Crânes de cristal

Crânes de cristal

Crâne de cristal

Un crâne de cristal

Un crâne de cristal est une représentation en cristal de roche d'un crâne humain. La popularité de ce type d’artefact débute au XIXe siècle parmi les amateurs d'antiquités mésoaméricaines précolombiennes. Considérés comme représentatifs des cultures aztèque et maya, les exemplaires les plus prestigieux sont le « crâne de Paris » (aujourd'hui au Musée du quai Branly) et le « crâne de Londres » (British Museum), qui ont fait l’objet de nombreux articles et dont le prêt aura souvent été sollicité. Par ailleurs, ces objets ont attiré dès le début du XXe siècle les amateurs d'ésotérisme, qui leur prêtaient une origine surnaturelle, ainsi que des pouvoirs de guérison physique et spirituelle. Le plus remarquable était celui que l’explorateur F.A. Mitchell Hedges prétendait avoir découvert dans les années 1920 au Belize.

Les fouilles du XXe siècle ne confirment pas la place supposée du crâne de cristal dans les cultures précolombiennes. Dans les années 1990, les pièces des collections publiques font l’objet d’expertises dont les résultats semblent indiquer qu’il s’agirait de créations tardives du XIXe siècle, ou tout au moins de l’époque coloniale pour les plus anciennes. Néanmoins, les crânes de cristal gardent leur pouvoir de fascination[1]. Malgré la remise en question de leur authenticité, ceux de Paris et de Londres ont retrouvé leur place dans les expositions et le monde New Age croit toujours en leur pouvoir.

Sommaire

Le crâne de cristal de F. A. Mitchell-Hedges

Le crâne de cristal le plus connu des amateurs d'ésotérisme est celui de l'explorateur britannique Frederick Albert Mitchell-Hedges (1882-1959), découvert selon ses dires en 1924 (1927 selon sa fille) par sa fille adoptive, Anna Mitchell-Hedges, dans les ruines d'un temple de la cité maya de Lubaantun au Belize. Elle est autorisée à participer aux fouilles archéologiques à l'occasion de l'anniversaire de ses 17 ans et découvre le crâne au cours de son travail, ce qui a fait dire à certains qu'il s'agissait d'un cadeau préparé à l'avance et non d'une découverte fortuite.

En réalité, les fouilles ont été organisées en 1925 par la commission maya du British Museum, dont Mitchell-Hedges était membre. Quand il retourne en Grande-Bretagne en 1950, il prétend que son crâne de cristal a plus de 3 600 ans et qu’il a servi aux prêtres mayas pour des rites ésotériques, ce qu’il certifie dans son autobiographie en 1954 [2]. Joe Nickell, un enquêteur américain, a découvert que le crâne de cristal appartenait en 1936 à Sidney Burney, un marchand d’art londonien qui l’avait mis aux enchères de Sotheby's à Londres (lot 54) en 1943, mais ne le vendra qu’en 1944 pour 400 livres à Mitchell-Hedges[3],[4].

L'objet est soumis à l'étude d'un conservateur et restaurateur d'art, Frank Dorland, qui dit avoir effectué ses expériences dans les laboratoires de Hewlett-Packard. Dorland avait rencontré Dick Garvin, écrivain et rédacteur publicitaire qui travaillait pour Hewlett-Packard. Celui-ci réussit à convaincre les scientifiques du laboratoire de cristallographie de la société basée à Santa Clara (Californie) d’étudier le crâne. Il conclut qu'il se trouve en face d'une « anomalie », si l'on tient compte des limitations techniques des civilisations précolombiennes : il aurait fallu plusieurs centaines d'années de travail continu pour obtenir ce résultat avec les outils dont disposaient les Mayas. Toutefois, l'étude a été commanditée par F. A. Mitchell-Hedges lui-même et les résultats ne sont pas revendiqués par le laboratoire. Malgré la qualité reconnue des spécialistes impliqués, les sceptiques mettent donc en doute l'objectivité et la rigueur de l'analyse. Par ailleurs, Mitchell-Hedges est aux yeux de beaucoup de ses contemporains un personnage romanesque à la réputation sulfureuse d'aventurier ayant tendance à enjoliver la réalité.

