Accouchement sous X

Accouchement sous X
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Un accouchement sous X est une procédure par laquelle une mère accouchant en France décide d'abandonner le nouveau-né juste après l'accouchement, et que ce dernier, en principe, ne puisse jamais savoir qui l'a mis au monde. Le droit français prévoit toutefois, sous de strictes conditions, la possibilité de lever le secret.

La mère peut laisser son nom dans une enveloppe scellée en papier, ce qui, en cas de décès durant l'accouchement, facilite la rédaction de l'acte de décès.

Les motivations pour l'accouchement sous X sont diverses : impossibilité matérielle, psychologique ou sociale de s'occuper de l'enfant, absence de désir d'élever l'enfant, enfant né hors mariage ou issu d'un viol, absence du père de l'enfant.

Sommaire

Historique

La règle de droit romain Mater semper certa est (la mère est toujours connue de manière sûre) n'a pas été transcrite dans le droit français. Il existe en France une tradition ancienne d'abandon organisé d'enfants nouveau-nés, pour donner une alternative aux avortements, prohibés par l'Église catholique. On peut faire remonter cette pratique à l'époque de Vincent de Paul qui introduisit l'usage du tour, sorte de tourniquet placé dans le mur d'un hospice. La mère y déposait l'enfant puis sonnait une cloche. À ce signal de l'autre côté du mur, quelqu'un faisait basculer le tour et recueillait le nourrisson. En créant l'œuvre des Enfants trouvés en 1638, saint Vincent de Paul eut pour objectif de lutter contre les infanticides, les avortements ou les expositions.

La prise en compte de l'accouchement dans l'abandon secret est l'œuvre de la Révolution française. En 1793, la Convention nationale vota le texte suivant :

«  Il sera pourvu par la Nation aux frais de gésine de la mère et à tous ses besoins pendant le temps de son séjour qui durera jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement rétablie de ses couches. Le secret le plus inviolable sera conservé sur tout ce qui la concerne. »

Le système d'abandon dans le tour a été supprimé par une loi du 27 juin 1904 qui instaura le système du « bureau ouvert » (ouvert jour et nuit pour laisser à la femme la possibilité de déposer secrètement un enfant sans décliner son identité, tout en lui indiquant les conséquences de l'abandon et en lui proposant des secours). La tradition d'aide à la maternité secrète amena le gouvernement de Vichy à adopter le décret-loi du 2 septembre 1941 sur la protection de la naissance. Celui-ci organisait l'accouchement anonyme et la prise en charge gratuite de la femme enceinte pendant le mois qui précède et le mois qui suit l'accouchement dans tout établissement hospitalier public susceptible de lui donner les soins que comporte son état. Ce texte fut abrogé puis repris par les décrets du 29 novembre 1953 et du 7 janvier 1959, avant d'être modifié en 1986 puis par la loi du 8 janvier 1993 et enfin par la loi du 22 janvier 2002, pour devenir l'article 47 du Code de la famille et de l'aide sociale puis l'actuel article L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles.

Textes légaux

L'accouchement sous X relève essentiellement de trois textes :

Article 326 du code civil français
Lors de l'accouchement, la mère peut demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé.
Article L222-6 du code de l'action sociale et des familles
Toute femme qui demande, lors de son accouchement, la préservation du secret de son admission et de son identité par un établissement de santé est informée des conséquences juridiques de cette demande et de l'importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire. Elle est donc invitée à laisser, si elle l'accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité. Elle est informée de la possibilité qu'elle a de lever à tout moment le secret de son identité et, qu'à défaut, son identité ne pourra être communiquée que dans les conditions prévues à l'article L. 147-6. Elle est également informée qu'elle peut à tout moment donner son identité sous pli fermé ou compléter les renseignements qu'elle a donnés au moment de la naissance. Les prénoms donnés à l'enfant et, le cas échéant, mention du fait qu'ils l'ont été par la mère, ainsi que le sexe de l'enfant et la date, le lieu et l'heure de sa naissance sont mentionnés à l'extérieur de ce pli. Ces formalités sont accomplies par les personnes visées à l'article L. 223-7 avisées sous la responsabilité du directeur de l'établissement de santé. À défaut, elles sont accomplies sous la responsabilité de ce directeur.
Les frais d'hébergement et d'accouchement des femmes qui ont demandé, lors de leur admission dans un établissement public ou privé conventionné, à ce que le secret de leur identité soit préservé, sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département siège de l'établissement.
Sur leur demande ou avec leur accord, les femmes mentionnées au premier alinéa bénéficient d'un accompagnement psychologique et social de la part du service de l'aide sociale à l'enfance.
Pour l'application des deux premiers alinéas, aucune pièce d'identité n'est exigée et il n'est procédé à aucune enquête.
Les frais d'hébergement et d'accouchement dans un établissement public ou privé conventionné des femmes qui, sans demander le secret de leur identité, confient leur enfant en vue d'adoption sont également pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département, siège de l'établissement.
Article 57 du code civil français
[…] Si le père et la mère de l'enfant naturel, ou l'un d'eux, ne sont pas désignés à l'officier d'état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet.
Les prénoms de l'enfant sont choisis par son père et sa mère. La femme qui a demandé le secret de son identité lors de l'accouchement peut faire connaître les prénoms qu'elle souhaite voir attribuer à l'enfant. À défaut ou lorsque les parents de celui-ci ne sont pas connus, l'officier de l'état civil choisit trois prénoms dont le dernier tient lieu de nom de famille à l'enfant. […]

