- Différence des sexes
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La différence des sexes, au delà de ses aspects anatomiques est un sujet d’étude psychologique visant à expliquer l’asymétrie des rôles attribués aux hommes et aux femmes, des positions adoptées par les unes et les autres, et de l’image que chacun des deux sexes se fait de lui-même et de l’autre.
Sommaire
Sigmund Freud
À la fin du XIXe siècle, prédomine la conception naturaliste d’un « instinct génital » s’éveillant à la puberté dont la finalité biologique est la reproduction.
L’apport[1] de Sigmund Freud a été de montrer que « la sexualité qui est salutaire à la civilisation » ne relève pas d’un instinct génital ou de la biologie. La différence des sexes, au sens anatomique, ne relève pas forcément d’une identité sexuelle biologique mais chacun négocie la question de la différence des sexes et de sa propre position subjective comme être sexué et son rapport à un autre être sexué. La sexualité est présente dès l’enfance et l’enfant est décrit comme un « pervers polymorphe », elle ne relève pas de la biologie mais de l’inconscient, du complexe d'Œdipe et de l’angoisse de castration.
Est-ce à dire qu’il n’existe pas de différence entre hommes et femmes ? Pour Freud, « il appartient à la psychanalyse, non pas de décrire ce qu’est la femme - tâche irréalisable -, mais de rechercher comment l’enfant à tendances bisexuelles devient une femme[2]. » Le complexe d’Œdipe affecte également le petit garçon et la petite fille. Découvrant que tous les êtres humains ne sont pas pourvus d’un pénis, le petit garçon craignant la castration de la part du père va se détourner de son investissement affectif envers sa mère et le remplace par une identification au père. La fille ne rencontre pas la menace de la castration - elle ne la concerne pas - mais, constatant que les garçons ont un pénis, « elle a vu, sait qu’elle ne l’a pas et veut l’avoir[3]. » Paradoxalement, l’« envie du pénis » sera le moteur de son évolution vers la féminité.
Cette vision sera critiquée par bon nombre de psychanalystes femmes qui cherchèrent à donner un définition de la féminité non réductible à la privation de l’organe mâle[4]
La découverte de l’absence de pénis chez la mère[2], assimilé par l’enfant, fille ou garçon, au résultat d’une « castration », provoque une dévalorisation. Le garçon reconnaît à son père une puissance phallique, s’identifie à lui et constitue par là sa propre identité virile. La fille ne peut accomplir une telle identification à la mère, déchue des attributs de la puissance, « son amour s’adressait à une mère phallique et non à une mère châtrée[2]. » Cela pose problème pour la construction de sa propre féminité, inconsciemment assimilée à la privation.
Helene Deutsch
La psychanalyste Helene Deutsch complète cette analyse[4] en posant une essence de la féminité caractérisée par la passivité et le masochisme. Elle fait de l’érotisation de la douleur chez la femme la conséquence d’un processus psychologique nécessité par son destin biologique (menstruation, défloration, accouchement). L’« envie du pénis » est indirectement satisfaite dans la relation à l’homme.
La passivité est le premier rôle adopté par l’enfant, « objet » de l’affection et des soins de sa mère, alors perçue comme toute-puissante. Cela provoque une angoisse dont l’enfant se débarrasse très tôt par le jeu et l’affirmation de son autonomie mais qui peut survivre sous forme de fantasmes destructifs (être dévoré, battu, châtré). Le père apparaît alors comme le sauveur[5].
Jacques Lacan
Pour Freud, l’angoisse de castration est au cœur du complexe d’Œdipe. Jacques Lacan complète l’analyse de Freud et Deutsch en l’articulant autour de la dichotomie castration imaginaire / castration symbolique.
Le petit enfant craint deux choses[4] : être l’objet de l’amour « dévorant » de sa mère tout autant que d’être abandonné par elle. Dans les deux cas, sa vie est en danger. Il faut la séduire. Pour la séduire, il faut lui apporter quelque chose qu’elle désire. La découverte que la mère ne possède pas de pénis et qu’elle a une « envie du pénis » n’arrange pas les choses, ne résout pas la dépendance de l’enfant vis-à-vis de la mère. Symboliquement, le père limite la toute-puissance de la mère, lui interdisant de jouir pleinement de son enfant ou de l’abandonner. Sauveur, il l’est à plus d’un titre, puisque la découverte que la mère est dépourvue de pénis s’accompagne de la réalisation que le père possède, lui, ce phallus que la mère désire, dédouanant ainsi l’enfant de l’obligation (et du souhait) de satisfaire la jouissance de la mère. Jusqu’ici, le destin de l’enfant, garçon ou fille, sont psychologiquement identiques et tous deux se séparent de la mère.