Autres crânes de cristal célèbres

Crâne de cristal au Musée du quai Branly, Paris
  • Collections publiques
    • Le crâne dit « de Paris », présenté autrefois au Musée de l'Homme du Palais de Chaillot, Trocadéro, et désormais dans les collections du Musée du quai Branly, est en quartz limpide d'une grande pureté, comme le crâne de Mitchell-Hedges. Il mesure 11 cm de haut et pèse presque 2,8 kg ; sa mâchoire n'est pas séparée du reste du crâne. Il a la particularité d'être traversé de haut en bas par un orifice de forme bi-conique, indication qu'il a été fait à la main. Offert par l’explorateur Alphonse Pinart en 1878, il fut le premier à entrer dans un musée. Selon Jacques Lévine, conservateur de la collection américaine du Musée de l'Homme, il a longtemps été considéré comme un chef-d’œuvre aztèque représentant Mictecacihuatl, divinité de la mort. Il est désormais rangé parmi les imitations fabriquées au XIXe siècle en Allemagne à partir de quartz brésilien, fournies par l’antiquaire Eugène Boban de qui A. Pinart tenait une partie de sa collection[5]. Néanmoins, selon le British Museum, il est possible que certains crânes perforés aient été fabriqués au Mexique à l’ère coloniale pour servir de base à des croix catholiques.
    • Le crâne dit « de Londres » est conservé au British Museum. Il n'est pas translucide mais opaque. Il est considéré depuis la fin des années 1990 comme l’une des imitations venues de E. Boban, qui l’avait tout d’abord proposé sans succès au Smithsonian Institute. Il fut finalement acquis par Tiffany's, New York, à qui le musée le racheta en 1898 pour l’exposer comme objet précolombien.
    • Le crâne de la Smithsonian Institution à Washington est le plus grand (25,5 cm sur 22,5 cm) et le plus lourd (14 kg). Il n'est pas transparent, mais translucide et trouble. Il n'a pas la mâchoire séparée du crâne, mais il est creux avec des orbites vides à la façon d’un vrai fossile. Donné en 1990 par une personne disant en avoir fait l’acquisition dans les années 1960 au Mexique, il a tout d’abord été mis de côté en attendant le résultat d’une expertise. Celle-ci a rendu publics pour la première fois en 1992 les doutes portant sur l’authenticité des grands crânes de cristal.
  • Collections privées ; propriété de pratiquants New Age ou de guérisseurs, leur provenance supposée n’a fait l’objet d’aucune vérification officielle :
    • Crâne détenu par Nick Nocerino (décédé en 2004), découvert par lui-même dans un temple mexicain de l'état du Guerrero. Inspiré par un shaman, il l’a surnommé Sha-Na-Ra.
    • Crâne de cristal offert à Joann Parks par Norbu Chen, guérisseur tibétain ; il est surnommé Max ou crâne du Texas.

Remise en question de l'ancienneté des crânes de cristal

Eugène Boban, fournisseur des crânes de Paris et Londres

Les analyses récentes commanditées par les musées remettent en question l'origine amérindienne des crânes de cristal. La première fut effectuée en 1992 par la Smithsonian Institution à l’occasion de l’expertise d’un crâne proposé par un collectionneur. Le doute planait déjà, les fouilles effectuées au XXe siècle en Mésoamérique n’ayant jamais mis au jour de tels objets. Par ailleurs, des traces d’usage d'instrument rotatif avaient été remarquées sur la surface du crâne de Londres dès 1950[6].

Jane MacLaren Walsh, chercheuse de la SI, proposa en conclusion que les crânes les plus anciens comme ceux de Londres et Paris étaient des faux fabriqués probablement en Allemagne entre 1867 et 1886 à partir de cristal brésilien[7]. Ils proviennent tous de la même source : Eugène Boban Duvergé. Cet antiquaire français installé tout d’abord au Mexique avait gagné la réputation de spécialiste en matière d’antiquités américaines et a fourni une grande partie des pièces acquises au XIXe siècle par les musées français, dont le Musée de l’Homme. Si la grande majorité de ses collections sont d'authentiques antiquités, des imitations se sont glissées dans le lot. Ainsi, en 1886, il quitte le Mexique pour New-York, le musée de Mexico ayant refusé à grand fracas un crâne de cristal considéré comme faux[3],[8].

Le crâne de Londres a bénéficié d'une première analyse en 1996, puis d’une plus poussée en 2004, qui tendrait à prouver qu'il s'agit d'un faux[9]. Des observations au microscope électronique ont permis de détecter sur la surface du crâne des marques droites et parfaitement espacées, qui apportent la preuve de l'utilisation d'une roue de polissage moderne. Un polissage manuel aurait conduit à la formation de minuscules traces réparties aléatoirement.

Pour les sceptiques, les crânes de cristal sont donc probablement des objets récents et leurs caractéristiques n'ont rien de mystérieux si l'on admet qu'ils ont été réalisés avec des instruments modernes. Lors des premières analyses des crânes, les difficultés liées à la datation des objets en quartz laissaient planer une part de mystère sur leur origine. Une méthode de datation basée sur l'hydratation du quartz [10] a permis de déterminer que les crânes avaient été réalisés entre environ 1770 et 1920[11]. Aucun d'eux n'a été mis au jour dans le cadre de fouilles archéologiques.

Ésotérisme et légende

Selon les amateurs d'ésotérisme, dont la mouvance new age, les crânes de cristal ont une origine et des pouvoirs surnaturels, comme celui de guérir ou de réfléchir la lumière en la projetant par les orbites. Mitchell-Hedges avait entouré son crâne, qu’il avait surnommé « crâne du destin funeste » (Skull of Doom), d’une aura un peu maléfique en prétendant que les prêtres mayas l’utilisaient pour des opérations de magie noire, mais les adeptes du new age les considèrent généralement comme des objets positifs. Ils reprennent à leur compte des éléments du folklore mésoaméricain, comme la légende des crânes qui enrichissent ou celle des crânes chantants, ainsi qu'une légende d’esprit nationaliste datant, selon l’américaniste F. Gendron, du XIXe siècle : il existerait au Mexique douze crânes de cristal cachés lors de la conquête espagnole ; quand ils seront réunis, l’empire aztèque se reconstituera.

