- E. E. Cummings
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Edward Estlin Cummings, mieux connu sous le diminutif de e. e. cummings (14 octobre 1894 – 3 septembre 1962), est un poète, écrivain et peintre américain. Son œuvre est composée de plus de neuf cents poèmes, quelques pièces, des essais, et de deux nouvelles ainsi que de nombreux dessins, esquisses et peintures. Il fut l'un des grands poètes du XXe siècle et l'un des plus populaires.
Sommaire
Nom et majuscules
Ses éditeurs ont souvent rendu hommage à son emploi très atypique des majuscules et des règles de ponctuation en publiant ses œuvres sous le nom en minuscules e. e. cummings. Ces initiales sont celles de ses prénoms, Edward Estlin. Cummings est célèbre pour son emploi fort peu orthodoxe des majuscules et des règles de ponctuation, et son utilisation avant-gardiste et innovante des conventions syntaxiques. On retrouve dans ses écrits des signes de ponctuation inattendus et déplacés qui souvent interrompent les phrases et même les mots. Nombre de ses poèmes sont typographiés de façon irrégulière sur la page, de telle sorte qu'il est souvent difficile de les lire à haute voix.
Jeunesse et famille
Cummings est né à Cambridge dans le Massachusetts, en 1894. Il est le fils d'Edward et Rebecca Haswell Clarke Cummings. Son père est un professeur de sociologie et de science politique à Harvard puis pasteur unitarien. Il est l'aîné d'une famille de deux enfants, sa sœur Elizabeth est sa cadette de six ans. Lui et son fils sont proches et Edward est l'un des plus ardents défenseurs de Cummings et de son œuvre. Élevé au sein d'une famille ayant un haut niveau d'éducation, il commence à écrire de la poésie dès l'âge de dix ans.
Études
Il fait ses études secondaires à la Cambridge Latin High School. Ses premiers poèmes sont publiés dans la Cambridge Review, le journal de l'école.
De 1911 à 1916, il étudie à Harvard, où il obtient son B.A. en 1915 puis un Master's degree en anglais et études classiques en 1916. Pendant son séjour à Harvard, il se lie d'amitié avec John Dos Passos et vit dans le dortoir Thayer (chambre 306), du nom de la famille d'une de ses connaissances de Harvard, Scofield Thayer[1]. Plusieurs de ses poèmes sont publiés dans le Harvard Monthly dès 1912. Cummings lui-même travaille au journal de l'école avec ses camarades du Harvard Aesthetes Dos Passos et S. Foster Damon. En 1915, ses poèmes sont publiés dans le Harvard Advocate.
Très jeune, Cummings a étudié les langues grecque et latine. Son affinité pour chacune se manifeste dans ses œuvres, telles que XAIPE (en grec: « Réjouis-toi! »), un recueil de poésie de 1950, Anthropos (en grec: « l'humanité »), le titre d'une de ses pièces, et Mea puella (en latin: « ma fille »), le titre de son plus long poème.
Lors de sa dernière année à Harvard, Cummings est influencé par des écrivains comme Gertrude Stein et Ezra Pound. Il obtient une mention magna cum laude en 1916, en présentant son travail controversé intitulé The New Art. Cette présentation lui donne un premier aperçu de la notoriété, comme il est parvenu à donner la fausse impression que la bien-aimée poétesse, Amy Lowell, que lui-même admire, est « anormale », il est alors très critiqué dans les journaux. En 1920, les premiers poèmes de Cummings sont publiés dans un recueil de poésie intitulé Eight Harvard Poets.
Carrière
En 1917, Cummings s'engage dans le Norton-Harjes Ambulance Corp, avec son camarade d'études et ami John Dos Passos. La nouveauté que représente les véhicules automobiles et donc les ambulances, font de la conduite une activité acceptable pour les jeunes américains bien éduqués. On verra, pour cette raison, pendant la Première Guerre mondiale, plus d'écrivains célèbres, au sein des services de santé, que dans toute autre guerre jusqu'ici. Ils seront au moins vingt-trois, dont Hemingway, à s'engager dans le corps des ambulanciers. À cause d'un quiproquo administratif, Cummings ne se voit pas assigné à une unité d'ambulances pendant cinq semaines, qu'il passe à Paris. Il tombe amoureux de la ville, dans laquelle il retournera tout au long de son existence.