Recherche des parents

Lorsqu'il a atteint "l'âge de discernement" et avec "l'accord de ses représentants légaux" (loi n°2007-293 réformant la protection de l'enfance), l'enfant peut légalement avoir accès aux informations laissées par ses parents.

En 2002, Ségolène Royal a poussé à la création du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (Cnaop), institué par la loi du 22 janvier 2002, afin de faciliter la recherche des parents. Cet organisme permet de faire le tampon entre l'enfant et la mère : si l'enfant contacte directement la mère, cela pourrait se passer de manière difficile et entraîner un rejet ; l'intervention d'un organisme neutre pourrait faciliter la création de liens entre la mère et l'enfant.

Dès sa prise de fonction, Christian Jacob, ministre délégué à la famille du gouvernement Raffarin, démet de ses fonctions le président nommé par Ségolène Royal, Pierre Verdier, acteur très engagé en faveur du « droit à la connaissance des origines », et nomme une présidence plutôt favorable au maintien du secret et du droit à la vie privée de la mère.

Contentieux

Les contentieux peuvent opposer des ascendants de l'enfant (père, mère ou grands-parents), ainsi que l'enfant lui-même. L'enfant peut tenter de requérir, contre la volonté de sa mère, la levée du secret, dans le souci de connaître ses origines. Le père, quant à lui, peut vouloir être reconnu dans sa paternité, contre la volonté de la mère, qui a accouché sous X. Enfin, la mère, bien entendu, peut vouloir conserver le secret de l'accouchement, événement douloureux.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a eu l'occasion de statuer sur la régularité du droit français au regard du droit européen concernant l'accouchement sous X, dans le cadre d'un contentieux entre la mère et l'enfant (Odièvre c. France, 2003). L'intérêt de l'enfant à connaître son origine familiale est reconnu comme une composante du droit à la vie privée, défendu par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais elle relève d'autre part « l’intérêt d’une femme à conserver l’anonymat pour sauvegarder sa santé en accouchant dans des conditions médicales appropriées. Il s’agit de deux intérêts difficilement conciliables concernant deux adultes jouissant chacune de l’autonomie de sa volonté » et souligne que « l’intérêt général est également en jeu dans la mesure où la loi française a pour objectif de protéger la santé de la mère et de l’enfant lors de l’accouchement, d’éviter des avortements en particulier clandestins et des abandons « sauvages ». Le droit au respect de la vie n’est ainsi pas étranger aux buts recherchés par le système français. » [1]

La CEDH a finalement jugé que :

«  la législation française tente ainsi d’atteindre un équilibre et une proportionnalité suffisantes entre les intérêts en cause. En conséquence, la Cour estime que la France n’a pas excédé la marge d’appréciation qui doit lui être reconnue en raison du caractère complexe et délicat de la question que soulève le secret des origines au regard du droit de chacun à son histoire, du choix des parents biologiques, du lien familial existant et des parents adoptifs. Dès lors, il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention[1]. »

En ce qui concerne l'intérêt du père, la procédure de l'accouchement sous X est critiquée par certains « mouvements paternels » qui en demandent soit la suppression, soit l'aménagement [réf. nécessaire]. Ils suggèrent par exemple qu'obligation soit faite à la mère d'indiquer l'identité du père, qui serait obligatoirement consulté avant toute prise de décision. La procédure, affirment-ils, serait « discriminatoire » à l'encontre des pères, puisqu'elle peut se dérouler sans leur consentement et parce qu'ils n'auraient pas, selon eux, de droit équivalent (ils ont néanmoins la possibilité de refuser la déclaration de paternité).

