelse (1494-1541) qui décrit l'effet placebo du médecin.

Par la suite ce phénomène est mis en lumière notamment par le médecin Hippolyte Bernheim au cours de ses recherches sur la suggestion, dont le placebo constitue, avec l'hypnose, une des figures majeures[3]. Une des premières mentions du terme se situe dans un dictionnaire médical anglais Hooper. datant de 1811 : médication destinée plus à plaire au patient qu'à être efficace.

Présentation du placebo et effet placebo

La façon dont est donné un placebo à un patient a une incidence sur son effet.

Il semble que plus le coût du placebo est élevé pour le patient, plus l'effet placebo est important : 85 % des bénévoles du groupe ayant avalé une pilule à 2,50 dollars notent une réduction de la douleur causée par des décharges électriques, contre seulement 61 % pour ceux ayant pris la même pilule présentée en promotion[4].

Le docteur en économie Dan Ariely explique suite à cette étude qu'il a dirigé que « le prix n'est qu'une des variables du marché, au même titre que l'emballage ou la marque, qui peuvent accentuer l'effet placebo ».
Jean-François Bergmann, spécialiste de thérapeutique à l'hôpital Lariboisière, à Paris avance que « la façon dont un médicament est donné participe pleinement à l'effet pharmacologique. Il doit l'être avec conviction »[5].

Il est possible de modifier les doses en fonction des effets observés.

Conséquences

L'effet placebo illustre l'influence du mental sur l'organisme, la psychosomatique, et complique par là l'évaluation de l'efficacité de nouveaux produits pharmaceutiques. C'est la raison pour laquelle les tests sont effectués par la méthode dite en double aveugle. Celle-ci consiste à composer plusieurs groupes dans lesquels ni le patient, ni le médecin, ne savent si le produit administré est un médicament ou un placebo, permettant ainsi d'avoir un avis objectif sur l'efficacité réelle de la molécule étudiée par comparaison statistique des deux échantillons. Pour être mis sur le marché, un médicament doit prouver qu'il est significativement plus efficace qu'un placebo.

En 1997, le Dr K. B. Thomas, médecin généraliste à Southampton, fit une expérience sur 200 de ses patients qui se plaignaient de céphalées, mal de dos ou fatigue sans que des examens eussent pu les justifier. À une première moitié, il fit un diagnostic précis et affirma que leur état s'améliorerait rapidement ; à l'autre moitié, son diagnostic resta vague et il proposa à chacun de revenir si la situation perdurait : l'état des malades s'améliora pour 64 patients du premier groupe et seulement 39 du second groupe.

Après vingt ans d'étude du placebo, sur le modèle des homéopathes, le Dr Jean-Jacques Aulas, psychiatre à Saint-Étienne, a créé le premier placebo officiel. Cette spécialité, vendue sous le nom de Lobepac — anagramme de placebo — et déclarée élixir psycho-actif, est présentée comme sédative (bleue) ou tonique (rouge). La notice précise qu'elle contient une solution hydro-alcoolique, du glycérol et un colorant (respectivement, E 131 ou E 124) ; sa posologie est de dix gouttes par jour maximum, respectivement le soir ou le matin ; il est recommandé de diluer les gouttes dans de l'eau sucrée ou non et de laisser en bouche une dizaine de secondes et il est souhaitable, lors de la prise, de se concentrer sur les bienfaits attendus.[6]

En 2002, 180 personnes atteintes d'arthrose du genou ont subi une chirurgie classique ou une placebo : la réduction de la douleur a été la même dans les deux groupes. En 2004, une étude de neurochirurgie menées sur 40 patients atteints de la maladie de Parkinson a comparé l'efficacité d'une greffe cérébrale de cellules fœtales à une opération factice : la qualité de vie des patients persuadés d'avoir reçu la greffe s'est améliorée[7].

Cas particuliers

Effet placebo et homéopathie

En l'absence d'étude clinique en double aveugle probantes, la communauté scientifique considère majoritairement que certaines médecines parallèles, comme l'homéopathie ou l'aromathérapie relèvent principalement de l'effet placebo et donc que l'effet de ces thérapeutiques est subjectif. Certains travaux de synthèse soutiennent cette opinion dans le cas de l'homéopathie. Dès le début de sa pratique de l'homéopathie, Samuel Hahnemann prescrivait, entre les prises de remède actif, souvent espacées de plusieurs jours, une prise quotidienne de grains de lactoses « naïfs » (vierges) de toute autre substance, pour « plaire » au malade et le faire « patienter ».