Le 21 septembre 1917, juste cinq mois après son engagement, il est arrêté avec son ami, William Slater Brown, sur suspicion d'espionnage. Tous deux ont ouvertement exprimé leur point de vue pacifiste; Cummings a clairement indiqué son absence de toute haine pour les Allemands[2]. Ils sont envoyés dans le camp de détention militaire du « Dépôt de Triage » à La Ferté-Macé, où ils se languissent pendant trois mois et demi. Cummings relatera sa vie au camp dans sa nouvelle, The Enormous Room à propos de laquelle F. Scott Fitzgerald dira, « De toutes les œuvres des jeunes hommes qui ont éclos depuis 1920 un livre demeure, The Enormous Room de e e cummings … Rares sont ceux qui donnent vie à des livres et sont capables de supporter l'idée de leur immortalité. »[3]
Il est relâché du camp le 19 décembre 1917, après de nombreuses interventions politiques de la part de son père. Cummings rentre aux États-Unis pour le Nouvel an 1918. Cette même année, il est mobilisé par l'United States Army. Il sert au 73rd Infantry Division à Fort Devens dans le Massachusetts, jusqu'en novembre 1918.
Cummings retourne à Paris en 1921 et y séjourne pendant deux ans avant de rentrer à New York. Pendant les années 1920 et 1930 il retourne souvent à Paris et voyage à travers l'Europe, où il rencontre entre autres, Pablo Picasso. En 1931, il se rend en Union des républiques socialistes soviétiques, il décrira son voyage dans Eimi, qui paraîtra deux ans plus tard. À cette époque, il visite également l'Afrique du Nord et le Mexique, puis travaille comme essayiste et portraitiste pour le magazine Vanity Fair (1924 à 1927).
Vie privée
En 1926, le père de Cummings meurt dans un accident de voiture. Bien que grièvement blessée, sa mère survit. Cummings décrit l'accident dans sa série de Six Non-Lectures qu'il donnera à Harvard entre 1952 et 1953:
- « … une locomotive coupa la voiture en deux, tuant mon père sur le coup. Lorsque deux cheminots sautèrent du train arrêté, ils virent une femme debout – étourdie mais debout – à côté d'une machine mutilée; avec du sang s'écoulant (comme me le dit le plus âgé) de sa tête. L'une de ses mains (ajouta le plus jeune) ne cessait de tâter sa robe, comme si elle cherchait à découvrir pourquoi elle était mouillée. Ces hommes prirent les bras de ma mère âgée de soixante-six ans et tentèrent de la conduire vers une ferme proche; mais elle les repoussa, se rendit aussitôt auprès du corps de mon père, et demanda à un groupe de spectateurs effarés de le recouvrir. Quand ce fut fait (et seulement alors) elle les laissa la conduire ailleurs. »
La mort de son père a un profond impact sur Cummings et son œuvre, qui débute une nouvelle période de sa vie artistique. Il se consacre alors, dans ses poèmes, aux aspects essentiels de la vie. Cummings débute cette nouvelle période en rendant hommage à la mémoire de son père dans le poème my father moved through dooms of love[4].
Mariages
Cummings se marie deux fois et vit également un très long concubinage. Elaine Orr est sa première épouse. Tout commence par un adultère, en 1919, alors qu'elle est mariée à Scofield Thayer, l'un des amis de Cummings à Harvard. De cette union naît une fille, Nancy, née le 20 décembre 1919. Elle sera le seul enfant de Cummings. Après avoir obtenu son divorce d'avec Thayer, Elaine épouse Cummings le 19 mars 1924. Cependant cette union ne dure que neuf mois. Elaine le quitte pour un riche banquier irlandais, et part avec sa fille pour le pays de son nouvel époux. Selon les termes du divorce, Cummings obtient la garde de sa fille, Nancy, trois mois par année, mais Elaine refusera de respecter cet accord. Cummings ne reverra pas sa fille avant 1946.
Il épouse ensuite Anne Minnerly Barton, le 1er mai 1929. Ils se séparent en 1932. Cette même année, Anne obtient un divorce mexicain qui ne sera pas officiellement reconnu aux États-Unis avant août 1934.
Après sa séparation avec Anne, il rencontre Marion Morehouse (9 mars 1906 à South Bend, Indiana – 18 mai 1969 à Greenwich Village, New York), un mannequin et photographe. On ne saura jamais clairement s'ils furent légalement mariés, Morehouse vivra cependant avec Cummings jusqu'à sa mort en 1962. Morehouse lui survivra jusqu'au 18 mai 1969[5]. Elle vivait alors au 4 Patchin Place à Greenwich Village, où Cummings résida jusqu'au 8 septembre 1924[6].