Le 7 avril 2006, après un feuilleton judiciaire de cinq ans et des décisions contradictoires, le père d'un jeune garçon qu'il avait reconnu en 2000 avant la naissance, mais dont la mère avait accouché sous X sans l'en avertir, a bénéficié d'une décision favorable de la Cour de cassation[2]. Celle-ci lui reconnaît le droit à exercer pleinement sa paternité, et annule l'adoption plénière prononcée par la Cour d'appel de Nancy. Certains pensent que cette décision devrait faire jurisprudence [réf. nécessaire] et empêcher désormais certaines mères d'exercer un droit de veto contre le père lorsque celui-ci désire effectivement élever l'enfant. Finalement, la famille adoptive de l'enfant et le père biologique sont parvenus à un accord : les parents adoptifs continuent d'élever l'enfant, qui est adopté avec une adoption simple et non plénière. Le père biologique garde donc un lien juridique avec son fils. En outre, il garde le contact avec son fils.

Un "sous X" au masculin ?

La procédure représente clairement, après l'IVG, une deuxième possibilité pour les mères potentielles de renoncer à un enfant alors que la grossesse est déjà engagée, et peut donc être interprétée comme un privilège féminin. C'est pourquoi la juriste Marcela Iacub propose une procédure parallèle concernant les pères potentiels : informé de la grossesse de sa partenaire, si celle-ci souhaite la mener à terme alors que lui ne désire pas d'enfant, le père pourrait par un document écrit renoncer à toute responsabilité concernant l'enfant à naître, et être ensuite automatiquement protégé contre une procédure de recherche en paternité [réf. nécessaire]. En d'autres termes, Iacub pencherait vers une protection de la vie privée du père équivalente à celle accordée à la mère accouchant sous X, tous deux au détriment de la recherche par l'enfant de ses origines.

Position des grands-parents

Pour la première fois, en France, un juge des référés autorisa le 8 octobre 2009 des grands-parents à prouver leur lien de filiation avec leur petite-fille qui était née sous X, bravant la jurisprudence constante de la Cour de cassation à cet égard[3]. Le magistrat avait relevé « l'attitude ambigüe de la mère » qui avait permis aux grands-parents de voir l'enfant né prématurément peu après sa naissance, « établissant ainsi un lien avec le bébé » [4].

En avril 2010 le tribunal de grande instance a rejeté la demande de garde de la petite-fille effectuée par ses grand-parents biologiques, suivant ainsi la volonté de la mère[5]. Dans ce sens, le tribunal a rejeté le recours déposé par les grand-parents contre l'arrêté d'acception de l'enfant comme pupille de l'Etat, l'expertise génétique effectuée étant contraire à l'article 16.11 du Code civil[6]. Or, un arrêt de la cour d'appel d'Angers en date du 26 janvier 2011 a rendu une décision contraire, permettant ainsi au grands-parents d'obtenir finalement la garde[7].

Notes et références

  1. a et b Cour européenne des droits de l'homme, Odièvre c. France, arrêt de Grande chambre, 13 février 2003. Communiqué de presse
  2. Cass., civ. 1ere, communiqué de presse sur l'arrêt du 7 avril 2006
  3. Civ. 1re, 8 juill. 2009, RTD civ. 2009. 708, note J. Hauser
  4. Bébé né sous X : des grands-parents peuvent prouver leur filiation, Ouest France, 8 octobre 2009
  5. Née sous X : les grands-parents n'obtiennent pas la garde, Le Figaro, 26 avril 2010
  6. TGI Angers, 26 avr. 2010, RG n° 10/00171, obs. C. Le Douaron, « Grands-parents d'un enfant né sous X », Dalloz.fr, 21 mai 2010
  7. Les grands-parents obtiennent finalement la garde, L'Express, 26 janvier 2011]

Annexes

Articles connexes

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Accouchement sous X de Wikipédia en français (auteurs)

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