Une étude menée par un groupe de huit chercheurs de nationalités suisse et britannique dirigés par le docteur Aijing Shang (département de médecine sociale et préventive, université de Berne) a effectué une analyse des publications médicales de 19 banques électroniques, comparant l'effet placebo à l'homéopathie et l'effet placebo à la médecine conventionnelle ; les études portaient en moyenne sur 65 patients (10–1 573). Les résultats de cette étude, publiés dans The Lancet (27 août 2005) n'ont mis en évidence aucune supériorité de l'homéopathie sur l'effet placebo, contrairement à la médecine conventionnelle[8].

Chez l'animal ou le bébé

L'effet placebo existerait chez l'animal domestique par le biais du conditionnement et d'une modification de la relation maître-animal mais aucune étude scientifique ne l'a réellement prouvé. Il existerait également chez l'enfant et même le nourrisson[9]. Il semble avoir un rôle plus important chez l'enfant que chez l'adulte[10].

Effet nocebo

L'effet placebo n'est pas toujours bénéfique, il peut être de nature dommageable pour l'individu : c'est l'effet nocebo (du latin : « je nuirai »). On a ainsi pu observer l'apparition de troubles chez des riverains d'une antenne-relais de téléphonie mobile, alors même que l'installation n'avait pas encore été mise en service[11]. Il a été étudié également l'influence de la prière sur la guérison d'un malade. Si ce dernier était au courant que des prières étaient exercées en sa faveur, le malade avait plus de risque d'avoir des complications médicales[12]. Le stress supplémentaire serait la cause des risques de complications.

Cet effet nocebo peut aussi prendre la forme des effets indésirables d'un vrai médicament. Il est présent car le patient, sachant qu'il prend un médicament, recrée inconsciemment les effets indésirables dont il a pu entendre parler auprès de ses amis, dans les médias, ou simplement lus sur la notice. Ces effets, distincts des effets secondaires réels d'un médicament, sont de nature purement psychologique - même si la distinction entre les deux n'est pas toujours aisée. 20 à 30 % des sujets en parfaite santé observent des effets secondaires tels que maux de tête, somnolence et nausées[13].

Selon un article de Courrier international, les femmes se croyant sujettes au risque d'arrêt cardiaque présenteraient quatre fois plus de risques de mourir de maladie cardiovasculaire que celles ayant les mêmes facteurs de risque[14].

En février 2011, le Science Translational Medicine (en) publie une étude réalisée sur 22 volontaires s'étant fait injecter du rémifentanil. Appelés à se prononcer sur une sensation de douleur dans une jambe, l'étude démontre, notamment, l'influence de l'effet nocebo[15],[16].

Des anesthésistes ont comparé la sensation de douleur ressentie lors de l'injection d'un anesthésiant chez des femmes enceintes. Le groupe nocebo était préparé à la piqûre par un avertissement couramment donné par les anesthésistes : « vous allez ressentir comme une intense piqûre d'abeille. C'est la partie la plus désagréable de la procédure ». Le groupe placebo était informé de ce qui allait se passer en ces termes : « Nous allons vous donner un anesthésique local qui vous engourdira, pour que vous vous sentiez bien pendant la procédure ». L'étude a montré que l'usage de mots plus apaisants avaient un impact sur la sensation de douleur et le degré d'inconfort lors des procédures chirurgicales invasives[17].

Anecdotes

Sir Joseph Olliffe, médecin de la cour de Napoléon III, prescrivait contre l'impuissance et la frigidité le mélange : « Aqua fontis (60 g) - Illa repetita (40 g) - Idem stillata (10 g) - Hydrogeni protoxyde (0,30 g) - Nil aliud (1,25 g) : 5 gouttes avant chaque repas. ».