Dernière décennie
En 1952, son alma mater, Harvard, lui offrit une chaire de professeur honoraire invité. La Charles Eliot Norton Lectures où il présente entre 1952 et 1953 ce qui sera plus tard recueilli dans son i: six nonlectures.
Cummings passe les dernières dix années de sa vie à voyager, passant son temps dans des conférences où il est invité et ses étés dans sa résidence de Joy Farm, à Silver Lake dans le New Hampshire.
Il meurt d'une attaque, le 3 septembre 1962, à l'âge de 67 ans, à North Conway[7]. Il repose au Forest Hills Cemetery de Boston, avec sa troisième épouse Marion Morehouse Cummings.
Construction poétique
Malgré ses caractéristiques avant-gardistes, l'œuvre de Cummings demeure traditionnelle. On trouve de nombreux sonnets parmi ses poèmes, ainsi que des acrostiches. La poésie de Cummings traite souvent des thèmes de l'amour et de la nature, mais aussi satirise les relations entre l'individu et la société ou le monde ; ses formes et ses thèmes poétiques peuvent être considérés comme étant dans la continuité de la tradition romantique. Cependant, son œuvre poétique en général est imprégnée d'un style unique de syntaxe où mots et fragments de phrases s'arrangent et se réarrangent de manière inédite, et ses poèmes les plus frappants ne sont pas particulièrement remarquables par leur innovation typographique ou orthographique mais plutôt par leur créativité syntaxique.
Récompenses
Tout au long de son existence, Cummings a reçu de nombreuses récompenses pour son œuvre, dont:
- Dial Award (1925)
- Guggenheim Fellowship (1933)
- Shelley Memorial Award de poésie (1944)
- Prix Harriet Monroe du Poetry magazine (1950)
- Fellowship of American Academy of Poets (1950)
- Guggenheim Fellowship (1951)
- Charles Eliot Norton Professorship de Harvard (1952–1953)
- Citation spéciale du comité du National Book Award pour son Poems, 1923-1954 (1957)
- Bollingen Prize de poésie (1958)
- Boston Arts Festival Award (1957)
Œuvres choisies
- The Enormous Room, New York : Boni and Liveright, 1922. (OCLC 1136723)
- Tulips and Chimneys, New York : T. Seltzer, 1923. (OCLC 2496305)
- &, New York : [s.n.], 1925. (OCLC 4196435)
- XLI Poems, New York, Dial Press 1925. (OCLC 1629883)
- is 5, New York : Boni & Liveright, 1926. (OCLC 247950)
- HIM, New York : Boni & Liveright, 1927. (OCLC 281023)
- VV, New York : H. Liveright, 1931. (OCLC 838040)
- Eimi, New York, W. Sloane Associates, 1933. (OCLC 3174330)
- No Thanks, New York : Golden Eagle Press, 1935. (OCLC 1972247)
- 50 Poems, New York : Grosset & Dunlap, 1940. (OCLC 3678129)
- 1 × 1, New York, Harcourt, Brace & World, 1944. (OCLC 7566574)
- XAIPE: Seventy-One Poems New York, Oxford University Press, 1950. (OCLC 2489719)
- i—six nonlectures, Cambridge : Harvard University Press, 1953. (OCLC 43074897)
- Poems, 1923-1954, New York, Harcourt, Brace, 1954. (OCLC 282993)
- 95 Poems, New York, Harcourt, Brace, 1958. (OCLC 6102900)
- Collected Poems, New York, Harcourt, Brace and company 1960. (OCLC 42874267)
- 73 Poems, New York, Harcourt, Brace & World, 1963. (OCLC 2047506) (posthume)
- Fairy Tales, New York : Harcourt, Brace & World, 1965. (OCLC 6129215) (posthume)
Au cinéma
Dans le fim In Her Shoes, réalisé par Curtis Hanson, en 2005, Cameron Diaz qui joue le rôle de Maggie Feller, dit le poème de Cummings, intitulé i carry your heart with me (i carry it in)[8],[9]. Dans le film Hannah et ses sœurs, réalisé par Woody Allen en 1986, Elliott (Michael Caine) est amoureux de Lee, la sœur de sa femme Hannah (Mia Farrow), et lui offre un recueil de poèmes de E.E. Cummings, en lui demandant d'en lire un en particulier, "page 112" (une déclaration d'amour), dont le vers final est celui-ci: "Nobody, not even the rain, has such small hands"
Dans le film «Charlie St-cloud», Charlie(Zac Effron) récite un passage d'un poème de e.e cummings :" Trust your heart if the seas catch fire, live by love though the stars walk backwards."