Le fils, soumis à l’angoisse de castration de la part d’un père perçu comme omnipotent, doit cesser d’entrer en compétition avec le père dans l’amour de la mère. Pour préserver sa virilité, il doit aussi renoncer à l’idée de se faire l’objet de la jouissance du père.
La petite fille fait « amie-amie » avec la mère ; en adoptant son « envie du pénis », elle tente de correspondre à l’imaginaire de ce que la mère désire. Par rapport à l’angoisse de la castration, elle n’a rien à craindre. Elle peut poursuivre dans son aspiration à se faire aimer du père fantasmé comme tout-puissant et (c’est la même chose) dont la jouissance est illimitée. C’est la définition du masochisme. Sa passivité et ce masochisme seront tempérés par les composantes actives de son idéal du moi.
Notes et références
- Article « sexualité » dans L’Apport freudien, Larousse, Paris, 1998, p. 519 et suivantes
- Sigmund Freud, Nouvelles conférences sur la psychanalyse, 5e conférence « La féminité »
- La Vie sexuelle, « Conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes ».
- Article « féminité » dans L’Apport freudien, Larousse, Paris, 1998, p. 177 et suivantes
- Hubert Benoit (1948-1949). Réédition : PUF-Quadridge, 1997 (ISBN 2130530583) Helene Deutsch, Psychologie des femmes (1944-1945). Traduction française par
Voir aussi
Bibliographie
- Sylviane Agacinski, Métaphysique des sexes : Masculin/Féminin aux sources du christianisme, Points-poche, 2007, (ISBN 2757802887)
- Marie-Joseph Bertini, Ni d'Eve ni d'Adam, défaire la différence des sexes, Max Milo, 2009.
- Ouvrage collectif avec Jean-Bertrand Pontalis,Pierre Fédida, Wilhelm Fliess, André Green, Joyce McDougall, Masud R Khan, Bisexualité et différence des sexes, Gallimard-folio, n°359, 2000, (ISBN 2070411869)
- Janine Chasseguet-Smirgel, Le corps comme miroir du monde, PUF, 2003.
- Janine Chasseguet-Smirgel, Les deux arbres du jardin : Essais psychanalytiques sur le rôle du père et de la mère dans la psyché, Des femmes, 2005, (ISBN 2721003593)
- Michel Fain et Denise Braunschweig, Éros et Antéros. Réflexions psychanalytiques sur la sexualité, Payot-poche, 1971.
- Sigmund Freud, Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes, 1925.
- Sigmund Freud, La vie sexuelle, PUF, 1969.
- Donald Meltzer, Les structures sexuelles de la vie psychique, Payot, 1977.
- Sabine Prokhoris, Le Sexe prescrit, la différence sexuelle en question, Paris, Flammarion, 2000.
- Jacqueline Schaeffer, Le Refus du féminin, PUF, 2003, (ISBN 2130489591)
- Monique Schneider, Le paradigme féminin, Flammarion-Champs, 2006, (ISBN 2080801570)
- Monique Schneider, Généalogie du masculin, Flammarion-Champs, 2006 (ISBN 2080801538)
- Michel Schneider, La confusion des sexes, Flammarion, 2007.
- Jean Cournut, Pourquoi les hommes ont peur des femmes ?, PUF, 2001 (ISBN 2130514251)
- Antoinette Fouque, Il y a 2 sexes, Le Débat, Gallimard,2004 (ISBN 2070770672)
Articles connexes
- Inégalités homme-femme, pour les aspects sociologiques
- Comparaison biologique entre la femme et l'homme, pour les aspects anatomiques
- Sigmund Freud
- Robert Stoller
Liens externes
- Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes de Sigmund Freud (1925)
- La différence des sexes : enjeux et débats contemporains (dossier en ligne)
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Catégorie :- Concept de psychanalyse
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