Selon les amateurs d'ésotérisme modernes, il y aurait un treizième crâne - le crâne dansant - qui doit être placé au centre d’un cercle constitué par les douze autres. Ces objets, transmis aux anciens peuples par des extraterrestres ou des Atlantes, seront rassemblés lorsque l’Humanité sera prête et lui révéleront sa mission et son avenir. On dit parfois que les douze crânes sont féminins et le treizième masculin.

Certaines structures se proposent de rassembler les aficionados des crânes, comme la Crystal Skulls Society International fondée en 1945 et basée en Californie, ou le World Mystery Research Center fondé en 2001 et basé aux États-Unis et en Hollande. L’intérêt pour les crânes de cristal est lié à la lithothérapie, et de manière générale aux pseudosciences. Les adeptes encouragent les expériences visant à prouver les propriétés physiques extraordinaires des crânes et établissent des parallèles entre ces objets et la science moderne : selon certains, les crânes de quartz seraient des sortes d’ordinateurs contenant une infinité d’informations. Les adeptes ne s’intéressent pas seulement aux treize crânes mythiques ou aux crânes anciens, mais considèrent que des modèles de fabrication moderne peuvent aussi être détenteurs de pouvoirs ; comme tous les objets en quartz, leur puissance dépend aussi de la qualité de la matière. Il existe ainsi un commerce de crânes anciens ou récents, entretenu par des expositions et sites vantant leur pouvoir guérisseur.

Une vieille légende d'origine maya soutient que la fin du monde aura lieu le 21 décembre 2012. Pour que la Terre soit sauvée et pour le salut de l'espèce humaine, selon cette légende, les 13 crânes doivent être réunis[12].

Références dans la culture populaire

Littérature

  • Un crâne constitue la clé du trésor de Mary Read dans Lady Pirate de Mireille Calmel.
  • Le roman Atlantide de Clive Cussler fait aussi référence aux crânes de cristal.
  • Le roman Les démons des temps immobiles de Dan Chartier est centré sur les crânes de cristal.
  • Un crâne de cristal précolombien apparaît dans Le Soulier de satin de Paul Claudel, où il est l'objet d'une longue méditation.

Cinéma

  • Les crânes de cristal ont inspiré le sujet du film Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal de Steven Spielberg.
  • Ils sont au centre de l'histoire du film House 2 : la deuxième histoire, où ils confèrent à leurs détenteurs la vie éternelle.
  • Le film Le Fantôme du Bengale a aussi pour sujet les crânes de cristal. Des aventuriers tentent de réunir tous les crânes qui, une fois ensemble, donneront à leur propriétaire des pouvoirs surhumains.
  • Dans le film " Disaster Movie " un crâne de cristal semble être à l'origine de plusieurs catastrophes naturelles et d'évènements surprenants.

Télévision

  • Un épisode de Stargate SG-1 (#3-21) donne à ce type de crâne la capacité, pour ceux qui le regarde droit dans les yeux, de se déplacer dans un temple situé sur une autre planète quelque part dans l'univers. Ce temple étant habité par une race de "géants" extraterrestre ennemie des Goa'uld. Par contre si le processus est interrompu, la personne ne se retrouve pas dans le temple en question mais est simplement « déphaser », c'est à dire invisibles et intangibles pour le reste du monde, sauf ceux qui partagent l'expérience. Daniel Jackson en fait les frais.

Notes et références

  1. Dossier de presse de l’exposition D’un regard l’Autre, 19 septembre 2006 - 21 janvier 2007, Musée du Quai Branly
  2. « Danger, my ally » (Le danger, mon allié)
  3. a  et b « Crânes de cristal », Dictionnaire sceptique.
  4. « À la recherche des crânes de cristal », Le Nouvel Observateur
  5. Exposition du Quai Branly ; brève description du crâne de Paris p.25[pdf]
  6. (en)'Aztec' crystal skull 'likely to be fake' Jan 7 2005 IC Wales.co.uk
  7. Jane MacLaren Walsh Crystal Skulls and Other Problems, Smithsonian Institute Press, Washington DC, 1996.
  8. Pascal Riviale Eugène Boban ou les aventures d’un antiquaire au pays des américanistes, JSA, 2001
  9. Article de The Independent du 7 janvier 2005, Steve Connor.
  10. Cette méthode consiste à mesurer l'épaisseur de la couche d'eau, de l'ordre du micromètre, qui s'infiltre dans le cristal au fil du temps.
  11. Documentaire Arte
  12. Par Mark Stevenson, The Associated Press

Bibliographie

  • Chris Morton et Ceri Louise Thomas, Le mystère des crânes de cristal, collection Aventure secrète, éditions J'ai lu 2003, rééditions 2006, 540 p.
  • Stéphane Crussol, Les pouvoirs magiques des crânes de cristal, Ed. Cristal, 2008, 160 p. ISBN 9782848950525

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