Traductions françaises
- 23 Poèmes, traduit par D. Jon Grossman, Seghers, 1960
- Indignes paquets d’expression, lettres 1899-1962, traduit par Patrice Repusseau, Mercure de France, 1969
- 58 + 58 Poèmes, traduit par D. Jon Grossman, Christian Bourgois, 1978
- Anthropos, L’Avenir de l’art, adapté par D. Jon Grossman, Le Temps qu’il fait, 1986
- 39 Poèmes choisis, traduit par Louis Elie, Théâtre typographique, 1991
- Le Père Noël, adapté par D. Jon Grossman, L’Herne, 1998
- 50 Poèmes, traduit et préfacé par Thierry Gillybœuf, Le Taillis Pré, 2000
- La Guerre Impression, traduit et présenté par Jacques Demarcq, Æncrages, 2001
- 73 Poèmes, traduit et préfacé par Thierry Gillybœuf, Le Temps des cerises, 2001
- je:six inconférences, traduit et présenté par Jacques Demarcq, Clémence Hiver, 2001
- No Thanks, traduit et présenté par Jacques Demarcq, Clémence Hiver, 2003
- Contes de fées - 16 poèmes enfantins, traduit et présenté par Jacques Demarcq, Clémence Hiver, 2003
- Le vieil homme qui disait "pourquoi", traduit et préfacé par Thierry Gillybœuf, Finitude, 2003
- Tulipes & Cheminées, traduction et postface par Thierry Gillybœuf, La Termitière, 2004
- Poèmes choisis, traduit par Robert Davreu, José Corti, 2004
- 95 Poèmes, traduit et présenté par Jacques Demarcq, Points, 2006
- L’énorme chambrée, traduit par D. Jon Grossman, Christian Bourgois, coll. Titres, 2006
- XLI Poèmes, traduit et préfacé par Thierry Gillybœuf, Éditions de la Nerthe, 2006
- Portraits 1, traduit et présenté par Jacques Demarcq, Æncrages, 2007
- & [et], traduit par Thierry Gillybœuf, préfacé par Philippe Blanchon, Éditions de la Nerthe, 2009
- Font 5, traduction et postface par Jacques Demarcq, Nous, 2011
- No thanks, traduction et postface par Jacques Demarcq, Nous, 2011
Notes et références
- Harvard Freshman Pamphlet, 1996.
- Friedman 2003, p.244
- Bloom, p. 1814
- Lane, pp. 41–43
- (en) Marion Morehouse Cummings, Poet's Widow, Top Model, Dies , The New York Times, May 19, 1969.
- Sawyer-Lauçanno, p. 255
- New York Times (4 septembre 1962). E.E. Cummings Dies of Stroke. Poet Stood for Stylistic Liberty,
- ISBN 9780740761577) (p. 340) Roger Ebert, Roger Ebert's movie yearbook 2007. Kansas, Mo. : Andrews McMeel ; London : Simon & Schuster [distributor], 2006. (
- OCLC 6580013) (p. 182) Collected poems [of] E.E. Cummings, New York, Harcourt, Brace and Co. 1938. (
Bibliographie
- (en) Harold Bloom, Twentieth-century American literature, New York : Chelsea House Publishers, 1985-1988. (ISBN 9780877548027)
- (en) Norman Friedman, E. E. Cummings: A Collection of Critical Essays, Englewood Cliffs, N.J., Prentice-Hall, 1972. (ISBN 9780131955523)
- (en) Norman Friedman, E. E. Cummings: The Art of his Poetry, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1960. (OCLC 964809)
- (en) George James Firmage, E. E. Cummings: A Bibliography, Middletown, Conn., Wesleyan University Press, 1960. (OCLC 1212077)
- Dominique Lacout, La Vie rêvée d'E. E. Cummings, mélancolie poétique, Éd. La Rue, Paris, 1969
- (en) Richard S. Kennedy, Dreams in the Mirror: A Biography of E. E. Cummings, New York : Liveright Pub. Corp., 1980. (ISBN 9780871406385)
- (en) Gary Lane, I am : a study of E.E. Cummings' poems, Lawrence : University Press of Kansas, 1976. (ISBN 9780700601424)
- (en) Katharine McBride, A Concordance to the Complete Poems of E.E.Cummings, Ithaca, N.Y. : Cornell University Press, 1989. (ISBN 9780801422393)
- (en) Christopher Sawyer-Lauçanno, E. E. Cummings: A Biography, Naperville, Ill. : Sourcebooks, 2004. (ISBN 9781570717758)
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