Malgré de brillants résultats, il fut disgracié quand un latiniste eut éventé la mèche : sous les noms savants se cachaient toujours le même ingrédient[18]:

  • Aqua fontis (eau de fontaine)
  • Illa repetita (la même répétée)
  • Idem stillata (la même distillée)
  • Hydrogeni protoxyde (H2O : formule chimique de l'eau)
  • Nil aliud (rien autre chose)

Notes et références

Notes

  1. Le terme apparaît dès le Moyen Age dans l'expression « Placebo Domino» (du latin, je plairai au Seigneur), tirée d'une traduction biblique du cinquième siècle après Jésus-Christ. Cfr Past and present of what will please the lord : an updated history of the concept of placebo, Minerva Med, avril 2005, 96(2), 121-124.

Références

  1. L'effet placebo. Un voyage à la frontière du corps et de l'esprit. Ivan O. Godfroid, Charleroi, Socrate Éditions Promarex, 2003.
  2. [PDF] Mémoire universitaire consacré au placebo dans les essais cliniques (2002)
  3. De la suggestion et de ses applications thérapeutiques, Bernheim H., 1886
  4. Waber RL, Shiv B, Carmon Z, Ariely D, Commercial features of placebo and therapeutic efficacy, JAMA, 2008;299:1016-7
  5. Le Monde.fr : Vous souffrez ? Prenez donc un placebo... cher - Environnement, Sciences
  6. Placebo, Aulas, 2005 voir biblio
  7. 'La chirurgie Placebo peut être efficace, Science et Vie, Août 2010, page 56.
  8. L'homéopathie ne serait qu'un placebo, Jean-Yves Nau, Le Monde, 27 août 2005 Lien vers l'article
  9. Pharmacologie du placebo. Cours de P. Lemoine mis à jour le 2 décembre 1998, en ligne sur www.med.univ-rennes1.fr.
  10. Rheims S, Cucherat M, Arzimanoglou A, Ryvlin P, Greater Response to Placebo in Children Than in Adults: A Systematic Review and Meta-Analysis in Drug-Resistant Partial Epilepsy, PLoS Med, 2008;5(8):e166
  11. Différents journaux relatent ce fait : Silicon.fr du 21 avril 2009, Challenges.fr du 21 avril 2009, Journal télévisé de 13h à France2 du 21 avril 2009, 20ème minute.
  12. Herbert Benson et al., « Study of the Therapeutic Effects of Intercessory Prayer (STEP) in cardiac bypass patients: A multicenter randomized trial of uncertainty and certainty of receiving intercessory prayer », American Heart Journal, Volume 151, No 4, 934-42 (2006)
  13. Un placebo peut être nocif, Science et Vie, Août 2010, page 55.
  14. Courrier International - 16 juillet 2009 - "Attention : se croire malade peut rendre malade" - Helen Pilcher - New Scientist
  15. Associated Press, « Effet «nocebo» », Le Devoir, 4 mars 2011
  16. (en) Ulrike Bingel, Vishvarani Wanigasekera, Katja Wiech, Roisin Ni Mhuircheartaigh, Michael C. Lee et Irene Tracey, « Drug Efficacy - The Effect of Treatment Expectation on Drug Efficacy: Imaging the Analgesic Benefit of the Opioid Remifentanil », dans Science Translational Medicine, vol. 3, no 70, 16 février 2011, p. 70ra14 [résumé] 
  17. D. Varelmann, « Nocebo-induced hyperalgesia during local anesthetic injection. », dans Anesth Analg, vol. 110, no 3, mars 2010, p. 868-70 [lien DOI] 
  18. Le médecin hydropathe. L'effet placebo de CLAUDIE BERT , en ligne sur www.scienceshumaines.com

Voir aussi

Bibliographie

  • Effet placebo et transfert, Martens F., Psychoanalyse, 1984 ; 1 : 38-62
  • L'effet placebo, Xavier Durando, Bulletin du cancer. Novembre 2001. Volume 88, Number 11
  • Is the placebo powerless ? An analysis of clinical trials comparing placebo with no treatment, Hrobjartsson A, Gotzsche PC, N Engl J Med 2001, 344 ; 1594-602
  • Placebo, chronique d'un elixir psycho-actif, Jean-Jacques Aulas, ed: Science Infuse, 2005, (ISBN 2-914280-11-4)

Articles connexes

Liens externes



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